Irène Frain garde au fond d'elle-même cette amour pour la Bretagne, sa terre d'origine, qu'elle a raconté dans plusieurs ouvrages, comme « Sorti de rien » ou « La maison de la Source » mais elle aime aussi l'aventure, le voyage, l'ailleurs, elle l'a prouvé avec « Quai des Indes » ou « La forêt des 29 ».
En 1982, elle conjugue ses deux passions avec son premier roman « Le nabab » racontant l'histoire d'un jeune mousse breton devenant nabab en Inde au XVIIIème siècle. Le succès de ce livre incita Irène Frain à...
Ecrire est un roman d'Irène Frain - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Irène Frain, merci d'être avec nous. « Marie Curie prend un amant », c'est votre actualité aux éditions du Seuil. Avant d'évoquer ce livre, revenons sur votre parcours. « Le nabab » en 1982 a été un énorme succès et j'ai envie de dire que finalement, dans « Le nabab », il y a tout Irène Frain parce qu'on y évoque la Bretagne avec ce jeune mousse, on y évoque aussi l'Histoire avec le XVIIIème siècle et on évoque enfin l'Orient, cette partie du monde qui vous fascine depuis tant...
Ecrire est un roman d'Irène Frain - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
« Marie Curie prend un amant » et vous nous dites ça au présent ! Voilà un titre accrocheur. On a une image de Marie Curie, cette femme qui a toujours travaillé avec son époux, toujours habillé en noir avec son petit chignon bien serré. Vous nous présentez une autre femme, qui a une vie amoureuse et douloureuse. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de Marie Curie ? Vous racontez dans les premières pages que c'est un peu par hasard, en ayant découvert un ex-libris…
Irène Frain :
Oui, je tombe...
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Bonnes fêtes...
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Présentation 2'14Irène Frain garde au fond d'elle-même cette amour pour la Bretagne, sa terre d'origine, qu'elle a raconté dans plusieurs ouvrages, comme « Sorti de rien » ou « La maison de la Source » mais elle aime aussi l'aventure, le voyage, l'ailleurs, elle l'a prouvé avec « Quai des Indes » ou « La forêt des 29 ».
En 1982, elle conjugue ses deux passions avec son premier roman « Le nabab » racontant l'histoire d'un jeune mousse breton devenant nabab en Inde au XVIIIème siècle. Le succès de ce livre incita Irène Frain à abandonner sa carrière d'enseignante pour se consacrer à l'écriture.
Si sa plume est parfois sollicitée en presse magazine, notamment pour Paris-Match, ce sont ses livres qui ont construit la notoriété d'Irène Frain. Sa bibliographie, aujourd'hui très diversifiée, alterne romans, essais, récits historiques, textes personnels ou biographies. Elle a à cœur d'entrainer ses lecteurs à vers un Orient qui la fascine, vers des périodes historiques qui l'enthousiasment. Mais il y a un point commun dans tous les titres d'Irène Frain, mettre en avant des personnages au destin hors norme, confrontés à des situations qui les dépassent et les femmes y sont souvent en première ligne comme dans « Devi » ou plus récemment « Beauvoir in love ».
Aussi lorsque l'on découvre que le nouveau livre d'Irène Frain concerne Marie Curie, cela sonne comme une évidence. Mais si la femme scientifique est célèbre, on connait moins sa vie privée. Et c'est ce qu'évoque Irène Frain dans « Marie Curie prend un amant », lorsque celle-ci, devenue veuve après le tragique accident de Pierre Curie, tombe amoureuse de Paul Langevin, l'ami de toujours. Mais dans la France bien-pensante du début du XXème siècle, face à une presse qui découvre le pouvoir du scandale, être la maîtresse d'un homme marié ne passe pas, surtout quand on est la veuve d'un prix Nobel, encensé par toute une nation.
Construit comme une enquête avec force détails pour placer les personnages et les situations, reconstituer les faits, voilà un récit qui se lit pourtant comme un roman. L'histoire d'un amour impossible sur fond de radium et de physique.
« Marie Curie prend un amant », le nouveau titre d'Irène Frain est publié aux éditions du Seuil.
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Portrait 5'59Philippe Chauveau
Bonjour Irène Frain, merci d'être avec nous. « Marie Curie prend un amant », c'est votre actualité aux éditions du Seuil. Avant d'évoquer ce livre, revenons sur votre parcours. « Le nabab » en 1982 a été un énorme succès et j'ai envie de dire que finalement, dans « Le nabab », il y a tout Irène Frain parce qu'on y évoque la Bretagne avec ce jeune mousse, on y évoque aussi l'Histoire avec le XVIIIème siècle et on évoque enfin l'Orient, cette partie du monde qui vous fascine depuis tant d'années. Ai-je raison de dire que « Le nabab » représente votre personnalité ?
