Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie Le Bihan a prouvé la qualité de sa plume même si elle reconnait elle-même ressentir encore le syndrome de l’imposteur quand elle voit ses livres en vitrine.En 2013 parait son premier ouvrage, « Petite bibliothèque du gourmand », une anthologie de textes littéraires autour de l’art culinaire, un livre préfacé par son mari, le chef Pierre Gaignaire.
Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie Le Bihan a prouvé la qualité de sa plume...
Les sacrifiés de Sylvie Le Bihan - Présentation - Suite
PhilippeBonjour Sylvie Le Bihan.
Sylvie Le BihanBonjour.
PhilippeVous êtes dans l'actualité avec ce livre. C'est votre cinquième roman, Les sacrifiés aux éditions Denoël. Cinquième roman, mais sixième livre, puisqu'on va parler un petit peu de votre parcours. Pourquoi l'écriture dans votre vie ? Vous avez fait des études de communication, vous avez travaillé dans la communication, vous collaborez aux établissements de votre époux, Pierre Gagnaire. Mais c'est vrai que depuis quelques années, Sylvie Le Bihan, c'est aussi un...
Les sacrifiés de Sylvie Le Bihan - Portrait - Suite
PhilippeNous sommes dans les années 30. Nous sommes dans les années 30, parfois, nous serons aussi dans les années 2000. Mais en tout cas, lorsque le roman démarre, nous sommes à la fin des années 30 et nous allons faire connaissance avec un garçon, un homme que nous allons suivre pendant tout le roman. Il s'appelle Juan. C'est un homme qui va voir son destin basculer par la guerre d'Espagne. Pourquoi avoir eu envie de nous emmener Sylvie Le Bihan dans un roman dit historique et dans cette période de l'histoire, avec ces années...
Les sacrifiés de Sylvie Le Bihan - Livre - Suite
Sylvie Le Bihan
Les sacrifiés
Présentation 00'02'51"Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie Le Bihan a prouvé la qualité de sa plume même si elle reconnait elle-même ressentir encore le syndrome de l’imposteur quand elle voit ses livres en vitrine.
En 2013 parait son premier ouvrage, « Petite bibliothèque du gourmand », une anthologie de textes littéraires autour de l’art culinaire, un livre préfacé par son mari, le chef Pierre Gaignaire.
Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie Le Bihan a prouvé la qualité de sa plume même si elle reconnait elle-même ressentir encore le syndrome de l’imposteur quand elle voit ses livres en vitrine.
En 2013 parait son premier ouvrage, « Petite bibliothèque du gourmand », une anthologie de textes littéraires autour de l’art culinaire, un livre préfacé par son mari, le chef Pierre Gaignaire.
L’année suivante, choisissant la plume romanesque, elle signe « L’autre », récompensé au festival du 1er roman de Chambéry, histoire saisissante sur le pervers narcissique. Le livre est fortement remarqué. Dès lors, Sylvie Le Bihan devient un nom qui compte. « Là où s’arrête la terre », « Qu’il emporte mon secret », « Amour propre » ont crée autour de la romancière un lectorat fidèle qui se retrouve dans ses intrigues, dans les sujets abordés, dans la fragilité des personnages, dans la subtilité de son écriture
Voici son nouveau titre, « Les sacrifiés ». Et quelle réussite ! Sylvie Le Bihan choisit cette fois-ci la fresque historique et nous entraine dans l’Espagne des années 30, celle qui de l’insouciance va sombrer dans la violence et la guerre civile. Juan est le personnage central de cette histoire de soleil et de sang. Il est encore gamin quand on lui fait quitter son village d’Andalousie pour devenir le cuisinier du célèbre torero Ignacio Ortega. Dès lors, dans l’ombre, le jeune Juan va découvrir une nouvelle vie de luxe et d’insouciance où les stars de la tauromachie côtoie tous les artistes de l’époque. Fasciné, il va surtout devenir le témoin d’un trio exceptionnel, celui que forment, entre amour et amitié, le sémillant torero Ignacio, la belle danseuse Encarnacion et le fragile poète Federico Garcia Lorca. Mais bientôt, le ciel d’Espagne vire à l’orage. Juan et tous les protagonistes de cette histoire vont être balayés par le vent de l’Histoire.
