Nous avions découvert Gaëlle Josse en 2011 avec son premier roman « Les heures silencieuses », qui rencontra un large public, séduisant aussi libraires et critiques. Dès lors, Gaëlle Josse a su conserver une place à part et tracer un sillon régulier par une écriture exigeante et sensible. « Nos vies désaccordées », « Noces de neige », « Le dernier gardien d’Ellis Island », « Une longue impatience » sont quelques-uns des titres qui forment la bibliographie de Gaëlle Josse. Sans oublier plusieurs ouvrages de...
Ce matin-là de Gaëlle Josse - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Gaëlle Josse.
Gaëlle Josse :
Bonjour.
Philippe Chauveau :
Votre actualité chez Notabilia : Ce matin-là, " j'ai voulu écrire un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule ". Nous allons parler de ce livre, de ce personnage, une femme qui voit sa vie chamboulée, mais parlons aussi un peu de vous. Vous suivez votre chemin discrètement, avec des lecteurs qui sont devenus très fidèles, des libraires qui vous accompagnent sur ce chemin. Comment vivez-vous ces dix années que vous venez de...
Ce matin-là de Gaëlle Josse - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau titre, Ce matin-là, Gaëlle Josse, nous faisons connaissance avec une jeune femme qui a construit sa vie. Elle s'appelle Clara. Un matin, tout craque, tout lâche, tout bascule. Qui est-elle Clara ? Qui est-elle cette jeune femme que vous avez envie de nous présenter ?
Gaëlle Josse :
Clara, c'est une jeune femme, comme on en croise beaucoup aujourd'hui, qui pourrait être un petit peu chacun ou chacune de nous. C'est quelqu'un qui va plutôt bien, apparemment, qui a un bon boulot, qui a un...
Ce matin-là de Gaëlle Josse - Livre - Suite
Gaëlle Josse
Ce matin-là
Présentation 00'02'07"Nous avions découvert Gaëlle Josse en 2011 avec son premier roman « Les heures silencieuses », qui rencontra un large public, séduisant aussi libraires et critiques. Dès lors, Gaëlle Josse a su conserver une place à part et tracer un sillon régulier par une écriture exigeante et sensible. « Nos vies désaccordées », « Noces de neige », « Le dernier gardien d’Ellis Island », « Une longue impatience » sont quelques-uns des titres qui forment la bibliographie de Gaëlle Josse. Sans oublier plusieurs ouvrages de poésie dont elle est aussi adepte.
Avec ce nouveau titre, « Ce matin-là », voici Clara. A l’été 2006, un évènement familial remet en question les projets de la jeune Clara qui rêvait de partir étudier en Angleterre. Cela ne se fera pas. 12 ans plus tard, revoilà Clara, elle a semble t-il réussi sa vie avec un fiancé attentionné et affectueux et un boulot prenant dans une société de crédits.
Mais un matin, le corps lâche, Clara ne peut plus avancer. Tout l’effraie, tout la ronge.
Burn out, dépression… Clara est au bout du rouleau. Avec une écriture musicale sensible et précise, Gaëlle Josse raconte le quotidien, les journées sans fin, le désarroi, cette impression d’être une autre, les envies de rien, la perte de confiance, les amours qui vacillent, la famille qui ne comprend pas, les collègues qui s’effacent. Et puis, au loin, une éclaircie.
Comment Clara retrouvera-t-elle la force de se reconstruire ?
Thème actuel de nos sociétés occidentales, Gaëlle Josse déploie toute la justesse de sa plume pour parler du mal de soi. Voilà un roman d’une grande délicatesse qui ne laisse pas indifférent et invite peut-être au lâcher-prise, à accepter ses propres limites et à s’inventer un autre lendemain.
Gros de coup de cœur de ce début d’année 2021, le nouveau roman de Gaëlle Josse est publié chez Notabilia.
Gaëlle Josse
Ce matin-là
Portrait 00'07'10"Philippe Chauveau :
Bonjour Gaëlle Josse.
Gaëlle Josse :
Bonjour.
Philippe Chauveau :
Votre actualité chez Notabilia : Ce matin-là, " j'ai voulu écrire un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule ". Nous allons parler de ce livre, de ce personnage, une femme qui voit sa vie chamboulée, mais parlons aussi un peu de vous. Vous suivez votre chemin discrètement, avec des lecteurs qui sont devenus très fidèles, des libraires qui vous accompagnent sur ce chemin. Comment vivez-vous ces dix années que vous venez de partager dans le milieu de la littérature ?
