Les études de droit et d’histoire de l’art peuvent mener à l’écriture de roman noir. La preuve ! C’est en tout cas le chemin pris par Niko Tackian pour arriver en librairie au rayon des romans qui font peur…
On l’a aussi connu journaliste, auteur de BD, metteur en scène et scénariste. On lui doit d’ailleurs la série télé « Alex Hugo » écrite en collaboration avec Franck Thilliez.
Mais aujourd’hui, c’est avant tout de l’auteur de thrillers que je veux vous parler, lui qui, en quelques titres, est devenu un...
La lisière de Niko Tackian - Présentation - Suite
PhilippeBonjour Nico Tackian.
Nico TackianBonjour.
Philippe"La lisière", c'est votre nouveau titre. C'est le septième titre que vous publiez chez Calmann-Lévy. Vous êtes aujourd'hui auteur de thriller mais il y a eu une autre vie avant. D'abord, vous avez fait des études de droit et d'histoire de l'art comme quoi ça mène à tout.
Nico TackianOuais.
PhilippeOn vous a vu aussi en bande dessinée. Vous avez écrit des scénarios pour des B.D. pendant un bon petit moment. Vous avez été réalisateur, vous êtes aussi scénariste. On...
La lisière de Niko Tackian - Portrait - Suite
PhilippeOn le disait en préambule Nico Tackian. Voilà votre septième titre chez Calmann-Lévy, "La Lisière". Et vous allez nous emmener en Bretagne, pas la Bretagne des bords de mer, pas la Bretagne riante. Non, celle qui est au cœur de la Bretagne, ce sont les monts d'Arrée. C'est cette terre assez étrange. On va en parler parce qu'il me semble que ce décor n'est pas anodin et qu'il est un personnage à part entière. En tout cas, on se retrouve sur une petite route, une petite route des monts d'Arrée. C'est un soir. La nuit est...
La lisière de Niko Tackian - Livre - Suite
Niko Tackian
La lisière
Présentation 00'03'33"Les études de droit et d’histoire de l’art peuvent mener à l’écriture de roman noir. La preuve ! C’est en tout cas le chemin pris par Niko Tackian pour arriver en librairie au rayon des romans qui font peur…
On l’a aussi connu journaliste, auteur de BD, metteur en scène et scénariste. On lui doit d’ailleurs la série télé « Alex Hugo » écrite en collaboration avec Franck Thilliez.
Mais aujourd’hui, c’est avant tout de l’auteur de thrillers que je veux vous parler, lui qui, en quelques titres, est devenu un incontournable. Il fait d’ailleurs partie du collectif « La ligue de l’imaginaire » aux côtés de Bernard Minier, Olivier Norek, Bernard Werber ou Barbara Abel.
Dans l’univers du thriller, Niko Tackian fait ses armes avec « Quelque part avant l’enfer », un premier titre primé au festival de Cognac. Rapidement les succès vont s’enchainer au rythme d’un livre par an.
Et si vous n’avez pas encore lu « Avalanche hôtel », « Celle qui pleurait sous l’eau » ou « Repère », allez-y ! Vous allez adorer avoir peur ! Dans ses romans, Niko Takian aime décortiquer la psychologie de ses personnages, les mettre face à des situations toutes plus angoissantes les unes que les autres et, à chaque fois, son histoire prend place dans un paysage différent, sorte de huis-clos naturel qui joue un rôle dans le déroulé de l’intrigue.
Avec « La lisière », le nouveau thriller de Niko Tackian, nous voici en Bretagne. Mais pas la Bretagne de bord de mer, riante et touristique. Non, nous sommes ici au cœur de la Bretagne, celle des monts d’Arrée, rugueuse et austère, pétrie de légendes autour des elfes, du chien noir et de l’Ankou, le serviteur de la mort.
Ce soir-là, Vivian est en voiture avec son mari Hadrien, au volant et leur fils Tom à l’arrière. Il fait nuit, le crachin masque la visibilité, le vent s’engouffre dans ses paysages tortueux des monts d’Arrée. Tout à coup, une forme surgit devant la voiture obligeant le conducteur à s’arrêter précipitamment. Hadrien descend du véhicule pour vérifier que tout est en ordre. Le petit Tom descend aussi pour soulager un besoin pressant. Une minute passe, puis deux… Vivian sort à son tour de voiture. Personne. Son fils et son mari ont disparu, elle est seule dans cette lande bretonne battue par le vent et la pluie.
