D'Arnaud Le Guern, on pourrait dire que c'est un poète, un doux rêveur, une sorte de dilettante. Lui-même se qualifie comme un flâneur littéraire. Une chose est sûre : les mots, l'écrit, la littérature font partie intégrante d'Arnaud Le Guern, sont sa raison d'être, une sorte de respiration. Arnaud Le Guern connaît bien les écrivains, ses confrères, ses consoeurs puisque lui-même évolue dans le monde de l'édition. On doit à Arnaud Le Guern trois romans mais aussi des ouvrages biographiques consacrés à Roger Vadim,...
Dimanche 7 avril 2019 d'Arnaud Le Guern - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Arnaud Le Guern
Arnaud Le Guern :
Philippe Chauveau, bonjour.
Philippe Chauveau :
Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau roman « Une jeunesse en fuite » aux éditions du Rocher. On vous connait en tant que romancier, essayiste, vous allez nous expliquer votre travail littéraire puisque vous évoluez dans le monde de l'édition. Qui êtes-vous ? Présentez-vous ! Si vous deviez vous définir, que diriez-vous de vous- même ?
Arnaud Le Guern :
Quelque part j'ai dû écrire que j'étais...
Dimanche 7 avril 2019 d'Arnaud Le Guern - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Dans ce qui est votre troisième roman « Une jeunesse en fuite » aux éditions du Rocher, vous nous emmenez en Bretagne, dans le Finistère, dans une petite ville du bord de mer. C'est l'été et le narrateur part avec sa fille et une copine de sa fille pour quelques semaines de vacances chez ses parents. Vous avez envie de nous raconter beaucoup de choses dans ce livre. On va évoquer la guerre du Golfe, on va évoquer les souvenirs de l'adolescence, on va évoquer les relations familiales, les années qui...
Dimanche 7 avril 2019 d'Arnaud Le Guern - Livre - Suite
Arnaud Le Guern
Une jeunesse en fuite
Présentation 02'11"D'Arnaud Le Guern, on pourrait dire que c'est un poète, un doux rêveur, une sorte de dilettante. Lui-même se qualifie comme un flâneur littéraire. Une chose est sûre : les mots, l'écrit, la littérature font partie intégrante d'Arnaud Le Guern, sont sa raison d'être, une sorte de respiration. Arnaud Le Guern connaît bien les écrivains, ses confrères, ses consoeurs puisque lui-même évolue dans le monde de l'édition. On doit à Arnaud Le Guern trois romans mais aussi des ouvrages biographiques consacrés à Roger Vadim, Jean-Edern Hallier, à Paul Gégauff ou encore Frédéric Beigbeder. Ici, c'est le romancier qui nous intéresse, le romancier Arnaud Le Guern dont nous avions déjà été séduit par l'écriture sensible dans ses précédents romans « Le souffre au coeur » et « Adieu aux espadrilles ». Il récidive avec ce nouveau titre aux éditions du Rocher « Une jeunesse en fuite ». Ici, dans cette histoire, le narrateur, qui n'est autre que le romancier, vient passer quelques jours de vacances dans la maison de famille en Bretagne chez ses parents. Dans cette maison, sur cette plage, dans ces paysages qui l'ont vu grandir, les souvenirs affluent, les souvenirs de son adolescence. Une adolescence marquée par la uerre du Golfe à laquelle son père pris part en tant que médecin militaire. Dès lors, la grande histoire se télescope avec l'histoire familiale. Dans ce roman, Arnaud Le Guern évoque la guerre du Golfe des années 90 mais tout ce qui en a découlé, jusqu'aux attentats des années 2015-2016 qu'a connus la France. Il évoque également les relations familiales, la difficulté parfois de se dire que l'on s'aime, de se dire que l'on tient aux autres entre parents, enfants, frères et sœurs et enfin Arnaud Le Guern évoque l'enfance, l'adolescence et les souvenirs qui y sont attachés. Même si le roman est très largement autobiographique, chaque lecteur pourra s'y retrouver avec ses propres souvenirs d'adolescence, ceux qui forgent, ceux qui construisent l'être que l'on devient plus tard. Voilà un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire de janvier 2019. Une écriture d'une grande finesse, d'une grande délicatesse, d'une grande sensibilité. C'est une petite pépite que ce nouveau roman d'Arnaud Le Guern, « Une jeunesse en fuite » aux éditions du Rocher.
