Serge Toubiana

Serge Toubiana

Le fils de la maitresse

Livre 00'07'24"


Philippe Chauveau
Vous le racontez effectivement dans les toutes premières pages, Serge Toubiana, c'est dans un avion que naît ce livre : Le fils de la maîtresse. Vous vous dites dans cet avion qui vous ramène en France, personne ne m'attend à l'arrivée. Ma compagne est décédée, ma mère est morte et il y a cette solitude qui vous envahit. Et pour autant, ce livre est plein de joie de vivre, plein de soleil, plein de bonne humeur. Puisque vous allez nous raconter votre famille, vos parents et plus spécifiquement votre mère. Vous saviez qu'un jour il y aurait un livre comme ça qui raconterait une sorte d'hommage ? Ou finalement, ça vous tombe dessus un peu par hasard ?

Serge Toubiana
Ça me tombe dessus complètement par hasard, dans cet avion revenant de Toronto juste avant la pandémie, c'était en 2019. Non, pas du tout, je ne m'attendais pas du tout.

Philippe Chauveau
Et ce sentiment de solitude que vous évoquez dans l'avion, c'est quelque chose que vous ressentez, que vous aviez déjà ressenti ce manque, ce manque maternel en l'occurrence ?

Serge Toubiana
J'ai une aptitude à la mélancolie. Ça fait partie, je crois que ça vient de ma mère aussi, parce que ma mère, j’en parle dans ce livre aussi, ma mère, je me souviens, quand j'étais enfant, elle employait le mot « neurasthénique », « je suis neurasthénique », elle disait la neurasthénie. On emploie plus ce mot. Or, ma mère était très dynamique, elle élevait.

Philippe Chauveau
Personnage solaire oui

Serge Toubiana
Elle nous élevait, elle avait trois enfants, puis un enfant, un frère qui est arrivé plus tard, Stéphane, dix ans après moi. Elle était donc institutrice et elle a élevé trois enfants. Aujourd'hui, je me dis « mais comment a t elle fait » ? Parce que donc, parfois, elle avait des excès de fatigue. Ou en colère contre mon père, son mari, qui n'était pas assez présent ou qui ne s'occupait pas assez de nous. Mais elle était vaillante. C'est un mot que j'aime beaucoup vaillant, toujours. Elle n'a jamais baissé les bras, même si parfois elle était envahie, elle disait, je suis, par la neurasthénie.

Philippe Chauveau
Dans cet avion qui vous ramène de Toronto en 2019, il y a cette solitude, ce manque qui vous envahit, vous griffonnez quelques mots sur un bout de papier et à quel moment vous dites vous « ça peut devenir un livre, j'ai envie de raconter ma mère » ?

Serge Toubiana
Peu après. Une fois arrivé à Paris, je cherchais un sujet pour un livre parce que j'en avait écrit un, c'était le confinement et je me suis dit : « écrit un livre sur ta mère », « je vais écrire un livre sur ma mère ». C'est un défi que je me suis lancé sans savoir absolument comment m'y prendre. Et puis en essayant de ne pas trop penser à tous les grands écrivains de la littérature française, qui ont écrit des livres merveilleux sur leur mère, je ne vais pas en citer mais il y en a quelques uns quand même.

Philippe Chauveau
Ce qui fait la force de ce livre, c'est qu'il est solaire, il est lumineux, il y a une nostalgie, certes, mais une nostalgie heureuse. Et cette force, c'est justement chacun peut s'approprier votre histoire. Certes, c'est Serge Toubiana qui parle de sa mère, mais finalement, chaque lecteur pourra coller sa propre histoire sur ce livre. Et puis, il faut qu'on parle de votre écriture parce que vous êtes un homme du cinéma et on sent que vous êtes aussi un amoureux des mots. Vous aimez la syntaxe vous aimez la musique des mots. Il y a beaucoup de poésie dans votre travail d'écriture. Comment travaillez vous justement cette écriture ? Parce que l'émotion affleure à chaque page, dans ce que vous écrivez.

Serge Toubiana
C’est vrai ?

Philippe Chauveau
Vous en êtes conscient lorsque vous l'écrivez ? Est ce que vous jetez comme ça les mots ou est ce qu'il y a un gros travail de réécriture derrière

Serge Toubiana
Il y a un travail. Vous savez, quand j’écris, alors là j'écris pas, mais je vais me remettre à écrire, c'est comme un établi voyez-vous. Je suis à mon établi et je me lance. Et le fait d'avoir été journaliste pendant très longtemps, fait que je n'ai pas de, je n'ai jamais eu de comment dire ?

Philippe Chauveau
L’appréhension de la page blanche n'existe pas.

