A 40 ans, Hugo Boris a déjà derrière lui un beau parcours d’écrivain. Là n’était pourtant pas son projet initial. Attiré par le métier de journaliste, il suit des études politiques. Cinéphile averti, on le retrouve ensuite à l’école Louis Lumière et il a à son actif la réalisation d’une dizaine de courts métrages. Mais finalement, c’est bel et bien l’écriture qui aura sa préférence, lui qui a toujours beaucoup lu et qui très tôt, s’est adonné à la rédaction de nouvelles et courts textes.
En 2005, son...
Le courage des autres de Hugo Boris - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Hugo Boris,
Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau titre chez Grasset, « Le courage des autres », dont nous allons parler. On commence à bien vous connaître en librairie et dans l'univers de la littérature. Si je remonte le fil du temps, il y eut, en 2005, « Le baiser dans la nuque », votre premier roman qui fut primé notamment à Chambéry, puis à Blois, avec le prix Emmanuel Roblès du premier roman. Il y avait eu des nouvelles précédemment. Comment l'écriture arrive-t-elle dans votre...
Le courage des autres de Hugo Boris - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Hugo Boris, voici donc votre sixième titre publié aux éditions Grasset, « Le courage des autres ». Nous ne sommes pas dans un roman, nous ne sommes pas dans un recueil de nouvelles. Nous sommes dans un récit. En tout cas, c'est de vous dont vous allez nous parler. Après « Zazie dans le métro », voici Hugo Boris dans le métro ! « Le courage des autres », ce sont des observations que vous avez glanées au fil du temps. Comment est né ce livre ?
Hugo Boris :
Je ne savais pas que j'étais en train...
Le courage des autres de Hugo Boris - Livre - Suite
Hugo Boris
Le courage des autres
Présentation 00'02'26"A 40 ans, Hugo Boris a déjà derrière lui un beau parcours d’écrivain. Là n’était pourtant pas son projet initial. Attiré par le métier de journaliste, il suit des études politiques. Cinéphile averti, on le retrouve ensuite à l’école Louis Lumière et il a à son actif la réalisation d’une dizaine de courts métrages. Mais finalement, c’est bel et bien l’écriture qui aura sa préférence, lui qui a toujours beaucoup lu et qui très tôt, s’est adonné à la rédaction de nouvelles et courts textes.
En 2005, son premier roman « Le baiser dans la nuque » est primé à plusieurs reprises. Salué par la critique comme par les libraires, et reconnu par les lecteurs, Hugo Boris révèle, dans ses romans, un regard aiguisé de la société, une tension dans les thèmes choisis et le goût des intrigues en forme de huis-clos. Le dépassement de soi est aussi une récurrence comme dans « Trois grands fauves » en 2013 ou « Police » paru en 2016, dont l’adaptation cinématographique d’Anne Fontaine sortira en avril prochain.
Quant à l’écriture d’Hugo Boris, elle est précise, serrée, sensible et littéraire.
Voici son nouveau titre, « Le courage des autres ». Ce n’est pas un roman ni un récit, plutôt des arrêts sur image, des scènes de chaque jour. Une agression physique ou verbale, une incivilité, un comportement hors-norme, autant de moments inattendus qui viennent nous heurter, nous fragiliser et nous sortir de notre petit confort, nous contraignant à faire un choix : agir ou se détourner. Arpentant les couloirs du métro et du RER parisien, Hugo Boris a gardé en mémoire des situations dans lesquelles il s’est senti médiocre, là où d’autres ont pu révéler un certain héroïsme. Sur le thème de la lâcheté ordinaire, à travers son propre personnage, Hugo Boris nous parle de nous, de notre propension à réagir, en bien ou en mal, quand une tierce personne est en situation de fragilité ou d’agression, de notre facilité à regarder l’autre avec bienveillance, à tendre la main… ou pas. Et nous, que ferions-nous ? Telle est la question qui nous taraude sans cesse à la lecture de cet ouvrage parfaitement construit, bien écrit, et qui nous raconte notre monde d’aujourd’hui, sans parti-pris ni jugement, nous mettant simplement face à nous-mêmes.
