Quand il raconte sa vie, Serge Toubiana redevient très vite le gamin de Sousse, cette petite ville de Tunisie en bord de mer où il a grandi, dans une famille heureuse. Très vite aussi reviennent les premiers souvenirs de cinéma, comme « La Strada « , le film de Fellini, qui l’effraya au plus haut point.La famille et le 7ème art, voilà peut-être les deux piliers qui ont façonné Serge Toubiana. Arrivé en France à l’adolescence, il découvre le cinéma de la Nouvelle Vague, les réalisateurs et les acteurs en vogue et se...
Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Présentation - Suite
Philippe Chauveau: Bonjour Serge Toubiana.
Serge Toubiana : Bonjour
Philippe Chauveau : Merci d'être avec nous pour présenter ce livre publié chez Arléa : Le fils de la maîtresse, qui prend place dans une série de livres, de livres, de souvenirs notamment que vous avez déjà commis. Mais c'est vrai que lorsque l'on prononce votre nom, Serge Toubiana, c'est tout de suite l'écran qui jaillit, puisque vous êtes un grand nom du monde du cinéma.
Philippe Chauveau : Il y a eu Les Cahiers du cinéma en tant que journaliste, que...
Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Portrait - Suite
Philippe ChauveauVous le racontez effectivement dans les toutes premières pages, Serge Toubiana, c'est dans un avion que naît ce livre : Le fils de la maîtresse. Vous vous dites dans cet avion qui vous ramène en France, personne ne m'attend à l'arrivée. Ma compagne est décédée, ma mère est morte et il y a cette solitude qui vous envahit. Et pour autant, ce livre est plein de joie de vivre, plein de soleil, plein de bonne humeur. Puisque vous allez nous raconter votre famille, vos parents et plus spécifiquement votre mère....
Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Livre - Suite
Serge Toubiana
Le fils de la maitresse
Présentation 00'02'52"Quand il raconte sa vie, Serge Toubiana redevient très vite le gamin de Sousse, cette petite ville de Tunisie en bord de mer où il a grandi, dans une famille heureuse. Très vite aussi reviennent les premiers souvenirs de cinéma, comme « La Strada « , le film de Fellini, qui l’effraya au plus haut point.
La famille et le 7ème art, voilà peut-être les deux piliers qui ont façonné Serge Toubiana. Arrivé en France à l’adolescence, il découvre le cinéma de la Nouvelle Vague, les réalisateurs et les acteurs en vogue et se fait un nom dans le métier. 50 ans plus tard, Serge Toubiana affiche sur son CV ses années dans les pages des Cahiers du Cinéma, son rôle et tant que directeur de la Cinémathèque française et aujourd’hui sa place à la présidence d’Unifrance, en charge du rayonnement du cinéma français à l’étranger.
Serge Toubiana a consacré de nombreux ouvrages à sa passion. Que ce soit sur François Truffault, le réalisateur japonais Yasujiro Ozu ou Jean Renoir, des livres sur des acteurs et actrices célèbres, des films mythiques, des histoires du cinéma… Il aime faire partager sa passion.
Mais Serge Toubiana aime aussi partager ses souvenirs. Et là vient se glisser une mélancolie qu’il revendique pleinement. « Les fantômes du souvenir » par exemple, en 2016, dans lequel il évoque les grandes rencontres qui ont marqué sa vie, et plus personnel encore, « Les bouées jaunes » en 2018, hommage à sa compagne décédée, la romancière et scénariste Emmanuelle Bernheim.
Voici aujourd’hui « Le fils de la maitresse » aux éditions Arléa.
Un avion entre Toronto et Paris, à l’automne 2019. Confortablement installé en classe affaire, Serge Toubiana laisse vagabonder son âme. Et la solitude arrive. Personne ne l’attend plus à l’arrivée. Quelques mots griffonnés en plein ciel puis la plume qui court dans les semaines qui suivent. Serge Toubiana va raconter son enfance, sa famille et plus précisément sa mère, Georgette.