Voilà le point de départ de cette histoire à vous empêcher de dormir. Une petite famille bien ordinaire embarquée dans une intrigue sinistre à souhait.
L’écriture est vive, rythmée, addictive. Les situations angoissantes s’enchainent, les chausses trappes abondent et le lecteur de suivre frénétiquement les soubresauts de l’enquête et d’accompagner Vivian dans sa quête de la vérité. Que sont devenus sont fils et son mari ?
Un thriller impeccablement réussi que vous allez dévorer jusqu’à la dernière page avec une conclusion terrifiante que vous n’aurez pas vue venir. Et cerise sur le gâteau, Niko Takian vous offre aussi un chapitre supplémentaire grâce à un QR code en fin de roman qui vient compléter le plaisir de lecture.
Vous qui aimez avoir peur, vous allez vous régaler.
« La lisière » de Niko Takian est publié chez Calmann Lévy.
Niko Tackian
La lisière
Portrait 00'08'16"Philippe
Bonjour Nico Tackian.
Nico Tackian
Bonjour.
Philippe
"La lisière", c'est votre nouveau titre. C'est le septième titre que vous publiez chez Calmann-Lévy. Vous êtes aujourd'hui auteur de thriller mais il y a eu une autre vie avant. D'abord, vous avez fait des études de droit et d'histoire de l'art comme quoi ça mène à tout.
Nico Tackian
Ouais.
Philippe
On vous a vu aussi en bande dessinée. Vous avez écrit des scénarios pour des B.D. pendant un bon petit moment. Vous avez été réalisateur, vous êtes aussi scénariste. On se souvient qu'avec Franck Thilliez, vous avez collaboré au projet "Alex Hugo" avec Samuel Le Bihan dans le rôle principal. Et puis, aujourd'hui, auteur de thriller, vous avez l'impression que c'est un cheminement qui est très logique ou finalement tout ça, ce sont un peu les hasards de la vie ?
Nico Tackian
Non, c'est assez logique. Je pense que moi, vous savez, j'ai fait du droit et l'histoire de l'art que je voulais être archéologue à un moment dans ma vie. Je pense que je voulais être Indiana Jones, un peu. Puis j'ai fait un chantier archéologique dans un parking de Saint-Denis. J'ai compris que j'étais un peu loin de l'Egypte. J'ai arrêté, je me suis mis au droit en parallèle en me disant : "Je vais être commissaire priseur". Mais tout ça, c'était autour des histoires de l'histoire. Finalement, j'ai abandonné cet espoir là. Je suis devenu journaliste.
Philippe
Aussi, c'est vrai.
Nico Tackian
Donc c'était pareil, ce côté un peu "raconter les histoires des gens". Pour le coup, j'ai fait pas mal de reportage, en fait. En fait, il y a toujours eu cette constance et c'était logique d'aller vers le roman un peu en aboutissement, parce que c'est quand même l'endroit le plus libre pour raconter des histoires. Dans tous les supports que j'ai traversés, il y a toujours des contraintes. Dans le roman, il y en n'a pas, en fait.
Philippe
Je reprends ce que vous disiez : l'histoire de l'art parce que vous aviez envie d'être Indiana Jones. En tout cas faire un peu d'archéologie. Vous avez l'impression que dans vos romans, où ce sont souvent aussi des thrillers. Mais la psychologie des personnages est souvent très importante d'aller creuser comme ça dans la psychologie des personnages, c'est aussi un peu la même chose que de faire de l'archéologie ? Vous allez fouiller au plus profond de l'âme ?
Nico Tackian
C'est surtout l'écriture, c'est très psychanalytique. Donc oui, c'est de l'archéologie à l'intérieur de moi-même, puisque chaque roman est, en fait, le reflet un peu de mes angoisses, de mes névroses de l'année où j'écris le roman. Donc je pourrais relier chaque roman à des trucs qui se sont passés dans ma vie au moment où j'écrivais. Et pour moi, l'écriture, c'est vraiment ça. C'est laisser suffisamment de liberté à son esprit pour retraduire des choses intimes à travers des personnages, une histoire, etc. Après, il y a toutes les couches de la fiction qui font que pour le lecteur il s'y retrouve. Mais souvent mes angoisses peuvent être assez communes et donc assez partagées par mes lecteurs. Donc tout le monde a l'impression que tout le monde peut se raccorder à quelque chose. Mais moi, dans l'écriture, c'est effectivement l'archéologie mais l'archéologie tournait sur moi : mes envies, mes faiblesses, mes passions. Et ça se diffuse comme ça dans le roman.
