Née au pays de la lavande, d’un père parfumeur et d’une mère tisserande, Valentine Goby suit ses études à Sciences Po avant de partir quatre ans en Asie avec des associations humanitaires. De retour en France, elle enseigne les lettres en collège et le théâtre et se lance dans l’écriture.Passionnée de littérature, elle publie son premier roman en 2002, chez Gallimard, « La note sensible » salué par la critique. Très vite, la jeune femme se fait un nom auprès des lecteurs mais aussi auprès de ses collègues auteurs...
L'île haute de Valentine Goby - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Valentine Goby.
Valentine GobyBonjour.
Philippe ChauveauMerci d'être avec nous pour votre actualité, L'Île haute. C'est votre nouveau titre chez Actes Sud. J'ai envie de vous souhaiter un bon anniversaire. Vous fêtez vos 20 ans.
Valentine GobyOui, c'est ça. J'ai à nouveau 20 ans.
Philippe ChauveauVous avez à nouveau 20 ans. La note sensible, c'était en 2002, aux éditions Gallimard. Et puis après, il y a eu ce beau parcours, avec des prix, avec des titres, des titres remarqués. 20 ans, est-ce que c'est...
L'île haute de Valentine Goby - Portrait - Suite
Philippe ChauveauDans ce nouveau titre, Valentine Goby, L'île haute, nous allons faire connaissance avec un jeune gamin. Il a une douzaine d'années. Il s'appelle à la fois Vadim. Il s'appelle à la fois Vincent. Très vite, on va découvrir que nous sommes dans les années 40 et on va comprendre que cet enfant qui est asthmatique, c'est la partie officielle, cet enfant doit fuir, doit fuir Paris puisque nous sommes en pleine occupation et que ses origines sont juives. C'est le point de départ. Qui est ce petit gamin ? Qui est ce petit...
L'île haute de Valentine Goby - Livre - Suite
Valentine Goby
L'île haute
Présentation 00'02'57"Née au pays de la lavande, d’un père parfumeur et d’une mère tisserande, Valentine Goby suit ses études à Sciences Po avant de partir quatre ans en Asie avec des associations humanitaires. De retour en France, elle enseigne les lettres en collège et le théâtre et se lance dans l’écriture.
Passionnée de littérature, elle publie son premier roman en 2002, chez Gallimard, « La note sensible » salué par la critique. Très vite, la jeune femme se fait un nom auprès des lecteurs mais aussi auprès de ses collègues auteurs et elle s’implique dans les instances de la vie littéraire tels le Conseil permanent des Auteurs ou la Sofia, militant pour la défense des droits des auteurs.
Avec des intrigues souvent inédites et audacieuses et des personnages forts, Valentine Goy à a cœur de confronter la tragédie à la lumière, le drame à la résilience. Ce sont des thèmes que l’on retrouve dans l’œuvre de l’autrice, que ce soit « Banquises », « Kinderzimmer », « Un paquebot dans les arbres » ou plus récemment « Murène ».
Au-delà du public adulte, Valentine Goby s’adresse aussi à la jeunesse avec des romans destinés aux ados. « L’anguille », « Tu seras mon arbre », « Une preuve d’amour » par exemple sont disponibles aux éditions Thierry Magnier,.
L’adolescence, il en est justement question dans ce nouveau roman, « L’île haute ». Vadim est un jeune gamin, il a 12 ans. Il ne connait du monde que son quartier parisien. Mais le monde en guerre le rattrape. Nous sommes dans les années 40, il est juif, il doit fuir. On l’envoie dans les Alpes, dans une vallée oubliée, proche de la frontière italienne. Là, au-delà de la tristesse d’être éloigné des siens et l’appréhension d’intégrer une nouvelle famille va s’ouvrir pour lui un autre univers, celui de la montagne. Et c’est bien le cœur du roman de Valentine Goby. Comment des paysages, des saisons, des sensations vont-elles permettre à ce gamin de se reconstruire, s’imaginer un avenir, passer de l’enfance à l’adolescence. Dans cette ferme où il est accueilli, il y aura la découverte du travail des champs et des bêtes, les nouveaux copains, les premiers émois amoureux, l’adorable et impertinente Moinette, les saisons qui passent et cette montagne qui à la fois terrifie, intrigue, rassure et panse les blessures.
