Depuis 1999, Philippe Besson trace son sillon. Discrètement, loin du tumulte du milieu littéraire, roman après roman, son écriture et son style ont conquis un large public et il est devenu l'un des auteurs phares de sa génération. Romancier des sentiments, sachant sonder au plus profond de l'être, dépeignant avec pudeur et sensibilité les sentiments humains, Philippe Besson sait toucher au plus profond de l'âme.C'est avec deux livres chocs qu'on le découvrit « Son frère » et « En l'absence des hommes ». Il a...
Un soir d'été de Philippe Besson - Présentation - Suite
Philippe Chauveau:
Bonjour Philippe Besson, vous êtes dans l'actualité de ce début d'année 2016, « Les passants de Lisbonne », c'est votre nouveau titre chez Juilliard, c'est votre seizième titre. Cela vous arrive t'il de regarder en arrière ? Et c'est assez vertigineux depuis 1999 et vos premiers titres « En l'absence des hommes » ou « Son frère ». Tout a été vite?
Philippe Besson:
Oui et pourtant, le chemin parcouru est assez long. Je me dis que cela fait dix-sept ans et j'ai pourtant l'impression que c'est plus...
Un soir d'été de Philippe Besson - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :Un nouveau titre, Philippe Besson, j'imagine que c'est toujours un moment particulier pour un auteur. Vous nous avez emmenés aux Etats-Unis, parfois en France, on se souvient de « La maison Atlantique ». Cette fois-ci, c'est Lisbonne qui vous a attiré et vous nous entrainez dans la capitale portugaise. Quel est votre attachement à Lisbonne ?Philippe Besson :C'est une ville qui me fascine ! Je crois que quiconque a été à Lisbonne a été intrigué par son mystère, happé par sa beauté avec une lumière...
Un soir d'été de Philippe Besson - Livre - Suite
Philippe Besson
Les passants de Lisbonne
Présentation 1'47Depuis 1999, Philippe Besson trace son sillon. Discrètement, loin du tumulte du milieu littéraire, roman après roman, son écriture et son style ont conquis un large public et il est devenu l'un des auteurs phares de sa génération. Romancier des sentiments, sachant sonder au plus profond de l'être, dépeignant avec pudeur et sensibilité les sentiments humains, Philippe Besson sait toucher au plus profond de l'âme.
C'est avec deux livres chocs qu'on le découvrit « Son frère » et « En l'absence des hommes ». Il a aujourd'hui une quinzaine de titres à son actif et si la violence, la rage ou la haine peuvent habiter certaines de ses histoires, c'est surtout sur la difficulté d'aimer, de se construire, d'échanger que Philippe Besson écrit. Il l'a prouvé notamment avec « La trahison de Thomas Spencer », « Une bonne raison de se tuer » ou « La maison Atlantique ». Récemment, avec « Vivre vite », c'est James Dean qui était le héros de l'auteur mais là encore, un héros fragilisé, blessé, ne sachant comment et où aimer.
Dans les romans de Philippe Besson, le décor est souvent un personnage à part entière. S'il a à plusieurs reprises dépeint l'Amérique du Nord, c'est l'ambiance de la capitale portugaise qui sert de fil rouge à son nouveau roman « Les passants de Lisbonne ». Un homme et une femme que tout sépare se croisent sur la terrasse d'un hôtel. Tous deux sont là parce qu'ils ont perdu l'être aimé. Cette rencontre inattendue, qui ne sera ni une histoire d'amour, ni une histoire d'amour, leur permettra pourtant tous deux de se reconstruire.
Une histoire très saudade, à l'image de la ville de Libonne, entre mélancolie et espérance. Un coup de cœur en ce début d'année.
« Les passants de Lisbonne », le nouveau roman de Philippe Besson aux éditions Julliard
Philippe Besson
Les passants de Lisbonne
Portrait 6'05Philippe Chauveau:
Bonjour Philippe Besson, vous êtes dans l'actualité de ce début d'année 2016, « Les passants de Lisbonne », c'est votre nouveau titre chez Juilliard, c'est votre seizième titre. Cela vous arrive t'il de regarder en arrière ? Et c'est assez vertigineux depuis 1999 et vos premiers titres « En l'absence des hommes » ou « Son frère ». Tout a été vite?
Philippe Besson:
Oui et pourtant, le chemin parcouru est assez long. Je me dis que cela fait dix-sept ans et j'ai pourtant l'impression que c'est plus court. C'est comme un tourbillon, je suis rentré dans quelque chose de très agréable et je n'en suis jamais ressorti. J'ai été happé par l'écriture et depuis, cela me dévore.