Philippe
Vos envies, vos faiblesses, vos passions et vos angoisses alors si j'entends bien.
Nico Tackian
Et beaucoup mes angoisses, puisqu'on est dans le polar et dans le thriller. Mais d'une certaine manière, je ne suis pas certain que les gens qui écrivent des polars, et des thrillers soient les plus angoissés. On nous dit souvent ça. On nous dit : "Oh la la - on l'avait évoqué nous mêmes d'ailleurs - vous avez l'air normal et je ne comprends pas comment vous faites pour écrire des histoires aussi atroces". Ça, ça arrive à chaque salon où j'ai cette remarque, quasiment. Et en fait, je trouve que c'est, au contraire, des gens assez équilibrés qui écrivent des polars et des thrillers. Justement parce qu'il y a beaucoup des angoisses qui sont transmises à travers ces romans. Ce qui fait que dans la vie de tous les jours, on est souvent moins angoissé, je pense, que d'autres romanciers. On dit souvent que : "les clowns sont ceux qui se mettent une balle dans le crâne en premier". Mais moi, je suis à dire que plus tu es drôle, en fait, moins t'es drôle dans la vie réelle. Je pense que pour les polars, c'est l'inverse. On a l'air d'être des psychopathes, mais en fait, on est assez gentil, assez bisounours dans la vie de tous les jours.
Philippe
Là vous cassez un mythe.
Nico Tackian
C'est la réalité, je pense.
Philippe
Et finalement, quels sont vos grands maîtres (toute époque confondue et toutes écritures artistiques confondues) ? Quels sont les grands maîtres qui, peut-être, vous ont donné envie, vous aussi, de vous pencher là dessus ?
Nico Tackian
Alors là, je vais faire une réponse un peu décalée aussi. C'est que moi je ne viens pas ... Alors moi, vous savez, j'étais un petit garçon qui était dyslexique. Donc le pire pour moi, c'était de lire et d'écrire. La pire angoisse. Je suis arrivé progressivement à la création d'histoires par le jeu drôle et donc à la lecture, à l'écriture, etc. Donc en fait, mes premiers "vraiment maître" (entre guillemets) venant de la littérature, c'étaient des écrivains de genre de science fiction (Asimov, Philip K. Dick, Lovecraft, Tolkien bien entendu). C'est eux que j'ai lu en premier. Après, j'ai redécouvert la littérature (entre guillemets), "plus général" beaucoup plus tard. Quasiment lorsque je suis devenu scénariste et que je me suis intéressé aux histoires et que j'ai été amené, parce que j'avais des projets de scénarios, à aller dans des univers que je ne maîtrisais pas bien. Donc notamment, je pense à un auteur que j'ai découvert tardivement mais qui m'a passionné, c'est Jean Giono, par exemple. Je lui ai d'ailleurs rendu un hommage dans "Solitude" qui, pour moi, est très parallèle à "Un roi sans divertissement" de Jean Giono. Mais bon, il y a plein de parcours d'écrivains différents. Moi, je ne suis pas un littéraire, au contraire, j'étais même un névrosé de la littérature. Donc, j'avais peur de ça quand j'étais gamin. Une fois que j'ai surpassé cette peur là et que c'est devenu plus facile pour moi, c'est plutôt la culture pop ou geek - je ne sais pas comment l'appeler - des années 80 qui qui a nourri mon imaginaire.
Philippe
Oui, vous vous êtes nourri à plusieurs écritures différentes ?
Nico Tackian
Complètement oui.
Philippe
Des écritures artistiques très différentes.
Nico Tackian
Et j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas que L'écriture, c'est-à-dire que moi j'ai travaillé pendant un temps dans une rubrique de Mad Movies qui est un magazine de fantastique et de gore. Donc j'ai dû voir tous les films de série Z de mon vidéoclub, parce qu'à l'époque, y avait des vidéoclubs. Tout ça a nourri l'imaginaire qui fait que aujourd'hui, je raconte des histoires. Pour moi, l'écriture était le support le plus simple pour retranscrire cet imaginaire et les envies de raconter des histoires que j'avais. Avec une feuille, un papier, un crayon. C'est bon, on peut le faire.
