Emilie de Turckheim

Emilie de Turckheim

Popcorn Melody

Portrait 5'53

Philippe Chauveau

Bonjour Emilie de Turckheim.

Emilie de Turckheim

Bonjour.

Philippe Chauveau

Popcorn Melody aux éditions Héloïse d'Ormesson. J'ai envie de dire, c'est déjà votre 8ème roman. Comment l'écriture fait-elle son apparition dans votre vie. C'est venu comme ça un jour ? Vous vous êtes dit, je vais écrire ?

Emilie de Turckheim

C'est venu même avant d'écrire. J'ai des souvenirs de moi tellement petite que j'étais dans un lit à barreau, donc je ne devais pas être bien vieille. Et j'inventais une histoire que je reprenais là où j'avais arrêté la nuit suivante, et que je poursuivais comme ça. Et je sais que je ne savais pas encore écrire, donc je devais être en grande maternelle. Je pense que mes débuts d'écriture étaient sans écriture.

Philippe Chauveau

Pourquoi avez-vous, déjà enfant et encore maintenant, besoin de vous raconter des histoire ? C'est une protection ?

Emilie de Turckheim

Alors non, ce n'est pas une protection, c'est une question de vision. J'ai toujours vu des histoires, j'ai toujours vu des personnages, entendu des voix. L'écriture commence toujours comme ça pour moi. Je ne me dis jamais, tiens, je vais inventer une histoire. C'est que j'ai une histoire à l'intérieur, je la vois, c'est très visuel, c'est très physique, ou j'entends très précisément un timbre de voix et ça part tout le temps de là. Donc ce n'est pas une protection, c'est un rapport à la vie qui fait que tout est sujet à une histoire, à l'imaginaire.

Philippe Chauveau

Quel souvenir gardez-vous de votre première publication, la première fois que vous avez vu votre livre dans la devanture d'une librairie, qu'avez-vous ressenti ?

Emilie de Turckheim

Alors, est-ce que mon premier livre a été dans la devanture d'une librairie ?

Philippe Chauveau

Ou au fin fond d'une librairie.

Emilie de Turckheim

Ca, je crois que ça ne m'a jamais touchée. Comme quand on n'aime pas voir son visage dans une vidéo, ou entendre sa voix, je n'ai jamais aimé voir mes couvertures de livre avec mon nom dessus, et c'est toujours le cas aujourd'hui. C'est quelque chose que je n'assume pas très bien. Le plaisir, c'est de savoir qu'on va être lu beaucoup plus que par son minuscule cercle familiale d'un seul coup. Et c'est cette grande tribune qui s'ouvre d'un seul coup que je trouvais vraiment magique.

Philippe Chauveau

Ca veut dire que vous écrivez quand même en pensant déjà au lecteur, pour lui offrir une histoire, ou il y a peut-être une part d'égoïsme en écrivant d'abord pour vous.

Emilie de Turckheim

Alors je pense que ce n'est ni de l'égoïsme, ni de penser au lecteur. Je ne pense jamais que je vais être lue pendant que j'écris. Par contre, ça n'a aucun sens d'écrire si on écrit pour soi. Donc j'ai très conscience que j'ai envie que ça parle énormément, que l'on touche à des choses très universelles, très larges, et que si c'est pour raconter, comme dit mon héros dans le livre, mon petit printemps personnel, ça ne m'intéresse pas. Après, est-ce que c'est égoïste ? Ce n'est pas tant que c'est égoïste que ça a à voir un peu avec la folie. Ca veut quand même dire qu'on est convaincu de la vérité d'un monde qui n'existe absolument pas, et on passe des journées entières, dans des lieux qui n'existent pas, avec des personnages qui n'existent pas en étant convaincu du contraire. Et quand je dis convaincu, c'est que c'est une certitude. Il y a un truc de l'ordre de la foi qui est très très fort, où on sait que ça existe, et c'est surtout ça que je trouve surprenant. C'est de se dire que ça va toucher des gens, des gens très nombreux, et on part de quelque chose qui n'a aucune forme de réalité.

