C’est par l’illustration de presse que nous avions fait connaissance avec Marianne Maury-Kaufmann et ce personnage de Gloria que l’on retrouve toujours chaque semaine dans le magazine Version Femina. Mais depuis plusieurs années maintenant, Marianne Maury Kaufmann laisse libre cours à sa plume. Il y eut un recueil de nouvelles « Pas de chichis » et un premier roman en 2013 « Dédé, enfant de salaud ». A travers ces deux précédents titres, Marianne Maury Kaufmann avait déjà laissé entrevoir une sensibilité bien...
Ciment de Marianne Maury-Kaufmann - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Marianne Maury-Kaufmann.
Marianne Maury-Kaufmann :
Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, « Varsovie - Les Lilas », chez Héloïse d'Ormesson. On se connait, nous nous sommes déjà rencontrés plusieurs fois, ici-même, sur ce plateau, pour évoquer votre parcours : celui d'illustratrice, de romancière et de novelliste. Pourquoi le roman prend-il de plus en plus de place dans votre parcours ?
Marianne Maury-Kaufmann :
C'est l'écriture qui prend toute la place. Je ne sais pas si...
Ciment de Marianne Maury-Kaufmann - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Avec ce titre « Varsovie - Les Lilas » et cette jolie couverture, Marianne Maury-Kaufmann, nous allons faire connaissance avec une femme, une femme perdue au milieu de la foule de la grande ville, une femme perdue au milieu de Paris, elle s'appelle Francine. On va la retrouver dans un bus, ce bus 96 qui va de Montparnasse à la porte des Lilas. Qui est-elle Francine ? D'où vient-elle ? En quoi est-ce un personnage qui compte pour vous ?
Marianne Maury Kaufmann :
Pour moi, dans ce livre, la personne que je...
Ciment de Marianne Maury-Kaufmann - Livre - Suite
Marianne Maury Kaufmann
Varsovie-Les Lilas
Présentation 02'16"C’est par l’illustration de presse que nous avions fait connaissance avec Marianne Maury-Kaufmann et ce personnage de Gloria que l’on retrouve toujours chaque semaine dans le magazine Version Femina. Mais depuis plusieurs années maintenant, Marianne Maury Kaufmann laisse libre cours à sa plume. Il y eut un recueil de nouvelles « Pas de chichis » et un premier roman en 2013 « Dédé, enfant de salaud ». A travers ces deux précédents titres, Marianne Maury Kaufmann avait déjà laissé entrevoir une sensibilité bien différente de son travail d’illustratrice et une appétence pour la geste littéraire. Elle confirme avec ce nouveau roman « Varsovie – Les Lilas ». Voici Francine, une petite dame de 80 ans, transparente, dont les journées se résument à arpenter Paris par le bus de la ligne 96 qui relie Montparnasse à la Porte des Lilas. Francine ressemble à ces personnes âgées dont la vie semble figée, dont l’avenir semble s’arrêter à la journée du lendemain. Et pourtant, Francine aurait des choses à dire, elle aurait envie d’extérioriser tout ce mal-être qu’elle trimballe depuis des années, cet héritage familial entamé en Pologne en 1939. Mais dans la famille de Francine, on a toujours fait comprendre qu’il fallait se taire, ne rien dire des drames et des blessures. Car après tout, le silence, c’est comme l’acide, ça vient à bout de tout. Et Francine a fait de même, elle s’est tue. Mais aujourd’hui, elle étouffe, elle a besoin de dire qui elle est. Mais à qui ? Dans ces personnes croisées dans le bus 96, trouvera-t-elle l’oreille attentive, le regard bienveillant ? Et en se révélant enfin, Francine parviendra-t-elle à renouer le fil de l’amour maternel, ce lien qu’elle n’a jamais su tisser avec sa propre fille. Voilà un roman d’une grande finesse, d’une grande sensibilité qui nous parle de la vieillesse, des drames de la vie que l’on cherche à cacher et qui nous reviennent en boomerang, de l’incompréhension qui peut naître dans les familles, de la difficulté de se dire les choses, que ce soit merde ou je t’aime. Un coup de cœur pour le nouveau roman de Marianne Maury-Kaufmann, « Varsovie – Les Lilas » aux éditions Héloïse d’Ormesson.
