Ouvrir un livre d’Irène Frain, c’est l’assurance d’une aventure, d’un voyage, de la découverte d’un destin. Ouvrir un livre d’Irène Frain, c’est aussi apprécier le talent d’une plume efficace.
Depuis « Le nabab » en 1982, qui fut son premier succès de librairie, la petite bretonne qui rêvait d’évasion dans son école de Lorient a fait du chemin. Avec aujourd’hui une quarantaine de titres à son actif, Irène Frain est devenue une référence. « Modern style », « Quai des Indes », « Les naufragés...
Ecrire est un roman d'Irène Frain - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Irene Frain.
« Je te suivrai en Sibérie », ce n'est pas moi qui vous fait cette proposition mais c'est le titre de votre actualité chez Paulsen. Voilà un titre qui prend place dans une bibliographie déjà conséquente. Vous êtes pratiquement à une quarantaine d'ouvrages déjà.
Tout a commencé en 1982 avec « Le nabab ». Mais il y avait eu une autre vie avant Irène Frain, puisque vous avez été professeur, enseignante. Lorsque vous faites le parcours, quelles sont les images qui vous reviennent...
Ecrire est un roman d'Irène Frain - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Dans ce livre, Irène Frain, vous allez nous emmener dans une aventure incroyable, avec une femme qui l'est tout autant. Elle s'appelle Pauline. Elle est née en Lorraine. Aujourd'hui, on ne la connaît pas très bien en France même si en Russie elle a laissé des traces. C'est un personnage authentique que vous avez découvert. Vous allez nous expliquer comment. Voilà une femme absolument incroyable. Si je résume, est elle donc née en Lorraine, elle va partir en Russie où elle va être modiste et puis l'amour va...
Ecrire est un roman d'Irène Frain - Livre - Suite
Irène Frain
Je te suivrai en Sibérie
Présentation 00'02'31"Ouvrir un livre d’Irène Frain, c’est l’assurance d’une aventure, d’un voyage, de la découverte d’un destin. Ouvrir un livre d’Irène Frain, c’est aussi apprécier le talent d’une plume efficace. Depuis « Le nabab » en 1982, qui fut son premier succès de librairie, la petite bretonne qui rêvait d’évasion dans son école de Lorient a fait du chemin. Avec aujourd’hui une quarantaine de titres à son actif, Irène Frain est devenue une référence. « Modern style », « Quai des Indes », « Les naufragés de Tromelin » ou « La forêt des 29 » font partie des livres qui lui ont permis de fidéliser un large public, tout en restant fidèle à ses idéaux et à ses goûts de conteuse. Romancière, essayiste, journaliste, elle allie ses deux passions, l’écriture et la recherche, construisant des intrigues dans lesquelles elle fait revivre avec précision des personnages authentiques, s’attachant à aller au plus près de leur personnalité et de leur complexité. Les femmes tiennent souvent le premier rôle dans les livres d’Irène Frain. C’est encore le cas avec ce nouveau titre, « Je te suivrai en Sibérie ». Après Simone de Beauvoir ou Marie Curie, voici Pauline Geuble. Son nom ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, au milieu du XIXème siècle, son histoire était connue de tous, en France comme en Russie, et son chemin croisa bien des hommes célèbres, de Dumas à Dostoïevski. Née en Lorraine, elle devient modiste à Moscou et tombe sous le charme du bel Ivan Annenkov. Issu de la haute aristocratie russe, il a pourtant des idées libérales et complote contre le tsar, faisant partie des fameux Décembristes. Si nombre d’entre eux seront exécutés, Nicoles Ier en exilera aussi en Sibérie dont notre fameux Ivan. Et voilà comment notre petite lorraine, amoureuse, va parcourir les routes enneigées de Russie pour rejoindre son homme. Et elle en a du caractère la belle Pauline ! Irène Frain, fascinée par cette femme unique, est partie sur ses traces, a ouvert des dossiers oubliés dans les bibliothèques russes, a reconstitué son parcours. Avec moult détails, recontextualisant, offrant un vrai rythme d’écriture non dénué d’humour et de fantaisie, elle nous raconte cette femme à la fois énervante et attachante, sacrifiant tout par amour. Du grand Irène Frain ! « Je te suivrai en Sibérie » est publié aux éditions Paulsen.
Irène Frain
Je te suivrai en Sibérie
Portrait 00'06'26"Philippe Chauveau :
Bonjour Irene Frain.