On se laisse complètement happé par ce roman qui prend le temps, porté par une écriture d’une grande sensibilité, où les couleurs sont omniprésentes, où chaque mot déclenche une sensation. Une histoire dans laquelle les personnages sont finalement des seconds rôles puisque c’est bien la montagne, cette île haute, telle un refuge, qui est au premier plan.
Ce livre est une formidable réussite, c’est un coup de cœur
« L’île haute » de Valentine Goby, est publié chez Actes Sud.
Valentine Goby
L'île haute
Portrait 00'08'31"Philippe Chauveau
Bonjour Valentine Goby.
Valentine Goby
Bonjour.
Philippe Chauveau
Merci d'être avec nous pour votre actualité, L'Île haute. C'est votre nouveau titre chez Actes Sud. J'ai envie de vous souhaiter un bon anniversaire. Vous fêtez vos 20 ans.
Valentine Goby
Oui, c'est ça. J'ai à nouveau 20 ans.
Philippe Chauveau
Vous avez à nouveau 20 ans. La note sensible, c'était en 2002, aux éditions Gallimard. Et puis après, il y a eu ce beau parcours, avec des prix, avec des titres, des titres remarqués. 20 ans, est-ce que c'est l'occasion de tirer un bilan ou pas du tout ? Est-ce que ça vous amuse ? Ça vous énerve de regarder dans le rétroviseur ?
Valentine Goby
Ou je suis pas très rétroviseur. C'est plutôt l'occasion de célébrer en fait, la littérature et les gens qui m'ont accompagnée, puisqu'en effet, c'est un parcours assez joyeux et dense. Toutes les occasions de se réjouir sont bonnes à prendre. En voilà une !
Philippe Chauveau
Justement, vous parlez de ceux qui vous ont accompagnéE sur ce parcours. Pour vous, cette réussite en tant qu'auteur, en tant qu'autrice en l'occurrence, c'est aussi grâce aux rencontres, grâce à tous ceux qui vous ont suivie sur le chemin ?
Valentine Goby
Oui, oui, ça remonte d'ailleurs très loin, je ne suis pas rétroviseur, mais je dois quand même rendre à ceux qui m'ont accompagnée sur le chemin de l'écriture et de la lecture. C'est venu vraiment de rencontres d'abord avec des professeurs de lettres. Je le suis devenue ensuite pendant dix ans et puis ensuite, j'ai eu des éditeurs extraordinaires. J'ai commencé par publier chez Gallimard ce qui était, c'est vrai, un peu inespéré pour moi qui arrivais de mon village de Châteauneuf-de-Grace et qui regardais de très, très loin cet univers du livre qui m'était assez étranger. Et puis je suis maintenant dans une maison pour laquelle le mot maison a vraiment du sens, c'est-à-dire que je me sens chez moi, chez Actes Sud, où je suis entourée par des gens extrêmement exigeants et bienveillants aussi. Et j'ai une éditrice avec laquelle j'ai pu tisser une relation de grande confiance et dont l'accompagnement m'aide moi aussi à mieux écrire.
Philippe Chauveau
Vous disiez que lorsque vous étiez dans votre petit village, vous regardiez le monde de l'édition sans trop connaître tout ça. Ça veut dire que vous vous y intéressiez et ça veut dire que ça faisait partie d'une envie ou finalement, l'écriture arrive-t-elle comme ça un peu par hasard ?