Irène Frain
Oui parce que c'est toute mon enfance, rêveuse, à Lorient, port de la Compagnie des Indes, qui est sortie avec ce livre. Cela a été une sorte d'explosion qui m'a complètement échappé, de mon imaginaire, de mon écriture, de mon regard sur les êtres et le monde. J'ai vécu et j'ai grandi dans une ville détruite où tous les récits étaient des récits de guerre t d'horreur. Je montais au grenier et j'essayais très spontanément de ré-enchanter le monde, c'était ma résilience. Et je crois, maintenant que les années ont passé, que je suis restée cette gamine qui essaie de comprendre et d'aimer les grandes personnes.
Philippe Chauveau
Avant l'écriture, vous avez aussi été enseignante. Vous avez enseigné le français, le latin, le grec. Etiez-vous la même Irène Frain lorsque vous transmettiez un savoir ou l'écriture vous a-t-elle révélée à vous-même ?
Irène Frain
Dans ma famille, on ne m'avait comme horizon que la méritocratie par l'enseignement. J'ai été agrégée extrêmement jeune. A vingt et un ans et demi, on me confie ses jeunes qui n'ont que quatre ans de moins que moi, des classes de terminale et je voulais les embarquer dans le goût qui avait été le mien d'aimer les livres, de trouver de l'imaginaire puissant, d'aimer l'écriture, de leur donner les moyens de lire, d'écrire, d'avancer, de comprendre que le monde était formidable ! J'ai été un professeur formidablement enthousiaste. Avec le recul, je peux dire avoir été un professeur heureux, un professeur aimé même si certains élèves ne m'aimaient pas sans doute ; on me l'a dit, j'étais sévère mais juste ce qui ne passe toujours auprès de certains élèves. Et ce goût du partage, je l'ai gardé intact.
Philippe Chauveau
Dans votre bibliographie, il y a des romans, des essais, des récits qui vous sont plus personnels comme le dernier en date « Sorti de rien ». Mais y-a-t-il quand même un fil rouge dans toutes vos publications ?
Irène Frain
Oui, sans doute, mais c'est inconscient. Les injustices faites aux femmes, la difficulté pour elles d'être reconnues dans leur dignité mais aussi dans leur apport à la société, la difficulté de vivre l'amour quand on est une femme d'exception. Mais c'est l'injustice en général puisque je viens d'un milieu très marqué par l'injustice sociale. Je ne suis pas dans quelque chose qui est pleurnichard, j'ai horreur de ça ! C'est aux lecteurs de découvrir que c'est injuste. Chaque fois que je le fais, je donne les faits et je ne juge pas. Il y a aussi des gens formidables dans des mondes plus privilégiés. Un principe me paraît très juste, celui des romanciers américains : n'exposez pas, montrez !
Philippe Chauveau
Si je reprends quelques-uns de vos titres « La forêt des 29 », « Les naufragés de l'île Tromelin » ou même le dernier « Marie Curie prend un amant », y-a-t'il une sorte de militantisme dans votre travail ?
Irène Frain
Je n'ai jamais su ce qu'était le militantisme où alors s'il s'agit de militer pour la dignité de l'homme ou de la femme, alors là, oui ! Mais c'est plutôt une affirmation. Je tombe amoureuse de sujets, souvent par le plus grand des hasards, comme celui-ci, trouvé au hasard d'une petite reliure.
Philippe Chauveau
C'est toujours le hasard qui vous amène à vos sujets ?
Irène Frain
Pa seulement. Je crois que je suis attentive malgré tout, attentive à la réalité parce que je veux toujours la comprendre. Et si je me pose la question de savoir si un sujet est faisable, c'est qu'il n'est pas pour moi, même si c'est passionnant. Certains de mes confrères feront très bien ces sujets, beaucoup mieux que je ne les aurai faits. Je pense que les sujets sont des rencontres amoureuses. Mes sujets de livres sont mes amants ! Je vis ces passions jusqu'au bout et la vie fait que je tombe amoureuse d'un autre sujet. Je suis un cœur d'artichaut pour mes histoires… Et la plus belle est toujours la dernière !
Philippe Chauveau
Votre actualité Irène Frain, « Marie Curie prend un amant » aux éditions du Seuil.
Bonnes fêtes...
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Livre 5'56Philippe Chauveau :
« Marie Curie prend un amant » et vous nous dites ça au présent ! Voilà un titre accrocheur. On a une image de Marie Curie, cette femme qui a toujours travaillé avec son époux, toujours habillé en noir avec son petit chignon bien serré. Vous nous présentez une autre femme, qui a une vie amoureuse et douloureuse. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de Marie Curie ? Vous racontez dans les premières pages que c'est un peu par hasard, en ayant découvert un ex-libris…
Irène Frain :
Oui, je tombe vraiment par hasard sur une petite reliure en percaline bleue avec un ex-libris qui figure un diable très libidineux, un vieil homme poilu, ignoble.
