Lorraine Fouchet

Lorraine Fouchet

Tout ce que tu vas vivre

Portrait 06'38"

Philippe Chauveau

Bonjour Lorraine Fouchet

Lorraine Fouchet

Bonjour.

Philippe Chauveau

Ravi de vous accueillir. C'est une sorte d'anniversaire puisque j'ai en main votre vingtième roman, votre vingtième bébé « tout ce que tu vas vivre ». Vous êtes fidèle à Héloïse d'Ormesson. Justement vingt romans, vingt titres, c'est vertigineux. Comment vivez vous cela ?

Lorraine Fouchet

Mais je ne les ais pas vu passer. Et puis ça veut dire que je suis majeure en livres. Ce qui veut dire que je vais peut-être pouvoir faire des tas de choses que je n'avais pas le droit de faire avant.

Philippe Chauveau

Si on résume rapidement, votre papa a été ministre du Général de Gaulle. Un peu par hommage après son décès, vous décidez de faire médecine. Vous êtes médecin urgentiste. Et puis l'écriture vous titille. Un jour, vous décidez après avoir signé l'acte de décès de Marguerite Duras, vous décidez de laisser tomber la médecine, même si on ne la laisse jamais vraiment tomber, pour devenir romancière à part entière. Est-ce que c'est un bon résumé de votre parcours ? Ai-je oublié des épisodes ? Est-ce une bonne façon de définir votre chemin de vie ?

Lorraine Fouchet

Ecoutez, je crois que c'est exactement ça. Non non, il y a quelques petites échappées belles pour arriver à l'écriture, et la médecine était un moyen de soigner les âmes et les corps. En écriture, on ne soigne que les âmes, mais ça continue et ça procède de la même chose.

Philippe Chauveau

Lorsque vous dites que l'écriture procède un petit peu de la même chose. C'est un bon mot ou vous le pensez vraiment ? Lorsque vous écrivez vous pensez à ça, vous pensez aux bienfaits que ça peut apporter au lecteur ?

Lorraine Fouchet

Alors lorsque j'écris, donc les vingt livres... c'est vrai que les livres qui finissent mal, si vous regardez, sont généralement en littérature de plus grands livres. Les livres qui nous ont frappés sont des livres qui finissent mal, alors que le feel good book, le Livre qui finit bien, qui donne la pêche, c'est sympathique mais ce n'est pas sur la même marche du podium. Et chaque fois, je me dis je vais écrire un très beau livre très littéraire, qui va mal finir et je n'arrive pas. Oui, oui, oui je crois que je préfère que les personnes, que les lecteurs en sortent plus légers avec des ailes, qu'ils aient l'impression que la vie peut être belle.

Et celui ci se termine avec une chanson qui est « Gracias a la vida », donc là c'est la totale.

Philippe Chauveau

Votre regard sur la vie a-t-il changé en prenant la plume par rapport au regard que vous aviez lorsque vous étiez aux urgences ?

Lorraine Fouchet

Sûrement, parce que je suis beaucoup plus heureuse, et que plus on est heureux...

Philippe Chauveau

Plus heureuse ou plus sereine ?

Lorraine Fouchet

Plus heureuse. Je crois que le bonheur, c'est contagieux. Être médecin, c'est merveilleux, mais une fois qu'on a sauvé les gens, on ne les revoit plus, surtout en urgence. Tandis que les livres, on les voit dans les mains des gens, on voit dans un square, sur un banc ou dans un train, quelqu'un qui sourit ou qui a l'air tout angoissé. En lisant votre livre, on donne des émotions aux gens, et on peut les regarder.

Philippe Chauveau

Au fil du temps, avez-vous acquis des rituels d'écriture ? Comment travaillez-vous ?

Lorraine Fouchet

J'ai une tradition qui est que je commence à écrire le prochain livre le 1er juin, donc pendant pendant trois mois, j'imagine l'histoire. Là j'ai l'impression que mon prochain livre est déjà fini. Alors que pas du tout, il n'est même pas commencé .