« Le courage des autres » d’Hugo Boris est publié chez Grassset.
Hugo Boris
Le courage des autres
Portrait 00'06'23"Philippe Chauveau :
Bonjour Hugo Boris,
Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau titre chez Grasset, « Le courage des autres », dont nous allons parler. On commence à bien vous connaître en librairie et dans l'univers de la littérature. Si je remonte le fil du temps, il y eut, en 2005, « Le baiser dans la nuque », votre premier roman qui fut primé notamment à Chambéry, puis à Blois, avec le prix Emmanuel Roblès du premier roman. Il y avait eu des nouvelles précédemment. Comment l'écriture arrive-t-elle dans votre vie ? Pourquoi Hugo Boris et l'écriture sont-ils aussi liés ?
Hugo Boris :
Chez moi, enfant, je n'avais pas la télévision. Il y a eu un amour de la lecture très jeune. Ma mère nous lisait beaucoup d'histoires. Et puis, très jeune, j'ai commencé à écrire des textes courts, puis des nouvelles à 18 ans. La première était illisible et la deuxième était un peu meilleure. Puis, je les ai envoyées dans des concours de nouvelles. De fil en aiguille, j'ai eu la chance de rencontrer une éditrice, Delphine Moza, et qui m'a proposé d'écrire un roman.
Philippe Chauveau :
Vous nous avez parlé des histoires que l'on vous racontait lorsque vous étiez petit. Après, vous nous racontez que, vers 18 ans, vous commencez à écrire des nouvelles. Mais entre les deux ? Il y eut des rencontres avec de grands auteurs, des livres de chevet qui ont marqué votre adolescence, un prof qui vous a mis le pied à l'étrier ?
Hugo Boris :
Il y a une rencontre qui m'a marqué. Je vivais dans l'Essonne et je voulais être journaliste. J'ai créé des journaux fanzines au lycée et j'ai eu la possibilité, dans ce cadre-là, de rencontrer Michel Tournier, à Choiseul. Je le lisais déjà et je l'admirais profondément. Ce fut une rencontre qui m'a profondément marqué.
Philippe Chauveau :
On aura compris, la littérature et l'écriture font très vite partie de votre quotidien. Mais alors, pourquoi des études politiques et pourquoi des études de cinéma à Louis-Lumière ?
Hugo Boris :
J'ai commencé par des études sciences politiques parce que, très naïvement, je voulais servir mon pays et j'étais passionné par les sciences humaines. Je me suis vite rendu compte que, si j'avais du talent dans certaines matières comme l’économie ou l’histoire, je n'avais pas de plaisir. C'est là que j'ai décidé de tenter le concours à Louis Lumière puisque je m'étais préparé pendant des années à faire du cinéma. Je suis rentré dans cette école de cinéma après Sciences Po.
Philippe Chauveau :
Vous avez aujourd'hui quand même une dizaine de courts métrages à votre actif en tant que réalisateur.
Hugo Boris :
Oui. J'ai réalisé une dizaine de courts. J'ai commencé à écrire des nouvelles en même temps que je réalisais des courts métrages. On passe en revue tous mes échecs, mais en voici un autre... Je me suis rendu compte, au bout d'une dizaine de films mais il m'aurait fallu moins de temps si je n’étais pas aussi acharné, que je manquais de talent. Je n'avais pas de style. Cela demande énormément de travail, d'énergie, de réaliser un film, même très court. Et mon plaisir, c'était d'écrire des histoires et vraiment, c'est la littérature qui a pris le pas.
Philippe Chauveau :
Finalement, la littérature prend le dessus sur le cinéma. On a parlé des nouvelles. On a parlé du premier roman. Et puis, très vite, vous allez devenir un nom qui compte dans l'univers littéraire. « Police », « Trois grands fauves », aujourd'hui, « Le courage des autres » entre autres. Si vous deviez définir votre travail d'auteur, que diriez-vous ? Vous nous proposez à chaque fois des ouvrages, qui ne sont pas forcément des romans d'ailleurs, mais qui sont dans des univers assez différents. Il me semble quand même qu'il y a un fil rouge, il y a bien une plume Hugo Boris. Définissez un peu votre écriture.