Philippe Chauveau :
Et vous avez eu envie d'en savoir un peu plus…
Irène Frain :
Avec mon côté narquois, e me suis dit « C'est quoi ce truc, un roman porno ? ». En fait, il s'agissait de deux revues d'extrême droite « L'œuvre » qui sont reliés par quelqu'un qui manifestement l'a mis dans sa bibliothèque pornographique. Un vieux monsieur graveleux qui allait chercher ça en sous rayon de sa bibliothèque, en cachette de sa femme, de sa bonne ou de ses enfants. En fait, dedans, on trouvait des attaques ignobles sur Marie Curie qui la présentaient comme une vieille femme en chaleur, une hypocrite finie qui serait venue en France pour faire main basse sur Pierre Curie et lui piquer ses découvertes.
Philippe Chauveau :
Du coup, vous tombez sur un scandale qui a défrayé la chronique il y a cent ans, dans les années 1910, car effectivement Marie Curie est veuve et va vivre une passion amoureuse avec Paul Langevin. Cela n'avait rien de condamnable mais la presse de l'époque s'empare du sujet.
Irène Frain :
Elle mène cette passion de façon fort discrète. Paul Langevin a un coup de foudre pour elle.
Philippe Chauveau :
Comme vous l'expliquez, Paul Langevin est marié mais mal marié. C'est un homme battu
Irène Frain :
Plus que cela d'ailleurs, il est roué de coups, porte des cicatrices mais il n'a jamais pu partir à cause de ses enfants qu'il adore. Et il se dit que s'il part, sa femme aura la garde des enfants qui vivront alors dans un milieu pathogène. C'est un homme généreux, hyper sensible et il tient.
Philippe Chauveau :
On lit ce livre vraiment comme un roman car ses personnages, dont Marie Curie, sont extrêmement romanesques mais il y a aussi l'enquête que vous avez menée. Vous avez cherché les documents, vous avez travaillé à la BNF et au musée Curie. Vous avez notamment étudié les comptes de Marie Curie
Irène Frain :
Les comptes sont très révélateurs. Il fallait être opiniâtre et très rigoureux pour ne pas se laisser abuser. Le lecteur ne le verra pas mais il a fallu établir des statistiques pour voir qu'effectivement, cette femme a des piques de dépenses supplémentaires parce qu'elle est amoureuse, elle se déplace beaucoup, elle se cache en utilisant des fiacres, aujourd'hui ce serait des voitures à vitres fumées.
Philippe Chauveau :
Ils vont prendre ce petit appartement rue du Banquier pour abriter leur amour
Irène Frain :
Oui, dans le XIIIème arrondissement, qui existe toujours. J'y suis retourné plusieurs fois et je me suis imprégnée de l'atmosphère. Mais il y a aussi sa maison de veuve, à Sceaux. En fait, cette maison était racontée mais jamais documentée.
Philippe Chauveau :
Mais finalement, cette histoire qui unit Marie Curie à Paul Langevin est une sorte d'hommage à Pierre Curie, disparu depuis deux ans. Car tous les deux étaient fascinés par Pierre Curie.
Irène Frain :
Absolument, c'est un trio symbolique ! Les gens de l'époque qui ont connu Pierre Curie l'ont idolâtré et ils avaient raison. Il était charismatique, il avait une présence, un regard. On s'en aperçoit sur les photos de Pierre Curie qui ont maintenant 110 ou 120 ans et elles sont incroyables. Il est là !
Philippe Chauveau :
Le fantôme de Pierre Curie est plutôt bienveillant. C'est la société qui est contre eux
Irène Frain :
Oui ! Ils vont vivre « Roméo et Juliette » à la quarantaine et c'est tombé sur la femme. Car Marie Curie a été victime d'une vengeance sociale talibanesque puisqu'elle a été trainée en justice. Il s'en ait fallu d'un cheveu pour qu'elle soit condamnée, trainée en procès. Elle risquait une amende et la prison et dans la presse, on lit « Mme Curie a enlevé le professeur Langevin ». Or, elle était elle-même professeur
Philippe Chauveau :
D'où le titre que vous avez choisi
Irène Frain :
Absolument !
Philippe Chauveau :
On ne peut pas s'empêcher de voir le clin d'œil du destin car si Paul Langevin et Marie Curie n'ont pas pu vivre leur histoire d'amour jusqu'au bout, les descendants, eux, ont fini par unir les deux noms.
Irène Curie :
C'est extraordinaire d'autant que Pierre Curie, le grand fantôme de cette histoire, ne croyait pas au destin et il en avait convaincu Marie. Il ne croyait qu'au hasard. Alors hasard ou destin, la petite-fille de Marie Curie a épousé sans le savoir le petit-fils de Paul Langevin. La boucle était bouclée.
Philippe Chauveau :
Voilà un très bon livre que je vous recommande vivement, un gros coup de cœur qui nous permet de redécouvrir cette femme incroyable qu'était Curie. « Marie Curie prend un amant », le nouveau livre d'Irène Frain aux éditions du Seuil. Merci beaucoup.
Irène Frain :
Merci à vous Philippe