Niko Tackian

Niko Tackian

La lisière

Portrait 00'08'16"

Philippe
Bonjour Nico Tackian.

Nico Tackian
Bonjour.

Philippe
"La lisière", c'est votre nouveau titre. C'est le septième titre que vous publiez chez Calmann-Lévy. Vous êtes aujourd'hui auteur de thriller mais il y a eu une autre vie avant. D'abord, vous avez fait des études de droit et d'histoire de l'art comme quoi ça mène à tout.

Nico Tackian
Ouais.

Philippe
On vous a vu aussi en bande dessinée. Vous avez écrit des scénarios pour des B.D. pendant un bon petit moment. Vous avez été réalisateur, vous êtes aussi scénariste. On se souvient qu'avec Franck Thilliez, vous avez collaboré au projet "Alex Hugo" avec Samuel Le Bihan dans le rôle principal. Et puis, aujourd'hui, auteur de thriller, vous avez l'impression que c'est un cheminement qui est très logique ou finalement tout ça, ce sont un peu les hasards de la vie ?

Nico Tackian
Non, c'est assez logique. Je pense que moi, vous savez, j'ai fait du droit et l'histoire de l'art que je voulais être archéologue à un moment dans ma vie. Je pense que je voulais être Indiana Jones, un peu. Puis j'ai fait un chantier archéologique dans un parking de Saint-Denis. J'ai compris que j'étais un peu loin de l'Egypte. J'ai arrêté, je me suis mis au droit en parallèle en me disant : "Je vais être commissaire priseur". Mais tout ça, c'était autour des histoires de l'histoire. Finalement, j'ai abandonné cet espoir là. Je suis devenu journaliste.

Philippe
Aussi, c'est vrai.

Nico Tackian
Donc c'était pareil, ce côté un peu "raconter les histoires des gens". Pour le coup, j'ai fait pas mal de reportage, en fait. En fait, il y a toujours eu cette constance et c'était logique d'aller vers le roman un peu en aboutissement, parce que c'est quand même l'endroit le plus libre pour raconter des histoires. Dans tous les supports que j'ai traversés, il y a toujours des contraintes. Dans le roman, il y en n'a pas, en fait.

Philippe
Je reprends ce que vous disiez : l'histoire de l'art parce que vous aviez envie d'être Indiana Jones. En tout cas faire un peu d'archéologie. Vous avez l'impression que dans vos romans, où ce sont souvent aussi des thrillers. Mais la psychologie des personnages est souvent très importante d'aller creuser comme ça dans la psychologie des personnages, c'est aussi un peu la même chose que de faire de l'archéologie ? Vous allez fouiller au plus profond de l'âme ?

Nico Tackian
C'est surtout l'écriture, c'est très psychanalytique. Donc oui, c'est de l'archéologie à l'intérieur de moi-même, puisque chaque roman est, en fait, le reflet un peu de mes angoisses, de mes névroses de l'année où j'écris le roman. Donc je pourrais relier chaque roman à des trucs qui se sont passés dans ma vie au moment où j'écrivais. Et pour moi, l'écriture, c'est vraiment ça. C'est laisser suffisamment de liberté à son esprit pour retraduire des choses intimes à travers des personnages, une histoire, etc. Après, il y a toutes les couches de la fiction qui font que pour le lecteur il s'y retrouve. Mais souvent mes angoisses peuvent être assez communes et donc assez partagées par mes lecteurs. Donc tout le monde a l'impression que tout le monde peut se raccorder à quelque chose. Mais moi, dans l'écriture, c'est effectivement l'archéologie mais l'archéologie tournait sur moi : mes envies, mes faiblesses, mes passions. Et ça se diffuse comme ça dans le roman.

Philippe
Vos envies, vos faiblesses, vos passions et vos angoisses alors si j'entends bien.

Nico Tackian
Et beaucoup mes angoisses, puisqu'on est dans le polar et dans le thriller. Mais d'une certaine manière, je ne suis pas certain que les gens qui écrivent des polars, et des thrillers soient les plus angoissés. On nous dit souvent ça. On nous dit : "Oh la la - on l'avait évoqué nous mêmes d'ailleurs - vous avez l'air normal et je ne comprends pas comment vous faites pour écrire des histoires aussi atroces". Ça, ça arrive à chaque salon où j'ai cette remarque, quasiment. Et en fait, je trouve que c'est, au contraire, des gens assez équilibrés qui écrivent des polars et des thrillers. Justement parce qu'il y a beaucoup des angoisses qui sont transmises à travers ces romans. Ce qui fait que dans la vie de tous les jours, on est souvent moins angoissé, je pense, que d'autres romanciers. On dit souvent que : "les clowns sont ceux qui se mettent une balle dans le crâne en premier". Mais moi, je suis à dire que plus tu es drôle, en fait, moins t'es drôle dans la vie réelle. Je pense que pour les polars, c'est l'inverse. On a l'air d'être des psychopathes, mais en fait, on est assez gentil, assez bisounours dans la vie de tous les jours.

