Laurent Decaux

Laurent Decaux

Avant la fin du monde

Portrait 00'08'09"

Philippe
Bonjour Laurent Decaux.

Laurent Decaux
Bonjour Philippe Chauveau.

Philippe
Votre actualité Avant la fin du monde, c'est votre troisième roman puisqu'on vous a découvert en 2017, c'était avec Le Seigneur de Charny et ensuite il y a eu Le Roi Fol. Et puis donc, voici ce troisième titre, à nouveau un roman historique. Ce n'est pas tellement étonnant, lorsque l'on porte le nom de Decaux, de s'intéresser à l'histoire. On va brièvement reparler de votre père. Votre père était un historien certes, mais surtout un conteur. C'est lui qui a démocratisé l'histoire et l'histoire pour tous, notamment par ses émissions à la radio et à la télévision. Un conteur, c'est aussi le souvenir que vous avez de lui en tant que père. Est-ce-qu'il vous racontait des histoires ?

Laurent Decaux
Ah oui, il me racontait beaucoup d'histoires, mais pas les histoires qu'on voyait à la télévision ou qu'on entendait à la radio. C'était plutôt des histoires pour enfants. Il excellait d'ailleurs dans ce style. C'était des histoires à dormir debout, mettant en scène toutes sortes d'aventuriers, de mousquetaires, des héros à la Dumas. Mais c'est quelque chose qu'il osait faire avec nous, mais qu'il ne se serait jamais permis de faire, de faire avec ses auditeurs ou ses spectateurs puisque il était historien, donc il n'était pas question pour lui de jouer ou de transgresser avec l'histoire.

Philippe
Ce qui veut dire que lorsque l'on regarde la bibliographie de votre père, il y a des biographies, il y a des récits, des essais, etc. Mais il n'y a pas de roman, effectivement. Et vous, en revanche, vous avez fait le choix de prendre la plume romanesque. On va revenir sur ce choix là, parce qu'il y a un autre Laurent Decaux, celui d'avant l'écriture. Pourquoi l'écriture finalement arrive-t-elle assez tardivement dans votre parcours ?

Laurent Decaux
Ben c'est peut être aussi le poids ou, non pas le fardeau, mais une sorte de complexe peut être vis à vis de mon père, qui avait la plume extrêmement facile. C'était avant d'être un conteur pour moi d'ailleurs, un écrivain. Et je me disais que voilà que le chemin avait été ouvert et que j'avais peut être du mal à m'inscrire dans ses pages.

Philippe
Vous ne vous sentiez pas autorisé ?

Laurent Decaux
Je ne sais pas. En tout cas, j'ai choisi justement un chemin de traverse puisque je fais du roman et non pas d'histoire avec un grand H. Je me sers de l'histoire, mais je fais avant tout du roman, de la fiction historique qui est toujours étayé par des faits historiques et qui se basent sur des faits réels.

Philippe
Avant de prendre la plume. Vous êtes aussi un lecteur, j'imagine ?

Laurent Decaux
Oui, ça, je suis un lecteur très éclectique, mais j'ai été par l'influence une fois de plus de mon cher papa, j'ai été biberonné en quelque sorte avec les grands romans feuilletons du 19ᵉ. D'ailleurs, j'ai une anecdote assez amusante. C'est un de mes souvenirs d'enfance avec mon père qui est une histoire qu'il nous racontait sans cesse. C'est qu'il a été victime à dix ans d'une d'une appendicite sérieuse, une péritonite. On l'emmènent à l'hôpital. Les médecins pensent qu'on ne peut pas le guérir. Il reste trois semaines, un mois. Il voit ses parents de plus en plus hagard, blême. Et là, son grand père lui apporte le comte de Monte-Cristo. Il finit le premier tome, sa température baisse de 40 à 39.5. Au deuxième tome, elle descend à 39. Au bout de sept jours, il est guéri. Guéri par Le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas.

Philippe
C'est pas mal.

Laurent Decaux
Oui.

Philippe
Finalement, vous prenez la plume pour un premier roman qui s'appelle Le Seigneur de Charny en 2017. Mais il y avait t il eu des tentatives précédemment ? Est ce qu'il y avait quand même des brouillons, des pré romans sur lesquels vous vous étiez déjà penché ?

Laurent Decaux
À vrai dire, mon rêve, c'était vraiment de faire du roman historique depuis toujours. Je parlais de Dumas, mais je suis aussi, enfin j'aime tout le roman historique. Je suis dans ce domaine assez éclectique, aussi bien aussi bien Dumas que Théophile Gautier que Yourcenar, que Rufin dans la littérature actuelle. Même que Ken Follett pour un public plus large. Donc ça va vraiment du littéraire au grand public ce que j'aime. Et j'avais entrepris diverses tentatives, mais à vrai dire, je ne trouvais pas le sujet et il m'a sauté au nez, à vrai dire, dans des livres que j'ai retrouvé dans la dans la bibliothèque familiale, toute une série de livres auxquels s'était intéressé mon historien de père. Le Saint-Suaire sur le sujet du Saint-Suaire, donc la relique la plus précieuse des chrétiens, ce linceul qui aurait enveloppé le Christ à sa descente de croix et avant sa résurrection et qui est un objet assez miraculeux, il faut le dire, assez extraordinaire. Et voilà, le sujet m'a semblé tout trouvé quand j'ai découvert l'histoire de cet objet qui surgit pour la première fois au XIVᵉ siècle chez des seigneurs de Champagne.