Là est la force du livre de Sylvie Le Bihan. A l’exception du personnage fictif de Juan, tous les autres sont authentiques. Au prix de plusieurs années de travail et de recherches, elle leur redonne vie dans ce roman foisonnant, flamboyant, douloureux, qui résonne étrangement avec notre époque contemporaine et interpelle : qui sont les sacrifiés d’aujourd’hui ?
Hommage à l’Espagne et à son histoire, hommage à la littérature et à Federico Garcia Lorca, Sylvie Le Bihan signe un livre au souffle puissant, parfaitement construit, à l’écriture remarquable, un livre que vous refermerez le cœur déchiré
C’est un coup de cœur ;
« Les sacrifiés » de Sylvie le Bihan est publié aux éditions Denoël.
Sylvie Le Bihan
Les sacrifiés
Portrait 00'08'24"Philippe
Bonjour Sylvie Le Bihan.
Sylvie Le Bihan
Bonjour.
Philippe
Vous êtes dans l'actualité avec ce livre. C'est votre cinquième roman, Les sacrifiés aux éditions Denoël. Cinquième roman, mais sixième livre, puisqu'on va parler un petit peu de votre parcours. Pourquoi l'écriture dans votre vie ? Vous avez fait des études de communication, vous avez travaillé dans la communication, vous collaborez aux établissements de votre époux, Pierre Gagnaire. Mais c'est vrai que depuis quelques années, Sylvie Le Bihan, c'est aussi un nom que l'on retrouve en librairie. Pourquoi ce goût, cette envie de l'écriture ?
Sylvie Le Bihan
J'ai toujours. J'ai toujours écrit en fait. J'ai été élevée par un père qui était diplomate et qui était aussi auteur de pièces dramatiques. Et il m'a élevé avec l'écriture à faire avec la littérature sur l'écriture. J'ai toujours écrit, j'ai fait des études de sciences politiques, donc là c'était un peu pareil, j'ai fait beaucoup de recherches. J'ai beaucoup écrit puisqu'il faut toujours faire beaucoup de dissertations quand on fait des études comme ça. L'écriture, ça a été pour certains, ça va être la peinture sur porcelaine, pour d'autres de la broderie. C'est ma façon à moi de m'exprimer. Et puis, on peut emmener ça partout. Enfin, je laisse un petit carnet et des petites idées comme ça. J'ai toujours regardé le Le Monde avec drame et humour en même temps. Donc je note des idées à chaque fois.
Philippe
Vous faites votre rentrée en librairie on va dire ça comme ça en 2013. C'était la Petite Bibliothèque du Gourmand, c'était ça. Donc peut être aussi en lien avec cet univers de la cuisine que vous connaissez bien. Qu'est ce qui vous a donné envie, ce déclic pour ce premier livre ?
Sylvie Le Bihan
Alors en fait, j'écrivais la newsletter de Pierre Gagnaire. Et puis une éditrice qui travaillait chez Flammarion m'a dit : Mais il faudrait que tu écrives aussi autre chose. Et donc, on a eu ce projet d'écrire cette petite bibliothèque du gourmand qui est absolument pas gourmande puisqu'en fait c'est une anthologie de la littérature qui parle de nourriture. Mais la gourmandise étant un péché capital. C'est ça qui m'intéressait.
Philippe
Et c'est ce qui est intéressant, c'est que vous vous expliquez qu'il s'agit là d'une anthologie de textes littéraires sur la gourmandise et sur la cuisine en général. Et vous fait très souvent référence dans vos romans à des auteurs, à des écrivains. On en reparlera puisque c'est le cas encore dans cette actualité. Justement vous nous expliquerez un petit peu ses influences.
Donc il y a ce premier livre. Et puis très vite, l'année suivante, en 2014, c'est le premier roman. Et là, on découvre une autre Sylvie Le Bihan, peut être avec une autre écriture, c'est l'Autre. A quel moment vous êtes vous autorisée à entrer dans le costume de la romancière ?