Marianne Maury Kaufmann
Varsovie-Les Lilas
Portrait 06'18"Philippe Chauveau :
Bonjour Marianne Maury-Kaufmann.
Marianne Maury-Kaufmann :
Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, « Varsovie - Les Lilas », chez Héloïse d'Ormesson. On se connait, nous nous sommes déjà rencontrés plusieurs fois, ici-même, sur ce plateau, pour évoquer votre parcours : celui d'illustratrice, de romancière et de novelliste. Pourquoi le roman prend-il de plus en plus de place dans votre parcours ?
Marianne Maury-Kaufmann :
C'est l'écriture qui prend toute la place. Je ne sais pas si je resterai tout le temps une romancière ou si je ne repasserai pas par la case nouvelle. J'ai écrit une nouvelle hier que je trouve très bien... Quoi qu'il en soit, c'est l'écriture qui a pris beaucoup d'importance, oui. Elle a pris presque tout mon cœur et je pense que l'explication est que j'arrive encore plus à m'exprimer en écrivant.
Philippe Chauveau :
Cela correspond à un besoin à ce moment précis de votre vie ?
Marianne Maury-Kaufmann :
A ce moment précis de ma vie... C'est peut être que ce moment précis de ma vie est déjà un moment de ma vie un petit peu tardif, cela signifie que j'ai vécu des choses que j'ai à raconter. C'est aussi un moment un peu calme parce que j'ai élevé mes enfants, parce que ma vie est moins houleuse qu'à d'autres moments.
Philippe Chauveau :
Moins trépidante ?
Marianne Maury-Kaufmann :
Non, moins houleuse parce qu'il y a eu des drames dans ma vie et que je m'en éloigne. Cela me permet de retrouver une mer étale. Certains écrivains ont besoin que ça pulse et que ça fasse mal pour écrire mais je n'en fait pas partie.
Philippe Chauveau :
Quelle lectrice êtes-vous ? Qu'aimez-vous retrouver dans les livres des autres ? Que recherchez-vous ?
Marianne Maury-Kaufmann :
J'aime bien cette question. Je suis une lectrice absolument horrible, très difficile. Je le sais parce que j'ai une amie qui est critique littéraire et qui m'a dit « heureusement que ce n'est pas toi qui fait mon taf !». Moi, pour choisir un livre, même ceux dont on m'a parlé, dont on m'a fait l'éloge, je l'ouvre et je regarde quelques phrases et je sais tout de suite si ça va m'aller. Il faut que ce soit assez sobre, j'aime pas du tout les trucs ampoulés et savants. Ce qui compte le plus pour moi, c'est la langue, je crois que la façon de s'exprimer dit des choses sur le contenu. Je ne risque pas d'avoir une histoire qui m'emmerde si le style me plait, j’en suis presque sûre.
Philippe Chauveau :
Aimez-vous de temps en temps retrouver des classiques de la littérature ?
Marianne Maury-Kaufmann :
J'aime beaucoup retrouver les mêmes livres.
Philippe Chauveau :
Cela vous rassure ?
Marianne Maury-Kaufmann :
Je n'ai pas de mémoire. D'ailleurs, j'ai même oublié vos premières questions ! Les choses que j'aime, je les marque quelque part pour me souvenir et puis je peux les lire et les relire en étant tranquille, je sais que cela va me plaire mais je ne me rappelle plus de la fin. En ce qui concerne mon choix pour les lectures, la langue est très importante et je préfère nettement les livres qui ont à voir avec les mouvements du cœur humain que les fresques. Il y a une exception « Tous nous hiers » de Natalia Ginzburg, qui est une merveille. Ce livre là m'a transportée parce qu'il est très humain. J'aime les mouvements de l'âme quand je suis lectrice. Ce que j'aime, c'est tout ce qui parle de nos défauts, de nos petitesses et de nos élans. J'aime les Hommes !
Philippe Chauveau :
Moi qui ai la chance de vous connaître depuis quelques années maintenant, j'ai connu une Marianne Maury-Kaufmann trépidante, très parisienne, qui croquait la vie à pleine dents, qui nous offrait des petits instantanés avec son personnage de Gloria, et j'ai découvert peu à peu une autre femme qui prenait le temps de l'écriture. Désormais, vous partagez votre vie entre Paris et la Province, je vous sens peut-être plus apaisée, plus sereine. Est-ce une illusion ou vous sentez-vous effectivement plus sereine dans votre vie ?