Au fil de ce livre très personnel, touchant, pudique, c’est une vie simple qui s’offre à nous, une enfance heureuse, choyée entre cette mère institutrice, ce père horloger, tous deux militants communistes convaincus. Il y a le soleil de Tunisie puis l’exil vers Grenoble, de nouveaux repères avec le cinéma en toile de fond, le temps qui court, l’affection qu’on ne sait pas toujours montrer.
La plume de Serge Toubiana est belle, émouvante, poétique et littéraire, sans être jamais dans le pathos. A travers ces gens sans artifice mais authentique, chacun pourra plaquer ses propres souvenirs, sa propre nostalgie.
Récompensé par le Prix Marcel Pagnol, le livre de Serge Toubiana est un coup de cœur.
« La fils de la maîtresse » est publié chez Arléa.
Serge Toubiana
Le fils de la maitresse
Portrait 00'07'54"Philippe Chauveau: Bonjour Serge Toubiana.
Serge Toubiana : Bonjour
Philippe Chauveau : Merci d'être avec nous pour présenter ce livre publié chez Arléa : Le fils de la maîtresse, qui prend place dans une série de livres, de livres, de souvenirs notamment que vous avez déjà commis. Mais c'est vrai que lorsque l'on prononce votre nom, Serge Toubiana, c'est tout de suite l'écran qui jaillit, puisque vous êtes un grand nom du monde du cinéma.
Philippe Chauveau : Il y a eu Les Cahiers du cinéma en tant que journaliste, que rédacteur en chef. Et puis aujourd'hui, Unifrance. Cette passion du cinéma, vous l'avez racontée dans certains de vos ouvrages. Mais comment naît-elle ? Pourquoi avez vous été fasciné depuis votre enfance par la magie du cinéma ?
Serge Toubiana : D’abord, je crois que tous ceux qui aiment le cinéma l'aiment depuis qu’ils sont enfants.
Serge Toubiana: Je ne connais pas d'adulte qui découvre le cinéma. Voyez le cinéma, ça fait, ça rentre dans, c'est rentré dans ma vie quand j'avais sept ou huit ans. Je suis né à Sousse, une ville, une jolie petite ville de Tunisie, et c'était il y a longtemps, je suis né en 49. Dans toutes les années 50, on avait deux loisirs possibles : la plage quand il faisait, en été, on se baignait tout le temps.
Serge Toubiana : Je le raconte dans le livre, je parle de mes bains de mer avec ma mère et mes deux sœurs, avant que mon frère naisse, plus tard. Et puis le cinéma, mes parents nous encourageaient à aller au cinéma. Et puis, dans les années d'adolescence, nous sommes arrivés en 1962 à Grenoble. Ma mère a été muté à Grenoble. Là, j'ai fondé un ciné club au lycée Champollion,
Serge Toubiana : j'ai découvert des films. J'ai eu une révélation dans ma vie, dans ma jeunesse, ça a été Pierrot le fou de Jean-Luc Godard : 1965, Pierrot le fou, Jean-Luc Godard, Belmondo, Karina. J'avais seize ans. Ça a été une révélation.
Philippe Chauveau : Vous avez l'impression qu'à ce moment là, alors il y avait eu Pierrot le fou, la Strada aussi, qui, plus jeune, avait été marquant.
Serge Toubiana :L’Astrada, c’est un traumatisme
Philippe Chauveau : Vous l'avez raconté dans un précédent ouvrage. Mais ça veut dire que très vite, vous vous dites, « le cinéma, ce sera mon avenir professionnel » ?
Serge Toubiana : Pas du tout. Ce n'est pas du tout, en terme professionnel, ce n'est pas du tout.
Philippe Chauveau :Vous saviez que ce serait une passion pour la vie
Serge Toubiana :Une passion d'enfance, puis d'adolescence. A l'époque, on ne se posait pas les problèmes.
