Le nouveau roman de Sibylle Grimbert, « Le dernier des siens » chez Anne Carrière, a été l’une des belles surprises de cette fin d’année 2022. Sélectionné sur plusieurs prix littéraires dont le Femina et le Renaudot, il bénéficie en outre d’un bouche à oreilles enthousiaste de la part des libraires et des lecteurs. Et cela est justifié. Le 11ème roman de Sibylle Grimbert est une réussite !
C’est en 2000 que la jeune femme apparait en librairie avec « Birth days » aux éditions Stock. Dans ce livre oscillant entre...
Le dernier des siens de Sibylle Grimbert - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Avec ce nouveau titre Sibylle Grimbert, le dernier des siens, vous nous emmenez au XIXᵉ siècle, précisément dans les années 1830-1835. Pour être vraiment très, très précis. C'est la première fois d'ailleurs dans vos romans que vous partez dans une autre époque que notre époque contemporaine. Et on va faire connaissance avec Auguste. On va l'appeler Gus, c'est son diminutif. Il est envoyé par le Muséum d'histoire naturelle de Lille pour aller étudier la faune du Grand Nord.
C'est l'époque des grandes...
Le dernier des siens de Sibylle Grimbert - Livre - Suite
Sibylle Grimbert
Le dernier des siens
Présentation 00'03'13"Le nouveau roman de Sibylle Grimbert, « Le dernier des siens » chez Anne Carrière, a été l’une des belles surprises de cette fin d’année 2022. Sélectionné sur plusieurs prix littéraires dont le Femina et le Renaudot, il bénéficie en outre d’un bouche à oreilles enthousiaste de la part des libraires et des lecteurs. Et cela est justifié. Le 11ème roman de Sibylle Grimbert est une réussite !
C’est en 2000 que la jeune femme apparait en librairie avec « Birth days » aux éditions Stock. Dans ce livre oscillant entre conte fantastique et introspection, l’écriture de Sibylle Grimbert intrigue, surprend, étonne, émeut. Cette singularité se retrouve avec les titres suivants dans lesquels l’autrice décline des thèmes qui lui sont chers : l’identité, la fragilité de la vie et de la destinée, la mélancolie. « Une absence totale d’instinct », « Le vent tourne » ou « La horde » font partie de la bibliographie de Sibylle Grimbert.
Et donc, voici ce nouveau titre, le 11ème, « Le dernier des siens ».
En 1835, Gus, jeune zoologiste, est envoyé par le Museum d’histoire naturelle de Lille pour étudier la faune du nord de l’Europe. Lors d’une traversée, il assiste au massacre d’une colonie de grands pingouins et sauve l’un d’eux. On dit alors que l’espèce est menacée. Pour Gus, c’est inconcevable, si une espèce existant depuis des millénaires est moins visible à un endroit, c’est simplement qu’elle a émigré ailleurs, il suffit de chercher. Pourtant, sans le savoir, Gus vient de récupérer le dernier spécimen de l’oiseau. A la recherche des congénères du pingouin, Gus et son animal vont monter toujours plus haut, affrontant les éléments mais surtout l’hostilité et l’incompréhension des hommes. Au fil du temps va naitre une étonnante relation entre Gus et l’animal qui sera prénommé Prosp. Tous deux vont s’apprivoiser, s’attacher l’un à l’autre, ne faire plus qu’un face à la solitude et à l’abandon.
Ecrit un peu comme une histoire qu’on se raconterait le soir à la veillée et qui passerait de générations en générations, le roman de Sibylle Grimbert est bouleversant, écrit avec beaucoup de douceur et de sensibilité. Une belle palette d’émotions qui se retrouvent aussi bien dans ce que vivent nos deux héros, Gus et Prosp, mais aussi dans les ambiances et les paysages du grand Nord.
Bien évidemment, sans qu’il y ait militantisme de la part de la romancière, l’intrigue qui tourne autour de l’extinction des espèces nous interpelle et nous interroge sur notre monde actuel où nombre d’espèces animales sont inexorablement fauchées par l’inconséquence humaine.
Mais surtout, ce roman est une belle histoire d’amitié entre un homme et son animal, un lien fort, unique, sincère face à l’adversité et à l’inéluctable séparation.
Un roman original et attachant qui est un coup de cœur.
