Carole Martinez aime prendre son temps. Découverte en 2007 avec le flamboyant « Coeur cousu » qui reçut le Prix Roblès du 1er roman, il fallut attendre 2011 avant qu’elle ne soit de nouveau présente en librairie. Mais cette patience fut récompensée. Son très beau roman « Du domaine des murmures » fut sur la liste des Goncourables cette année-là et Carole Martinez gagna ses galons dans le cercle très fermé des auteurs qui comptent. Quatre ans après, voici son troisième roman « La terre qui penche ».
Avec une...
Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Carole Martinez - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Carole Martinez
Carole Martinez :
Bonjour Philippe
Philippe Chauveau :
On va se tutoyer parce qu'on se connait maintenant. On se connait depuis Le coeur cousu. Ca fait quelques années, et voilà, il y a des liens d"amitié qui se sont tissés, donc ce serait un peu surprenant que l"on se vouvoie simplement pour les caméras. Carole, il y a donc eu Le coeur cousu, ça c'était en 2007. Ensuite, Du domaine des murmures en 2011. Aujourd"hui, 2015, La terre qui penche chez Gallimard. Est-ce que finalement,...
Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Carole Martinez - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau titre, Carole Martinez, tu nous entraînes à nouveau dans cette période médiévale, où nous étions allés avec Esclarmonde dans Du domaine des murmures. Là on est 200 ans après en 1360. Et nous allons faire connaissance avec Blanche. C'est une fillette, elle a 11 ans. Et finalement, ce sont deux personnages qui vont nous raconter l'histoire alternativement, Blanche et puis son âme, qui va continuer à vivre après la mort de la fillette. Quelle drôle d'envie de nous raconter l'histoire d'un...
Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Carole Martinez - Livre - Suite
J'ai beaucoup aimé le roman de Carole Martinez « La terre qui penche ». Il fait suite au roman « Du domaine des murmures » sorti il y a quelques années que j 'avais déjà aimé et donc il s'inscrit dans le même univers : moyenâgeux, poétique. Pour moi c'est une suite logique.
Les points forts de Martinez, c'est qu'elle arrive à nous plonger dans un univers assez dure tout en étant poétique et magnifique. Elle donne vie à des personnages de papier et on a l'impression qu'ils sont vraiment vivants.
Il y a une plume...
Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Carole Martinez - L'avis du libraire - Suite
Carole Martinez
La terre qui penche
Présentation 1'50Carole Martinez aime prendre son temps. Découverte en 2007 avec le flamboyant « Coeur cousu » qui reçut le Prix Roblès du 1er roman, il fallut attendre 2011 avant qu’elle ne soit de nouveau présente en librairie. Mais cette patience fut récompensée. Son très beau roman « Du domaine des murmures » fut sur la liste des Goncourables cette année-là et Carole Martinez gagna ses galons dans le cercle très fermé des auteurs qui comptent. Quatre ans après, voici son troisième roman « La terre qui penche ».
Avec une belle écriture s'approchant du conte, des émotions palpables à travers les mots, des personnages étonnamment même s'ils évoluent à des siècles de nous, Carole Martinez a su trouver un style qui lui est propre, une musicalité littéraire qui entraine le lecteur dès les premières pages.
Dans ce nouveau roman « La terre qui penche », on retrouve le monde médiéval dans lequel nous nous étions déjà aventurés dans son précédent ouvrage. Blanche est morte en 1361, elle avait douze ans, elle nous raconte sa vie, fillette dans un monde de seigneurs brutaux et aviné où les fées et les couleurs du printemps permettent de s’évader, de rêver et de rester dans l’enfance. Mais au fil des siècles, l’âme de Blanche a continué à vivre et elle aussi se raconte, sa vision est différente, plus sombre. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits s'alternent.
L'écriture de Carole Martinez est envoûtante, sensuelle, poétique, cruelle aussi parfois et si les ondines et les farfadets apparaissent au fil des pages, l'auteur nous offre aussi une réflexion sur l'enfance, le rôle de la femme et l'apprentissage de la vie.
Ce roman est une petite pépite, sans doute l'un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire 2015. « La terre qui penche » de Carole Martinez est publié chez Gallimard.
