Vladimir Fedorovski a eu deux vies. Diplomate soviétique aux côtés notamment de Leonid Brejnev, il est proche de Mikaël Gorbatchev et prend position pour la perestroïka qui verra naître une nouvelle Russie et s’effondrer le bloc communiste.Il raconte son expérience en 1991 dans « L’histoire secrète d’un coup d’état ». Dès lors, c’est un autre Vladimir Fedorovski qui se révèle. Installé en France, il devient un habitué des librairies, fédérant un large public fidèle et passionné qui apprécie l’érudition...
Rediffusion des escales littéraires en partenariat avec le Crédit Mutuel Océan de Vladimir Fédorovski - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :Bonjour Vladimir Fedorovski. On vous connaît bien en librairie, depuis maintenant quelques années. En 1985 il y avait eu un premier livre et puis, en 1991, c'est « L'histoire secrète d'un coup d'état ». Suivront de nombreux ouvrages, pratiquement un livre un livre par an, avec un public qui vous suit fidèlement.
Vladimir Fedorovski :J'ai fait un million d'exemplaires dans le monde avec « Le roman de Saint-Pétersbourg » !
Philippe Chauveau :Y a t-il une sorte de boulimie dans votre envie d'écriture...
Rediffusion des escales littéraires en partenariat avec le Crédit Mutuel Océan de Vladimir Fédorovski - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Avec ce nouveau, titre Vladimir Fedorovski, nous allons parler du « Docteur Jivago » et c'est vrai que lorsque l'on cite ce titre, apparaissent forcément les images d’Omar Sharif, de Julie Christie, d’Alec Guiness ou de Géraldine Chaplin.
Vladimir Fedorovski :
Tout le monde a vu ce film et tout le monde a envie de le revoir !
Philippe Chauveau :
Mais n'oublions pas qu'avant le film, il y eut le livre de Boris Pasternak publié en 1957 et qui reçût le Prix Nobel de littérature l’année suivante. Mais...
Rediffusion des escales littéraires en partenariat avec le Crédit Mutuel Océan de Vladimir Fédorovski - Livre - Suite
Vladimir Fedorovski
Sur tes cils fond la neige
Présentation 00'02'31"Vladimir Fedorovski a eu deux vies. Diplomate soviétique aux côtés notamment de Leonid Brejnev, il est proche de Mikaël Gorbatchev et prend position pour la perestroïka qui verra naître une nouvelle Russie et s’effondrer le bloc communiste.
Il raconte son expérience en 1991 dans « L’histoire secrète d’un coup d’état ». Dès lors, c’est un autre Vladimir Fedorovski qui se révèle. Installé en France, il devient un habitué des librairies, fédérant un large public fidèle et passionné qui apprécie l’érudition de l’écrivain, la pertinence de ses sujets et l’aisance de son écriture. Auteur de plus d’une quarantaine d’ouvrages, il nous entraine aussi bien dans la Russie éternelle, celle des Tsars, de Diaghilev et de l’Orient Express que dans les rouages de la politique internationale du XXème siècle, dévoilant au passage quelques secrets de la Guerre froide.
Son nouvel opus associe d’ailleurs ces deux aspects du parcours littéraires de Vladimir Fedorovski. « Sur tes cils fond la neige ». Pour qui a lu le « Dr Jivago », ces vers sont connus, ils sont aussi le titre du nouveau livre de Vladimir Fedorovski. Il nous raconte ici la genèse de ce roman, succès international, l’amour contrarié de Youri et de Lara, dans les neiges d’une Russie en proie à la Révolution. Mais on découvre aussi la vie incroyable et torturée de son auteur, Boris Pasternak, Nobel de littérature en 1958 pour ce roman mais interdit de sortie de territoire par le pouvoir soviétique. L’auteur rappelle enfin comment ce roman fut un enjeu politique et une lutte permanente entre la CIA et le KGB. Rappelons que le « Dr Jivago » ne fut publié en Russie qu’en 1985, 26 ans après le Nobel.
Comme à son habitude, Vladimir Fedorovski nous raconte tout cela avec un enthousiasme communicatif et une flamme romanesque qui ne sacrifie rien à l’exactitude des faits.
Après la lecture de ce livre référence, on n’a qu’une envie, relire le « Dr Jivago » de Pasternak, et pour les plus romantiques, revoir le film de David Lean avec Omar Sharif et Julie Christie. Quant à la musique de Maurice Jarre, elle accompagne aussi parfaitement le livre de Vladimir Fedorovski.
« Sur tes cils fond la neige » est publié aux éditions Stock.