Valentine Goby
Ah non ! J'étais vraiment très, très éloignée du monde parisien, du monde de la littérature. Mes parents étaient des gens qui vivaient à la campagne, dans une campagne extrêmement généreuse et splendide. Mon père était parfumeur, je suis fille et petite-fille de parfumeur, ma mère était tisserande. Le rapport à la nature, à la matière était constant. J'ai beaucoup appris par les sens et c'est avec ça que j'écris aujourd'hui. Donc j'ai fait mes études à Paris, à Sciences Po et c'est comme ça en fait... Sciences-Po, c'est juste à côté de chez Gallimard. C'est comme ça, en fait, que j'ai commencé un tout petit peu à apercevoir ce monde qui était très éloigné du mien. Et voilà, aujourd'hui, je suis parisienne, donc c'est un environnement qui m'est finalement devenu assez familier.
Philippe Chauveau
Vous avez déjà donné quelques quelques éléments de réponse. Néanmoins, si l'on reprend votre bibliographie, que ce soit "La note sensible", "Murène" ou plus récemment "Kinderzimmer" ou un paquebot dans les arbres et aujourd'hui "L'ïle haute", le lien au-delà de cette transmission par rapport à ce que vos parents vous avaient eux-mêmes donné, le fil rouge de votre écriture, le fil rouge de toutes ces histoires que vous avez tissées, quel est-il ?
Valentine Goby
Le rapport au corps est central, alors il s'est incarné dans des figures de femmes, assez longtemps, probablement parce que j'en suis une et que cette identité féminine, en tous cas ce corps-là, construit aussi un rapport au monde. Aujourd'hui, c'était d'ailleurs des personnages plutôt masculins. Non pas parce que je m'intéresse plus aux hommes qu'aux femmes, mais parce que je crois que j'ai eu envie de désexuer en fait mes personnages pour m'intéresser plutôt à la manière dont en effet le rapport du corps au monde nous déplisse et nous permet de déployer une identité quelle qu'elle soit. Je n'ai pas envie de rentrer dans les questions de genre et d'ailleurs, c'est pourquoi l'enfance m'intéresse en particulier. C'est un personnage d'enfant qui est ce territoire encore extrêmement malléable, qui est extrêmement sensible et imprimé directement dans sa chair par ce qu'il vit, par le paysage, par ses rencontres.
Philippe Chauveau
Au-delà de votre travail d'écriture, de ce que vous souhaitez transmettre, vous êtes une autrice qui ne reste pas dans sa tour d'ivoire. Vous allez à la rencontre des lecteurs, on en parlera, mais vous êtes aussi une femme auteur, impliquée, engagée. Vous avez collaboré avec plusieurs institutions du livre. Aujourd'hui, vous êtes à la SOFIA dans cet organisme. Pourquoi est-ce important pour vous, en tant qu'autrice justement, de vous impliquer, de faire vivre le monde du livre ? Est-ce qu'il y a une part de militantisme dans ce travail ?
Valentine Goby
Je ne sais pas si le mot militantisme est le bon. En tout cas, je suis intéressée par la vie réelle, économique, quotidienne, de la littérature. C'est-à-dire que, de la même façon qu'une librairie, c'est un endroit pour penser, pour rêver. Mais c'est aussi une entreprise avec des gens qui travaillent et donc il faut prendre en compte cet environnement économique. Je pense que l'auteur n'est pas simplement un poète et un créateur éthéré. Il est aussi quelqu'un d'abord qui agit dans la cité, qui a sa part dans la réflexion collective, qui peut peut-être aider à la faire avancer, qui lui-même est un citoyen. Et puis, c'est aussi un être économique et je trouve important de ne pas tenir à distance ces considérations comme si elles étaient obscènes. Je crois que la vie culturelle et littéraire est d'autant plus dynamique et forte que les gens peuvent vivre correctement de leur métier. Et donc j'ai à cœur de prendre ma part.