Hugo Boris :
C'est une écriture sensorielle où on retrouve le goût des images, les images visuelles, mais aussi olfactives et auditives. Mon goût pour l'écriture procède de mon amour de la lecture et, en tant que lecteur, mon plaisir n'est jamais aussi grand que lorsqu'une phrase m'arrête, quand l'auteur réussit à encapsuler, dans une phrase, quelque chose que j'ai toujours ressenti, un sentiment, une émotion, une sensation, sans jamais avoir réussi à poser des mots dessus. J'ai parfois l'impression que je préfère l'image des choses aux choses elles-mêmes.
Philippe Chauveau :
Un mot sur votre actualité, il y a le livre, certes, mais j'aimerais simplement qu'on reparle rapidement cinéma puisqu'il y a l'un de vos romans, « Police », qui va bientôt sortir au cinéma avec notamment Virginie Efira et Omar Sy. Lorsque l'on est un jeune auteur, que son titre est adapté au cinéma, comment vit-on ça ? C'est une récompense et une cerise sur le gâteau ? C'est l'appréhension que le livre soit un peu dénaturée ? Dans quel état d'esprit êtes-vous à quelques semaines maintenant de la sortie du film ?
Hugo Boris :
Je suis extrêmement serein parce que j'ai vu le film deux fois et, de toutes façons, j'étais en grande confiance grâce au producteur Jean-Louis Livi et Anne Fontaine qui est une grande réalisatrice. Lorsqu'on donne vie à des personnages, les sentir vivre encore plus, cette vie se poursuit différemment. C'est une adaptation libre. Même si Anne Fontaine dit que c'est l'adaptation la plus fidèle qui lui a été donnée de réaliser, elle a eu des partis pris d'adaptation libres, forts et j'espère que beaucoup de gens verront le film. Il est très réussi.
Philippe Chauveau :
Votre actualité Hugo, Boris, « Le courage des autres », aux éditions Grasset.
Hugo Boris
Le courage des autres
Livre 00'06'24"Philippe Chauveau :
Hugo Boris, voici donc votre sixième titre publié aux éditions Grasset, « Le courage des autres ». Nous ne sommes pas dans un roman, nous ne sommes pas dans un recueil de nouvelles. Nous sommes dans un récit. En tout cas, c'est de vous dont vous allez nous parler. Après « Zazie dans le métro », voici Hugo Boris dans le métro ! « Le courage des autres », ce sont des observations que vous avez glanées au fil du temps. Comment est né ce livre ?
Hugo Boris :
Je ne savais pas que j'étais en train d'écrire un livre. Pendant quinze ans, j'ai pris l'habitude de saisir sur le vif des scènes auxquelles j'assistais et qui m'interpellaient. En rentrant chez moi, je glissais ça dans une pochette sans y penser davantage. Et ça a duré quinze ans. Un jour, je jette un oeil à cette pochette qui avait grossi et là, je suis happé d'abord parce que beaucoup de ces scènes sont sidérantes, même si j'en avais oublié certaines, et aussi parce que je dois le reconnaître, hélas, le portrait qui se dessine en creux, dans cette moisson de feuilles, c'est le portrait d'un homme souvent lâche, qui n'ose pas intervenir quand il le devrait, quand une situation le sollicite. A l'inverse, dans ces pages, je vois des hommes et des femmes redresser la tête et oser aller au contact, s'exprimer ou dire quand une situation ne leur convient pas et parfois même s'interposer physiquement. Je suis ébloui par leur courage et je décide, avec ce livre, de leur rendre hommage. C'est le point de départ d'une réflexion sur le courage.