Arnaud Le Guern
Une jeunesse en fuite
Portrait 06'01"Philippe Chauveau :
Bonjour Arnaud Le Guern
Arnaud Le Guern :
Philippe Chauveau, bonjour.
Philippe Chauveau :
Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau roman « Une jeunesse en fuite » aux éditions du Rocher. On vous connait en tant que romancier, essayiste, vous allez nous expliquer votre travail littéraire puisque vous évoluez dans le monde de l'édition. Qui êtes-vous ? Présentez-vous ! Si vous deviez vous définir, que diriez-vous de vous- même ?
Arnaud Le Guern :
Quelque part j'ai dû écrire que j'étais un flâneur non salarié de l'édition. C'est à dire que j'écris, je lis, j'édite, donc tout cela reste dans les mots, tout cela est au service des auteurs. Ce qui occupe mes journées, c'est éditer des textes, et de temps en temps l'envie me prend d'en écrire moi-même.
Philippe Chauveau :
D'où vient cet amour des mots ? Pourquoi cette envie de l'écriture et de la lecture ?
Arnaud Le Guern :
Beckett disait « Je ne suis bon qu'à ça ! » quand on lui demandait pourquoi il écrivait. Alors, je reprendrai peut-être un petit peu facilement Beckett, parce que je ne suis bon qu'à ça ! Et si on remonte plus lointainement en arrière, j'ai eu plaisir à découvrir des auteurs comme Buckowski, Jacques Laurent, Roger Nimier, Gabriel Matzneff... Du plaisir à les lire, à les relire, à en découvrir d'autres et cela m'a donné envie de faire comme eux, de coucher sur la page blanche les silhouettes qui pouvaient m'intéresser, les personnages que j'avais envie de voir s'animer, que ce soit dans un essai, un roman, une flânerie, des braconnages. Au départ c'est un peu par mimétisme, envie de faire comme des personnalités que j'ai aimé retrouver dans leurs mots et puis, au fil du temps, connaissant et apprenant à connaître presque personnellement certains de ces écrivains que j'avais aimé plus jeune, j'ai eu envie de leur demander des livres qu'il me plairait de lire. C'est comme ça que je deviens éditeur, c'est en allant à la rencontre d'auteurs lus adolescent, et en leur demandant de m'offrir ou d'écrire un texte pour les éditeurs pour lesquels je travaillais.
Philippe Chauveau :
Vous avez utilisé le mot de flâneur pour vous définir. Si je dis que vous êtes poète, dilettante, est-ce que ces termes là vous conviennent aussi?
Arnaud Le Guern :
Il y a pire, ce sont des jolis mots. « Dilettante » c'est à la fois le titre d'un très bon film de Pascal Thomas, c'est le nom d'une maison d'édition de grande qualité et c'est également le nom d'un vin qui est de très bonne facture, avec « dilettante » vous êtes parfaitement dedans. On assimile souvent le dilettantisme à la légèreté, que j'aime beaucoup, mais derrière tout cela il faut un petit esprit de sérieux qui ne se prend pas au sérieux.
Philippe Chauveau :
Vous avez trois romans à votre actif et il y a aussi ce que je vais appeler des essais mais que vous allez définir autrement, consacrés à Jean-Edern Hallier, à Beigbeder, à Vadim, entre autres ; vous appelez ça des flâneries littéraires ?