Sylvie Le Bihan
Jamais. Je suis toujours pas dans le costume de la romancière. Je considère que c'est un plaisir pour moi. On ne peut pas dire que je me soit autorisée. C'est à dire que j'ai juste envoyé un manuscrit que j'avais terminé, c'était la première fois que je terminais un texte et j'ai eu la chance d'avoir plusieurs maisons d'édition qui étaient intéressées, à condition que je rajoute 100 pages ou que j'enlève ci ou que je fasse ci. Et puis le Seuil m'a dit : non c'est bon, vous prends comme ça. Le seuil, c'était incroyable, quoi pour un premier roman, les Éditions du Seuil. J'étais super fière et heureuse, flattée. Enfin bon, je n'arrivais pas à parler. Et quand je dis que je ne suis pas rentré dans la peau d'une romancière, je suis toujours pas rentrée. C'est comme beaucoup de mes héroïnes, mes héros dans mes livres, je pense que j'ai un complexe de l'imposteur réellement. Donc c'est-à-dire que j'ai l'impression que ce que j'écris, ce n'est pas bon. Et quand on me dit c'est bien, j'apprends que je m'adresse à quelqu'un d'autre, en fait.
Philippe
Là ou s'arrête la terre ; Qu'il emporte mon secret ; Amour propre, voilà les titres de votre bibliographie. Et puis aujourd'hui, Les Sacrifiés. Quel est le fil rouge de tous ces titres ?
Sylvie Le Bihan
Je crois que c'est d'abord écrire des choses qui font réfléchir, qui ouvrent un débat. C'est à dire qu'il y a toujours un twist en fait sur des sujets pas forcément d'actualité. Mais j'aime bien comment dire, gratter là où ça démange un peu. Et pour qu'on puisse appréhender les problèmes d'une façon peut être un petit peu politiquement incorrect, mais pour faire réagir. Et en même temps, le fil rouge, c'est aussi parler de la femme, du rôle de la femme dans la société. Et là, c'est une Encarnacion dans mon dernier roman. De l'amour, des déceptions, des jalousies, tout ce qui est tout ce qui fait de nous des êtres humains.
Philippe
On le disait tout à l'heure, avec l'anthologie sur la cuisine que vous avez fait en 2013. Vous avez toujours un grand attachement pour eux, pour les auteurs, pour les écrivains. Ça a été le cas dans votre précédent titre, Amour propre où la vous parliez de Malaparte, là dans Les Sacrifiés c'est aussi Lorca qui y est présent. Pourquoi cet attachement à ces grands noms de la littérature ? Ils vous ont réellement apporté des choses en tant que femme ou en tant que romancière ?
Sylvie Le Bihan
Je pense que Curzio Malaparte comme Federico Garcia Lorca sont des gens qui sont connus. Federico Garcia Lorca par sa mort, pas forcément par ses textes. Je me rends bien compte qu'on sait qui est Federico Garcia Lorca, mais peu l'ont lu. Et Curzio Malaparte, c'est un peu pareil, c'est à dire qu'il y a eu beaucoup de choses autour de Malaparte, la villa Malaparte, entre autres. Mais peu de gens l'avaient lu. Et donc c'est presque, c'est leur rendre hommage, c'est essayer d'attirer peut être un nouveau public sur ces auteurs qui m'ont marqués.
Philippe
Dans quel état d'esprit êtes vous lorsque vous voyez votre votre livre dans les vitrines des librairies ?
Sylvie Le Bihan
Ah bah je suis évidemment très fière, mais je me suis déjà détachée beaucoup de l'histoire et des personnages. Ils ne vivent plus en moi. Je suis là maintenant pour les défendre, pour les porter vers un nouveau public, vers un public. Mais oui, c'est toujours. Moi je sais qu'à chaque fois que j'ai un texte qui va être publié, c'est une immense joie c'est-à-dire que je me dis quelle chance tu as d'être publié. Parce que quand on arrive dans une maison d'édition, qu'on voit les piles de manuscrits qui sont envoyés... Je sais ce que c'est. Je vois les heures où on est à reprendre un texte où on est à la lueur d'une journée, dans une cuisine, dans un bureau, peu importe, on met tout ce qu'on a en se disant voilà, ça c'est bon, c'est le bon, je l'envoie. Et je vois toutes ces enveloppes qui frétillent d'espoir et de travail acharné. Et donc je me dis quelle chance j'ai d'être publié. Je n'ai aucun ego par rapport à une publication d'un livre. Quand je vois mon livre dans la vitrine, je suis un peu gêné, mais en même temps, je suis très fier.