Philippe
Et c'est le point de dépar de votre premier roman, Le Seigneur de Charny. Après, il y a eu les intrigues et les complots à la cour, à la cour du roi avec le Roi Fol. C'était Charles.

Laurent Decaux
C'était Charles VI.

Philippe
Charles VI c'est ça ! Et puis là, nous sommes toujours finalement dans le XVᵉ siècle.

Laurent Decaux
XIVᵉ siècle.

Philippe
XIV siècle avec les marins génois. Et là, on va parler de la peste. Ça veut dire que cette période du XIVᵉ siècle vous intéresse beaucoup.

Laurent Decaux
Mais à vrai dire, j'ai trouvé un bon sujet enfin, après 35 ans j'ai envie de dire avec le seigneur de Charny. Et en écrivant Le Seigneur de Charny, j'ai trouvé un deuxième bon sujet, c'était un roi qui n'avait jamais été finalement portraituré j'ai envie de dire en littérature qui est Charles VI, le roi, le roi le plus fou de l'histoire de France. Son règne a d'ailleurs mené la France au chaos et a fait perdurer la guerre de 100 Ans qui sans cela se serait arrêtée avec son père Charles V. Et le deuxième roman m'a aussi donné l'occasion de trouver encore une fois un sujet en or en étudiant le XIVᵉ siècle. J'écrivais sur les années 1380-1390, qui était marquée de toute évidence par sans doute le plus grand fléau de l'humanité, la peste qui avait frappé l'Europe en 1347 1348. Donc il faut que les sujets viennent à moi.

Philippe
C'est ce qui est intéressant dans l'histoire, c'est qu'on tire le fil.

Laurent Decaux
Exactement et un roman en appelle l'autre.

Philippe
Et lorsque vous travaillez alors parce que les critiques depuis votre premier roman ont salué la qualité de votre plume, ça c'est une évidence. Et puis aussi toute la véracité historique de vos propos, parce que vous mettez un point d'honneur à tout ce que tout ce que vous racontez, même s'il y a des personnages fictifs mais il y a aussi des personnages authentiques. Mais vous souhaitiez que tout ce que vous racontez soit vrai ? Ça c'est très important pour vous. Comment travaillez vous.

Laurent Decaux
Alors je me documente énormément. Je vais sur le terrain. Pour le premier, c'était le cas en Champagne, pour le deuxième aussi en forêt du Mans où avait eu lieu l'épisode de folie de ce roi, de ce roi fou, le Roi Fol, Charles VI. Et puis là, ça a été un peu plus compliqué parce que je l'ai écrit en plein Covid. Gênes je connaissais, mais je n'ai pas pu y retourner. Constantinople puisque mes héros y passent Istanbul, donc de la même façon, c'était fermé. Naples, je connaissais très bien, Athènes aussi, c'est tout un. C'est tout un itinéraire de ce roman. C'est un roman maritime, un roman d'aventures en mer.

Philippe
Est ce à dire que vous vous faites aider par des conseillers historiques ou vous faites vous mêmes toutes vos recherches.

Laurent Decaux
Pour ce roman En l'occurrence, j'ai eu la chance d'être aidé assez extraordinairement par un professeur émérite en Sorbonne qui s'appelle Michel Balard qui est le grand spécialiste de la Gênes du XIVᵉ siècle. Donc je ne pouvais pas trouver mieux. Et puis une historienne, professeure à Montpellier, spécialiste de l'Orient latin au Moyen Âge. Et puis un historien qui s'appelle Florian Besson, qui est lui spécialiste aussi, un médiéviste, un spécialiste du Moyen-Age, médiéviste, très bon médiéviste et dont la spécialité est d'aller repérer les anachronismes dans la littérature ou dans la fiction, dans les films, tout ce qui attrait au Moyen-Âge. Et je lui ai demandé de relire mon livre quand il était en fin d'écriture, et il a eu la gentillesse d'aller traquer tous les anachronismes, donc de me faire approcher une forme de vraisemblance historique, parce qu'il n'y a pas de vérité historique, mais on peut toucher quand même une forme de vraisemblance. En tout cas, c'est ce que j'essaye.

Philippe
C'est votre troisième roman Laurent Decaux, ça s'appelle Avant la fin du monde et vous êtes publié chez Albin Michel.

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