Philippe Chauveau

Ca veut dire que celui-ci est déjà loin ?

Lorraine Fouchet

Mais très bizarrement, oui. Il n'est pas loin. C'est un ami papier, je vais cheminer avec lui pendant quelques mois, mais je ne peux plus rien faire pour lui d'autre qu'essayer de dire aux lecteurs : aimez-le.

Philippe Chauveau

Vous avez fait le choix de partager votre vie entre la région parisienne et la Bretagne, et notamment l'île de Groix. Vous êtes en train de construire des racines, de mettre des racines en terre là-bas dans l'île de Groix. Que vous apporte l'île de Groix ?

Lorraine Fouchet

L'impression profonde d'avoir trouvé l'endroit qu'il me fallait. Je ne suis pas bretonne, j'adorerais mais pas du tout. Je suis champenoise par ma grand-mère. Et sinon, je suis née à Neuilly sur Seine qui n'est pas du tout la Bretagne.

Philippe Chauveau

Personne n'est parfait !

Lorraine Fouchet

Si j'étais née à Montparnasse encore, je pourrais dire que je suis bretonne, mais j'ai trouvé cette île de huit kilomètres sur quatre. Cette espèce de petit caillou comme ça au milieu de la mer devant Lorient, et chaque fois que je prends le bateau, que le bateau sort de la rade de Lorient, que je vois au loin l'île de Groix, mon chien a déjà commencé à aboyer. Voilà ça me met dans l'atmosphère mais j'ai l'impression de rentrer chez moi.

Philippe Chauveau

Là où vous devez être, là où vous aimez être, c'est aussi dans les librairies, dans les médiathèques, dans les salons du livre. Vous faites partie de ces auteurs qui aimez le contact. Vous êtes aussi très présente sur les réseaux sociaux. Pourquoi est-ce important pour vous d'aller au contact de vos lecteurs et lectrices ?

Lorraine Fouchet

D'abord, j'aime les rencontrer les gens. C'est pour ça en effet que j'aimais la médecine. J'aimais plus, je crois, rassurer les gens, rassurer les patients, les soulager, plus que les gestes techniques. Mais l'écriture... Je n'écris pas pour moi. J'écris non pas pour les gens, mais pour que ça soit lu, et que chaque personne prenne ce qui lui plaît. Mon livre vient de sortir, pendant quatre mois, tous les week end, je suis en Salon du livre et je vais voir des gens qui vont me dire qu'ils aiment mes livres, soit qui vont me dire « mais je ne vous connais pas » et je vais dire moi non plus mais maintenant, je vous connais.

Philippe Chauveau

Si je reprends les grands marqueurs de votre vie, pour revenir sur la première question que je vous ai posée, je l'ai dit, votre père était ministre du Général de Gaulle. Vous lui avez consacré un livre, il y a quelques années « J'ai rendez-vous avec toi » qui était une parenthèse dans votre parcours de romancière puisque là vous racontiez la relation qui vous lit à votre père. Une relation d'affection, d'amour mais aussi un peu une statue du commandeur. Il y avait une certaine admiration de votre père. Vous faites médecine un peu par hommage pour lui.

Lorraine Fouchet

Uniquement parce que la dernière fois que je l'ai eu au téléphone, il m'a dit : « j'ai fait un infarctus. Je suis à l'hôpital. C'est le plus beau métier du monde. » Et moi je pensais que c'était écrire le plus beau métier du monde.

Philippe Chauveau

Aujourd'hui vous êtes romancière. Vous pensez qu'il serait fier de vous et de ses vingts petits enfants que vous lui avez offert ?

Lorraine Fouchet

Alors la chose la grande chance qu'ont les orphelins, c'est qu'on fait les demandes et les réponses. ça veut dire que moi, je suis persuadé qu'il serait fier, et s'il ne l'est pas, de toute manière, il ne peut pas me le dire.

Philippe Chauveau

Lorraine Fouchet, votre actualité chez Héloïse d'Ormesson, votre vingtième titre : « Tout ce que tu vas vivre ».

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