Est-il encore besoin de présenter Eric-Emmanuel Schmitt ? Né à Lyon en 1960, il dit lui-même que la littérature l’a sauvé d’un monde dans lequel il ne trouvait pas vraiment sa place et que sa découverte du théâtre lors d’une représentation de « Cyrano de Bergerac » fut pour lui une révélation. C’est d’ailleurs avec une pièce qu’il se fait connaitre. « La nuit de Valognes » est un énorme succès qui fait d’Eric-Emmanuel Schmitt un dramaturge reconnu. Des pièces de théâtre, il y en aura d’autres...
Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt.
Eric-Emmanuel Schmitt :
Bonjour.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, « Félix et la source invisible » chez Albin Michel, ce nouveau livre prend place dans le cycle de l'Invisible, il prend place aussi dans une bibliographie déjà conséquente faite de pièces de théâtre, de poésie, d'essais... Si vous faites le bilan de votre parcours d'auteur, êtes-vous un homme heureux aujourd'hui en tant qu'écrivain ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
C'est une question que je ne me pose pas....
Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Voilà une nouvelle histoire que vous nous proposez Eric-Emmanuel Schmitt, nous allons faire connaissance avec le jeune Félix. Félix est plutôt bien dans ses baskets, il vit à Belleville, sa maman Fatou tient un bar qui s'appelle « Au boulot ». C'est original !
Eric-Emmanuel Schmitt :
C'est pratique surtout, parce que quand les clients sont dans son café et que leur femme ou leur patron les appelle en disant « Où es-tu ? » ils répondent « au boulot » !
Philippe Chauveau :
Tout est simple !...
Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Livre - Suite
Eric-Emmanuel Schmitt
Félix et la source invisible
Présentation 02'39"Est-il encore besoin de présenter Eric-Emmanuel Schmitt ? Né à Lyon en 1960, il dit lui-même que la littérature l’a sauvé d’un monde dans lequel il ne trouvait pas vraiment sa place et que sa découverte du théâtre lors d’une représentation de « Cyrano de Bergerac » fut pour lui une révélation. C’est d’ailleurs avec une pièce qu’il se fait connaitre. « La nuit de Valognes » est un énorme succès qui fait d’Eric-Emmanuel Schmitt un dramaturge reconnu. Des pièces de théâtre, il y en aura d’autres mais loin de lui, l’idée de s’y cantonner. Eric-Emmanuel Schmitt veut aussi écrire pour exprimer des sensations, des ressentis, inciter à la réflexion, à l’introspection, et pourquoi pas, apporter un soutien au lecteur. Ainsi s’articule toute l’œuvre littéraire d’Eric-Emmanuel Schmitt, l’un des auteurs francophones les plus lus et les plus traduits au monde. Membre de l’Académie Goncourt, l’auteur a su créer un vrai lien de sympathie avec son lectorat au fil du temps. Sa générosité et sa gentillesse ne sont pas feintes. Parmi sa nombreuse bibliographie, Eric-Emmanuel Schmitt a entamé depuis 1997 avec « Milarepa » un cycle de l’invisible dans lequel, sous la forme du conte, il nous entraine dans une réflexion sur les différentes religions. Dans cette thème thématique, il y eut par exemple « Oscar et la dame rose », « M. Ibrahim et les fleurs du Coran » ou encore « L’enfant de Noé ». Le fil rouge de ce cycle e l’invisible, c’est un enfant confronté à un drame qui par une rencontre va se reconstruire, puisant aux sources d’une religion pour se découvrir lui-même et réinventer le monde qui l’entoure pour s’y épanouir. Voici Félix, il a douzaine d’années, il vit avec sa mère Fatou qui tient un café à Belleville, quartier populaire de Paris. Ayant quitté son Sénégal natal depuis longtemps, Fatou est la joie de vivre incarnée, toujours souriante et prête à aider son prochain. Mais un jour, suite à un imbrglio immobilier et financier, Fatou sombre dans la dépression et Félix ne reconnait plus sa mère, elle qui est sa force et son rempart. Sur le thème de la famille, des racines, du retour aux sources, une fois encore, avec poésie, sensibilité et humour, Eric-Emmanuel Schmitt nous entraine dans ce joli conte. Une histoire qui nous interpelle aussi sur notre rapport aux autres, le regard porté à ceux qui sont d’ailleurs, notre lien à nos racines et la famille, celle d’où l’on vient et celle qu’on se construit au fil du temps. Une fois encore, Eric-Emmanuel Schmitt nous touche au cœur…
Eric-Emmanuel Schmitt
Félix et la source invisible
Portrait 06'02"Philippe Chauveau :
Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt.