Philippe
Là vous cassez un mythe.

Nico Tackian
C'est la réalité, je pense.

Philippe
Et finalement, quels sont vos grands maîtres (toute époque confondue et toutes écritures artistiques confondues) ? Quels sont les grands maîtres qui, peut-être, vous ont donné envie, vous aussi, de vous pencher là dessus ?

Nico Tackian
Alors là, je vais faire une réponse un peu décalée aussi. C'est que moi je ne viens pas ... Alors moi, vous savez, j'étais un petit garçon qui était dyslexique. Donc le pire pour moi, c'était de lire et d'écrire. La pire angoisse. Je suis arrivé progressivement à la création d'histoires par le jeu drôle et donc à la lecture, à l'écriture, etc. Donc en fait, mes premiers "vraiment maître" (entre guillemets) venant de la littérature, c'étaient des écrivains de genre de science fiction (Asimov, Philip K. Dick, Lovecraft, Tolkien bien entendu). C'est eux que j'ai lu en premier. Après, j'ai redécouvert la littérature (entre guillemets), "plus général" beaucoup plus tard. Quasiment lorsque je suis devenu scénariste et que je me suis intéressé aux histoires et que j'ai été amené, parce que j'avais des projets de scénarios, à aller dans des univers que je ne maîtrisais pas bien. Donc notamment, je pense à un auteur que j'ai découvert tardivement mais qui m'a passionné, c'est Jean Giono, par exemple. Je lui ai d'ailleurs rendu un hommage dans "Solitude" qui, pour moi, est très parallèle à "Un roi sans divertissement" de Jean Giono. Mais bon, il y a plein de parcours d'écrivains différents. Moi, je ne suis pas un littéraire, au contraire, j'étais même un névrosé de la littérature. Donc, j'avais peur de ça quand j'étais gamin. Une fois que j'ai surpassé cette peur là et que c'est devenu plus facile pour moi, c'est plutôt la culture pop ou geek - je ne sais pas comment l'appeler - des années 80 qui qui a nourri mon imaginaire.

Philippe
Oui, vous vous êtes nourri à plusieurs écritures différentes ?

Nico Tackian
Complètement oui.

Philippe
Des écritures artistiques très différentes.

Nico Tackian
Et j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas que L'écriture, c'est-à-dire que moi j'ai travaillé pendant un temps dans une rubrique de Mad Movies qui est un magazine de fantastique et de gore. Donc j'ai dû voir tous les films de série Z de mon vidéoclub, parce qu'à l'époque, y avait des vidéoclubs. Tout ça a nourri l'imaginaire qui fait que aujourd'hui, je raconte des histoires. Pour moi, l'écriture était le support le plus simple pour retranscrire cet imaginaire et les envies de raconter des histoires que j'avais. Avec une feuille, un papier, un crayon. C'est bon, on peut le faire.

Philippe
J'aimerais qu'on revienne aussi sur cette autre corde que vous avez à votre arc, celle de scénariste. C'est aussi une écriture, mais qui est différente de celle du romancier que vous utilisez pour vos romans chez Calmann. On sait que vous avez travaillé avec Franck Thilliez sur "Alex Hugo". Cette aventure du scénario et d'une série qui devient très connue.Est-ce que parfois c'est un peu lourd à porter ? Ça représente quoi pour vous dans votre parcours ?

Nico Tackian
Bah "lourd à porter", je ne peux pas dire ça parce que nous on est très content avec Franck que "Alex Hugo "cartonne. C'est vrai qu'on était presque étonné que ça cartonne à ce point là. Après, on porte le poids de rien du tout parce qu'on est très anonyme. Au fait, c'est-à-dire qu'on n'est pas du tout sur le devant des projecteurs. Ce sont surtout les comédiens.

Philippe
Oui, votre nom est au générique.

Nico Tackian
Mais voilà, c'est-à-dire qu'à la télévision française...

Philippe
La visibilité s'arrête là.

Nico Tackian
Voilà, ça s'arrête là. On n'a jamais eu vraiment de visibilité, donc on est surtout très contents que ça ait plu au public et que ça continue de lui plaire. Après, vous disiez que "l'écriture est très différente", elle est vraiment très différente. C'est vraiment une industrie de l'audiovisuel. On est beaucoup moins maître de ce qu'on veut raconter que dans le roman où là on est auteur parce qu'en fait on dit un truc pas, après ça plaît, ça plaît pas, mais c'est ce qu'on avait à dire. A la télé, on ne dit pas un truc, on demande à une chaîne ce qu'elle veut dire. Et comme on est un bon artisan, on fait une commande et, en fait, on y met un peu de soi pour que ça soit plus qualitatif que quelqu'un d'autre. Mais ce n'est pas du tout la même manière de travailler.

Philippe
Votre actualité, Nico Tackian, en continuant en tout cas à nous faire peur. Cette actualité, ça s'appelle "La Lisière" et c'est aux éditions Calmann-Lévy.

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