Philippe
Toujours le syndrome de l'imposteur.
Sylvie Le Bihan
Toujours pareil, oui je suis toujours un peu gêné. Je me dis qu'est-ce-qu'il fait là ? Et en même temps, je suis... Pour ce dernier livre, j'ai eu tellement de déclarations d'amour par rapport aux personnages. Les gens m'ont dit : Mais vous me donner envie de vivre en fait. Et ça, c'est formidable.
Philippe
Et justement, ce que vous dites est intéressant. Vous expliquez qu'une fois que le point final est mis, vous vous détachez de vos personnages et ce sont finalement les lecteurs qui s'en emparent. Vous expliquez que vous avez des retours très généreux des lecteurs. Là encore, ça vous apporte quoi ces rencontres en salon ? Parce que ça, c'est quelque chose que vous avez découvert en devenant romancière ?
Sylvie Le Bihan
Au début, j'étais très très timide. C'est très gênant d'avoir des gens qui me disent : qu'est ce qu'on a aimé. Après c'est pas que je n'ai pas besoin de reconnaissance, c'est que ce n'est pas ça qui me nourrit. Et donc, en fait, j'aimerais être du côté des lecteurs. Plusieurs fois, j'ai fait des débats et je me trouvais face avec des personnes que j'avais envie d'écouter. J'avais pas forcément envie de parler avec elle parce que je me suis dit ils disent des choses tellement incroyables par rapport à moi, ce que je suis en train de lire, que j'avais envie de me mettre dans le public. Et donc les échanges que j'ai avec les lectrices et lecteurs, c'est hyper touchant. C'est comment dire ? C'est la récompense ultime pour un auteur que d'avoir des gens qui viennent vous voir en vous disant là, j'ai une dame qui m'a envoyé des photos de la plaque commémorative pour la Nueve, la neuvième brigade qui a libéré Paris parce que son grand père était dans la Nueve. Alors ça, je vous parle ça d'un point de vue historique. Mais maintenant dans premiers livres, qui étaient plus des livres de témoignages, basés sur des témoignages de ce qui m'est arrivé, soit de femmes que j'avais rencontrées, d'avoir pu rendre une histoire personnelle universelle, ça c'était pour moi c'était un grand moment aussi d'avoir toutes ces femmes ou tout ces hommes qui venaient me voir en me disant merci, merci d'avoir pris la parole pour nous en fait.
Philippe
Votre actualité Sylvie Le Bihan, c'est aux éditions Denoël ça s'appelle Les Sacrifiés.
Sylvie Le Bihan
Les sacrifiés
Livre 00'08'07"Philippe
Nous sommes dans les années 30. Nous sommes dans les années 30, parfois, nous serons aussi dans les années 2000. Mais en tout cas, lorsque le roman démarre, nous sommes à la fin des années 30 et nous allons faire connaissance avec un garçon, un homme que nous allons suivre pendant tout le roman. Il s'appelle Juan. C'est un homme qui va voir son destin basculer par la guerre d'Espagne. Pourquoi avoir eu envie de nous emmener Sylvie Le Bihan dans un roman dit historique et dans cette période de l'histoire, avec ces années sombres de l'Espagne.
Sylvie Le Bihan
Alors je n'ai jamais d'idée pour faire un livre. Je ne vais pas me dire tiens, je veux faire ça comme thème. Il se trouve que c'est à chaque fois une rencontre. Là, ça a été la rencontre avec un texte de Federico Garcia Lorca qui s'appelle Chant funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias. Et c'est quatre textes, qui étaient tellement merveilleux sur la perte d'un ami. Sachant que Federico Garcia était homosexuel, je pensais que c'était un de ses un de ses amants, mais c'est vraiment un ami et j'ai trouvé ce texte merveilleux. Je me suis dit : qui est Ignacio Sanchez Mejias ? Et c'est là que je suis arrivé.
Philippe
Vous avez tiré le fil.
Sylvie Le Bihan
Et là, j'ai rencontré d'autres personnages. Et une sorte de trio amical et amoureux qui, pour moi, était très romanesque. Je me suis dit faudrait que je le raconte.