Marianne Maury Kaufmann :
Déjà, je vieillis contrairement à vous ! En plus, mes enfants ont grandi, c'est fou la place que cela prend dans la vie d'une femme, et c'est une place merveilleuse. J'ai trois garçons, ça a été l'enfer ! Maintenant, ce sont des hommes absolument splendides et donc cela compte beaucoup dans mon calme et c'est vrai que l'écriture, en particulier « Varsovie - Les Lilas », m'a permis de me réconcilier peut-être avec ma mère, avec qui je suis, d'où je viens, l'écriture joue ce rôle-là.
Philippe Chauveau :
L'écriture vous fait grandir ?
Marianne Maury-Kaufmann :
Non, cela me rend plus égoïste ! Elle prend la place de presque tout le reste et puis, comme j'aime l'humain, je n'aime pas trop parler de moi dans les bouquins, je ne me vois pas trop écrire quelque chose d'autobiographique mais tout passe par moi, forcément. L'écriture me fait me recentrer sur moi.
Philippe Chauveau :
Vous pensez au lecteur, à la lectrice quand vous écrivez ? Marianne Maury-Kaufmann : Non, pas tellement, je me soucie de savoir si je vais être contente de moi, c'est déjà tout un programme. Philippe Chauveau : Si, d'un mot, vous deviez définir ce que vous apporte l'écriture aujourd'hui ?
Marianne Maury-Kaufmann :
De la joie…
Philippe Chauveau :
Votre actualité Marianne Maury-Kaufmann, « Varsovie -Les Lilas », vous êtes publiée chez Héloïse d'Ormesson.
Marianne Maury Kaufmann
Varsovie-Les Lilas
Livre 00'06'14"Philippe Chauveau :
Avec ce titre « Varsovie - Les Lilas » et cette jolie couverture, Marianne Maury-Kaufmann, nous allons faire connaissance avec une femme, une femme perdue au milieu de la foule de la grande ville, une femme perdue au milieu de Paris, elle s'appelle Francine. On va la retrouver dans un bus, ce bus 96 qui va de Montparnasse à la porte des Lilas. Qui est-elle Francine ? D'où vient-elle ? En quoi est-ce un personnage qui compte pour vous ?
Marianne Maury Kaufmann :
Pour moi, dans ce livre, la personne que je retrouve moi ce n'est pas vraiment Francine, c'est plutôt Dorota. C'est à dire que mon désire lorsque j'ai commencé à écrire le texte était de parler de ma grand-mère. Ce qui est vrai dans ce livre, la part de vérité, c'est ce qui concerne ma grand-mère. Le reste c'est du roman, il est inspiré de qui était ma mère, mais la part de vérité et la part qui m'est le plus chère, c'est ce qui concerne Dorota.
Philippe Chauveau :
Ce que l'on entend bien, c'est que cette histoire vous touche de très près même si le lecteur ne sera pas forcément au courant en lisant ces pages. C'est vrai que ces trois pages où l'on parle de Dorota sont très fortes, très puissantes. Finalement, c'est le bagage que porte Francine dans son bus. Il y a cette histoire familiale qu'elle n'arrive pas à exprimer. Dans le bus, elle rencontre des gens, elle aurait envie de leur parler, elle aurait envie de faire un bout de chemin avec eux et elle n'y arrive pas. Pourquoi avoir eu envie de nous faire monter dans ce bus au côté de Francine ?
Marianne Maury Kaufmann :
Francine est un personnage qui n'est pas complètement fictif puisque ma mère n'est plus là aujourd'hui mais ma mère était donc la fille de Dorota. Elle a été déportée et elle a retrouvé sa mère après la guerre ; elle avait six ans et elle était en miettes. Elle a vécu toute sa vie en miettes. Alors moi, quand j'ai créé Francine, j'ai créé la personne que j'aurais aimé que ma mère devienne. J'aurais aimé que ma mère ait le même ressort que Francine et qu'elle arrive à se sortir de cette ornière épouvantable. Francine est un compromis entre Simone Veil et ma pauvre maman. Ce n'est pas une personne exceptionnelle comme Simone Veil, avec un courage fou et puis le désir de faire le bien mais enfin, ce n'est quand même pas ma mère qui n'avait pas envie de vivre. Francine veut vivre, elle veut connaître les autres et elle veut surtout leur parler.