Serge Toubiana : Je n'avais pas la maturité pour me dire que j'en ferai un métier. Je ne savais pas quels étaient les métiers du cinéma. Tout d'un coup, le cinéma m’est apparu ou réapparut comme une espèce de vocation. Je ne sais pas laquelle et je suis venu à Paris. Donc ça fait 50 ans, 51 ans que je vis à Paris. Parce que, à l'époque 1971, après une crise un peu morale, je me suis dit « il faut que tu apprenne, étudie le cinéma ».
Serge Toubiana : Et à l'époque, il fallait venir à Paris. Donc je suis venu à Paris m'inscrire. Ma mère s'est mise à pleurer quand je lui ai dit que je partais, j'en parle dans mon livre aussi et j'ai appris le cinéma. Et là, j'ai fait des rencontres très fortes.
Philippe Chauveau : Qui vous ont permis ensuite de faire que le cinéma est devenu aussi votre métier.
Serge Toubiana : C'est devenu ma vocation.
Philippe Chauveau : Mais vous avez toujours choisi d'être dans l'ombre, c'est à dire qu'il n'y a jamais eu cette envie d'être devant la caméra, de jouer la comédie ou de réaliser. Vous vous êtes toujours dit « je reste à l’extérieur » ?
Serge Toubiana : Oui, il n'y avait pas de, enfin c'est un peu triste de le dire aujourd'hui, mais je n'avais pas l'ambition de devenir cinéaste.
Serge Toubiana : Je sentais, je devinais que c'était au dessus. Vous savez, j'ai beaucoup d'amis cinéastes, j'en ai rencontré des centaines, j'en ai interviewé beaucoup. Ce que j'aime chez les cinéastes, ce sont des qualités que je n'ai pas : la persévérance, l'obstination, une espèce d'idée fixe. Je les admire, mais moi, je n'aurais pas cette patience, je n'aurais pas cette obstination, je n'aurais pas cet entêtement.
Serge Toubiana : Moi, je suis assez éclaté. J'aime beaucoup de choses à la fois, je m’éparpille et j'ai eu la chance en devenant critique aux Cahiers du cinéma, puis rédacteur en chef, donc d'avoir des responsabilités, d'être dans cette espèce d'entre deux entre l'écran et le spectateur.
Philippe Chauveau : Alors ce qui veut dire que sur le plan du cinéma, vous n'avez pas souhaité être dans le domaine artistique.
Philippe Chauveau :
Mais en revanche, en prenant la plume, vous faites œuvre de créateur néanmoins.
Serge Toubiana : J’écris
Philippe : Est ce qu'il y a un parallèle, selon vous, entre ce goût pour la littérature que vous avez, cet amour des mots et cet amour du cinéma ?
Serge Toubiana : Oh oui ! Le premier geste du cinéaste, c'est d'écrire. Ce sont deux univers qui dialoguent très fertilement et facilement.
Philippe Chauveau : C'est vrai qu'aujourd'hui, on vous connaît aussi en librairie, puisque vous avez déjà commis plusieurs ouvrages.
Philippe Chauveau :
Il y a des livres vraiment consacrés au cinéma sur l'histoire du cinéma, etc. Et puis il y a aussi ces autres livres où vous vous confiez qui sont des livres de souvenirs. Il y a eu ce très bel ouvrage aussi, consacré à votre compagne défunte. Pourquoi ce besoin de prendre la plume ? Peut être pour tomber le masque ? pour oser dire par écrit des choses que vous n'arrivez peut être pas à dire à l'oral ?
Serge Toubiana : D'abord parce que le temps passe et que je vieillis. Je sens que c'est un peu la dernière séquence de ma vie. Enfin, la dernière. Elle peut durer encore, mais c'est la dernière séquence, que pendant toutes ces années, j'ai dirigé la Cinémathèque française, pendant treize ans, je n'ai pas écrit un livre tellement j'étais pris, occupé. Et puis j'ai quitté la Cinémathèque en 2016, exprès pour me dire « maintenant, écrit un peu les livres que tu n'as pas eu le temps d'écrire.