« Le dernier des siens » de Sibylle Grimbert est publié aux éditions Anne Carrière
Sibylle Grimbert
Le dernier des siens
Portrait 00'08'36"Philippe Chauveau Avec ce nouveau titre Sibylle Grimbert, le dernier des siens, vous nous emmenez au XIXᵉ siècle, précisément dans les années 1830-1835. Pour être vraiment très, très précis. C'est la première fois d'ailleurs dans vos romans que vous partez dans une autre époque que notre époque contemporaine. Et on va faire connaissance avec Auguste. On va l'appeler Gus, c'est son diminutif. Il est envoyé par le Muséum d'histoire naturelle de Lille pour aller étudier la faune du Grand Nord. C'est l'époque des grandes expéditions. Et puis là, il va faire une rencontre assez étonnante. Il va découvrir les grands pingouins. Qui est il Gus ? Comment est il ce personnage dans votre imagination alors ?
Sibylle Grimbert Ce n'est pas lui qui naît le premier, c'est le grand pingouin qui n'est lui même que le second. C'est d'abord né autour de l'idée de "Qu'est ce qui se passerait si je rencontrais un animal qui est le dernier de son espèce ?" Puis, petit à petit, une sorte de rêverie sur un canapé autour du dodo en me disant "Mais le dodo a une vie incroyable, il naît entouré d'êtres qui lui ressemblent.
Philippe Chauveau C'est cet animal qui disparaît sur l'île Maurice, qui est l'emblème de l'île Maurice et qui a disparu.
Sibylle Grimbert Qui lui aussi est un animal qui est un oiseau qui ne vole pas et donc il n'est par définition, il est entouré d'autres dodos. Et puis un jour il reste seul puisque c'est le dernier, puisque ça, il y en a bien eu un dernier donc, et je trouvais abyssal, vertigineux, plutôt cette idée du dernier. C'est comment après ? Plus jamais cette forme là n'existera. Et du coup, j'ai cherché un animal qui soit plus proche de nous. Et je suis tombé sur le grand pingouin qui a disparu. C'est totalement documenté en 1844, on sait où, on sait comment etc et à ce moment là je n'allais pas faire parler un pingouin. Ça m'intéressait pas du tout et j'aurais trouvé ça ridicule. Et donc j'ai trouvé un homme qui pouvait interpréter, voir aimer s'interroger autour de cet animal. Et Gus est né de là.
Philippe Chauveau Vous le dites dans les dernières pages d'Auguste et très librement inspiré d'un personnage ou d'un chercheur authentique qui a travaillé.
Sibylle Grimbert Très, très librement.
Philippe Chauveau Très, très librement. Mais voilà, on sait qu'à cette époque là, il y a des hommes qui sont partis sur les océans.
Sibylle Grimbert Oui, bien sûr. C'est un homme qui correspond totalement à son époque.
Philippe Chauveau Auguste Il est intéressant parce que c'est un chercheur, c'est un zoologiste. Donc il part, il part en mission, mais on sent qu'il a aussi une soif d'aventure. Il a envie de découvrir le monde qui l'entoure. Il n'a pas de préjugés. Il s'intéresse à tout, à tout ce qu'il croise, que ce soit les humains comme comme les animaux. C'est un homme épris de liberté.
Sibylle Grimbert Oui, c'est un homme qui est très, très symptomatique de son époque. Une époque extraordinaire aussi extraordinaire que la nôtre. D'ailleurs, on découvre des champs entiers de connaissances qu'on ignorait totalement. On découvre la terre d'un certain point de vue, on n'est pas très loin. Dumont d'Urville vient ou va découvrir La Terre-Adélie Adélie. Darwin va publier une dizaine d'années après, tout est à découvrir. Et lui, il est un jeune homme qui reflète son époque et qui a envie effectivement de découvertes, d'aventures, de connaître ce monde qui est encore partiellement inconnu.
Philippe Chauveau Il est, il a envie de découvrir, il est amoureux de du monde, de la terre en général. Et puis surtout, il est aussi un homme qui se dit notre civilisation est parfait en quelque sorte. Et il ne se pose pas les questions sur les difficultés qui peuvent, qui peuvent advenir. Néanmoins, il va être assez surpris parce qu'il va assister à un massacre, un massacre des grands pingouins. Et alors ? Je schématise et je rentre simplement dans les premières pages du roman. Mais c'est vrai qu'après cette scène très violente que vous dépeignez, il va réussir à sauver un grand pingouin. Et puis il va se rendre compte, au hasard des haltes dans différents ports, qu'on lui dit que les grands pingouins, on en voit de moins en moins, qu'ils sont peut être en train de disparaître. Et Gus Auguste, puisque on va l'appeler Gus au fil des pages, se dit "Mais c'est pas possible. S'ils ne sont plus là, c'est simplement qu'ils sont partis ailleurs". Il ne peut pas se dire que les hommes auraient pu anéantir une espèce.