Philippe
J'aimerais qu'on revienne aussi sur cette autre corde que vous avez à votre arc, celle de scénariste. C'est aussi une écriture, mais qui est différente de celle du romancier que vous utilisez pour vos romans chez Calmann. On sait que vous avez travaillé avec Franck Thilliez sur "Alex Hugo". Cette aventure du scénario et d'une série qui devient très connue.Est-ce que parfois c'est un peu lourd à porter ? Ça représente quoi pour vous dans votre parcours ?
Nico Tackian
Bah "lourd à porter", je ne peux pas dire ça parce que nous on est très content avec Franck que "Alex Hugo "cartonne. C'est vrai qu'on était presque étonné que ça cartonne à ce point là. Après, on porte le poids de rien du tout parce qu'on est très anonyme. Au fait, c'est-à-dire qu'on n'est pas du tout sur le devant des projecteurs. Ce sont surtout les comédiens.
Philippe
Oui, votre nom est au générique.
Nico Tackian
Mais voilà, c'est-à-dire qu'à la télévision française...
Philippe
La visibilité s'arrête là.
Nico Tackian
Voilà, ça s'arrête là. On n'a jamais eu vraiment de visibilité, donc on est surtout très contents que ça ait plu au public et que ça continue de lui plaire. Après, vous disiez que "l'écriture est très différente", elle est vraiment très différente. C'est vraiment une industrie de l'audiovisuel. On est beaucoup moins maître de ce qu'on veut raconter que dans le roman où là on est auteur parce qu'en fait on dit un truc pas, après ça plaît, ça plaît pas, mais c'est ce qu'on avait à dire. A la télé, on ne dit pas un truc, on demande à une chaîne ce qu'elle veut dire. Et comme on est un bon artisan, on fait une commande et, en fait, on y met un peu de soi pour que ça soit plus qualitatif que quelqu'un d'autre. Mais ce n'est pas du tout la même manière de travailler.
Philippe
Votre actualité, Nico Tackian, en continuant en tout cas à nous faire peur. Cette actualité, ça s'appelle "La Lisière" et c'est aux éditions Calmann-Lévy.
Niko Tackian
La lisière
Livre 00'08'50"Philippe
On le disait en préambule Nico Tackian. Voilà votre septième titre chez Calmann-Lévy, "La Lisière". Et vous allez nous emmener en Bretagne, pas la Bretagne des bords de mer, pas la Bretagne riante. Non, celle qui est au cœur de la Bretagne, ce sont les monts d'Arrée. C'est cette terre assez étrange. On va en parler parce qu'il me semble que ce décor n'est pas anodin et qu'il est un personnage à part entière. En tout cas, on se retrouve sur une petite route, une petite route des monts d'Arrée. C'est un soir. La nuit est déjà tombée. Il y a Tom à l'arrière de la voiture. Il doit aller passer quelques jours chez sa grand-mère et ce sont ses parents qui l'emmènent : Adrien et Viviane. Et puis, tout à coup, il y a une forme qui surgit sur le bord de la route. Adrien va sortir pour voir ce qui se passe. Le petit homme va sortir parce qu'il a une envie urgente. Et puis ils vont disparaître et Viviane va se retrouver seule à se demander ce qui est arrivé à son fils et à son mari. C'est le point de départ de votre roman. Comment est née cette histoire et pourquoi avoir eu envie de nous emmener en Bretagne ?
Nico Tackian
Alors, cette histoire est née, comme souvent pour moi, par le lieu, avant même l'histoire. Et comme je me suis fixé à moi-même une contrainte qui est de rester dans les frontières de la France. Ce n'est pas si évident à chaque fois de trouver ce cadre, qu'il y ait les éléments dont j'ai besoin, c'est-à-dire une zone avec beaucoup d'atmosphère qui ne soit pas ultra non plus connue par tout le monde. C'est bien de découvrir un lieu aussi dans un roman. Et j'achète beaucoup de livres de photos pour essayer de me documenter sur des lieux. Et je suis tombé par hasard sur des photos d'un endroit que je pensais être l'Écosse pendant un certain temps et j'étais presque prêt à faire une petite...
Philippe
Un pas de côté.