Serge Toubiana : Et puis vis mieux, vis plus » avec cette femme que j'ai adoré, aimé Emmanuèle Bernheim et à peine quitté la Cinémathèque française qu'elle a eu un cancer, un deuxième qui a fait qu'elle est morte. Et là je… d'abord, on n'avait pas d'enfant, elle ne voulait pas d'enfant. Ma vie était dévouée à elle et la sienne à moi. J'ai eu le réflexe d'écrire, une page la veille de sa mort, pour garder une image du bonheur, du bonheur que nous avions ensemble et du bonheur qu'elle avait elle d'aller nager vers les bouées jaunes.
Philippe Chauveau : d’où ce livre très lumineux sur le bonheur que vous avez écrit : Les bouées jaunes. J'ai quand même une question aussi sur l'écriture romanesque, parce que vous avez fait des livres sur le cinéma, vous faites des livres pour vous raconter, pour témoigner et garder souvenir de ceux qui vous ont été chers et qui vous sont chers aujourd'hui.
Philippe Chauveau : L'écriture romanesque pourrait elle aussi un jour prendre place dans votre, dans votre parcours, vous qui aimez le cinéma, qui aimez qu'on vous raconte des histoires sur grand écran ?
Serge Toubiana :C’est une question que, je vous remercie de me la poser. Mais je vais vous répondre un peu comme ça. C'est un peu la même réponse que pourquoi je n'ai pas fait de film, c'est que je ne m'autorise pas jusqu'à présent,
Serge Toubiana : mais le temps passe et le temps presse, à aborder la fiction. C'est comme si j'avais un empêchement, une sorte de pudeur, de ne pas oser ne ne pas savoir aussi. Parce que j'admire les romanciers, les romancières, ceux qui inventent des histoires et je ne suis pas sûr d'être capable de le faire. Mais la question se pose, la question se pose, il faut à un moment donné se jeter à l'eau et inventer et raconter.
Philippe Chauveau : Avez vous peut être l'impression que, finalement, la vie est plus belle, plus riche que n'importe quelle histoire inventée ? Que les personnages qui vous ont entourés sont les plus beaux personnages de romans que vous ayez ?
Serge Toubiana :Je pense aussi. J'ai rencontré des tas de gens dans ma vie. J'ai la chance, là je reviens du Festival de Cannes, je voyais des cinéastes sur scène qui ont eu la Palme d'or ou pas,
Serge Toubiana :je les ai rencontrés. Je vois Wim Wenders à un dîner, je vais l'embrasser, je le connais par cœur. On est amis depuis 40 ans, 30 ans. Moi, ma place elle est d'accompagner
Philippe Chauveau :De rester dans l’ombre
Serge Toubiana : D’être le témoin du temps. Non, ça, je vous le dis, je n'ai jamais dit à personne parce que je me dis, parce que le temps passe.
Serge Toubiana : Et ça fait longtemps que je suis dans cette fonction là, un peu bricolée, et je ne m'en lasse pas. Je n'ai pas fait le tour de la chose vous voyez, la chose reste mystérieuse. Le cinéma reste un monde mystérieux pour moi. Je crois le connaître, mais en fait je ne le connais pas. Je continue de l'aborder.
Philippe Chauveau : J'aime bien votre définition.
Philippe Chauveau : Vous êtes un témoin du temps. Votre actualité Serge Toubiana, le fils de la maîtresse, chez Arléa.
Serge Toubiana
Le fils de la maitresse
Livre 00'07'24"Philippe Chauveau
Vous le racontez effectivement dans les toutes premières pages, Serge Toubiana, c'est dans un avion que naît ce livre : Le fils de la maîtresse. Vous vous dites dans cet avion qui vous ramène en France, personne ne m'attend à l'arrivée. Ma compagne est décédée, ma mère est morte et il y a cette solitude qui vous envahit. Et pour autant, ce livre est plein de joie de vivre, plein de soleil, plein de bonne humeur. Puisque vous allez nous raconter votre famille, vos parents et plus spécifiquement votre mère. Vous saviez qu'un jour il y aurait un livre comme ça qui raconterait une sorte d'hommage ? Ou finalement, ça vous tombe dessus un peu par hasard ?
