Laurent Decaux

Laurent Decaux

Avant la fin du monde

Livre 00'08'28"

Philippe
Quel roman incroyable, quelle aventure vous allez nous faire vivre ! Nous allons rejoindre Daniele et Vittorio Demussi. Ils sont italiens, ils vivent près de Gênes. C'est le père et le fils. Nous sommes au milieu du XIVᵉ siècle et ce sont des menuisiers, des charpentiers. Ils travaillent notamment avec les chantiers navals. Qui sont ils ce père et ce fils qui vont continuer de connaître à la fois la gloire et la détresse, la ruine et la fortune. Qui sont ils ?

Laurent Decaux
C'est d'abord, avant toute chose, l'histoire de ce père et de ce fils qui commence, dont l'histoire commence dans ce roman en tout cas par beaucoup, par une relation très conflictuelle. Ce sont deux caractères qui sont complètement opposés. Le père est un homme qui dégage une grande lumière, très optimiste. Optimiste presque d'une manière assez, je dirais forcenée. On a l'impression qu'il se convainc lui même d'être optimiste parce que la crise menace. Gênes est victime d'un blocus venu d'Orient, donc son économie périclite. Le chantier est en grande difficulté, mais il trouve toujours des ressources. Il dit que l'atelier va s'agrandir, qu'il réussira à refourguer ses mâts qui lui restent sur les bras, qu'il vont même engager un apprenti qu'ils vont faire de cet atelier une entreprise gigantesque. Donc ces ambitions semblent complètement démesurées au fils qui lui est plus réaliste, plus cynique peut être aussi. Et ce cynisme a peut être aussi été d'une certaine manière, c'est ce que je dis au début de ce roman alimenté par ses nombreuses lectures qui lui ont été permis, par le petit abbé de son village.

Philippe
Le fils il est plutôt bercé dans les livres.

Laurent Decaux
C'est un lettré. Son talent a été remarqué par l'abbé de son village et il développe un certain mépris vis à vis de son entourage et peut être même vis à vis de son père qui est un homme qui travaille avec ses mains, mais qui travaille extrêmement bien avec ses mains, qui est très doué. Voilà qui a une force, un charisme presque bestial et physique.

Philippe
Mais alors, vous le disiez, le père et talentueux avec ses mains, mais les affaires ne vont pas bien pour autant. Ce qui veut dire que le père et le fils, qui ne s'entendent pas très très bien au départ, vont quand même être obligés de s'unir, de travailler ensemble pour essayer de faire quelque chose. Alors ils vont partir, ils vont essayer de se reconstruire, et puis voilà qu'on va les retrouver sur les flots, à la tête d'un bateau, à la tête d'un vaisseau qui va naviguer avec de mauvaises rencontres. C'est un roman d'aventures sur l'eau finalement ?

Laurent Decaux
Oui, oui. Et alors évidemment, il y a une péripétie au début, c'est ce jeune homme, Vittorio Demussi, qui s'engage dans une histoire d'amour qui est évidemment très complexe avec une jeune femme d'une plus haute société que la sienne et qui se termine mal. Mais voilà, le père comme le fils doivent s'embarquer un peu contraints et forcés pour cette aventure qui est en fait une armada qui est montée par Gênes pour aller combattre l'ennemi mongol qui menace le monopole commercial de Gênes sur la mer Égée et la mer Noire. Donc, ils décident, Gênes décide d'aller combattre l'Empire mongol, mais ce n'est pas face à cette armée assez terrifiante elle même qu'ils vont se retrouver, mais face à un fléau qui est bien plus terrible encore puisque vous l'aurez deviné, c'est la peste noire.

Philippe
C'est le bandeau d'ailleurs qu'a mis votre éditeur sur la couverture : 1347 La peste déferle sur l'Europe. Vous avez écrit ce livre en pleine période de confinement. Et c'est vrai que l'histoire que vous nous raconter, même si elle se passe au XIVᵉ siècle, a des échos très forts avec ce que nous avons vécu, ce que nous vivons en encore. Comment, pendant l'écriture, avez vous réussi néanmoins à rester un peu en dehors pour rester concentré sur votre sujet ?

Laurent Decaux
Ecoutez, j'étais confiné, un peu comme mes héros qui se retrouvent puisque mon narrateur a écrit 50 ans après les faits, il a vécu plusieurs vagues de peste noire. C'est une épidémie qui a duré à peu près 70 ans, la peste noire de 1350, à peu près jusqu'à 1420. Donc, lui même s'est retrouvé confiné, enfermé, séquestré à plusieurs reprises.