Eric-Emmanuel Schmitt :
Bonjour.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, « Félix et la source invisible » chez Albin Michel, ce nouveau livre prend place dans le cycle de l'Invisible, il prend place aussi dans une bibliographie déjà conséquente faite de pièces de théâtre, de poésie, d'essais... Si vous faites le bilan de votre parcours d'auteur, êtes-vous un homme heureux aujourd'hui en tant qu'écrivain ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
C'est une question que je ne me pose pas. Ce qui me rend heureux, c'est d'avoir autant de livres en moi qui demandent encore à sortir. Je ne cherche pas, je suis enceint, multi-enceint de plein d'histoires… Je fais les livres aussi naturellement qu'un pommier fait des pommes, je réponds à une nécessité de nature.
Philippe Chauveau :
Tous ces personnages que vous nous avez présentés au fil des années, qui sont-ils ? Vous protègent-ils ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Il n'y a jamais une origine précise à un personnage, un personnage est sa propre origine. Un personnage se met à exister dans mon cerveau et me parle. Je sens sa présence, son type de présence, si c'est lumineux, si ce n'est pas lumineux, si c'est une énergie négative ou une énergie positive, j'ai vraiment l'impression d'être habité par des personnages.
Philippe Chauveau :
Comment se présentent les lecteurs qui vous lisent ? Y-a-t-il selon vous un lecteur type ou différentes personnalités ? Comment vous les représentez-vous?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Ce qui me rassure, c'est que j'ai découvert que j'avais toutes sortes de lecteurs. C'est assez incroyable et d'ailleurs mon éditeur me le dit lors des séances de signatures, il me dit : « Vous avez un lectorat extrêmement diversifié ».
Philippe Chauveau :
Vous avez l'impression que les lecteurs viennent chercher des choses différentes en fonction de leur âge, de leur vie, de leurs besoins ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Je ne sais pas s’ils viennent chercher des choses différentes mais ils les prennent différemment. Quand des lecteurs très jeunes me lisent, ils ont une appréhension de l'histoire qui est la leur. Par exemple, lorsqu'ils lisent « Oscar et la dame rose », ils ne pleurent pas, ils sont émus mais ils ne pleurent pas, ils me disent : « Oscar ne pleure pas, pourquoi je pleurerais ? ». Oscar est un enfant malade. Tandis que les adultes qui lisent le même texte sont grevés par leur propre douleur et les personnes qu'ils ont perdues, par leur chagrin, et donc les larmes arrivent. Selon le moment de sa vie où on lit les choses, on a peut-être la même attente, l'attente d'une spiritualité, l'attente du sens mais on est différents, à différents moments de l'attente. Les lectures sont extrêmement différentes.
Philippe Chauveau :
Pensez-vous au lecteur lorsque vous écrivez ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Ah oui, c'est à lui que je parle ! Je m'adresse, je rentre en relation avec le lecteur, je lui fais une promesse, « je te prends par la main et je t'emmène quelque part, et je ne te lâcherai pas, même quand tu vas avoir un moment de trouble, parce qu'il y aura des moments de trouble, parce que je n'ai pas peur des sujets graves, mais je te sortirai aussi de ces moments de trouble. Je ne vais pas te lâcher la main dans le trouble, comme font beaucoup d'écrivains, et c'est leur droit, moi j’irai jusqu'au bout et on sortira du trouble, on va faire un vrai voyage. ». J'ai la prétention d’emmener le lcteur pour éprouver des émotions et avoir des idées qu'il n'aurait peut-être pas eues s’il n'avait pas lu ce livre. Je l'emmène dans une aventure, dans un voyage.
Philippe Chauveau :
Si vous n'aviez pas rencontré l'écriture dans votre vie, qu'auriez-vous aimé être ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
J'aurais aimé être des tas de choses, c'est peut-être pour ça que j'écris, pour être tous ces personnages que je n'ai pas pu être.