Philippe Chauveau
Et je le disais. Vous êtes aussi une autrice qui aimez aller à la rencontre de vos lecteurs, avec des salons notamment. Et vous avez aussi cette particularité depuis quelques années de monter sur les planches. Vous avez fait du théâtre quand vous étiez ado, mais c'est vrai que c'est complètement différent, mais c'est une occasion de faire parler vos textes avec un accompagnement musical, avec de l'image, avec de la lumière. Qu'est-ce qui vous a donné cette envie et pourquoi cette particularité ?
Valentine Goby
C'est une autre création. Ce n'est pas une déclinaison du livre. C'est vraiment à partir du livre, créer, autre chose qui peut se nourrir aussi d'images, de musique comme vous l'avez dit, puisque je travaille avec un musicien compositeur qui ne fait pas qu'accompagner, qui prend vraiment en charge aussi le récit, les émotions, les sensations. Et donc, je trouve ce travail assez passionnant parce que c'est une manière de regarder autrement le travail qu'on a fait.
C'est presque un exercice de traduction. On crée à plusieurs. Le collectif c'est vraiment intéressant. Et toute la solitude dont a besoin un auteur ou une autrice peut se trouver aussi enrichie dans un deuxième temps par ce travail de collaboration. J'aime bien l'idée aussi qu'en allant sur une scène, on va vers le lecteur. Ce n'est pas seulement le lecteur qui vient vers nous.
Je crois qu'il faut accepter et cultiver toutes ces opportunités que nous offrent le recul parfois de la lecture pure pour peut-être amener autrement la littérature dans la société.
Philippe Chauveau
Eu égard à tout ce que vous venez de nous dire, et on l'a rappelé, cela fait 20 ans maintenant que vous êtes présente en librairie, aujourd'hui à l'instant T, votre ressenti d'un mot, si vous deviez définir ce que vous êtes en tant qu'autrice, ce que vous avez envie de transmettre, ce que vous avez envie de dire par les mots ? Que diriez vous ?
Valentine Goby
Il y a un mot qui me vient comme ça, enfin, il y en a deux... En fait, je crois qu'ils marchent ensemble. Et d'ailleurs, ils évoquent probablement aussi ce livre, "L'île haute". C'est le doute et l'émerveillement. J'ai vraiment envie de montrer la poésie et la beauté du monde, qui sont les seules sources profondes que nous avons pour tenter justement de contrer ce grand mouvement noir qui nous entoure.
Philippe Chauvea
Valentine Goby, c'est votre actualité aux éditions Actes Sud, L'île Haute.
Valentine Goby
L'île haute
Livre 00'08'58"Philippe Chauveau
Dans ce nouveau titre, Valentine Goby, L'île haute, nous allons faire connaissance avec un jeune gamin. Il a une douzaine d'années. Il s'appelle à la fois Vadim. Il s'appelle à la fois Vincent. Très vite, on va découvrir que nous sommes dans les années 40 et on va comprendre que cet enfant qui est asthmatique, c'est la partie officielle, cet enfant doit fuir, doit fuir Paris puisque nous sommes en pleine occupation et que ses origines sont juives. C'est le point de départ. Qui est ce petit gamin ? Qui est ce petit Vadim ? Comment l'avez vous conçu ce gamin, ce titi parisien qui va découvrir la montagne ?
Valentine Goby
Pour moi, c'est c'est vraiment la figure du Candide. Évidemment, il est pris dans une menace. Son asthme est bien réel, mais il est aussi métaphorique. Beaucoup de réalité l'empêchent de respirer. Et donc, ce départ à la montagne est salvateur à bien des égards. Mais c'est celui qui ne connaît rien, en fait. D'ailleurs, et connaît pas bien non plus son identité. On la lui assigne. Il n'y a aucune certitude sur cette identité qui reste assez trouble, mais il y a un danger. C'est un enfant de la ville qui n'est pas sorti de la ville et n'ayant pas quitté son quartier, son monde, son royaume est un royaume qui est très éloigné de la nature, de la montagne, on n'en parle même pas. Et donc, c'est l'histoire d'un enfant qui, tout d'un coup, se trouve confronté à l'immensité, l'incongruité de la montagne, qui est un paysage en plus qui lui arrive dans le blanc, c'est-à-dire à la fois...