Et Carole Martinez est sur WTC.
Carole Martinez
La terre qui penche
Portrait 5'08Philippe Chauveau :
Bonjour Carole Martinez
Carole Martinez :
Bonjour Philippe
Philippe Chauveau :
On va se tutoyer parce qu'on se connait maintenant. On se connait depuis Le coeur cousu. Ca fait quelques années, et voilà, il y a des liens d"amitié qui se sont tissés, donc ce serait un peu surprenant que l"on se vouvoie simplement pour les caméras. Carole, il y a donc eu Le coeur cousu, ça c'était en 2007. Ensuite, Du domaine des murmures en 2011. Aujourd"hui, 2015, La terre qui penche chez Gallimard. Est-ce que finalement, c'est un peu une sorte d'éloge de la lenteur, est-ce que le fait de faire un livre tous les 3-4 ans, ça correspond à ce que tu souhaitais, est-ce qu'il y a une frustration ? Comment vis-tu tout ça ?
Carole Martinez :
Non mais le 1er, j'ai mis 14 ans à l'écrire quand même, Le coeur cousu. J'ai accéléré mon rythme. Je suis passée à 4 ans ½ pour le 2ème. Puis 4 ans cette fois. Mais je n'imagine pas écrire plus vite. Déjà parce que ce que je préfère c'est l'écriture. Je préfère l'écriture à la sortie du livre. Je n'aime pas trop le moment de la sortie du livre. J'ai la chance extraordinaire de pouvoir prendre mon temps, et il n'y a pas de raisons que je ne le prenne pas.
Philippe Chauveau :
Ce que tu expliquais Carole, d'où vient cette envie, ce besoin de l'écriture. Est-ce que ça correspond à un rêve de petite fille. En discutant, tu nous avais déjà confié que tu as toujours aimé les contes. Et que même encore aujourd'hui, parfois lorsque tu as peur, tu te réfugies dans des histoires que tu t'inventes. Alors est-ce que le fait d'écrire aujourd'hui, c'est la petite fille qui avait peur dans le noir et qui continue à se protéger par l'écriture ?
Carole Martinez :
Peut-être que c'est le cas, parce que c'est vrai qu'il y a un lien entre ce que j'écris et l'enfance toujours, et que j'ai eu très peur enfant et que j'écris beaucoup sur cette peur et sur mes expériences d'enfant. Oui, c'est peut-être la petite fille qui s'exprime à travers ça, c'est possible.
Philippe Chauveau :
Lorsque tu as écris Le coeur cousu, on le sait, il y a eu un bouche-à-oreille qui a bien fonctionné. Les lecteurs se sont emparés du livre. Les libraires aussi ont fait un joli travail. Comment as-tu vécu ce moment-là, et aujourd'hui avec le recul, comment l'analyses-tu ? Pourquoi ce livre a-t-il rencontré aussi facilement son lectorat ?
Carole Martinez :
Ce n'était pas facile, parce qu'au début vraiment sur le livre il ne s'est rien passé. D'ailleurs c'est assez extraordinaire parce que normalement, un livre, c'est deux mois de durée de vie en moyenne, puis après ça sort de librairie. C'est quelque chose de très éphémère. Donc c'est assez miraculeux que ce livre qui n'avait pas de presse au début, rien... Je n'étais pas invitée dans les salons... Qu'il trouve son public. J'avoue que ça m'a étonnée, d'autant qu'au début, même mes copains, il était trop long, ils ne le lisaient pas au début. C'est toujours surprenant de voir qu'un livre peut bouleverser, peut emporter, peut permettre à l'autre d'imaginer même des choses que soi-même on avait pas vu en écrivant.
Philippe Chauveau :
Est-ce que l'on peut se sentir dépossédée ? Alors bien sûr, il y a le plaisir d'être lue, d'avoir rencontré le public, mais est-ce que l'on peut se sentir dépossédée de voir un livre qui a ce tel succès ?
Carole Martinez :
Dépossédé ? Non. On est dépossédé à partir du moment où on ne nous fait dire quelque chose que l'on n'a jamais voulu dire et, à partir du moment où il n'y a pas du tout de contresens dans la lecture, il n'y a pas de dépossession.
