Voilà un homme qui mène cent vies en une, avocat au barreau de Paris, spécialiste du droit de l'édition, Emmanuel Pierrat est aussi romancier, essayiste, conservateur de musée, traducteur, chroniqueur pour un blog littéraire ou en presse magazine
Sans oublier son engagement politique ou encore sa collectionnite aiguë, mais qu'est-ce qui fait courir Emmanuel Pierrat ?
Dans son nouveau roman « Le procès du dragon » sous couvert de fiction, Emmanuel Pierrat lève sans doute un peu le voile pour mieux le cerner et comprendre ses motivations. Nous sommes ici plongé dans les années 20 sur l'île de Komodo dans les Indes Orientales
Un couple de Hollandais a disparu, seul le corps de leur enfant a été retrouvé déchiqueté. Alors est-ce l'œuvre d'un varan, ces monstres qui pullulent dans ces zones humides, pouvant atteindre trois mètres de long et pesé 70 kilos
Ou bien s'agit-il d'un acte crapuleux commis par des indépendantistes, ou encore d'un rite religieux mené par une tribut en transe. Tiré à quatre épingles en toutes circonstances, un avocat parisien mène l'enquête
Et 80 ans plus tard son petit fils lui-même avocat retrouve le dossier de son ancêtre dans ses vieux papiers de famille et il n'est pas au bout de ses surprises, et le lecteur avec lui.
Voilà un roman a tiroir, une enquête qui dépayse complètement le lecteur en mêlant habilement dossier judiciaire et intrigue familiale, le tout dans des contrées lointaines qui n'aurait sans doute pas déplues à Malcolm Lowry ou Jack London
Et surtout l'on retrouve ici des thèmes chères à l'auteur, la culture orientale, la Franc-maçonnerie, l'histoire judiciaire et quelques réflexions bien senties sur l'univers feutré de la justice.
« Le procès du dragon », d'Emmanuel Pierrat c'est aux éditions Le passage, et Emmanuel Pierrat est sur WEBTVCULTURE.

Philippe Chauveau :
Bonjour Emmanuel Pierrat, merci d'avoir trouvé un moment dans votre emploi du temps, vous vivez cent vies en une, vous êtes avocat au barreau de Paris, vous êtes romancier, essayiste, traducteur, vous êtes conservateur de musée
Comment faites-vous pour répondre à toute les sollicitations et pourquoi cette envie frénétique d'avoir autant d'activités ?

Emmanuel Pierrat :
Comme vous l'avez dit, j'essaie de vivre cent vies en une, j'ai vécu en Inde dans une vie intérieur mais je ne crois pas en la réincarnation donc je pense qu'il faut tout plier dans celle-ci et par conséquent j'ai décidé de m'organiser
En travaillant tard la nuit, en dormant peu, parce que finalement le sommeil ne sert pas à grand chose et en supprimant la phase du rêve, on arrive à faire un peu de littérature au milieu d'une vie agitée entre le Palais, la réception de clients.

Philippe Chauveau :
Vous avez toujours été comme ça enfant, adolescent, vous viviez de façon trépidante ?

Emmanuel Pierrat :
Oui, je pense que j'ai toujours été formaté, j'ai un père qui est à peu près sur le même calibrage et un frère qui est journaliste, et qui est à peu près aussi survolté que moi. Je le tance un peu parce qu'il a deux ans de moins que moi et il a fait que 35 livres.
Ce qui me semble être une bibliographie de faignant mais il a fait plus de films que moi.

Philippe Chauveau :
Votre bibliographie est intéressante, on aura l'occasion de l'évoquer. Vous êtes avocat et spécialisé dans le domaine de l'édition. Pourquoi le choix de ce métier et pourquoi le choix de cette spécialité ?

Emmanuel Pierrat :
L'édition beaucoup, mais pas que. Alors j'ai voulu devenir avocat à 14 ans, avocat ça représentais beaucoup de choses pour moi, je viens d'une banlieue qui était communiste aujourd'hui elle est devenue Bobo.
Et il y avait des noms de grands avocat qui figuraient comme des grands de la III ème République et qui avaient des destins extra-ordinaire, qui pouvaient soulever la justice sociale et en même temps les livres me tentaient énormément.
Et un moment je me suis aperçu qu'il était possible de conjugué les deux et pour ça il n'y avait qu'une seule petite spécialité, c'était devenir l'avocat des éditeur ou des auteurs.

Philippe Chauveau :
Mais l 'écriture dans tout ça, comment vient-elle dans votre vie ?