Philippe Chauveau :
Il n'y a pas un métier qui vous aurait intéressé ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Si, j'aurai aimé être compositeur, chef d'orchestre, archéologue, diplomate, ou artisan aussi. J'avais un grand-père artisan et j'adore la patience et le perfectionnisme de l'artisan. Le danger était que beaucoup de choses me plaisent et je pouvais me tromper. Finalement, vu la naturalité avec laquelle les histoires m'arrivent et se déposent sur le papier, je pense que je ne me suis pas trompé.
Philippe Chauveau :
Si vous pouviez croiser le petit Eric-Emmanuel Schmitt qui avait 10 ans, qu'auriez-vous envie de lui dire face à sa vie d'homme ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Quelque chose qu'il savait déjà : que la vie c'est formidable. A dix ans, j'étais persuadé qui vivre, ce n'était pas un coup de salaud qu'on m'avait fait, à la différence de tant d'écrivains mais que c'était un super cadeau que l'on m'avait fait, on m'a donné la vie et des années à vivre. Je lui confirmerais qu'il a raison de sourire à l' existence. Après, l'existence vous donne des coups, elle vous blesse, elle vous scandalise, elle vous abat parfois physiquement, parfois mentalement, elle vous alourdi de chagrin etc. Il faut toujours aller se ressourcer dans nos étonnements premiers parce qu'on est cousus d'étonnements, il faut toujours revenir aux étonnements que l'on a éprouvés et se dire « c'est ça ma colonne vertébrale, c'est ça mon guide, ce ne sont pas mes tristesses, ce sont mes émerveillements ».
Philippe Chauveau :
Votre actualité Eric-Emmanuel Schmitt, « Félix et la source invisible », vous êtes publié chez Albin Michel.
Eric-Emmanuel Schmitt
Félix et la source invisible
Livre 06'33"Philippe Chauveau :
Voilà une nouvelle histoire que vous nous proposez Eric-Emmanuel Schmitt, nous allons faire connaissance avec le jeune Félix. Félix est plutôt bien dans ses baskets, il vit à Belleville, sa maman Fatou tient un bar qui s'appelle « Au boulot ». C'est original !
Eric-Emmanuel Schmitt :
C'est pratique surtout, parce que quand les clients sont dans son café et que leur femme ou leur patron les appelle en disant « Où es-tu ? » ils répondent « au boulot » !
Philippe Chauveau :
Tout est simple ! Fatou est une femme solaire mais un jour il y a quand même un imbroglio financier et immobilier et Fatou va perdre sa joie de vivre. Le jeune Félix va être un peu démuni face à cette mère qu'il a toujours vue heureuse. D'où vient cette histoire, d'où viennent ces personnages ? Qui sont Fatou et Félix ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Fatou et Félix sont et un fils et sa mère qui s'aiment passionnément, presque de façon fusionnelle, jusqu'à ce que la fusion ne soit plus possible puisque Fatou déprime.
Philippe Chauveau :
Elle a volontairement élevé son fils toute seule, c'était son choix.
Eric-Emmanuel Schmitt :
C'était un choix, elle l'a fait avec le Saint-Esprit et Félix est très content d'avoir été fait avec le Saint-Esprit parce qu'il pense qu'il est tous les hommes pour sa mère, il est non seulement son fils mais il est son compagnon, son frère, son ami et puis peut-être même son père et c'est ça aussi qu'il va apprendre au long de l'histoire, il va prendre sa place d'enfant. Il va apprendre à ne pas être tous les hommes pour sa mère. Je me suis inspiré très simplement du rapport que j'avais avec ma mère qui était ce rapport d'amour profond, sans nuage et en même temps, même si j'ai connu cet amour profond, il faut apprendre la réalité, comme Félix.
Philippe Chauveau :
Rappelons que ce titre prend place dans le cycle de l'Invisible dans lequel on trouvait notamment « Oscar et la dame rose » ou « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran », quelle est la démarche de ce cycle ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Le cycle de l'Invisible c'est un cycle de récits totalement indépendants les uns des autres mais chacun propose un voyage dans une spiritualité.