Nico Tackian
Voilà, un pas de côté en me disant : "ah l'Ecosse, c'est pas si loin que ça". Je connaissais un peu l'Ecosse, j'étais déjà allé il y a quelques temps. Et puis, en fermant, en fait une photo. Je vois : "Monts d'Arrée, Finistère". Dès que je suis arrivé sur place, j'avais tous les éléments dont j'avais besoin. C'est-à-dire les monts d'Arrée, ce sont des grandes tourbières. D'ailleurs, c'étaient les plus grandes tourbières d'Europe avant qu'elles aient été privatisées parce qu'on y a construit une centrale nucléaire, qui depuis a été démantelée ou en tout cas en partie démantelée - pour peu qu'on puisse arriver à démanteler un jour une centrale nucléaire vraiment. Et on a changé le paysage parce qu'on a exproprié les gens qui avaient des tourbières pour créer un lac de réserve pour la centrale nucléaire. Donc, autour de cette zone, vous avez des rochers granitiques qui sont les vestiges du Massif armoricain qui était quand même une montagne massive qui traversait toute la France et c'est donc les plus hautes montagnes de Bretagne. J'avoue que ça a bien fait marrer quand j'ai vu ça sur la doc que j'avais prise. Elles sont très impressionnantes, on dirait des crocs de dragons, alors on est déjà dans les mythes. Elles sont un peu acérées comme ça et elles encadrent toute cette tourbière. Donc, il y avait ça. Et de l'autre côté de ces montagnes, il y a Huelgoat et la forêt de Huelgoat qui, elle, est pour les gens du Finistère, la vraie Brocéliande. Mais franchement, quand on est dedans, on n'est pas loin de les croire parce que c'est vraiment la forêt enchantée avec de la mousse sur les arbres, partout, des pierres, le chaos. Ce qu'ils appellent le chaos, c'est-à-dire des roches immenses à l'échelle d'immeubles qui sont posées à droite, à gauche comme ça. Et en fait, donc j'arrive là-bas et tout de suite j'ai les éléments dont j'ai besoin, c'est-à dire un univers assez clos parce que moi je fais quand même beaucoup de huis clos - à ciel ouvert, certes mais en huis clos - que je puisse maîtriser, sur une carte, et ou je pourrais placer des personnages, une intrigue, etc.
Philippe
Alors on l'aura compris - et d'ailleurs vous le dites dans les toutes dernières pages de remerciements ou en tout cas d'explications de l'écriture -, vous êtes un peu tombé à la fois sous le charme du paysage. Et puis vous vous êtes dit : "Je peux placer une intrigue ici. Il y a le décor. Et puis il y a aussi toutes les légendes que l'on connaît dans cette Bretagne dite authentique". Et puis il y a cette petite famille qui, a priori, est une famille à qui il ne peut rien arriver. Et puis malheureusement, ce soir-là, il se passe quelque chose. Il y a cette disparition.
Nico Tackian
Ben oui, c'est une situation de départ de gens du quotidien. C'est-à-dire qu'il y a des vacances scolaires, tu travailles, tu as un enfant, il faut le déposer à la grand-mère. Tu en profites pour faire un petit repas de famille, tu prends ta voiture, sauf que tu traverses les monts d'Arrée et que là, ça se passe pas comme prévu. Et effectivement, ma volonté c'est d'avoir une héroïne qui soit vraiment quelqu'un de lambda, parce que forcément, le lecteur est plus à même à se projeter dans un personnage qui lui ressemble. C'est d'ailleurs pour ça que je préfère le thriller au polar. En fait, c'est que moi, j'ai beaucoup d'amitié et de compassion pour le métier de policier que je connais bien parce que j'en ai écrit beaucoup. Et que par la force des choses, bah tu rencontres beaucoup de policiers et puis tu t'attaches à beaucoup d'entre eux. Tu comprends aussi ce que c'est que ce métier. Après, j'ai du mal a, de roman en roman, à ne faire que incarner des policiers, parce que je trouve que c'est assez limitatif par rapport à la possibilité qu'on a dans le roman.
Philippe
Alors là, il y aura néanmoins une femme policière qui va suivre l'intrigue...
Nico Tackian
Une gendarme.
Philippe
Mais, c'est vrai que c'est Viviane, cette femme qui se retrouve sans son mari et sans son fils. C'est elle qui va essayer de comprendre ce qui s'est passé. Ce sera aussi l'occasion de plonger elle-même dans les failles de son histoire personnelle. Et puis, au-delà de l'intrigue, vous aimez aussi pointer du doigt sur certains éléments, vous allez nous parler de cette centrale nucléaire qui a été démantelée et vous allez nous parler du sort des marins pêcheurs. Il y a plein de sujets qui peuvent aussi être des sujets d'actualité qui viennent comme ça se juxtaposer dans l'intrigue.