Philippe Chauveau :
Toutes les scènes que vous nous racontez se passent donc sous terre. Effectivement, il y a parfois quelques rayons de soleil qui arrivent à percer lorsque certains arrivent à s'interposer mais la violence est quasiment omniprésente dans toutes ces pages, que ce soit une violence physique, une violence verbale, une violence psychologique. Vous nous racontez des gens qui sont mis en péril face à d'autres qui essaient d'avoir de l'influence du pouvoir sur eux. Ce sont toutes ces violences que l'on peut croiser dans le métro, dans le RER, dans le train, ou dans tout lieu où il y a des foules et des moments de stress. Est-ce aussi une peinture de notre société ?
Hugo Boris :
Oui, il y a la violence mais il y a aussi de la douceur et de l'humour. Il se passe beaucoup de choses mais j'avais le fil rouge du courage. Il y a un double mouvement dans l'écriture de ce livre : un premier mouvement qui est extrêmement intime, personnel, violemment subjectif ; ce ne sont pas les choses telles qu'elles sont, ce n'est pas la société telle qu'elle est que je décris, c'est mon regard sur elle. L'autre mouvement est assez étonnant, c'est que lorsque vous allez chercher ce son-là, cette note-là, vous atteignez une forme d'universalité. Tout le monde, à un moment donné, s'est retrouvé dans une situation où il s'est senti misérable, sans ressources, n'osant pas intervenir. La peur ça sépare, en parler, ça rapproche.
Philippe Chauveau :
Vous parlez de nos petites lâchetés ordinaires, de nos petites lâchetés quotidiennes et vous le dites, à travers ce personnage puisque c'est de vous dont il s'agit, c'est bel et bien de chacun d'entre nous dont il s'agit puisque, effectivement, nous pouvons tous, nous aussi être lâches. Mais vous nous laissez entendre, puisque le livre est découpé en trois parties, en trois chapitres, vous nous laissez entendre que finalement, cette lâcheté peut, du jour au lendemain, disparaître parce qu'on peut aussi devenir un héros du quotidien sans le savoir et sans le vouloir.
Hugo Boris :
En fait, elle peut éventuellement s'atténuer parce qu'on est ni lâche ni courageux. On a des lâchetés, des comportements lâches, mais cela ne fait pas de nous des lâches. Et on a des comportements courageux mais cela ne fait pas de nous des personnes courageuses. L'espoir du livre, c'est en effet que le courage soit contagieux. Je crois beaucoup à la pédagogie par l'exemple, bien plus que la pédagogie du discours, et ces hommes et ces femmes, ces héros anonymes, ces héros du quotidien nous donnent une leçon sans chercher à nous la donner.
Elle est d'autant plus d'autant plus forte.
Philippe Chauveau :
Je l'ai laissé entendre au début de cet entretien, il y a une certaine violence, une certaine tension dans les histoires que vous nous racontez, qui se passe sur les quais du métro ou du RER. Et puis, il y a aussi de l'humour, vous l'avez fait remarquer, il y a des fulgurances lumineuses, comme cet enfant qui regarde le clochard avec un sourire d'une grande tendresse et d'une grande naïveté. Il y a aussi votre propre regard, parfois mélancolique, sur la société lorsque vous tombez sur la fiche de paye d'une infirmière assise à côté de vous. C’est un condensé d'humanité. En quoi ce livre, qui se passe dans le métro, dans le RER, peut aussi parler à des gens qui ne sont pas du tout concernés par les transports en commun, qui vivent peut-être dans un petit village où il n'y a pas toutes ces problématiques ? En quoi ce livre peut-il néanmoins leur parler ?
Hugo Boris :
Les situations que je décris, on les retrouve dans la file d’attente, dans un magasin, à la poste, dans une administration, dans le bus, dans le TGV. Partout où on croise ses semblables.
Philippe Chauveau :
Aujourd'hui, puisque vous prenez toujours le métro ou le RER, continuez-vous à prendre des notes ? Continuez-vous à noircir des pages où, finalement, avec ce livre, avez-vous fait la paix avec les transports en commun?
Hugo Boris :
Non. Quand je prends les transports, je continue d'écrire. Je crois que je continuerai à le faire toute ma vie et pas uniquement dans les transports, partout !
Philippe Chauveau :
Votre actualité Hugo Boris, « Le courage des autres » publié chez Grasset.