« Je te suivrai en Sibérie », ce n'est pas moi qui vous fait cette proposition mais c'est le titre de votre actualité chez Paulsen. Voilà un titre qui prend place dans une bibliographie déjà conséquente. Vous êtes pratiquement à une quarantaine d'ouvrages déjà.
Tout a commencé en 1982 avec « Le nabab ». Mais il y avait eu une autre vie avant Irène Frain, puisque vous avez été professeur, enseignante. Lorsque vous faites le parcours, quelles sont les images qui vous reviennent en tant qu'auteur, en tant qu'écrivain ?
Philippe Chauveau :
Quels sont les grands moments forts de votre vie ?
Irène Frain :
Je crois qu'écrire, pour moi, était une aventure. Ce n’était pas pour faire une carrière. Je n'ai fait que ce qui me plaisait au moment où cela me plaisait. Chacun de mes livres est une nouvelle histoire d'amour, une nouvelle passion. Chaque livre me saisit et toute séance tenante, il faut que tout s'arrête pour l'histoire que j'ai envie d'écrire. Certaines de ces aventures m'ont menée très loin. « Le nabab » en Inde. J'ai aussi cherché, par exemple, une femme bandit des années 80 qui était vivante, pour « Dévi ». J'ai raconté son histoire et je l'ai rencontrée avant qu'elle ne soit assassinée. J'ai aussi été entraînée comme ça, presque du jour au lendemain, dans l'océan Indien pour enquêter sur les naufragés de l'île Tromelin. J'ai passé quelques jours dans ces îles pour comprendre l'histoire. Mais il y a eu ces aventures plus intérieures et autobiographiques, comprendre ce qu'avait été mon propre passé.
Philippe Chauveau :
Justement, c'est ce que vous nous rappelez, au-delà des ouvrages que vous avez consacrés à votre propre parcours comme « La fille à histoires » par exemple, dans l'actualité la plus récente, vous aimez remettre en lumière des personnages oubliés de la grande histoire. Alors certes, il y eut Simone de Beauvoir ou Marie Curie. Mais il y a aussi tous ces autres personnages, un peu moins connus, que vous avez remis au goût du jour. C'est, selon vous, le rôle de l'écrivain de l'auteur : faire renaître des personnages oubliés.
Irène Frain :
Tout le travail de l'écrivain est un travail de résurrection. La matière de l'écrivain, c'est le temps, la recherche du temps perdu comme disait Proust. On a le pouvoir, avec les mots, de redonner vie à ce qui est parti ou ce qu'on croit parti. Tout est acte de mémoire. Et dans la mémoire d'une nation ou d'un peuple, il y a toujours des oubliés et des exclus. Or, les nations et les peuples sont faits aussi par ces exclus qu'on a oubliés.
Philippe Chauveau :
Les femmes sont souvent très présentes dans vos livres. Cette fois-ci, c'est Pauline que nous allons évoquer mais dans d'autres titres, ce sont aussi les femmes qui ont le premier rôle. Y-a-t-il une part de militantisme dans votre parcours d'auteur ? D'ailleurs, peut être devrais-je dire autrice ou écrivaine ?
Irène Frain :
Comme vous voulez ! Je ne me sens pas l'âme d'une militante. Je ne suis pas tapageuse, je ne suis pas revendicatrice. Je pense qu'on trouve le mouvement en marchant et on crée les avancées en avançant. Je suis quelqu'un qui oeuvre dans tous les sens du terme, avec mes moyens et pour moi, c’est l'écriture. Certes, je parle de la condition des femmes mais c'est au lecteur de le comprendre par sa sensibilité et à travers aussi ma rigueur d'investigation.
Philippe Chauveau :
L'une de vos caractéristiques également, Irène Frain, au-delà de tous les ouvrages que vous nous avez proposés jusqu'à aujourd'hui c'est votre goût de la recherche.
J'ai l'impression que vous n'aimez rien tant qu'aller dénicher des dossiers poussiéreux dans lesquels vous allez trouver la trouvaille inédite, des documents inédit. C'est vrai que vous aimez ça les recherches !
Irène Frain :
J'aime les placards de Barbe-bleue ! J'aime ce qui nous est dérobé. Je pense que si j'avais été la septième femme de Barbe-bleue, j'aurais immédiatement, comme elle, ouvert le placard aux cadavres. Je suis une curieuse, j'aime les traces aussi. C'est un mélange de curiosité pour ce qui est dérobé mais, en même temps, de goût de la résurrection. C'est un mot central de ma vie. Redonner vie à ce qui est passé même si c'est évidemment illusoire On ne se bat pas contre le temps qui passe, on ne peut qu'en reconstituer des parcelles, mais quand on parvient à reconstituer une belle parcelle, quelle merveille ! Pour moi, cela tient du miracle et j'aime ce miracle des mots. Ce qui aboutit à rendre présent ce qu'on a cru passé et à faire affleurer ce qui commençait à être englouti par l'océan de l'oubli.