Philippe Chauveau:
On dit de vous, Philippe Besson, que vous êtes le romancier des sentiments, vous êtes d'accord avec ça?
Philippe Besson:
Je suis toujours assez méfiant à l'égard des étiquettes, car elle sont souvent réductrices, pour autant j'aime bien cette phrase-là. Je pense que plein de gens n'aimeraient pas cette formule, mais je la prends pour moi, et elle me va ! Ma matière, c'est le sensible, je tourne autour de ça. Je ne suis pas un écrivain de la fresque, de la guerre ou de la politique. Donc oui, écrivain des sentiments, cela me va, et romancier aussi, parce que je reste très attaché à la fiction, aux histoires inventées. J'ai l'impression d'être une sorte de dernier des mohicans, j'ai l'impression que c'est devenu un gros mot de faire des romans, j'ai l'impression qu'il faudrait toujours regarder son nombril et en parler. Cela m'agace un peu… Donc, je suis content de faire marcher mon imagination.
Philippe Chauveau :
Vous auscultez les sentiments, mais cette sensibilité en étiez-vous conscient quand vous étiez enfant, adolescent ? Est-ce cela qui vous a amené à l'écriture?
Philippe Besson :
Quand j'étais enfant et adolescent je voyais bien que j'étais plutôt fragile, sensible, ça je l'avais compris, que je n'étais pas bagarreur. Je suppose que je suis resté fidèle à l'enfant que j'étais de ce point de vue là. Mais l'écriture, j'y suis venu pour inventer des histoires, je n'ai pas eu le désir de raconter cette sensibilité, elle a été un moyen de raconter des histoires mais passer au livre c'était pour moi inventer des mensonges, raconter des trucs faux, avec l'espoir que les gens y croient. C'était un jeu en fait.
Philippe Chauveau :
Il y a aussi une autre partie de votre activité, il y a le théâtre avec « Tango en bord de mer » qui a été monté récemment à Paris. Et puis vous avez aussi cette patte dans le cinéma, puisque vous êtes scénariste. C'est une autre façon d'aborder l'écriture, c'est une autre facette de votre personnalité ?
Philippe Besson :
C'est encore écrire, c'est ce qui est important ! Le théâtre, les films c'est encore de l'écriture et c'est autour de ça que je gravite. Mais c'est vrai que j'ai essayé d'autres formes que le roman et ce sont des formes extraordinaires. Au théâtre vous devez penser à la voix, à l'incarnation, aux problématiques d'unité de temps et de lieux, qui sont des contraintes que vous ne vous posez jamais lorsque vous écrivez un roman. Et quand j'écris des films, j'aime bien l'idée d'écrire sur commande, que quelqu'un me suggère une idée, et que je me dise « ah oui je n'y aurais pas pensé ». Ce que j'aime dans le cinéma, c'est écrire sur des histoires que je n'aurais pas écrit dans mes romans.
Philippe Chauveau :
Puisque nous évoquons le cinéma, rappelons que Patrice Chéreau s'était emparé de l'un de vos titres. Plusieurs autres romans pourraient faire de très beaux films, c'est quelque chose qui vous tente ?
Philippe Besson :
Pendant longtemps je me suis dit que c'était extérieur moi, si cela arrive tant mieux, si cela n'arrive pas tant pis… Aujourd'hui, il y a deux ou trois livres où cela m'intéresserait de voir ce que cela donnerait à l'image. Mais j'imagine aussi être davantage un moteur de ce genre de projet. C'est à dire qu'à un moment, c'est peut-être moi qui irait au charbon pour écrire le film du livre alors que pendant longtemps je m'étais refusé à cette idée. Et pourquoi ne pas passer à la réalisation également…
Philippe Chauveau :
Vous n'avez pas fini de nous surprendre, en tout cas. Votre actualité en ce début d'année, Philippe Besson , ce nouveau roman chez Julliard, « Les passants de Lisbonne ».
Philippe Besson
Les passants de Lisbonne
Livre 6'06Philippe Chauveau :
Un nouveau titre, Philippe Besson, j'imagine que c'est toujours un moment particulier pour un auteur. Vous nous avez emmenés aux Etats-Unis, parfois en France, on se souvient de « La maison Atlantique ». Cette fois-ci, c'est Lisbonne qui vous a attiré et vous nous entrainez dans la capitale portugaise. Quel est votre attachement à Lisbonne ?
Philippe Besson :
C'est une ville qui me fascine ! Je crois que quiconque a été à Lisbonne a été intrigué par son mystère, happé par sa beauté avec une lumière magnifique, le poids de l'histoire… Tout cela me plait énormément.