Emmanuel Pierrat :
L'écriture vient plus tard, elle vient parce que j'ai été l'avocat très vite de grands écrivains, donc quand on est face à Alain Robbe-Grillet, à Michel Houellebecq ou encore Antonio Tabucchi pour prendre des gens que j'ai défendu dans diverses causes.
C'est très difficile de prétendre d'un seul coup et de leur dire : « au fait j'ai écris un petit roman ; est-ce que tu peut me permettre... » ; ça fait très fanfaron quand on a 20 et quelques années et quand on a devant soi des gens quasiment Nobélisable.
Donc j'ai commencé par faire des livres de droit et puis tout en faisant mes gammes à coté et puis peu à peu de livres en livres, les choses ont basculé et aujourd'hui j'ai une production qui est dans plusieurs catégories.

Philippe Chauveau :
Alors je ne vais pas me lancer dans votre bibliographie, parce que je le disais, elle est conséquente. Aujourd'hui c'est le romancier que nous accueillons mais effectivement vous avez écrit des essais, vous avez fait des traductions, il y a des livres assez surprenants
Lorsque vous faites des livres sur la censure, les chansons censurées, les images censurées, les livres censurés, lorsque vous faites des livres sur l'érotisme ou sur la Franc-maçonnerie, j'ai l'impression que vous faites des grands écarts permanent.

Emmanuel Pierrat :
J'ai pas l'impression de faire des grands écarts, c'est vrai que j'ai des marottes, l'art africain ou l'art primitif, la bibliophilie, la censure, la Franc-maçonnerie, la sexualité, l'urbanisme, l'architecture, il y a des choses comme ça qui sont autant de passions
Que j'ai fini par relier d'une façon ou d'une autre, je finis par enseigner une matière qui est à l'origine un intérêt, une passion devient un livre, qui devient une chronique qui est reprise dans un cours qui devient une forme d'avocature..

Philippe Chauveau :
Y a t-il des auteurs, des classiques ou des contemporains qui vous ont donné envie d'écrire, qui vous accompagne régulièrement ?

Emmanuel Pierrat :
Oui, alors d'abord il y a Alexandre Dumas, parce qu'un homme qui a écrit tant de livres et sur tant de sujets différents, reste pour moi une idole et j'ai commencé à le lire avant qu'il redevienne à la mode et qu'il ne devienne quasi-Panthéonisé.
Et alors de l'autre coté, ça devrait pas se dire parce que j'ai deux petites filles mais « Lolita » de Nabokov c'est pour moi l'accomplissement absolu de la littérature, le jour ou je serais capable d'écrire (je pense que je ne le serais jamais)
Mais capable d'écrire quelques chose comme les 15 premières pages de « Lolita », cette espèce mise en abîme, de focus, comme chez Balzac où on descend comme ça, on passe de la Terre, à l'État, la ville, on passe sous le toit, et on arrive dans la tête du personnage
Et commencer à voir les nymphettes qui tourbillonnent, quelques sois le sujet la façon dont s'est écrit, c'est la Grâce parfaite.

Philippe Chauveau :
Votre actualité Emmanuel Pierrat, « Le procès du dragon » et vous êtes publié aux éditions Le Passage.

Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau livre Emmanuel Pierrat « Le procès du dragon », c'est un dépaysement total, nous avons un jeune avocat, curieusement il s'appelle Emmanuel, un avocat parisien qui retrouve dans les archives de son cabinet,
Un dossier de son grand-père qui s'intitule « Le procès du dragon » et nous allons suivre cette enquête. Comment est né ce livre et pourquoi avoir eu envie de nous raconter cette histoire ?

Emmanuel Pierrat :
Alors il y a plusieurs éléments dedans, il y a les îles indonésiennes, Bali, Lombok, qui va de l'océan Indien au Pacifique, il y a les années 20, il y a un personnage qui est le compagnon qui croise mon héros, qui est Maurice Garçon, qui a été un immense avocat
Il est pour moi le grand avocat humaniste du XX ème siècle et puis l'envie de mettre en scène un décor, un univers, celui du dossier secret de l'avocat qui est rarement ouvert.

Philippe Chauveau :
Et alors pour le lecteur c'est un vrai roman à tiroir, parce que le point de départ, c'est ce jeune avocat qui retrouve ce dossier nommé « Le procès du dragon », il s'agit d'un couple de Hollandais qui a disparu, on a juste retrouvé le corps déchiqueté de leur enfant.
Et toute la question est de savoir qui a commis ce crime, est-ce un varan, est-ce une tribu, des indépendantistes ? Et on va aller bien au-delà car il y a une intrigue familiale, vous aviez envie de lever un peu le voile sur vous-même ?
Parce que cet avocat qui s'appelle Emmanuel, qui s'intéresse beaucoup à l'Art Orientale, aux années 20, il vous ressemble furieusement.