Philippe Chauveau :
Je vais me permettre de présenter un peu Francine. Elle est cette petite dame que l'on pourrait croiser n'importe où, n'importe quand. Son but dans sa vie c'est de monter chaque jour dans le bus pour rencontrer les gens. Elle a eu sa vie, un peu grise aux côtés de son mari Jean, qui est décédé, ils ont eu une petite fille, Ronie. Leurs relations se sont un peu distendues avec cet enfant et aujourd'hui Francine balade un peu sa tristesse, sa mélancolie, son mal vivre, elle trimbale tout ça dans ce bus. Et puis, il y a son passé, son enfance, qu'elle n'arrive pas à exprimer, qu'elle n'a jamais pu raconter à sa propre fille Ronie. Est-ce que c'est une bonne présentation de Francine ? Cette femme un peu transparente finalement...
Marianne Maury-Kaufmann :
Oui. Je pense qu'à la longue, à force qu'on lui demande d'être transparente, que l'histoire lui demande d'être transparente, puis que sa mère lui demande de se taire puisqu'elle même se tait, et puis son mari qui a vécu le même traumatisme, on lui demande d'être transparent... d'autre part, vous dites qu'elle n'a pas réussi à communiquer avec sa fille, elle n'a réussi jusqu’ici à communiquer avec personne mais au début du livre, qui s'étend sur une période de deux mois, elle communique avec des gens, elle fait plusieurs rencontres.
Philippe Chauveau :
Des rencontres furtives, plus ou moins longues, mais des rencontres qui changent sa vie en tout cas.
Marianne Maury-Kaufmann :
Oui, elles sont souvent un petit peu ratées, parfois extrêmement ratées et de toute façon, sa vie est en train de basculer vers une vie dans laquelle les autres sont pris en compte.
Philippe Chauveau :
Vous écrivez : « Le pouvoir des petites choses est si grand, car ce sont les petites choses qui restent. Sur le coup on ne sait pas qu'elle vont rester, ou plutôt, on ne sait pas lesquelles vont rester et faire buvard à jamais. Seuls ces petits détails inscrits dans le buvard nous blessent. »
Marianne Maury-Kaufmann :
Oui, dans l'écriture, il y a quelque chose à laquelle je crois c'est le détail. J'y crois aussi dans la vie. Je pense qu'on se rencontre pour un détail, on s'engueule pour un détail, on meurt parfois pour un détail. Ça, ça concerne le contenu d'un texte. Et, dans la forme, je crois qu'on peut s’aider des détails pour dire des choses, ou bien merveilleuses même sans être grandiloquentes, ou bien affreuses mais sans être dans le pathos. Le détail est très précieux dans la vie et dans l'écriture, j'aime beaucoup le détail.
Philippe Chauveau :
Votre grand-mère n'a pas beaucoup parlé avec sa propre fille, votre mère n'a pas beaucoup parlé avec vous. A travers ce roman, est-ce aussi un cadeau que vous avez envie d’offrir à vos grands garçons, ces enfants que vous avez évoqués tout à l'heure ?
Marianne Maury-Kaufmann :
Evidemment. C'est drôle parce qu'ils ont réagi tous les trois de façon très différente en lisant le texte. Il y en a un des trois qui m'a dit : « il faut qu'on déjeune ensemble là », alors on a déjeuné ensemble et il m'a dit « il faut que tu me dises ce qui est vrai et ce qui est faux ».
Philippe Chauveau :
Après avoir lu ce livre qui est plein de finesse, plein de sensibilité, on regarde sans doute différemment les personnes âgées, ces hommes et ces femmes qui sont autour de nous, qu'ils soient dans le bus 96 où ailleurs. « Varsovie - Les Lilas », c'est votre actualité Marianne Maury-Kaufmann. Merci beaucoup, vous êtes publiée chez Héloïse d'Ormesson.
Marianne Maury Kaufmann :
Merci à vous.