Philippe Chauveau :
Tous ces personnages auxquels vous avez redonné vie, que ce soit Pauline cette fois-ci, que ce soit les naufragés de Tromelin, que ce soit Marie Curie ou dans d'autres romans comme « Le nabab », vous aident-ils à avancer dans votre propre vie et, peut-être, à mieux vivre votre quotidien, dans cette époque qui est parfois un peu compliquée ? Ces personnages sont-ils un rempart ?
Irène Frain :
Je me suis aperçue que tous ces personnages avaient un lien avec la révolte contre leur condition et contre l'injustice et un désir de liberté, un goût de briser les obstacles. Donc, moi, ils me donnent de l'espoir au quotidien, ils me disent d’avancer, de me battre, de ne pas baisser la tête. Même avec l'âge, on peut se construire une vie digne, libre et forte. Même dans la difficulté, on peut rester droit dans ses bottes ou ses baskets. C'est vrai qu'en m'intéressant à eux, en me passionnant pour eux, je peux mieux affronter plus que le quotidien, les propres obstacles qui se présentent à moi. Il s'en présentent toujours. Cela me donne de la force.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, Irène Frain, « Je te suivrai en Sibérie ». Ce livre est publié chez Paulsen.
Irène Frain
Je te suivrai en Sibérie
Livre 00'07'12"Philippe Chauveau :
Dans ce livre, Irène Frain, vous allez nous emmener dans une aventure incroyable, avec une femme qui l'est tout autant. Elle s'appelle Pauline. Elle est née en Lorraine. Aujourd'hui, on ne la connaît pas très bien en France même si en Russie elle a laissé des traces. C'est un personnage authentique que vous avez découvert. Vous allez nous expliquer comment. Voilà une femme absolument incroyable. Si je résume, est elle donc née en Lorraine, elle va partir en Russie où elle va être modiste et puis l'amour va l'emmener jusqu'en Sibérie où elle va accompagner son homme, exilé par le tsar. Comment avez-vous découvert cette femme ? Qui est Pauline ?
Irène Frain :
Je le dis franchement, c'est une éditrice qui m'a tendu ses mémoires publiées en 1975 par les Soviétiques à l'occasion du 150e anniversaire de la révolte des aristocrates russes contre le tsar qu'on appelait les Décembristes. Et moi, cela ne me tentait pas du tout. Je vais vous faire un mauvais jeu de mots en vous disant que je n'étais pas chaude pour la Sibérie ! Donc je lis ça, je m'y plonge un soir. Seulement, à 4 heures du matin, j’étais toujours dans ce livre ! Les mémoires de Pauline Geuble sont à la fois saisissantes, elliptiques, parfois très détaillées, embrouillées, par d'autres moments confuses mais souvent très claires, à tel point que je la croie à côté de moi. Mais surtout, elles sont inachevées.
Philippe Chauveau :
C'est ça qui vous a poussée ?
Irène Frain :
Frustration absolue de madame Frain et placards à ouvrir ! Je découvre aussi, en faisant quelques recherches, qu'elle a fait l'objet, à l'époque, de deux portraits contradictoires de Dostoïevski et Dumas. Dostoïevski, lui, est ébloui. Pour lui, c'est la Madone, la sainte, la guérisseuse, une femme lumineuse, radieuse, incroyable, qui donne du courage alors qu'elle est quand même dans l'un des pires bagnes du goulag. Or, un autre portrait d’Alexandre Dumas, fait d'elle une jolie femme de Paris, très coquette et un brin légère. Je me demande alors qui a raison ou qui a tort. Donc il faut que je comprenne. Et c'était parti…
Philippe Chauveau :
La force de votre livre, c'est que, non seulement, vous allez nous raconter le parcours incroyable de cette petite Lorraine qui va aller jusqu'en Sibérie mais vous nous racontez aussi vos recherches en nous parlant de la Russie d'aujourd'hui et les rencontres que vous avez faites, la façon dont vous avez déniché des documents complètement inédits. Vous employez alors un ton très franc, très fantasque, très drôle aussi parfois. Précisons-le, il y a beaucoup d'humour dans votre livre. Vous nous racontez tout ça comme si nous étions dans votre salon. Vous nous racontez la vie de Pauline comme si nous étions près de vous.