Philippe
Alors un trio amical et amoureux, puisqu'on va faire connaissance avec Juan, qu'on va aussi parfois appelé le Juanito. C'est un personnage qui est fictif, qui sort de votre imagination.
Sylvie Le Bihan
Totalement fictif. C'est le seul d'ailleurs dans tout le roman.
Philippe
Mais qui va donc croiser d'autres personnages authentiques, comme par exemple Ignacio, qui était un grand nom de la tauromachie ? Et puis Encarnacion qui elle est l'amoureuse, celle qui aime et celle que l'on aime. Et c'est ce trio que l'on va suivre. Trio amoureux mais pendant cette période sombre de l'Espagne.
Sylvie Le Bihan
J'ai choisi ce petit cuisinier gitan parce que je voulais rendre hommage à la communauté gitane qui était très chère à Federico Garcia Lorca. Et puis, je voulais un petit cuisinier parce que je trouvais que c'était ce qu'il y avait de plus proche qu'un cuisinier. Il n'y a pas plus proche qu'un cuisinier personnel pour accompagner tous ces gens là le long de leur vie et jusqu'à leur mort.
Philippe
Et alors Juan finalement, c'est un peu ce qui le sort de son milieu familial, parce qu'il est issu d'une famille où on est plutôt dans l'univers de la tauromachie, mais on vivote un peu. Et puis il a ce don qu'il a appris avec sa mère et sa grand mère. Et c'est comme ça qu'un jour, Ignacio le grand, le grand torero, vient lui dire : Écoute, vient chez moi, tu vas t'occuper de la cuisine. Et c'est ce qui va lui permettre de vivre une aventure incroyable.
Sylvie Le Bihan
Oui, parce que Ignacio va très vite abandonner la tauromachie. C'est ça qui m'intéresse dans ce personnage. C'est qu'il m'a tout de suite frappé, c'est qu'il va dans de la tauromachie pour être mécène de la génération de 27. Donc Rafael Alberti, Manuel de Falla, tous ces intellectuels, artistes, musiciens, écrivains, poètes et Federico Garcia Lorca. Et il va aussi vouloir écrire avec pas trop de succès. Mais il va vouloir écrire.
Philippe
Et il aura quand même une petite reconnaissance.
Sylvie Le Bihan
Ou il aura une petite reconnaissance dans ce milieu là. Mais c'est quelqu'un qui aimait beaucoup prendre des risques et donc c'est un nouveau risque qu'il va prendre en devenant écrivain. Et il va devenir le mentor de Juan, c'est à dire qu'il va lui dire : Je vais te donner la chance de découvrir un monde. Tu n'as pas idée du monde qui existe à l'extérieur de l'hacienda, de l'Andalousie et de la communauté de gitans. Donc, c'est son mentor.
Philippe
Il y a ce trio, ce trio amoureux que vous évoquez. Il y a ce personnage de Juan qui est là en tant que en tant que témoin. Et puis il y a aussi cette grande fresque, cette grande peinture qu'est l'histoire, l'histoire de l'Espagne. Vous écrivez à un moment : "C'est pour ça qu'on a perdu Juanito, parce que les hommes ne s'aiment pas assez pour espérer que l'autre, les autres, soient leurs égal. Les penseurs sont morts ou désabusés et il ne reste plus que les barbares, ces hommes au cerveau brûlé qui ont perdu le sens de notre lutte. Les digues ont cédé, l'intelligence a disparu, et on ne se comprend plus puisque chacun est retourné à son combat ou à sa cause. Et le peu d'humanité qui reste va voler en éclats. C'est l'Espagne, effectivement, qui vole en éclats. Parce que vous parlez de l'Espagne d'avant 36 où tous les espoirs sont permis où il y a de vrais changements dans la société. Et puis voilà que Franco et ses hommes arrivent et l'Espagne bascule dans l'horreur.
