Miguel Bonnefoy

Miguel Bonnefoy

Le voyage d'Octavio

Livre 5'42

Philippe Chauveau :

Quelle drôle d'histoire que celle d'Octavio ! C'est une sorte de roman picaresque puisque Octavio est un jeune garçon analphabète qui va voir le monde s'ouvrir à lui. Lorsqu'il rencontre cette belle Venezuela, il rencontre la magie des mots, de l'écriture et de la lecture et sa vie va s'en trouver bouleversée. Je dis roman picaresque, parce que Octavio va rencontrer tout un tas de personnages. Alors il y a les personnages et il y a Le personnage. Une question Miguel Bonnefoy, le héros c'est Octavio ou c'est le Venezuela ?

Miguel Bonnefoy :

Je pense que le héros principal est le Venezuela, le pays. Encore une fois, à mon retour du Venezuela, il m'a semblé important de décrire les métiers que j'avais vu là-bas, et je voulais donner une autre image du Venezuela, que l'on décrit comme un pays de délinquance, de plage ou de pétrole. Il s'y passe des belles choses, on a notre identité, on a des traditions et il me semblait important de les dire ici, en Français.

Philippe Chauveau :

Faire de ce personnage d’Octavio, quelqu'un de pauvre, d'analphabète qui n'a jamais rencontré l'écriture, c'est un petit peu tout l'inverse de vous. C'est justement parce que vous parliez de culpabilité par rapport au Venezuela que vous avez choisi ce personnage ?

Miguel Bonnefoy :

En effet, je ne l'avais pas vu de cette façon inverse, j'aime bien cette idée, je la trouve assez belle ! Moi, je voulais faire pour mon premier livre, une ode à l'écriture. En écrivant sur un analphabète, il s'agissait qu'il aille écrire un livre, pas un livre matériel, mais une sorte de ré-écriture du territoire et de l'histoire du pays. Et que lui, Octavio, représente par sa force et son courage, l'écriture de tout un peuple.

Philippe Chauveau :

Octavio va rencontrer beaucoup de personnages, et être confronté à plusieurs thématiques, l'amour avec cette belle Venezuela, la religion avec cette bande de brigands qui s'abritent dans une église désaffectée, mais il y a aussi le théâtre, la nature. Vous aviez envie d’emmener votre lecteur dans un Venezuela un peu fantasmé ?

Miguel Bonnefoy :

C'est exactement ça ! L'idée de prendre le lecteur par la main, un lecteur français, et puis l'emmener non seulement dans la découverte naturelle du pays mais également dans celle de la ville. Par exemple, le théâtre dont je parle est le théâtre principal de Caracas, les forêts dont je parle sont des forêts peu connues au Venezuela, mais donc c'était encore une manière de rendre hommage.

Philippe Chauveau :

Vous nous dites que vous avez voulu rendre hommage au Venezuela, qu'il y a aussi une sorte de dette et vous nous dites aussi que ce livre est à destination d'un public français. Comment serait-il accueilli, si le livre était traduit au Venezuela ?

Miguel Bonnefoy :

Je me pose sincèrement la question… Je veux croire que le Venezuela est un pays intelligent et qu'il comprendra que je me suis permis parfois des libertés pour ne pas copier la réalité, puisque je ne faisais pas un guide touristique, mais exprimer la réalité. Et quand on exprime la réalité, on passe par des filtres de fiction.

Philippe Chauveau :

Vous le savez Miguel Bonnefoy, votre roman a séduit par l'intrigue, par les personnages mais ce que l'on aime aussi c'est votre écriture, votre style, le choix des mots, le vocabulaire. Vous écrivez comme on n’écrit plus aujourd'hui, vous êtes conscient de cela ?

Miguel Bonnefoy :

Je le prends comme un compliment !

Philippe Chauveau :

Vous pouvez, c'est dit dans ce sens en tout cas ! Il y a une poésie dans votre écriture, et un choix dans la syntaxe qu'on ne retrouve pas ailleurs.

Miguel Bonnefoy :

Ce n'est que du travail. Par exemple, en gardant toutes les proportions, pour écrire « Bouvard et Pécuchet », Flaubert a lu presque 1700 livres. De la même manière pour « Octavio », chaque page renferme toute une bibliothèque derrière elle. Donc, si il y a de la précision, si il y a de la poésie, c'est parce que j'ai beaucoup lu derrière et je me suis permis de jouer avec les mots pour pouvoir me démarquer.

Philippe Chauveau :

Je me permets juste de lire une phrase que j'ai trouvée très belle, parmi d'autres, c'est le premier baiser d'Octavio et de Venezuela : « Elle éprouva aussitôt le désir de faire naufrage avec lui. Tout les opposait. Et pourtant, sans le comprendre, elle déchiffrait peut-être à ses côtés un alphabet qu'elle ignorait, une promesse primordiale, comme sur la pierre, là où rien ne précède et où, cependant, tout semble commencer. »

Vous avez voulu rendre hommage au Venezuela dans votre premier roman. Demain, allez-vous changer complètement d'univers ou, au contraire, voulez-vous continuer à emmener le lecteur à la découverte de cette région du monde que l'on connait si mal ?

Miguel Bonnefoy :

Je pense que pour trouver du pétrole, il faut toujours creuser le même trou, alors oui, je pense que pour l'instant ; je vais écrire sur le Venezuela.

Philippe Chauveau :

« Le voyage d'Octavio », voilà un voyage dont on ne sort pas indemne, un voyage plein de fureur, de poésie et d'amour. C'est un très beau roman que je vous recommande vivement. Miguel Bonnefoy, vous êtes publié aux éditions Rivages, merci beaucoup !

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    J'ai beaucoup aimé le roman de Miguel Bonnefoy, par l'histoire du Venezuela qu'on connait moins et par cette écriture poétique qu'ont les gens d'Amérique du Sud. Il l'a écrit en français certes, mais il a cette poésie dans son écriture qui fait qu'on part dans un voyage initiatique, comme un Candide de Voltaire, sur les traces d'un pays qu'on connait peu et qui est comme un jardin d'Eden à découvrir. Les points forts de ce roman sont une écriture à la fois courte et foisonnante, très poétique, très dense. Il a une...Le rêve du jaguar de Miguel Bonnefoy - L'avis du libraire - Suite