Philippe Chauveau :
Après le succès du Coeur cousu, il y a eu 4 ans ½ après, Du domaine des murmures, Goncourt des lycéens, et puis aujourd'hui, La Terre qui penche. Est-ce qu'il y a toujours cette appréhension, lorsque tu arrives comme cela avec un nouveau livre, nous sommes en période de rentrée littéraire, où est-ce que maintenant le plaisir de retrouver le lecteur a repris le dessus ?
Carole Martinez :
Non, c'est horrible. C'est toujours très très angoissant. Franchement, je n'ai pas de plaisir au moment de la sortie du livre. Alors, après lorsque j'ai des retours de lecteurs.
Philippe Chauveau :
Des rencontres en librairie...
Carole Martinez :
Et que c'est positif, et que je les vois, et que quelque chose est passée entre eux et moi par l'intermédiaire du livre, là c'est beau.
Philippe Chauveau :
Lorsque l'on fera un dictionnaire du XXIème siècle, au nom de Carole Martinez, il faudra mettre quoi, romancière ou conteuse ?
Carole Martinez :
On peut mettre les deux : romancière – conteuse. Non, romancière je pense. Même si je travaille toujours le conte, dans mes romans. Mais l'objectif, c'est quand même d'écrire des romans.
Philippe Chauveau :
Carole Martinez, ton actualité chez Gallimard, la terre qui penche.
Carole Martinez
La terre qui penche
Livre 5'58Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau titre, Carole Martinez, tu nous entraînes à nouveau dans cette période médiévale, où nous étions allés avec Esclarmonde dans Du domaine des murmures. Là on est 200 ans après en 1360. Et nous allons faire connaissance avec Blanche. C'est une fillette, elle a 11 ans. Et finalement, ce sont deux personnages qui vont nous raconter l'histoire alternativement, Blanche et puis son âme, qui va continuer à vivre après la mort de la fillette. Quelle drôle d'envie de nous raconter l'histoire d'un seul et même personnage à travers deux voix. Pourquoi ?
Carole Martinez :
Parce que c'est une question d'identité. En fait, ce qui m'intéressait aussi, c'était de savoir comment un personnage, une personne, comment nous, on évolue au fil... j'allais dire au fil des siècles, non, au fil des années. Qu'est-ce que l'on a de commun avec l'enfant que l'on a été. Et travailler ça, c'était comme avoir la possibilité de tomber sur un journal intime que l'on aurait écrit gamine ou gamin à 11 ans, très très précis sur nos sensations alors que 90 ans étaient passés. Et avoir la possibilité de se redécouvrir enfant et de voir le décalage qu'il peut y avoir entre ce qu'on a fait de nous, ce qu'on s'est fabriqué comme souvenir, l'enfant qu'on s'imagine avoir été, et puis l'enfant qu'on était.
Philippe Chauveau :
Je vais faire un résumé très court. Donc Blanche en 1360 a 10-11ans. Elle est la fille d'un seigneur un peu rustre. On comprendra au fil des pages pourquoi il y a cette difficulté de relation entre la fillette et son père. Et puis on doit l'emmener dans un autre château pour être mariée à un jeune garçon, Aymon, un garçon un peu simplet qui joue de la flûte à longueur de journée. Et bien évidemment, il va se passer beaucoup de choses, on va faire connaissance avec de nombreux personnages, et puis il y a aussi un autre personnage, c'est la rivière, c'est la Loue. Alors j'ai une question qui me taraude Carole, c'est pendant la période médiévale, mais finalement, cela aurait pu se passer un peu dans n'importe quelle campagne. Pourquoi avoir voulu placer très géographiquement ce roman, dans cette région ?
Carole Martinez :
J'ai dû chercher au moment Du domaine des murmures une terre où poser mon château littéraire. Et finalement j'ai trouvé ce lieu : je voulais une rivière, un escarpement rocheux, une forêt présente au 12ème, au 14ème, au 16ème, au 21ème, je voulais normalement que ce soit dans le royaume de France mais je n'ai pas trouvé donc j'ai cherché du côté du Saint-Empire. Et j'ai choisi le comté de Bourgogne, Franche-Comté aujourd'hui. J'ai choisi sur photo, à la base. C'est-à-dire que c'est un endroit que je ne connaissais absolument pas. Et quand j'ai vu la vallée de la Loue sur photo, quand j'ai vu cette rivière, je me suis dit : c'est là.