Arnaud Le Guern :
Des flâneries biographiques. Parce que je suis incapable d'écrire des biographies classiques, très journalistiques. J'en lis, mais moi, en tant qu'écrivain, je ne sais pas faire. Etre trop dans les rails du genre biographique m'ennuie. J'écris ces biographies comme j'écris mes romans. Je me permets presque le mentir-vrai qui était cher à Aragon. Je pars d'une réalité et j'ai tendance à n'en faire un peu qu'à ma tête.
Philippe Chauveau :
Je reprends le mentir-vrai d'Aragon. De la biographie à l'autobiographie il n'y a qu'un pas et vos romans sont très largement teintés de votre propres vie, de votre expérience. Est-ce un choix, un goût, une volonté ? Est-ce une sécheresse par rapport à une imagination qui vous permettrait d'inventer d'autres personnages ?
Arnaud Le Guern :
Exactement, je n'ai aucune imagination. Ma compagne me le rapproche parfois. J'aimerais être George Martin, écrire tous les tomes de « Game of Thrones », j'aimerais imaginer des mondes parallèles parfaitement construits, je n'y arrive pas ! Je n'en ai pas plus l'envie que ça ! Je crains que cela possiblement m'ennuie un petit peu. J’ai besoin du réel, d'un réel, de mon nombril peut-être, et de mon nombril j'essaie de faire le tarmac de toutes mes envies, on y trouve des silhouettes, on y trouve des atmosphères, on y trouves des ambiances. A partir de ce réel là, je raconte, j'essaie de raconter des histoires, qui sont des histoires effectivement qui peuvent avoir trait à l'intime, qui peuvent avoir trait aux sentiments, qui peuvent avoir trait aux paysages, aux individus.
Philippe Chauveau :
Votre actualité Arnaud Le Guern, « Une jeunesse en fuite », aux éditions du Rocher.
Arnaud Le Guern
Une jeunesse en fuite
Livre 06'59"Philippe Chauveau :
Dans ce qui est votre troisième roman « Une jeunesse en fuite » aux éditions du Rocher, vous nous emmenez en Bretagne, dans le Finistère, dans une petite ville du bord de mer. C'est l'été et le narrateur part avec sa fille et une copine de sa fille pour quelques semaines de vacances chez ses parents. Vous avez envie de nous raconter beaucoup de choses dans ce livre. On va évoquer la guerre du Golfe, on va évoquer les souvenirs de l'adolescence, on va évoquer les relations familiales, les années qui passent. Définissez ce roman, que raconte-t-il ?
Arnaud Le Guern :
Les souvenirs de ma jeunesse, les souvenirs de la jeunesse du narrateur qui ressemble beaucoup à l'auteur pour tout vous dire. J'ai eu envie de retrouver des années que je n'avais pas exploré d'un point de vue romanesque qui sont les années de mon adolescence. Une adolescence heureuse mais marquée par l'apparition d'une pointe d'angoisse qui a été liée au départ de mon père. Il était médecin militaire pour la première guerre du Golfe, qui était la première guerre des guerres qu'on connait aujourd'hui, qu'on voit sur les chaînes d'information continue, des guerres zéros morts mais très angoissantes, on suivait ça comme un spectacle. L'adolescent que j'étais, qui était en pleine éducation sentimentale, littéraire, cinématographique, s'est retrouvé avec quelque chose qu'il avait peu connu jusqu’alors, une forme de peur.
Philippe Chauveau :
Cet adolescent essaie de cacher son angoisse avec le cinéma, la musique, avec la découverte de l'amour, la rencontre des filles.
Arnaud Le Guern :
Oui, en continuant à vivre. Dans toute époque plus ou moins troublée, la vie ne s'arrête pas, la vie continue, il faut faire cohabiter les sentiments anxiogènes et un appétit pour la vie.
