Issue d’une famille modeste du sud de la France, Suzanne pourrait se dire qu’elle a bien réussi sa vie. Par les hasards du destin, elle qui trouvait sa vie étriquée a réussi à s’éloigner de ses parents et a fait un beau mariage, sur un coup de foudre. Sur un quai de gare, elle a rencontré Paolo, un italien séduisant issu d’une famille fortunée de l’industrie transalpine. Avec ses trois enfants, le couple est installé à Londres. Et quand vient l’été, on rejoint la belle-famille pour trois semaines de vacances dans la luxueuse ville de Sardaigne. Oui, décidément, Suzanne pourrait se dire qu’elle a réussi sa vie. Et pourtant, quand elle débarque sur cette plage inondée de soleil, la jeune femme le sait, rien ne sera plus comme avant. Que fait-elle dans ce manège des apparences, du luxe et des non-dits. Et des non-dits, il en est question. N’a-t-elle pas glané quelques bribes d’une discussion en italien entre son mari et le chauffeur de la famille au sujet du rapt d’un enfant ? Que s’est-il vraiment passé en 1976 ? Suzanne aurait-elle mis le doigt sur un secret de famille ?

Je vous le dis tout de suite, le nouveau roman d’Agnès Mathieu-Daudé est formidable ! On ne s’en étonne pas quand on suit son parcours d’écriture. « Un marin chilien » en 2016, « L’ombre sur la lune » en 2017 puis « La ligne Wallace » en 2021. A chaque fois, des personnages en marge, face à leurs fragilités, et des ambiances qui jouent le premier rôle.

C’est bien encore le cas ici car la Sardaigne estivale est le décor parfait pour cette histoire à faire froid dans le dos tant le cynisme de cette famille Signorelli est glaçant. Paolo, le fils héritier de la fortune, fade et séducteur, Marta, la belle-mère odieuse à souhait et Ectoro qui a fait fortune dans le pétrole et qui cache bien des secrets.

A travers le portrait de cette famille italienne, c’est aussi la peinture d’une époque et de l’histoire d’un pays, cette Italie qui au sortir du fascisme de Mussolini a dû se reconstruire et n’a peut-être pas tué tous ses fantômes. Un livre très réussi par le sujet qu’il traite mais aussi par sa construction en deux parties, aux chapitres courts alternant le présent et des périodes en flash-back. Et puis l’écriture, vivante, rythmée, efficace qui font de ce roman un roman qu’on ne lâche pas avant la dernière page.

C’est un coup de cœur !

« Les marchands de sable » d’Agnès Mathieu-Daudé est publié chez Flammarion.