Nico Tackian
Comme le thriller et encore plus le polar sont vraiment des genres du réel. Et que la Bretagne est quand même une région qui est à la fois fière et qui est très fière de ses racines - bien entendu -, mais aussi de sa culture. C'est difficile de traiter une région aussi marquée que les monts d'Arrée - parce que les monts d'Arrée a une histoire très riche. En survolant tout ça, comme si ça avait pu être ailleurs, j'avais vraiment envie de donner un instantané, un polaroïd assez réel de l'année où se passe ce roman en Bretagne.
Philippe
Ce qui veut donc dire aussi que votre décor n'est pas qu'un simple décor puisque effectivement, le fait que ça se passe en Bretagne, ça fait vraiment partie de l'histoire. Ce qui veut dire que votre choix de la Bretagne, c'est un personnage à part entière. Est-ce qu'il y a aussi une appréhension - justement -, à utiliser ce décor et les légendes qu'il y a tout autour ? Est-ce que vous avez dit comment les Bretons vont prendre tout ça ?
Nico Tackian
Bien sûr. C'est une responsabilité, tout simplement. C'est-à-dire que, à partir du moment où tu écris une histoire qui se passe dans un lieu réel, dans une culture réelle et à une période de temps précise, tu te dois pour tes lecteurs de cette région, - mais aussi tous les gens qui connaissent cette région, c'est-à-dire les trois quarts de la France. Puisqu'on parle de la Bretagne, là la Bretagne, on ne peut pas raconter n'importe quoi.
Philippe
J'aimerais qu'on parle aussi parce qu'il y a ce bonus, mais qui est vraiment très sympa pour le lecteur. C'est-à-dire qu'à l'ouverture du livre, il y a un QR code qui permet d'en savoir plus sur l'écriture, la façon dont vous avez travaillé sous forme d'une interview. Et puis alors à la fin : deuxième bonus, deuxième cadeau. Ça, c'est le chapitre, le chapitre en plus. Alors c'est quoi cette envie, l'histoire de communiquer avec les lecteurs, c'est de prolonger le plaisir ?
Nico Tackian
Oui, c'est en fait, ce qui est intéressant, je trouve, c'est qu'il se passe plein de choses derrière un roman qu'un lecteur ne saura jamais. Alors bon, ça peut être : les influences de l'écrivain, qu'est ce qui l'a amené à écrire cette histoire ? Après, ça peut être aussi quelque chose de beaucoup plus technique qui est que écrire un roman, c'est faire des choix, - souvent on les fait avec son éditrice à la fin. C'est-à-dire que nous, des fois, on connaît bien l'histoire des personnages donc tout nous paraît évident. Mais il y a des choses parfois qui ne sont pas évidentes pour le lecteur qui découvrent le roman. Et ton éditrice peut être amenée parfois à te dire : "Attention, là, c'est trop complexe. Il faudrait couper ici ou couper ça". C'est le cas dans la lisière : dans la lisière, il y a toute une ligne de personnage qui est la mère de l'enquêtrice, une ligne familiale autour de l'enquêtrice que j'ai gommée. Il y en avait dans tous les chapitres, donc j'en ai enlevé des choses dans tous les chapitres. Mais j'ai particulièrement enlevé un chapitre qui était un peu emblématique, où la mère apparaissait, où on comprenait la relation qu'on peut avoir grâce à ce bonus. Et je trouve ça intéressant parce que ça éclaire un peu différemment.
Philippe
Que s'est-il passé sur cette route des Monts d'Arrée pour que Viviane se retrouve seule ? Qu'est-il advenu de son fils et de son mari ? Vous le saurez à la lecture de "La Lisière". Je vous préviens, c'est très addictif. C'est-à-dire que lorsque vous commencez, vous avez beaucoup de mal à reposer le livre. Et je parle aussi parce que c'est ce qui m'est arrivé. Donc faites vous peur et faites vous plaisir. Ça s'appelle "La Lisière", c'est votre actualité Nico Tackian. Vous êtes publié chez Calmann-Lévy. Merci beaucoup.
Nico Tackian
Merci.