Gaëlle Josse :
Vous avez raison, ça fait dix ans jour pour jour, entre la sortie Des heures silencieuses et Ce matin-là? Dix ans d'écriture et de rencontres, de très nombreuses rencontres. Je m'aperçois que j'ai cette chance que je n'explique pas, mais j'ai cette chance d'être très accompagnée et très soutenue par les lecteurs, par les libraires, par la presse, par les blogueurs, par tout ce que je peux voir passer sur les réseaux. Il y a cette communauté très attentive, très bienveillante à mon égard. Je le constate, je ne l'explique pas, mais je m'en réjouis.
Philippe Chauveau :
Il y a une autre part d'écriture dans votre vie puisque vous êtes journaliste à la base et vous continuez à être journaliste. Comment s'est fait le passage entre l'écriture journalistique et l'écriture littéraire ? Pourquoi à un moment, vous êtes-vous dit : " J'ai envie de publier, j'ai envie d'écrire ", que ce soit des romans ou de la poésie, puisque vous aimez aussi la poésie. A quel moment vous êtes-vous "autorisée" à entrer dans l’écriture littéraire ?
Gaëlle Josse :
Ça a été assez tardif. Je ne suis pas une romancière ni un écrivain précoce puisque c'est venu autour de la quarantaine bien passée avec la poésie pendant quelques années et ensuite un passage à la fiction avec Les heures silencieuses. En effet, c'est vrai que le passage à l'écriture personnelle par rapport à une écriture de commande est très cadré, qui n'a rien de littéraire. C'est un vrai pas de côté.
Philippe Chauveau :
En tant que lectrice quelles ont été vos influences ? Y-a-t’ il des auteurs ou des titres qui vous ont donné l'envie de l'écriture et peut être notamment dans le domaine de la poésie ? Est-ce qu'il y a eu aussi des grands maîtres à penser ?
Gaëlle Josse :
Alors là, on pourrait y passer quelques heures, mais je ne crois pas que c'est le format prévu. Depuis que je sais lire, je suis ce qu'on appelle une lectrice compulsive. Après toute la littérature enfantine, j'ai basculé vers les grands classiques, ceux qu'on étudie à l'école. Et puis après, vers des choix plus personnels, mais des choix aussi dictés par le hasard, par le fait de traîner en librairie. Je suis assez éclectique. Par exemple, j'ai une passion pour la littérature russe. Les âmes mortes de Gogol, Guerre et paix se sont quand même des sommets, ainsi que Crime et Châtiment, etc. Mais il y a quand même des sommes qui sont absolument fabuleuses. Et puis, j'adore la littérature austro-hongroise, la fin 19ème début 20ème, les Stefan Wweig et Arthur Schnitzler et Sándor Marai, sur des formats extrêmement courts, proches de la nouvelle. Vous avez une densité psychologique, ce fil à plomb qui descend au cœur des personnages est fabuleux. En littérature contemporaine, j'ai eu un vrai choc parce que j'ai découvert quelque chose que je n'avais jamais lu ailleurs, la première fois que j'ai lu Marguerite Duras. J'ai eu cette sensation de pénétrer dans un continent, pas dans un style, mais vraiment dans une langue. Cette espèce de musique à la fois, de l'indicible, d'être toujours au bord de... L'amant, Moderato cantabile est tout ça. J'ai découvert un éblouissement de langues et de lectures. Et cela m'a profondément marqué parce que je me suis dit qu'à côté des lectures plus classiques que j'avais eu, même à côté de la poésie qui reste aussi un peu à part, je me suis dit mais on peut écrire de cette manière-là. On peut bousculer la langue. On peut inventer une langue. On peut inventer une musique.
Philippe Chauveau :
Inventer une musique, c'est aussi un petit peu ce qui vous motive dans votre travail. Si je reprends quelques-uns de vos titres, que ce soit Nos vies désaccordés ou encore votre premier titre, Les heures silencieuses. Inventer la musique, c'est ça votre envie ? Quelle que soit l'époque dans laquelle vous situez votre intrigue, quels que soient vos personnages, c'est la langue avant tout ?