Philippe Chauveau :
Cet adolescent, ce narrateur, vous-même donc, cet adolescent des années 90, a grandi, a construit sa vie, il est en couple, il a une fille et nous nous retrouvons à l'été 2017 où il vient passer quelques jours de vacances chez ses parents. Son père est en retraite mais il a continué à exercer à l'hôpital. Une relation familiale plutôt sereine même si les échanges avec le père sont délicats. Voilà un fils et son père qui s'aiment et qui ne savent pas forcément bien se le dire. Entre-temps, il y a le terrorisme qui est arrivé, il y a eu les attentats de 2015 et il y a eu un effet peut-être boomerang où l'adolescent devenu adulte se rend compte que ce terrorisme d'aujourd'hui a peut-être germé dans ces années 90.
Arnaud Le Guern :
Oui, c'est ça. Cette année 2015 qui commence en janvier par les attentats contre Charlie Hebdo, se termine en novembre avec le Bataclan, les attentats visant notamment les terrasses des cafés parisiens. Là, effectivement, quand un aime la légèreté et le dilettantisme, on prend un gros coup dans l'aile. Cette année-là m'a ramené presque naturellement à l'année 1991, à la première guerre du Golfe, qui pourtant ne m'obsédait pas au jour le jour, loin de là.
Philippe Chauveau :
C'est un peu pour cela que notre narrateur, qui est devenu adulte et qui reprend ces années 90 comme un boomerang, a envie de redécouvrir son adolescence et demande à sa mère de relire les lettres que le père envoyait quand il était médecin. Il a envie de s'imprégner de ce qu'il s'est passé dans les années 90 là- bas.
Arnaud Le Guern :
Exactement parce qu'il y a, non pas une indifférence père-fils entre le narrateur et son père mais, peut-être une forme de pudeur. On parle plus de foot, de vin, de gastronomie que des choses graves ou personnelles. J'ai eu envie de relire ces lettres pour, n'ayant pas d'imagination, recréer ce monde d'avant et pour le revivre en essayant de retrouver les émotions d'alors. Peut-être de les recréer, ou de les réinventer.
Philippe Chauveau :
Ces lettre sont l'occasion d'essayer de comprendre ce que vivait le père pendant cette guerre et de mieux le connaître, de le découvrir peut-être puisqu'il y a cette difficulté à communiquer entre le père et le fils. Toute la force du roman, ce sont trois thèmes forts : il y a cette guerre du Golfe qui revient comme un effet boomerang aux yeux du narrateur que vous êtes, il y a ces souvenirs de jeunesse, ces années 90 que vous nous racontez dans lesquelles les lecteurs de votre génération se retrouveront forcément et le troisième thème fort, c'est la famille, les relations familiales. Ici, c’est une famille où tout est plutôt serein, il y a parfois des difficultés mais on s'aime sans très bien se le dire. Ce livre est peut-être un cadeau que vous aviez envie de faire aux parents ? Il y a dans les dernières pages de très belles phrases sur la relation parent-enfant. Etait-ce l’idée de départ de ce libre ? Sachant que dans un précédent roman, vous aviez déjà évoquer votre famille mais peut-être de façon plus incisive.
Arnaud Le Guern :
Oui, ce qui n'avait pas plu à toute la famille à l’époque. Je vis ce nouveau roman et je le perçois comme une forme de célébration. J'aime bien prendre le risque du vivant, je ne vois pas pourquoi il y aurait une période pendant laquelle on ne pourrait pas évoquer certaines personnes de sa famille. Pour parler de mon père, de ma mère, je n'avais pas envie qu'on les ait mis en terre.
Philippe Chauveau :
Vous tombez le masque dans ce roman ?
Arnaud Le Guern :
Pour en revenir au mentir-vrai, tantôt j'avance masqué, tantôt je le tombe mais est-ce que quand je le tombe ce n'est pas un autre masque ? Si je mens, c'est au nom de la littérature et au nom de la vérité romanesque.
Philippe Chauveau :
Beaucoup de délicatesse, de poésie et de sensibilité dans votre nouveau roman Arnaud Le Guern , « Une jeunesse en fuite », publié aux éditions du rocher.
Arnaud Le Guern :
Merci beaucoup.