Philippe Chauveau :
Lisbonne est un personne à part entière dans votre roman. On part avec les personnages déambuler dans les ruelles. Dans vos précédents titres, toujours sur les sentiments, il y avait eu des moments de violence, de haine. Cette fois-ci c'est un éloge de la lenteur : nous avons deux personnages d'une grande douceur. Hélène a perdu son mari dans un tremblement de terre que vous imaginez à San Francisco et il y a Mathieu, qui a simplement perdu son compagnon, une séparation amoureuse comme chacun peut en vivre un jour ou l'autre. D'où viennent-ils ces deux personnages ?
Philippe Besson :
Hélène vient de cette idée que j'ai eu un jour, et qu'on a sans doute tous eu en voyant une catastrophe naturelle se dérouler sous nos yeux à la télé. On entend des chiffres abominables, des dizaines de milliers de morts, au fond comme dans « L'absence des hommes » où j'avais parlé des milliers de morts pendant la guerre. C'est toujours, une personne et une autre personne et une autre personne. Le chiffre est terrible mais ne veut rien dire s'il n'est ramené à une réalité individuelle.
Philippe Chauveau :
Hélène et Mathieu se rencontrent, ils ne sont pas de la même génération, ils n'ont pas le même âge, mais ils sont dans le même hôtel. Ils sont tous les deux à Lisbonne pour panser leurs plaies, leurs solitudes. Mathieu a été quitté par son amant et il essaye de dire à Hélène que ce qu'ils ont vécu n'est pas comparable. Et pourtant Hélène lui dit que si, c'est la même absence.
Philippe Besson :
Oui c'était cela aussi l'objet de ce livre, c'est à dire qu'Hélène est dans une situation extraordinaire, celle de perdre son mari dans une catastrophe à l'autre bout du monde. Mathieu est dans la chose la plus ordinaire qui soit, une rupture sentimentale. Donc il lui dit que leurs douleurs ne sont pas comparables et elle lui dit que si, parce que la douleur est universelle. Comparer les douleurs ne sert à rien, elle dit elle-même que dans la catastrophe, certaines personnes ont perdu plus de proche qu'elle et pourtant cela ne rend pas son chagrin plus léger. Cela m'intéressait d'évoquer le fait que les chagrins, même s'ils ne sont pas à la même échelle, restent des chagrins.
Philippe Chauveau :
Ces deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer vont s'apprivoiser, tous cela dans la touffeur de Lisbonne. Il y a la lenteur de l'action puisqu'ils marchent tranquillement dans les rues, ils discutent des heures et des heures à la terrasse de l'hôtel. En comparant à l'un de vos précédents titres qui s'appelait « Vivre vite » où vous nous racontiez James Dean, là au contraire on sent que vous avez voulu prendre votre temps.
Philippe Besson :
Oui, c'est une ode à la lenteur, mais parce que Lisbonne s'y prête aussi. Pour moi, Lisbonne est une ville de déambulation. En plus, je prends Lisbonne l'été, donc écrasée de chaleur et quand il fait 42 degrés vous n'avez pas envie de faire la course. Ce sont aussi deux personnes qui parlent pour la première fois, parce qu'ils ne se connaissent pas, ils vont être capables d'aller dans cet intime, dans cette nudité totale, qui est d'enfin dire à quelqu'un ce qui leur est arrivé. Et pour arriver à cette nudité il faut y aller lentement.
Philippe Chauveau :
La situation est dramatique, mais le roman n'est jamais triste, c'est très lumineux, c'est très solaire puisque nous sommes à Lisbonne. Ce que vous dites aussi dans votre roman, c'est que, lorsque l'on est malheureux, c'est peut-être utile de regarder un peu les autres parce que c'est sûrement d'eux que va venir la solution.
Philippe Besson :
C'est une chose toute bête mais je crois que oui, à un moment donné c'est quelqu'un d'autre qui vous sauve, je ne crois pas que l'on puisse se sauver soi-même. Je crois qu'il y a toujours quelqu'un qui vous sauve, une main qui se tend. Même si c'est involontaire. Mais je pense qu'il y a toujours une situation où vous vous dites « je vais m'en sortir ». Et c'est ce qui m'intéressait à travers ces deux personnages, ces deux naufragés qui vont mutuellement se sauver.
Philippe Chauveau :
On peut tous un jour ou l'autre rencontrer une Hélène.
Merci beaucoup Philippe Besson, votre actualité «Les passants de Lisbonne », vous êtes publié chez Julliard.