Irène Frain :
Mais c'est mon obsession de la résurrection. Donc, quand je parle de Pauline, et c’est quand même la majorité du texte, je parle le français que j'aime, celui qui est le mien, un français la plupart du temps ciselé et châtié. Mais c'est vrai aussi, quand je suis en reportage, pendant quelques brèves pages, j'emploie des mots contemporains.
Philippe Chauveau :
Je ne vais pas rentrer volontairement dans la vie de Pauline parce que vous la racontez tellement bien dans ce livre. Elle est parfois très attachante, elle est parfois exaspérante et irritante mais c'est surtout une femme amoureuse. Parce que si elle fait tout cela, cette petite Lorraine devenue modiste à Moscou et qui va partir en Sibérie, c'est bien pour retrouver l'homme de sa vie, pour retrouver son son amoureux. C'est ce que vous aimez chez elle, c'est une femme amoureuse. Est-cela qui vous a séduit chez elle ?
Irène Frain :
Bien sûr ! C'est elle qui la première a dit dit : « Je vais te suivre en Sibérie ». Elle s'était introduite dans la forteresse de Saint-Pétersbourg. Son amant n'était pas marié à l'époque. Elle venait d'avoir un enfant de lui donc elle était dans une situation précaire aussi bien matériellement que socialement. Elle a juré qu’elle le suivrait en Sibérie et elle l'a fait.
Philippe Chauveau :
Au-delà du portrait de cette femme qui va fédérer autour d'elle, que ce soit à Moscou ou plus loin en Sibérie, c'est aussi une vision de la Russie du 19ème siècle que vous nous racontez.
Irène Frain :
Oui, ce sont des gens qui vivent à la française, qui ont une vision de la France peut-être un peu décalée, qui parle un français très élégant mais un peu suranné, qui mangent des plats de l'époque de Louis XIV, comme du pot au feu de cygne. Ce sont aussi des gens qui ont, au départ, un milieu de vie extrêmement raffiné entourés de valets à foison. Et d’un coup, en Sibérie, ils vont se retrouver sans rien. Plus de fortune, quelques vêtements élimés peu adaptés à la Sibérie et, dans l'adversité, ils vont continuer ce mode de vie très élégant, à la française, où on dit "ces dames" en parlant de Pauline et de ses amies, on fait des baise-main, on s'incline. Mais, en même temps, il faut qu'ils survivent ; ils n'ont guère à manger et ils sont reclus et derrière les murs de leur prison Ce qui est extraordinaire, c’est que, grâce à l'élan vital que leur donnent les femmes, ils vont créer une mini république à la française avec des élections, avec des délégués et avec des principes d'égalité. En cela, ils vont devenir très vite des icônes, C'est ça qui est totalement baroque chez ces hommes toujours très élégants d'ailleurs.
Philippe Chauveau :
En nous parlant de Pauline, vous nous faites le portrait d'une femme résolument moderne.
Irène Frain :
Oui, parce qu'elle n'a pas peur de l'espace. Elle n'a pas peur de la vitesse. C'est une femme qui va tambour battant. De nos jours, ce serait une executive woman, elle mènerait une entreprise du CAC 40. Elle a une vitalité, un bon sens aussi, un pragmatisme, tout en étant extrêmement droite car Pauline a une éthique.
Philippe Chauveau :
Continuez-vous à lui parler encore à Pauline ? Fait-elle encore partie de votre quotidien maintenant que vous avez offert son histoire aux lecteurs ?
Irène Frain :
Elle s'éloigne évidemment même si j'ai l'impression, en vous voyant, en voyant d'autres professionnels des média, que je porte la bonne parole de Pauline, sa lumière intérieure qu'a si bien décrite Dostoïevki. Mais, si vous voulez, je pense souvent à elle parce que j'ai traversé une difficulté importante pendant l'écriture de ce livre. Ce n'était pas une maladie, c’était une tragédie dans ma famille et Pauline m'a aidée à tenir. Evidemment, une tragédie ne s'éteint pas du jour au lendemain et dans les moments difficiles que je traverse, je pense à elle, je me réfère à elle et je me demande que qu’elle aurait fait Pauline.
Philippe Chauveau :
Voilà une femme absolument incroyable, un beau portrait de femme et aussi une belle histoire d'amour entre entre Pauline et Yvan. C'est votre actualité, Irène Frain, « Je te suivrai en Sibérie ». Le livre est publié aux éditions Paulsen. Merci beaucoup.