Theresa Revay

Theresa Revay

La nuit du premier jour

Portrait 00'06'11"

Philippe Chauveau :

Bonjour Thérésa,

Theresa Revay :

Bonjour Philippe,

Philippe Chauveau :

Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau titre chez Albin Michel, « la nuit du premier jour », c'est déjà votre deuxième roman, votre dixième livre en librairie. Si vous deviez analyser votre parcours d'auteur, que diriez-vous? Comment avez-vous vécu toutes ces années?

Theresa Revay :

Je pense que j'ai trouvé ce que j'appelle ma distance, c'est à dire le terrain de jeu ou l'échiquier sur lequel je veux emmener mes personnages, l'Europe au XXIe siècle. Et donc je me promène depuis maintenant un certain nombre d'années dans l'Europe au XXIe siècle. Entre les deux guerres mondiales, avec la Révolution russe, avec les bouleversements et en mettant en scène des familles d'origines diverses qui affrontent tous ces événements et qui ont leur vie personnelle chahutée par l'histoire avec un grand H.

Philippe Chauveau :

C'est vrai que vous avez commencé par deux romans dans notre époque contemporaine. Et puis, très vite, vous avez été estampillé romancière historique. Je dis souvent en parlant de vous, je sais que ça vous énerve, mais je dis souvent que vous êtes une Ken Follett en jupons. Et c'est vrai que vous avez trouvé cette alchimie, parler de la grande Histoire toute en y incluant des personnages romanesques, des personnages qui pourraient faire partie de nos familles. C'est ça, la recette, finalement?

Theresa Revay :

Pour moi, oui. Je trouve ça très flatteur, évidemment. Ken Follett est quand même formidable. Et puis, je suis une héritière des Henri Troyat, des auteurs anglo-saxons ou français qui dépeignent la grande histoire à travers des personnages dont je m'inscris totalement dans cette lignée. Et c'est ça qui m'intéresse, c'est qu’ à travers mes personnages, je peux apporter à mes lecteurs une connaissance des événements historiques qui ne sont peut être pas les plus connus. Je cherche toujours le prisme un peu particulier pour apporter quelque chose d'inédit à l'histoire.

Philippe Chauveau :

Ce que l'on apprécie dans vos romans, au delà de l'aspect romanesque, c'est aussi de la véracité des faits. C'est le travail sur l'histoire que vous nous proposez. Vous nous avez emmené dans la révolution bolchévique. Vous nous avez emmené dans le Londres des suffragettes. Vous nous avez emmené sur les rives du Bosphore. Cette fois-ci, nous sommes dans les remous de l'Empire ottoman dans les années 1915-1920. Comment travaillez-vous? Comment faites-vous vos recherches? Allez-vous sur les lieux que vous dépeignez dans vos romans?

Theresa Revay :

Alors, je vais dans certains lieux, pas tous, parce que le monde que je reconstitue est au XXIe siècle, donc il y a un siècle et n'existe plus. Je choisis des lieux incontournables Rome dans le dernier livre, Berlin dans d'autres histoires que j'avais écrites avant. Mais c'est un travail surtout livresque, à la bibliothèque nationale, avec beaucoup de lectures, de documentation, de journaux intimes, de mémoires. Et puis des entretiens, des rencontres avec des gens qui me racontent l'histoire de leurs parents, de leurs grands parents et à travers eux, je tisse, comme dans ce livre, une tapisserie d'une époque et c'est une reconstitution historique. Ce qui surprend les gens c’est que je ne suis pas nécessairement obligée d'aller, par exemple, dans le Beyrouth d'aujourd'hui pour vous décrire et pour me décrire à moi même le Beyrouth de 1910, puisque celui-là n'existe plus, bien sûr.

Philippe Chauveau :

C'est-à-dire, lorsque je vous entends parler de votre façon de travailler et qu'au delà du roman, vous faites aussi un témoignage puisque effectivement, vous utilisez ces interviews que vous faites avec certaines personnalités. Vous rapportez un témoignage de l'histoire?

Theresa Revay :

Oui, oui, je pense. Et puis je n'invente quasiment rien. Donc il m'arrive que mon éditrice me dise « mais non, non, là, tu exagères, ses troupes ». Je lui ai dit mais « c'est comme ça que ça s'est passé ». J'invente très, très peu et en revanche, je tisse à travers souvent des anecdotes appartenant à différentes personnes. Mais les rebondissements dans l'histoire ne sont quasiment jamais inventés. C'est ce qui est arrivé à telle ou telle personne. Donc c'est un témoignage, oui, un témoignage d'événements souvent dramatiques, souvent tragiques, et que les personnes ont dû affronter au siècle dernier.

Philippe Chauveau :

Il me semble que vos romans, votre travail repose sur trois piliers. On l'a dit, il y a toute la fougue romanesque avec les personnages que vous inventez. Il y a aussi toute la véracité historique avec les situations que vous rappelez et les décors que vous dépeignez. Et puis, le troisième point qui est essentiel, c'est aussi le style, c'est votre écriture. Vous l'avez dit, vous avez une passion pour ces auteurs de la première moitié du XXe siècle, Henri Troyat en tête. Mais on sent que vous aimez la belle langue, vous aimez la belle écriture.

Theresa Revay :

Merci. J'ai une écriture classique, je crois. J'ai une écriture classique très, me semble-t-il, visuelle. C'est ce qu'on me dit et il y a une sensualité qui m'intéresse dans l'écriture. Je suis très attachée à décrire les émotions et les lieux aussi, et les personnages par tout ce qui toute une sensorialité. Les couleurs, les odeurs, ça, c'est une écriture un peu à l'ancienne. Elle est assez, je pense, baroque, mais c'est mon tempérament. Mes cheveux sont baroques aussi. J'ai un tempérament baroque qu'on retrouve dans mon style est dans mon écriture et je pense que c'est cohérent avec l'histoire et le souffle romanesque que j'apporte dans les romans.

Philippe Chauveau :

Vous-vous complaisez dans cet univers du roman historique? Est-ce une protection aussi par rapport à notre époque contemporaine?

Theresa Revay :

Une protection, oui, peut-être. Mais je trouve que on s'ennuie un peu notre époque contemporaine. En tout cas, moi, quand je lis un livre, j'ai envie de m'évader, de partir plus loin et une analyse psychologique trop contemporaine. Pour l'instant, je ne dis pas que je le ferai pas un jour, m'ennuie un peu. J'ai envie de voyager, j'ai envie de comprendre. J'ai envie de comprendre ce que des personnes comme nous ressentaient il y a 50 ans ou 100 ans. Donc peut-être qu'un jour je ferais un roman contemporain. Mais ce n'est pas prévu pour les deux prochains, en tout cas.

Philippe Chauveau :

Un grand roman d'aventures, roman sentimental s'il en est, mais aussi roman, roman historique. Nous sommes dans les années 20, mais c'est vrai que ce roman nous parle aussi de notre époque contemporaine. On y reviendra. Ça s'appelle « La nuit du premier jour », c'est votre actualité Theresa Revay, chez Albin Michel.

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