Gaëlle Josse :
La langue est importante. Je crois qu'on lit un auteur. C'est ce que je fais pour entrer dans une musique, dans un monde, dans un regard, dans une perception des choses qui ne sera pas celle de l'auteur d'à côté, qui a sûrement toutes ces qualités aussi. Je préfère utiliser le mot de langue que le mot de style. Le style, ça a toujours un côté un petit peu fabriqué, travaillé. Il y a du polissage. Je préfère dire la langue, vraiment la façon de dire les choses. Je crois qu'un écrivain, c'est celui en effet, qui invente sa musique, qui invente sa langue, qui va faire qu'il est unique.
Philippe Chauveau :
Dans cette petite musique que vous inventez, quel est le fil rouge ? Quel est le lien entre tous ces titres que vous publiez depuis une dizaine d'années maintenant ?
Gaëlle Josse :
C'est toujours difficile de porter un regard sur ce qu'on écrit. Et tant mieux parce que sinon, ça voudrait dire qu'on réfléchit à ce qu'on fait, qu'on est en train de fabriquer quelque chose. Et ça n'est peut-être pas la meilleure idée qui soit. J'écris simplement sur ce qui vient me bousculer, me traverser. Je vis aujourd'hui. Je crois que je suis sensible, attentive à la vie, aux vies, aux autres, à mes propres ressentis, émotions intérieures. Et il y a des télescopages entre le monde et mon monde. Il y a un moment quand quelque chose vient me chercher très fort, ça déclenche un désir, une envie d'écriture. Il faut que ce soit quelque chose de très profond pour avoir le souffle de le mener jusqu'au bout.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, Gaëlle Josse votre nouveau titre, chez Notabilia, Ce matin-là.
Gaëlle Josse
Ce matin-là
Livre 00'06'52"Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau titre, Ce matin-là, Gaëlle Josse, nous faisons connaissance avec une jeune femme qui a construit sa vie. Elle s'appelle Clara. Un matin, tout craque, tout lâche, tout bascule. Qui est-elle Clara ? Qui est-elle cette jeune femme que vous avez envie de nous présenter ?
Gaëlle Josse :
Clara, c'est une jeune femme, comme on en croise beaucoup aujourd'hui, qui pourrait être un petit peu chacun ou chacune de nous. C'est quelqu'un qui va plutôt bien, apparemment, qui a un bon boulot, qui a un amoureux, qui a une famille, qui gagne bien sa vie, qui a un joli appartement. On a l'impression qu'en effet, tout fonctionne. Il y a un petit écosystème bien rodé. Et puis, un matin, elle ne pourra pas aller travailler parce que c'est le corps qui s'écroule, qui s'effondre.
Philippe Chauveau :
Une précision, elle évolue dans un milieu professionnel qui n'est pas sain, celui de la finance, celui des crédits. C'est vrai qu'elle a un côté un peu « wonderwoman » et on l'oblige un peu à être assez incisive avec ses clients. Ça rentre en ligne de compte lorsqu'elle fait le bilan de sa vie. Et puis, au fil des pages, on va aussi découvrir quelques petites failles qui peuvent remonter à l'enfance, à l'adolescence. Il y a eu des accidents de parcours qui, peut-être, lui ont fait prendre des chemins détournés. Et il y a un moment où tout ça remonte à la surface.
Gaëlle Josse :
Tout à fait. Elle vit dans un milieu qui est professionnellement agressif, qui demande de l'agressivité. Un jour, il y a une scène qui va la toucher plus que de raison, parce que ça va aussi la renvoyer à des choses très personnelles. Puis, on s'aperçoit que cette scène qui est un déclencheur, en fait, il y avait des tas d'alertes derrière dont elle n'a pas voulu tenir compte. À un moment, les choses vont vraiment exploser. Ce que je trouvais peut être intéressant, c'était de se demander : pourquoi et comment on est aujourd'hui celui ou celle qu'on est ? Comment tout ça s'est construit ? Est-ce que ça s'est construit un peu par défaut, par erreur, par accident ? Ou est-ce qu'on est vraiment dans notre vrai désir de vie ? Est-ce qu'on est à notre juste place ? Et si ce n'est pas le cas, que la vie nous fait vraiment violence ? Une violence insupportable. Pourquoi est-ce qu'on s'est laissé étrangler comme ça par des choses qui nous brutalisent énormément et qui, un jour, peuvent nous mettre à terre.