Emmanuel Pierrat :
Il est évidemment en forme de miroir ce personnage, en même temps je lui ai enlevé quelques un de mes défauts et je l'ai un peu mieux habillé et puis je lui en ai rajouté quelques un qui rendent le personnage plus intéressant pour la fiction
Avec des démons personnels, une histoire familiale compliquée, il est sans doute plus aventureux que je ne le suis et il est un peu l'avocat que j'aurai rêvé d'être , il affronte des dossiers beaucoup plus dangereux que les miens.
Puisqu'il deviendra avocat dans des causes qui sont celles des génocidaires. Donc il mélange une partie de ma propre vie, une partie de mes fantasmes, une partie de mes amis qui sont parfois dans ces positions très compliqués où ils affrontent des génocidaires
Qu'il faut défendre, parce qu'il faut un avocat et que si personne ne le fait, c'est la fin de la dignité humaine, c'est la fin d'un principe.

Philippe Chauveau :
Mais pourquoi avoir eu envie de mettre une partie de vous en scène ?

Emmanuel Pierrat :
Parce que ça permet aussi de faire le point, de donner des pistes. Je ne pense pas que ma vie soit la plus intéressantes mais elle est riche malgré tous. Et elle me permet d'être dans une positon très privilégiée.
Moi j'aime bien l'avocat qui peut avoir accès à des milliards de secrets, les gens dans un cabinet d'avocat, viennent se confier à vous. Ils vous révèlent des choses que jamais vous n'entendrez ailleurs dans la société.
Vous ne les entendrez même plus à confesse, puisque il n'y a plus de foi aussi importante, donc le seul endroit où la parole est libéré, où les secrets les plus incroyables et inattendus sont révélé, c'est dans l'oreille d'un avocat, dans un cabinet ou une cellule.

Philippe Chauveau :
Avez vous quand même une priorité dans ce roman, est-ce finalement l(intrigue familiale qui vous semble primordiale.

Emmanuel Pierrat :
Je pense que l'enquête policière est secondaire, j'adore les polars, mais les très bons polars sont très rares, donc je lis beaucoup de polars qui sont moyens. Donc l'enquête me semble pas primordiale, donc j'ai rajouté un enjeu.
Et donc l'enjeu familiale, des sangs qui se mêlent, des identités troublées, on ne sait plus qui est avec qui et qui a peur de qui, ça me semblait rajouté un dispositif supplémentaire d'intrigue.

Philippe Chauveau :
On le disais, vous ne vous êtes pas mis en scène, mais vous êtes très présent, ce livre vous a fait du bien ?

Emmanuel Pierrat :
Ce livre me fait beaucoup de bien, comme tous les livres que j'écris, puisque ça m'évite d'aller chez le psychanalyste donc au lieu de donner un billet, c'est moi qui touche quelques petits droits d'auteur.
Évidemment que chaque livre c'est une forme de thérapie, mais j'ai pas vraiment besoin de thérapie, j'ai soigné mes lecteurs par contre.

Philippe Chauveau :
Je confirme, c'est donc un roman que nous vous recommandons particulièrement, c'est un gros coup de cœur, ça s'appelle « Le procès du dragon » d'Emmanuel Pierrat, publié aux éditions Le Passage,
Merci !

Emmanuel Pierrat :
Merci à vous !

Les cahiers de Colette
23 Rue Rambuteau, 75004 Paris
01 42 72 95 06
Colette Kerber

« Moi, j'ai beaucoup aimé mais de toutes façons, Emmanuelle Pierrat est l'un des chouchous de cette librairie ! Les points forts ? Je pense que c'est l'élégance et la fluidité de son écriture mais aussi la description d'un cabinet d'avocat, dans les années 20 et aujourd'hui.
Finalement, on s'aperçoit que peu de choses ont changé, apparemment en tous cas, je ne suis pas avocate mais on voit ces dossiers qui s'accumulent… C'est un roman qui s'adresse à tous les publics parce que c'est l'histoire très romanesque d'un crime non élucidé.
On sent aussi chez Emmanuel une envie de polar avec de courts chapitres. Il a voulu reprendre le style du roman d'entre les deux guerres dans sa façon de construire son texte.
Il y a un vrai style littéraire qui a évolué depuis l'un de ses premiers romans que j'avais adoré « L'industrie du sexe et du poisson pané». Il y a toujours de l'humour dans ce qu'il écrit mais aujourd'hui, c'est davantage construit.
C'est un écrivain qui est arrivé à sa maturité.