Philippe Chauveau
Il arrive en plein hiver, effectivement.
Valentine Goby
Totalement vierge, outrancier et caché, dissimulé. Est-ce que la neige, c'est la matière de la montagne ou bien est-ce qu'elle cache, dissimule quelque chose, ce qui va être pour lui d'ailleurs l'occasion de développer de façon extraordinaire son imagination. Et j'ai cherché là à faire un petit peu ce que j'évoquais tout à l'heure. C'est à dire à saisir par le langage des sensations disparues qui ont été les miennes. Dans mon enfance, j'ai découvert la montagne avec un ravissement extraordinaire qui ne s'est jamais démenti, mais j'ai eu envie de restituer l'extraordinaire acuité, l'immédiateté et la splendeur de ces découvertes qui nous submergent quand elles sont des premières fois radicales. Et j'avais envie, voilà, de le développer sur trois saisons puisqu'on va passer de l'hiver au printemps et du printemps à l'été et au fur et à mesure que le paysage change, c'est aussi un déplissement intérieur pour cet enfant qui se découvre et qui grandit dans un rapport au paysage qui lui était absolument impensable avant.
Philippe Chauveau
Alors justement, il va se reconstruire une nouvelle famille. Le cadre historique, entre guillemets, est important, mais ce n'est pas l'essentiel du livre. Certes, nous sommes dans les années 40. Certes, on comprend que cet enfant doit fuir. Il vient d'une famille aimante. Et puis il y a eu des aides qui ont fait que cet enfant a pu être emmener dans les Alpes. Mais ce n'est pas l'essentiel. Ce que vous dites est vrai, c'est la découverte, c'est la première fois de ce gamin dans un paysage qui n'est pas le sien et où il va s'inventer une nouvelle famille avec avec Blanche notamment, qui va être une sorte de mère de substitution. Il va y avoir la rencontre avec Moinette, cette petite, cette petite gamine qui, elle, est vraiment issue de la montagne. Et puis il y a ces sensations. Les couleurs sont très importantes. D'ailleurs, vos trois parties sont identifiées. Il y a le blanc, il y a le vert et il y a le jaune. Mais très souvent, les couleurs sont présentes dans le roman. Comment l'avez vous écrit ? Est-ce qu'il y avait vraiment un plan prédéfini ou est-ce que ce sont les sensations qui sont revenues au fil de l'écriture et qui ont guidé votre plume ?
Valentine Goby
Il y a toujours une sorte d'arc narratif plus ou moins flou qui guide mon écriture, mais qui n'est pas contraint ou restreint à une trame extrêmement précise. C'est un livre qui m'est arrivé pendant le confinement, à une époque où il était très complexe de se déplacer et où le monde s'est arrêté, c'est-à-dire que j'ai effectué en traversant l'espace et en allant dans cette vallée qui est une vallée close totalement coupée du monde d'hiver, mais là plus encore, du fait de l'absence de mécanisation, de damage avec un col qui est fermé sept mois sur douze comme il l'était dans les années 40 avec 20 mètres de neige, des couloirs d'avalanche de toute part, donc un endroit qui est à la fois protégé et menacé, en fait, j'y ai inscrit mon propre corps.
Philippe Chauveau
Notre notre petit gamin Vadim, qui se fait donc appeler Vincent, garde néanmoins le fil avec sa propre famille, mais il y a ces lettres qui arrivent au compte-gouttes de sa mère. Il y a cette famille Dorcel, celle qui l'a aidé à arriver jusque dans les Alpes. Mais néanmoins, c'est bien cette nouvelle famille qu'il est en train de se construire. Parlez-nous peut-être aussi des autres personnages que vous avez imaginés autour de ce gamin.