Sibylle Grimbert Alors ça, c'est. Là aussi, c'est un homme de son temps. Ça, c'est marrant parce que c'est en écrivant le livre tout d'un coup, je me suis trouvé devant une aporie. Enfin, être devant une impasse : je ne savais pas ce que Gus savait ou ignorait et je ne pouvais plus avancer si je ne savais pas ce qu'il savait de l'extinction, je savais que moi je voulais qu'il prenne conscience du fait que le grand pingouin qu'il avait Prosp, son animal était le dernier. Et c'est là que je trouve que j'ai dû m'interrompre, faire des recherches et je me suis aperçu qu'effectivement un homme de son temps, d'avant Darwin, ne peut pas avoir le concept d'extinction en tête. Ça lui est totalement étranger, inconcevable pour lui le monde et est harmonieux. Il y a une sorte de providence qui qui l'organise bien. C'est un monde ou ou c'est pour les hommes. Mais qui, qui est, qui est parfaitement régulé si vous voulez.
Philippe Chauveau Vous dire que si une espèce existe, elle ne peut pas disparaître.
Sibylle Grimbert Disparaître, non, il ne peut pas imaginer qu'une espèce puisse disparaître, surtout une espèce qui ne fait de mal à personne. On sait qu'on peut faire disparaître des nuisibles. On souhaite même on sait qu'il peut y avoir quelques accident. Mais surtout que les animaux qui disparaissent à un endroit, on pense que ce serait tout à fait logique qu'ils se soient installés ailleurs. Donc il ne peut pas comprendre ça et petit à petit il va découvrir tout seul, simplement en interrogeant des marins, en réfléchissant d'ailleurs. Ça aussi, c'est un phénomène qui m'intéresse, ce qu'on apprend sans le savoir. Généralement, on apprend des choses qu'on sait. Je le dis avec bonheur. On a des intuitions parce que quelqu'un nous en a parlé. Lui, il se met à réfléchir. Et il se dit : ce qui devient rare. C'est logique. À un moment, ce qui est rare disparaît et il découvre qu'effectivement il possède, son animal qu'il aime, ets le dernier des siens.
Philippe Chauveau Et alors à partir de là, c'est une remise en question parce qu'il va s'interroger sur son grand pingouin. Et puis, plus largement, il va s'interroger sur les espèces. Plus largement, il va s'interroger aussi sur eux, sur sa propre vie, parce que c'est un jeune homme. Donc il faut aussi que lui même construise sa propre famille. Et puis, il a toujours ses envies d'aventure. Et puis il va surtout s'attacher à ce pingouin qu'il va appeler Prosperus et dont le diminutif sera Prosp. Ce qui veut dire qu'au fil des pages, on va suivre les aventures de Gus et de Prospt. Comment avez vous travaillé pour donner cette humanité à ce grand pingouin sans tomber dans la caricature, justement, vous le disiez parce.
Sibylle Grimbert Parce que je suis totalement et c'est très volontaire de ma part. Je suis du côté de l'être humain qui regarde un animal et qui essaie de le deviner, de l'interpréter, qui l'analyse, qui l'aime tout simplement, qui l'emmène s'en approche, croit le comprendre. Peut être à raison, peut être à tort. Je ne sais pas. Je suis exactement comme je suis moi même, avec par exemple mon chat. Je me suis beaucoup servi de mes relations avec mon chat pour Gus, c'est à dire essayer de... toutes les questions que je me pose quand je regarde mon chat. Si vous voulez tout ce que je sais, que je ne sais pas, je les ai donné à Prosper, à Gus pardon.
Philippe Chauveau Vous avez fait le choix de l'écriture à la troisième personne, un peu comme une, comme un conte, une histoire qu'on raconterait le soir à la veillée et qu'on se transmettrait de génération en génération. C'était une volonté aussi de de prendre le temps comme une histoire que l'on raconte. Ecoutez, je vais vous dire.
Sibylle Grimbert Ca me fait très plaisir que vous disiez ça parce que j'avais envie de cet effet là. Et vous êtes la première personne à m'en parler. Et c'était effectivement mon envie secrète. Je ne sais pas.
Philippe Chauveau Ce livre est une vraie réussite, portée par une écriture tout en sensibilité. Et vous allez forcément vous aussi vous attacher à ces deux personnages. Parce que Prosp est bel et bien un vrai personnage de roman. Gus, c'est son grand pingouin Prosp et vous refermez le livre avec beaucoup de beaucoup d'émotion. Je vous garantis. Ça s'appelle le dernier des siens, c'est votre actualité. Sibylle Grimbert et vous avez publié aux éditions Anne Carrière. Merci beaucoup
Sibylle Grimbert merci beaucoup.
Sibylle Grimbert
Le dernier des siens
Livre 00'08'48"