Serge Toubiana
Ça me tombe dessus complètement par hasard, dans cet avion revenant de Toronto juste avant la pandémie, c'était en 2019. Non, pas du tout, je ne m'attendais pas du tout.
Philippe Chauveau
Et ce sentiment de solitude que vous évoquez dans l'avion, c'est quelque chose que vous ressentez, que vous aviez déjà ressenti ce manque, ce manque maternel en l'occurrence ?
Serge Toubiana
J'ai une aptitude à la mélancolie. Ça fait partie, je crois que ça vient de ma mère aussi, parce que ma mère, j’en parle dans ce livre aussi, ma mère, je me souviens, quand j'étais enfant, elle employait le mot « neurasthénique », « je suis neurasthénique », elle disait la neurasthénie. On emploie plus ce mot. Or, ma mère était très dynamique, elle élevait.
Philippe Chauveau
Personnage solaire oui
Serge Toubiana
Elle nous élevait, elle avait trois enfants, puis un enfant, un frère qui est arrivé plus tard, Stéphane, dix ans après moi. Elle était donc institutrice et elle a élevé trois enfants. Aujourd'hui, je me dis « mais comment a t elle fait » ? Parce que donc, parfois, elle avait des excès de fatigue. Ou en colère contre mon père, son mari, qui n'était pas assez présent ou qui ne s'occupait pas assez de nous. Mais elle était vaillante. C'est un mot que j'aime beaucoup vaillant, toujours. Elle n'a jamais baissé les bras, même si parfois elle était envahie, elle disait, je suis, par la neurasthénie.
Philippe Chauveau
Dans cet avion qui vous ramène de Toronto en 2019, il y a cette solitude, ce manque qui vous envahit, vous griffonnez quelques mots sur un bout de papier et à quel moment vous dites vous « ça peut devenir un livre, j'ai envie de raconter ma mère » ?
Serge Toubiana
Peu après. Une fois arrivé à Paris, je cherchais un sujet pour un livre parce que j'en avait écrit un, c'était le confinement et je me suis dit : « écrit un livre sur ta mère », « je vais écrire un livre sur ma mère ». C'est un défi que je me suis lancé sans savoir absolument comment m'y prendre. Et puis en essayant de ne pas trop penser à tous les grands écrivains de la littérature française, qui ont écrit des livres merveilleux sur leur mère, je ne vais pas en citer mais il y en a quelques uns quand même.
Philippe Chauveau
Ce qui fait la force de ce livre, c'est qu'il est solaire, il est lumineux, il y a une nostalgie, certes, mais une nostalgie heureuse. Et cette force, c'est justement chacun peut s'approprier votre histoire. Certes, c'est Serge Toubiana qui parle de sa mère, mais finalement, chaque lecteur pourra coller sa propre histoire sur ce livre. Et puis, il faut qu'on parle de votre écriture parce que vous êtes un homme du cinéma et on sent que vous êtes aussi un amoureux des mots. Vous aimez la syntaxe vous aimez la musique des mots. Il y a beaucoup de poésie dans votre travail d'écriture. Comment travaillez vous justement cette écriture ? Parce que l'émotion affleure à chaque page, dans ce que vous écrivez.
Serge Toubiana
C’est vrai ?
Philippe Chauveau
Vous en êtes conscient lorsque vous l'écrivez ? Est ce que vous jetez comme ça les mots ou est ce qu'il y a un gros travail de réécriture derrière
Serge Toubiana
Il y a un travail. Vous savez, quand j’écris, alors là j'écris pas, mais je vais me remettre à écrire, c'est comme un établi voyez-vous. Je suis à mon établi et je me lance. Et le fait d'avoir été journaliste pendant très longtemps, fait que je n'ai pas de, je n'ai jamais eu de comment dire ?