Valentine Goby
Il a un immense désir d'ancrage en fait, et c'est d'ailleurs une question qu'il se pose de manière continue, bien que discrète tout au long de ces trois saisons, c'est-à-dire à quel point je trahis les miens en désirant être cet autre. Parce qu'au départ, c'est un exil subi.
Philippe Chauveau
Ai-je le droit de donner de l'affection à des gens qui ne sont pas de ma famille alors que ma famille souffre là-bas.
Valentine Goby
Exactement, et c'est même... le paysage va venir sculpter son corps puisque l'air, le vent, le soleil, mais les travaux aussi. Ce sont des gens qui travaillent, ce sont des gens qu'on voit d'abord à travers leurs gestes du quotidien, qui s'occupent des animaux, qui s'occupent du bois, qui s'occupent de la maison, qui cultivent et sont dans une forme d'autarcie nécessaire. Ces gens-là sont un ensemble de gestes qu'il va apprivoiser, en se les appropriant, il va devenir semblable à eux. Et il chérit cet ancrage-là et à son tour, il va venir modifier le paysage parce qu'il va apprendre avec eux ces gestes du quotidien, s'occuper des animaux, faire les foins, récolter, sculpter le bois. Ce sont des gens qui ne posent pas de question. Au fond, on ne sait pas bien ce qu'ils savent et ce qu'ils ignorent. Il se trouve que la vallée dont je parle a véritablement aidé beaucoup de gens à trouver un refuge. Et c'est aussi une façon de rendre hommage à ces gens de montagne qu'on dit souvent taiseux. Mais le silence a ses vertus, alors ils ont aussi la fonction de l'accompagner dans son apprentissage amoureux, par exemple érotique. Blanche est cette femme qui va d'abord incarner la femme désirable, et puis qui, étant enceinte d'un jeune enfant, va devenir tabou. Mais d'autres personnages vont se présenter. Moinette est une petite fille qui n'est pas sexuée, mais qui désire, elle, un contact physique avec Vincent, Vadim, Vincent et qui incarne déjà le début des émois adolescents. Et puis il y a Olga qui là, est le territoire autorisé, c'est la jeune fille, la jeune femme, qui permet au corps d'éprouver ses premières vraies expériences. Donc il y a ces rites de passage, de toute part dans ces trois saisons-là qui concernent à peu près tous les domaines de l'existence, de l'érotisme, au travail, à l'identité familiale, à l'appartenance à une collectivité.
Philippe Chauveau
Et vous racontez effectivement le passage de l'enfance à l'adolescence à travers ces montagnes. Vous parlez d'un hommage à cette vallée des Alpes que vous connaissez bien. C'est aussi une sorte de déclaration d'amour face à ce paysage qui vous fait grandir ?
Valentine Goby
Oui à ces gens, mais je dois dire que pour moi aussi, c'est une vallée choisie. Ce n'est pas du tout celle que j'ai connue dans mon enfance. Je l'ai choisie pour son extrême isolement, son extrême singularité. Je l'ai choisie pour l'écriture de ce livre et maintenant, j'aimerais bien la choisir aussi pour ma vie. Mais ce n'est pas la vallée de mon enfance, c'est une vallée qui a été le territoire d'un livre.
Philippe Chauveau
En tout cas, c'est un livre magnifique. C'est un beau roman sur l'enfance et sur l'adolescence et puis sur cette période et sur ce paysage. Des pages très poétiques, une écriture magnifique. C'est un vrai coup de cœur pour cette rentrée littéraire. C'est la nouvelle actualité de Valentine Goby. Ça s'appelle L'île haute et vous êtes publiée Valentine aux éditions Actes Sud. Merci beaucoup.
Valentine Goby
Merci à vous.