Philippe Chauveau :
Ce qui veut dire que je schématise, mais le point de départ, c'est d'évoquer ce que l'on appelle communément le « burn out », de ce qu'on appellerait aussi la dépression. Mais votre histoire va bien plus loin que cela. Parce que l'on va découvrir toutes ces fragilités, ces barrières qu'elle n'a pas su construire pour préserver sa vie, ses rêves inassouvis. C'est le portrait d'une femme d'aujourd'hui, vous semble-t-il ? Finalement, est-ce que cette histoire est assez intemporelle?
Gaëlle Josse :
Je pense qu'elle est à la fois d'aujourd'hui, avec la violence de certains milieux professionnels, avec toutes les injonctions de réussite dans tous les domaines qui pèsent un peu sur nous. Cette espèce de dictature du bonheur, de l'apparence. Mais je pense qu'elle est également universelle parce que finalement, tout ce qui nous est commun à tous, en tant qu'être humain, c'est de vouloir peut-être souffrir le moins possible et être le plus heureux possible, plus accomplie possible, le plus juste dans nos vies. Et ça, je pense que c'est intemporel, même si c'est particulièrement aigu aujourd'hui.
Philippe Chauveau :
Parlons de l'écriture aussi que vous avez choisi. On suit le personnage de Clara, mais on est aussi captivé par cette écriture, la sensibilité, la justesse des mots que vous avez choisie et de l'importance aussi des ambiances, des paysages. Il y a de très belles pages, notamment lorsque Clara va retrouver une amie d'enfance, qu'elle va partir un petit peu à la campagne pour se ressourcer. On sent que les paysages aussi vont l'aider. Comment travaillez-vous pour justement faire passer à travers des mots parfois tout simples, toute cette magie de l'écriture ?
Gaëlle Josse :
J'ai difficilement de réponse, vous savez, il y a toujours le livre rêvé. Et puis il y a le livre qui s'écrit. Dans le livre qui s'écrit, on ne maîtrise pas tout. Je crois qu'il faut être vraiment au plus près de soi et à un moment il y a des choses qui s'écrivent et c'est à la relecture qu'on voit si ça tient, ou pas.
Philippe Chauveau :
Cette fameuse petite musique ?
Gaëlle Josse :
Tout à fait. Si cette petite musique sonne juste ou non. Après, je crois qu'on ne décide pas de se dire : « tiens ce livre, je vais l'écrire comme ci ou comme ça ». Et comme dirait Marie-Hélène Lafon, on ne fait pas le livre qu'on veut. On fait le livre qu'on peut, à un moment, les choses s'écrivent.
Philippe Chauveau :
Sans rien dévoiler du personnage de Clara. J'aimerais simplement qu'on évoque ses relations parfois difficiles avec sa famille. Il y a un passage très dur de Clara, avec une situation familiale, notamment vis à vis de son père. Il y a aussi les difficultés relationnelles avec son frère. Il y a beaucoup de non-dits dans cette famille. On ne sait pas vraiment se dire les choses. On ne sait pas se montrer son affection. C'était important pour vous de parler aussi de cela, de la difficulté de communiquer ?
Gaëlle Josse :
Oui, parce qu'on est finalement très empoisonné par tous ces non-dits qui pèsent, qui nous hante, qui ont des poids extrêmement lourds dans nos vies. Et on sent que toute l'histoire familiale de Clara est pleine de conflit larvé, de choses qu'on ne dit pas, même de mystères, de secrets familiaux qui n'ont jamais vraiment émergé. Tout ça contribue non seulement à empoisonner nos vies et peut être à nous empêcher de comment dire, de jouer juste cette partition qui nous appartient.
Philippe Chauveau :
« Clara se dit que parfois la joie ressemble à un peu de lumière qui danse. Elle éclaire sa chambre en une éphémère apparition, insaisissable et réelle, présente et fugitive comme une silhouette qui s'évanouit au coin de la rue ». C'est votre actualité, Gaëlle Josse, Ce matin-là, et c'est un très gros coup de cœur en ce début d'année 2021. Le livre est publié chez Notabilia. Merci beaucoup.
Gaëlle Josse :
Merci à vous !