Philippe Chauveau :
Sans dévoiler l'intrigue de ce nouveau titre, votre histoire nous emmène à Paris, dans ce café de Belleville, et aussi en Afrique. La force de ce livre est de parler de la famille, la vraie famille, et puis celle que l'on se construit parce que Fatou s'est construit une famille avec tous les clients du café qui sont hauts en couleurs. C'est aussi un livre qui nous raconte les racines, pourquoi il est important de savoir d'où l'on vient pour être soi-même.
Eric-Emmanuel Schmitt :
Oui, on ne peut pas oublier ni la langue ni la mentalité qu'on avait lorsqu'on a nommé pour la première fois les choses. Quand on nomme le soleil, le lait, le beurre, c'est dans un contexte. Le regard qu'on a sur la vie ou sur la mort c'est toujours dans un contexte. Ce qu'il s'est passé pour Fatou, cette héroïne qui tout d'un coup sombre dans une dépression, c'est qu'elle s'est coupée totalement de ses racines. On comprendra plus tard dans le livre qu'il y a eu quelque chose de terrible, de traumatisant qui l'a fait fuir et qui lui a fait croire qu'elle pouvait se reconstruire dans l'oubli du passé.
Philippe Chauveau :
Elle a toujours voulu donner l'image d'une femme forte que rien ne peut atteindre.
Eric-Emmanuel Schmitt :
Exactement, mais quand on oublie le passé il vous rattrape, le passé ne se laisse pas oublier.
Philippe Chauveau :
Si je dis que vous êtes un conteur, le terme vous convient-il ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Il m'enchante ! C'est ce que j'espère être. Je suis un conteur, j'aime raconter des histoires, je ne dis pas « il était une fois » mais presque.
Philippe Chauveau :
Le petit Félix vous ressemble-t-il beaucoup ? Vous nous avez parlé de la fusion qu'il y avait entre vous et votre maman, y-a-t-il d'autres points communs ?
Eric-Emmanuel Schmitt :
Oui, un peu liés, la difficulté du rapport au père, par exemple. J'ai peur que Sigmund Freud ait vu clair lorsqu'il nous parle d'Œdipe ! Et puis ce qu'on a en commun Félix et moi, c'est ce refus de baisser les bras. Si ça ne va pas, que fait-on pour que ça aille mieux ? Cette espèce d'optimisme chevillée à l'âme qui est le mélange de l'intelligence et du courage. Felix ne voit pas l'intérêt de se désespérer, tant qu'il peut agir il agira, et je suis comme ça aussi. Il y a bien sûr un moment où il faut que je lâche si ce n'est pas possible mais je le lâcherai au dernier moment.
Philippe Chauveau :
Personnellement, ce qui m'a beaucoup séduit dans votre ouvrage, ce sont les thématiques que nous avons évoquées : les racines, la famille, la sienne et celle que l'on se créer. Il y a aussi beaucoup d'humour dans votre écriture et beaucoup de poésie. Il m'a semblé également que vous aviez envie de rendre hommage à la Femme à travers Fatou. Ces femmes qui se battent, ces femmes qui ont peut-être besoin d'être deux fois plus courageuses et deux fois plus fortes que les hommes.
Eric-Emmanuel Schmitt :
Oui, il y a beaucoup de femmes dans mes livres. Souvent les lectrices me disent « il n'y a jamais eu de femme idiote dans vos livres » et cela me paraît évident. Et de femmes qui ne soient pas fortes, je crois que je n'en ai pas écrit. Ce sont les hommes qui trébuchent dans mes livres, peut-être parce que je suis un homme et donc je vois les choses à travers mes propres défaites mais oui, Fatou est totalement solaire, c'est une source de vie, c'est peut -être pour ça que j'aime avoir des personnages féminins.
Philippe Chauveau :
Fatou, voilà une femme que l'on aimerait avoir pour amie et sans doute des Fatou, y en a-t-il tout autour de nous, ces femmes qui nous apportent du soleil mais qui, elles aussi, ont besoin de temps en temps qu'on s'intéresse un peu à elles pour leur donner un peu de sourire. « Felix et la source invisible » c'est votre actualité Eric-Emmanuel Schmitt vous êtes publié chez Albin Michel. Merci beaucoup.