Philippe
Puisqu'on a parlé de Vittorio et de son père Daniele et de leurs rapports conflictuels. Mais c'est vrai que l'histoire se passe 50 ans après et le jeune homme est devenu un homme, un vieillard en fin de vie qui veut raconter lui même sa propre vie.

Laurent Decaux
Il veut raconter l'histoire la plus extraordinaire qui lui soit arrivée. Effectivement, Vittorio le vieillard écrit pour, non seulement pour se raconter, mais aussi pour réhabiliter son père, pour raconter cette histoire.

Philippe
Rétablir des vérités.

Laurent Decaux
Cette histoire intime, pour rétablir des vérités, pour tisser un lien avec son fils. Aussi donc. C'est un roman à tiroirs, si je puis dire, qui se lit avec une double vision.

Philippe
Alors on l'a déjà dit. Vous mettez un point d'honneur à tout ça, à faire en sorte que tout ce que vous racontez, soit authentique, soit véridique, c'est la grande histoire qui est bien présente. Et il y a un épisode, j'ai envie de dire qui est assez savoureux, le terme est sans doute mal choisi, mais vous le raconter avec un tel brio et une telle plume romanesque, c'est de nous rappeler que la peste a aussi été un outil militaire. Et c'est peut être aussi un petit peu comme ça que les marins ont pu être contaminés puisqu'on utilisait carrément des pestiférés qu'on catapultait sur les assaillants. C'est vrai ça ?

Laurent Decaux
Oui, je disais tout à l'heure que effectivement un Roman en appelle un autre. Et c'est en écrivant mon deuxième livre que j'ai découvert cette histoire incroyable qui m'a donné envie de lire ce livre. C'est l'empereur mongol.

Philippe
Donc on est sous les remparts de Caffa.

Laurent Decaux
Voilà qui orne sur cette immense colonie génoise. Et cet empereur souhaite depuis longtemps récupérer cette colonie, ce comptoir. Il envoie ses soldats. Il échoue une première fois en 1344. Gênes renforce ses murs. l'Empereur mongol essaye d'assiéger une nouvelle fois la ville, il n'y parvient pas. Au bout de six mois pourtant, il ne désespère pas. Mais c'est là, enfin c'est sa chance et notre malchance j'ai envie de dire que beaucoup de ces soldats commencent à tomber les uns après les autres d'un fléau absolument épouvantable. Ce sont des des tumeurs au niveau des aisselles, au niveau de la nuque. On en meurt en deux trois jours, donc il voit cette maladie effroyable frapper son armée. Et là, il a l'idée assez géniale et attestée par les chroniques de l'époque de prendre des pestiférés qui sont complètement délirants, fiévreux, de les mettre dans les bacs dans les paniers de ces catapultes et là de les envoyer dans la ville, pour transmettre la peste aux habitants de Caffa. Et c'est ainsi que les habitants de Kafa vont fuir, évidemment cet enfer. Monter dans leurs galères, dans leur barge de transport, dans leur navire marchand et aller vers Constantinople et de là, répandre la peste dans le reste du monde.

Philippe
Alors c'est l'un des épisodes que vous nous raconter dans le roman. Il y a beaucoup d'aventures. C'est un roman d'aventures, il y a des combats, des combats maritimes. Il y a des pirates aussi qui prennent possession des navires génois. Et puis c'est aussi une histoire de famille et c'est aussi une histoire d'amour. Vous voulez qu'il y ait du plaisir de lecture aussi ?

Laurent Decaux
La lecture, on se dit : ah c'est un roman sur la peste noire, ça va forcément être horrifique. Et d'ailleurs, je dois dire que je suis un grand amateur aussi. Je parlais du roman historique, mais de Stephen King aussi, et je suis allé piocher dans Stephen King, qui a écrit un roman assez génial sur une épidémie qui s'appelle Le Fléau. Et donc je suis allé piocher pas mal de choses là dedans, dans le suspense, dans la construction, vraiment de la dramaturgie. Mais oui, le roman historique, il faut garder bien en tête, c'est de l'intrigue. Donc moi, je veux construire de l'intrigue. Je veux que le lecteur soit emporté comme mes héros qui sont emportés sur cette galère, dans cette galère, j'ai envie de dire. Donc donc non, c'est oui, c'est un roman historique.

Philippe
Un roman historique, mais qu'on lit avec, avec passion enthousiasme. Et on a du mal à Le poser. Tout ce que vous racontez est inventé, mais tout ce que vous racontez est authentique. C'est bien ça ! C'est votre troisième roman et c'est une réussite. Ça s'appelle avant la fin du monde. Votre nouveau titre, Laurent Decaux publié chez Albin Michel.s
Merci beaucoup.

Laurent Decaux
Merci beaucoup.

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