Serge Toubiana
Ça a existé quand j'étais un jeune critique de cinéma je ne savais pas. J'avais beaucoup de douleur, mais là, pas du tout. Je travaille jusque vers 13 h 30, 14 h. J'écris l'après midi, non, je vais au cinéma, le soir, je vois des amis et le lendemain, je reviens dans mon établi et je lis ce que j'ai écrit la veille. Et ce que je lis, ce que j'ai écrit la veille ne m'appartient pas, c'est quelque chose et je suis dans un, j'ai un œil critique tout de suite. Qui a écrit ça ? Ça ne va pas, on reprend et c'est formidable. C'est à dire que j'ai cette théorie que j'ai inventée, qui ne vaut que pour moi. Mais je ne pense pas. C'est que le livre se fait à deux. Vous êtes l'auteur de ce que vous écrivez, mais le lendemain, c'est l'autre qui vous appelle. Vous faites un appel à ce que ce soit mieux, meilleur, plus mélodique, que les phrases s'enchaînent mieux, que les ruptures aussi. C'est dans cet entre deux que s'écrit le livre. Après, vous avez ce devoir d'être à l'écoute de ce que le manuscrit lui même vous demande de faire C'est quelque chose qui est une alchimie dont vous ne maîtrisez pas tous les éléments. Mais vous, vous devez d'être un peu l’orchestrateur, je ne sais comment.

Philippe Chauveau
Vous qui êtes un homme du cinéma, qui aviez donc une écriture plus journalistique, à l'origine, vous êtes vous découvert différemment en prenant cette plume, ? non pas une plume de romancier, mais en racontant vos souvenirs. Et comme je le disais, avec une vraie qualité littéraire. Vous êtes vous découvert différemment ? Est-ce un autre Serge Toubiana que vous ne soupçonniez pas ?

Serge Toubiana
Oui, oui, oui. Je vais vous faire une confidence aussi. Le fait d'avoir ce prix Marcel Pagnol, m’a... C'est la première fois que je reçois un prix dans ma vie d'écrivain ou de journaliste. J'ai eu une joie, comme un enfant, d'être comme si le maître d'école me donnait à un satisfécit, je ne sais pas. J'ai vraiment un sentiment de bonheur, de joie enfantine, parce que ce n'est pas n'importe quel prix. Il porte un nom magique pour moi, Marcel Pagnol. Et je me suis dit, ça veut dire que des gens ont lu non seulement que des gens, des êtres, ont lu mon livre et certains se sont battus pour qu'il ait ce prix. Je vous assure que ça, c'est une joie intime, extrêmement forte, parce que ça justifie le fait d'avoir écrit voilà.

Philippe Chauveau
Lorsque vous voyez ce gamin sur la couverture, c'est vous. Vous aviez six-sept ans. Vous avez envie de lui dire quoi à ce gamin ?

Serge Toubiana
Oui, tout le monde adore cette couverture. D'abord que je suis un garçon mignon et pas dangereux ni inquiétant comme cowboy.

Philippe Chauveau
Oui vous ne faites pas trop peur.

Serge Toubiana
Je ne fais pas trop peur. Je suis un petit enfant sage, déguisé en cowboy, donc le cinéma est déjà là dans ma vie, inconsciemment.

Philippe Chauveau
Et puis il y a le personnage de votre mère, quelque part derrière, de l’autre côté de l’objectif

Serge Toubiana
Ma mère est de l’autre côté

Philippe Chauveau
Vous lui dites quoi à ce gamin ?

Serge Toubiana
Je me retrouve, je me dis aussi que j'ai effectué un sacré chemin depuis.

Philippe Chauveau
Votre actualité Serge Toubiana, c’est ce livre magnifique, c'est un vrai coup de cœur. Ça s'appelle Le fils de la maîtresse et vous êtes publié aux éditions Arléa. C'est le livre pour lequel vous avez obtenu le prix Marcel Pagnol. Merci beaucoup.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Quand il raconte sa vie, Serge Toubiana redevient très vite le gamin de Sousse, cette petite ville de Tunisie en bord de mer où il a grandi, dans une famille heureuse. Très vite aussi reviennent les premiers souvenirs de cinéma, comme « La Strada « , le film de Fellini, qui l’effraya au plus haut point.La famille et le 7ème art, voilà peut-être les deux piliers qui ont façonné Serge Toubiana. Arrivé en France à l’adolescence, il découvre le cinéma de la Nouvelle Vague, les réalisateurs et les acteurs en vogue et se...Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau: Bonjour Serge Toubiana. Serge Toubiana : Bonjour Philippe Chauveau : Merci d'être avec nous pour présenter ce livre publié chez Arléa : Le fils de la maîtresse, qui prend place dans une série de livres, de livres, de souvenirs notamment que vous avez déjà commis. Mais c'est vrai que lorsque l'on prononce votre nom, Serge Toubiana, c'est tout de suite l'écran qui jaillit, puisque vous êtes un grand nom du monde du cinéma. Philippe Chauveau : Il y a eu Les Cahiers du cinéma en tant que journaliste, que...Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Portrait - Suite
    Philippe ChauveauVous le racontez effectivement dans les toutes premières pages, Serge Toubiana, c'est dans un avion que naît ce livre : Le fils de la maîtresse. Vous vous dites dans cet avion qui vous ramène en France, personne ne m'attend à l'arrivée. Ma compagne est décédée, ma mère est morte et il y a cette solitude qui vous envahit. Et pour autant, ce livre est plein de joie de vivre, plein de soleil, plein de bonne humeur. Puisque vous allez nous raconter votre famille, vos parents et plus spécifiquement votre mère....Serge Toubiana, lauréat de Serge Toubiana - Livre - Suite