Philippe Chauveau :
Ce qui est aussi intéressant, c'est que certes, l'intrigue se passe à cette période médiévale, nous sommes en 1360. Il y a de temps en temps par l'intermédiaire de la seconde voix, la vieille âme, il y a quelques petits clins d'oeil à notre époque contemporaine. Et puis surtout, il y a des thèmes qui sont universels, qui sont intemporels. Il y a l'enfance, la place de la femme dans la société, aussi le regard que l'on peut porter à sa propre mort. Aurons-nous aussi, lorsque nous ne serons plus que poussière, aurons-nous une âme qui continuera à vivre après nous ? Et ce sont plusieurs thèmes comme ça que le lecteur va s'approprier au fil de la lecture.
Carole Martinez :
Oui, d'autant que La terre qui penche, le titre dont tu parlais tout à l'heure, c'est évidemment cette terre qui penche mais c'est aussi ce fameux siècle qui est un siècle terrible. Le 14ème s'ouvre sur des désordres climatiques qui provoquent des disettes, des désordres économiques. En plus, comme les gens sont affaiblis, la peste arrive, qui va tout de même tuer entre un tiers et la moitié de l'humanité. En plus, tu ajoutes à ça les guerres, en tous cas la guerre de 100 ans, terrible, surtout pendant ses trêves pour la Franche-Comté, puisque le comté de Bourgogne, c'était le Saint-Empire donc ils étaient un peu extérieurs à la guerre, mais à partir du moment où il y avait trêve entre les anglais et les français, les grandes compagnies laissées sur le carreau, il fallait bien qu'elles se nourrissent, donc c'était des bandes d'hommes qui allaient piller... Donc c'était un siècle, abominable !
Philippe Chauveau :
Il y a de nombreux personnes dont on pourrait parler. Il y a le père de Blanche, il y a Aelys, l'épouse du seigneur, il y a des personnages qui vont arriver. Il y a aussi ce cheval qui joue un rôle capital. Mais si je parle de Blanche précisément, cette fillette qui a un sacré caractère, est-ce qu'il y a beaucoup de toi dans ce personnage de Blanche, est-ce qu'elle a certains traits de caractère que tu pourrais lui avoir empruntés ?
Carole Martinez :
Oui, il y a beaucoup de Blanche en moi, ou de moi en Blanche. Evidemment. Même si on écrit une fiction qui se déroule au 12ème, au 14ème siècle ou je ne sais pas moi, en 2086, de toutes façons, il y a forcément de nous. C'est avec notre matériau qu'on écrit. Je pense que ce serait compliqué en tous cas pour moi d'inventer absolument.
Philippe Chauveau :
Laissez-vous à votre tour envoûter par la belle écriture de Carole Martinez et allez à la rencontre de cette jeune fille, cette jeune Blanche en 1360. Ca s'appelle La terre qui penche et c'est aux éditions Gallimard. Merci beaucoup Carole.
Carole Martinez :
Merci Philippe.
Carole Martinez
La terre qui penche
L'avis du libraire 1'56J'ai beaucoup aimé le roman de Carole Martinez « La terre qui penche ». Il fait suite au roman « Du domaine des murmures » sorti il y a quelques années que j 'avais déjà aimé et donc il s'inscrit dans le même univers : moyenâgeux, poétique. Pour moi c'est une suite logique.
Les points forts de Martinez, c'est qu'elle arrive à nous plonger dans un univers assez dure tout en étant poétique et magnifique. Elle donne vie à des personnages de papier et on a l'impression qu'ils sont vraiment vivants.
Il y a une plume Carole Martinez, elle a un style très reconnaissable, lyrique, poétique dans la description, dans la sensibilité tout en étant un peu philosophique. Je le recommande à toutes les personnes qui sont intéressés par l'Histoire et surtout pour les gens qui ont envie de lire un très beau roman.