Sylvie Le Bihan
Oui, et ça peut faire écho aussi avec ce qui nous arrive à l'heure actuelle. En fait, l'histoire ne se renouvelle pas. On se rend compte que le pouvoir rend fou et c'est ce qui s'est passé en fait. En Espagne aussi, c'est à dire que il y a eu un grand rêve avec l'avènement de la Seconde République, avec le droit à l'avortement pour les femmes, le droit de divorcer, le droit de travailler. Des choses incroyables qui nous ont été très très en retard dans le reste de l'Europe. Non, les républicains ont apporté un souffle de liberté sur l'Espagne. Le problème, c'est que petit à petit, comme partout, ces grands mouvements qui étaient basés sur des idées merveilleuses, ça a implosé parce que chacun voulait un petit bout de pouvoir. Et malheureusement, vous avez eu les anarchistes d'un côté, socialistes de l'autre, des communistes de l'autre. Et puis les propriétaires terriens qui se sont rebellés en Andalousie, et puis les villageois. Et puis ça n'a pas été bien compris. Et puis, et puis le fait pourquoi ça s'appelle Les sacrifiés ? Parce que l'Europe et le reste de l'Europe a abandonné l'Espagne, abandonné les Espagnols.
Philippe
Ce qui est important de préciser, c'est que l'Espagne n'est pas qu'une simple toile de fond parce qu'on va aller à Barcelone, on va aller en Andalousie, on va aller au cœur de Madrid et le décor est très important. Le décor dans lequel évoluent les personnages. Et puis cette histoire aussi, la grande histoire que vous évoquez n'est pas non plus qu'une simple toile de fond, puisque vos personnages sont vraiment partie prenante dans cette grande histoire. Ça vous a nécessité beaucoup de recherches, justement pour être au plus près de la réalité ?
Sylvie Le Bihan
Oui, c'est huit ans de recherches, je ne peux pas raconter n'importe quoi, donc il fallait vraiment que je m'intègre à cet environnement, à cette histoire, à ces décors, à ces personnages, pour pouvoir réussir à retranscrire après quelque chose qui ne soit pas ni un manuel d'histoire ni une page Wikipédia. Il fallait vraiment que j'arrive à ressentir cet atmosphère et pour faire pour arriver à faire ça, j'ai lu des mémoires sur le geste dans le flamenco. Des oui, des thèses sur le rôle de la femme dans le théâtre espagnol des années 30. J'ai lu plein de livres sur less dernières heures de Federico Garcia Lorca. Voyez tout ça, c'est sur la tauromachie tout ça.
Philippe
Pour vous nourri de tout cet univers.
Sylvie Le Bihan
Voilà ou sinon j'écrivais un article.
Philippe
Alors, vous le dites, c'est une grande fresque avec l'histoire, la grande histoire qui est très présente. On va suivre Juan des années 30 jusqu'aux années 2000, sans tout dévoiler. Mais il y a aussi, comme dans chacun de vos romans, un personnage féminin qui est important. Et là, c'est Encarnacion, c'est le personnage phare, c'est elle finalement qui fait tourner la tête de tous ces hommes. Personnage authentique, quelles sont les sources que vous aviez et comment l'avez vous finalement imaginé ? Comment avez vous redonné vie à Encarnacion ?
Sylvie Le Bihan
Déjà, en regardant des films Encanrnacion sur l'INA. C'est sur le site de l'INA, c'est à dire qu'elle dansait le flamenco d'une façon incroyable. Et c'est le feu, c'est la douleur. Quand elle danse le flamenco, c'est la souffrance de tout un peuple et en même temps, c'est d'une beauté incroyable. Elle a amené beaucoup de son public au Duende, ce moment qui est suspendu dans le flamenco, dans la tauromachie, dans l'art, dans la musique. Elle a réussi à amener beaucoup de gens au Duende, ce que recherchent tous les artistes espagnols.
Philippe
Ce livre est un vrai coup de cœur que je vous recommande vivement. Il y a tous ces personnages, personnages authentique et puis aussi moi j'avoue que j'ai un petit faible pour Juan, Juanito qui va être embarqué par le vent de l'histoire. Et puis il y a l'Espagne, il y a toute cette période tellement trouble, tellement sombre, lointaine et proche à la fois. Ça s'appelle Les Sacrifiés, c'est votre actualité Sylvie Le Bihan, vous êtes publié aux éditions Denoël. Merci beaucoup.
Sylvie Le Bihan
Merci beaucoup.