Philippe Chauveau
L’appréhension de la page blanche n'existe pas.
Serge Toubiana
Ça a existé quand j'étais un jeune critique de cinéma je ne savais pas. J'avais beaucoup de douleur, mais là, pas du tout. Je travaille jusque vers 13 h 30, 14 h. J'écris l'après midi, non, je vais au cinéma, le soir, je vois des amis et le lendemain, je reviens dans mon établi et je lis ce que j'ai écrit la veille. Et ce que je lis, ce que j'ai écrit la veille ne m'appartient pas, c'est quelque chose et je suis dans un, j'ai un œil critique tout de suite. Qui a écrit ça ? Ça ne va pas, on reprend et c'est formidable. C'est à dire que j'ai cette théorie que j'ai inventée, qui ne vaut que pour moi. Mais je ne pense pas. C'est que le livre se fait à deux. Vous êtes l'auteur de ce que vous écrivez, mais le lendemain, c'est l'autre qui vous appelle. Vous faites un appel à ce que ce soit mieux, meilleur, plus mélodique, que les phrases s'enchaînent mieux, que les ruptures aussi. C'est dans cet entre deux que s'écrit le livre. Après, vous avez ce devoir d'être à l'écoute de ce que le manuscrit lui même vous demande de faire C'est quelque chose qui est une alchimie dont vous ne maîtrisez pas tous les éléments. Mais vous, vous devez d'être un peu l’orchestrateur, je ne sais comment.
Philippe Chauveau
Vous qui êtes un homme du cinéma, qui aviez donc une écriture plus journalistique, à l'origine, vous êtes vous découvert différemment en prenant cette plume, ? non pas une plume de romancier, mais en racontant vos souvenirs. Et comme je le disais, avec une vraie qualité littéraire. Vous êtes vous découvert différemment ? Est-ce un autre Serge Toubiana que vous ne soupçonniez pas ?
Serge Toubiana
Oui, oui, oui. Je vais vous faire une confidence aussi. Le fait d'avoir ce prix Marcel Pagnol, m’a... C'est la première fois que je reçois un prix dans ma vie d'écrivain ou de journaliste. J'ai eu une joie, comme un enfant, d'être comme si le maître d'école me donnait à un satisfécit, je ne sais pas. J'ai vraiment un sentiment de bonheur, de joie enfantine, parce que ce n'est pas n'importe quel prix. Il porte un nom magique pour moi, Marcel Pagnol. Et je me suis dit, ça veut dire que des gens ont lu non seulement que des gens, des êtres, ont lu mon livre et certains se sont battus pour qu'il ait ce prix. Je vous assure que ça, c'est une joie intime, extrêmement forte, parce que ça justifie le fait d'avoir écrit voilà.
Philippe Chauveau
Lorsque vous voyez ce gamin sur la couverture, c'est vous. Vous aviez six-sept ans. Vous avez envie de lui dire quoi à ce gamin ?
Serge Toubiana
Oui, tout le monde adore cette couverture. D'abord que je suis un garçon mignon et pas dangereux ni inquiétant comme cowboy.
Philippe Chauveau
Oui vous ne faites pas trop peur.
Serge Toubiana
Je ne fais pas trop peur. Je suis un petit enfant sage, déguisé en cowboy, donc le cinéma est déjà là dans ma vie, inconsciemment.
Philippe Chauveau
Et puis il y a le personnage de votre mère, quelque part derrière, de l’autre côté de l’objectif
Serge Toubiana
Ma mère est de l’autre côté
Philippe Chauveau
Vous lui dites quoi à ce gamin ?
Serge Toubiana
Je me retrouve, je me dis aussi que j'ai effectué un sacré chemin depuis.
Philippe Chauveau
Votre actualité Serge Toubiana, c’est ce livre magnifique, c'est un vrai coup de cœur. Ça s'appelle Le fils de la maîtresse et vous êtes publié aux éditions Arléa. C'est le livre pour lequel vous avez obtenu le prix Marcel Pagnol. Merci beaucoup.