Philippe Chauveau

J'ai envie de dire, au fil des 8 romans que vous nous avez offerts, même si les intrigues, les sujets sont très différents, il y a une constante, un style propre à Emilie de Turckheim. Vous avez une écriture parfois un peu folle, avec des personnages qui ne sont pas forcément paumés, mais un peu à part de nos vies. Si vous deviez définir votre style, que diriez-vous ? Emilie de Turckheim Oh mon dieu...

Philippe Chauveau

Question piège.

Emilie de Turckheim

Non, ce n'est pas une question piège, c'est que s'il y a une personne qui est incapable de se lire, c'est bien l'auteur de son propre livre. C'est très compliqué de savoir comment on écrit. Moi j'ai l'impression que mon écriture elle me ressemble totalement, donc plus vous me dites qu'elle est folle ou paumée, plus je reconnais en moi la folie, la marginalité. On n'invente rien quand on écrit.

Philippe Chauveau

Vous avez une écriture assez décapante, et souvent, vous aimez aborder des sujets aussi qui peuvent heurter. Vous aimez bien donner un coup de pied dans la fourmilière avec votre écriture.

Emilie de Turckheim

Oui, mais je ne m'en rends pas forcément compte. Souvent les gens me disent « oh la la, tu es vraiment allée très très loin », et je n'ai pas du tout ce sentiment ni de provocation, ni de vouloir en faire plus que ce qui est nécessaire pour le texte, mais comme je pars souvent de situations très absurdes, et que j'essaye d'aller loin loin dans ce que permet une histoire, dans les personnages... Oui, c'est vrai, je suis toujours touchée par les personnages qui sont toujours très en marge. Ca m'intéresse plus de savoir ce qu'il y a d'universel dans un personnage totalement à côté de la plaque que d'avoir un personnage dans lequel on se reconnaît immédiatement. J'aime bien qu'on finisse par être familier de quelqu'un qui a l'air d'un étranger, que de prendre comme point de départ quelqu'un dont on pourrait dire c'est, comme on dit en anglais, the girl next door, la fille de la porte d'à côté, monsieur tout le monde.

Philippe Chauveau

Comment fonctionnez-vous ? Avez-vous en permanence plusieurs histoires dans la tête ou bien vous concentrez-vous sur un roman, et une fois que le roman est terminé vous vous laissez un peu de temps avant de repartir sur autre chose ?

Emilie de Turckheim

Ah oui. Je ne peux absolument pas être sur plusieurs histoires à la fois. C'est comme si vous disiez, pouvez-vous avoir plusieurs vie en même temps ? Non. C'est impossible presque psychologiquement. Il y a un tel investissement géographique, je sais tellement où se passent les choses, reconnaître les lieux, les personnages, leur façon de parler et tout, que ça serait vraiment pour le coup devenir dingue que d'essayer de jouer sur 2 tableaux à la fois. Et puis il y a un truc d'appétit boulimique, obsessionnel quand je suis en train d'écrire qui exclue tout le reste, un autre livre et même toute autre forme d'activité. Donc je ne pourrais pas du tout être sur 2 bouquins à la fois. Inimaginable.

Philippe Chauveau

Emilie de Turckheim, votre actualité chez Héloïse d'Ormesson, Popcorn Melody.

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    J'ai beaucoup aimé ce roman. Ce n'est pas le premier roman d'Emilie de Turckheim d'ailleurs que j'apprécie. J'aime toujours son humour. C'est quelqu'un dont j'aime aussi l'écriture parce qu'elle a un style très fluide et aussi inventif. Il y a aussi les thèmes qu'elle aborde, et en particulier dans celui-ci, elle aborde à la fois l'influence ou l'importance ou comment la littérature et la poésie peuvent agir sur les gens, et peut-être sur notre environnement, sur le monde. Je le recommande, c'est un des livres de la rentrée...Lunch box d'Emilie Turckheim (de) - Libraire - Suite