Vladimir Fedorovski
Sur tes cils fond la neige
Portrait 00'07'00"Philippe Chauveau :
Bonjour Vladimir Fedorovski. On vous connaît bien en librairie, depuis maintenant quelques années. En 1985 il y avait eu un premier livre et puis, en 1991, c'est « L'histoire secrète d'un coup d'état ». Suivront de nombreux ouvrages, pratiquement un livre un livre par an, avec un public qui vous suit fidèlement.
Vladimir Fedorovski :
J'ai fait un million d'exemplaires dans le monde avec « Le roman de Saint-Pétersbourg » !
Philippe Chauveau :
Y a t-il une sorte de boulimie dans votre envie d'écriture puisqu'il y a un livre par an ? Vous êtes toujours sur un projet littéraire, toujours en écriture ? Est-ce une façon de vous protéger du monde ?
Vladimir Fedorovski :
Bien sûr ! C'est à ma façon. Mais la démarche est quand même particulière. Vous savez, j'ai été diplomate longtemps et le diplomate ne peut pas écrire. Il travaille pour les autres, il écrit pour les autres. Aussi, j'ai beaucoup de projets personnels qui ont été réfléchis et conçus à cette période. Par exemple, « Le roman vrai du Dr Jivago », c’est un livre auquel j'ai pensé plus de 40 ans. Alorsn vous comprenez, il y a beaucoup de projets qui ont parfois été pré-écrits et pré-conçus. C'est une façon de faire. Et pour me protéger, il y a une double chose.
Moi, je pense que le grand danger pour la littérature aujourd'hui, c’est que beaucoup de gens regardent leur nombril et moi, je suis contre ça ! je vais vous dire : il faut protéger le public parce que le monde nous tire vers le bas. Et moi, je voudrais tirer vers le haut. Je vis avec mes personnages et je pense au public. C'est une démarche consciente.
J'ai beaucoup d'estime pour le public et je voudrais, pour être franc, lui faire plaisir, le tirer vers la beauté. Aujourd'hui, il y a, même dans les arts modernes, une sorte d’hommage à la laideur. Je suis contre ça !
Philippe Chauveau :
Vous l'avez rappelé, vous avez été pendant de nombreuses années diplomate.
Ce qui veut dire que vous avez un peu vécu dans l'ombre des grands de ce monde. Aujourd'hui, depuis que vous êtes en littérature, on sent que vous avez envie de vous montrer d'être généreux avec le public. Il y a les livres bien sûr mais il y a aussi les conférences que vous donnez, les spectacles que vous proposez notamment avec votre ami, le pianiste Michael Rudy. Pourquoi ce besoin de monter sur scène, d'être un conteur, de vous livrer ?
Est ce une âme de comédien que vous avez enfin pu révéler ?
Vladimir Fedorovski :
Mon cher Philippe, vous êtes comédien aussi, vous le savez bien, quand vous faites si bien vos émissions depuis tant d'années. Je tiens à vous dire, on est artiste dans cette danse là. Encore une fois, c'est une subtilité dans votre question parce que vous le savez, je suis dans la tradition du théâtre total. Il y a un très grand artiste à qui je vais consacrer un beau livre à la fin de l’année, c’est Diaghilev. Il s'est imposé au 20ème siècle dans beaucoup de choses y compris le théâtre total. Cela veut dire il n'y a pas de distinction entre les différents domaines artistiques, la littérature le ballet, l'art pictural, la poésie … Tout ça, pour moi, cet ensemble forme une seule chose. De plus, quand j'étais diplomate encore une fois, j'étais jeune et j'ai dû me retenir sauf pendant la période de la Perestroïka. A cette époque là, j'étais « artiste » de la politique ! Mais vous savez, me livrer ainsi, c'est ma nature. J'aime raconter aux gens ce que j'ai vécu, ceux que j’ai rencontrés. Pourquoi ne pas le dire ? Parce que quand je raconte même les choses vraies comme dans le cadre d'Octobre je j'ai wagon je sais de d'aller que ça se lit comme un roman.
Que ce soit artistiquement acceptable pour beaucoup de gens et accessible par l'écriture.
Philippe Chauveau :
Lorsque vous êtes conteur, lorsque vous montez sur scène avec d'autres artistes, est- ce un sentiment de liberté que vous éprouvez et une façon aussi de retrouver une liberté que vous n'aviez peut-être pas ?
Vladimir Fedorovski :
Bien sûr ! C’est une façon aussi de refuser la dictature du politiquement correct d’aujourd'hui. Quand j'étais diplomate, je savais raconter les choses de telle manière que j'étais formellement dans les clous mais en réalité j'étais tout le contraire du politiquement correct. Du temps de Gorbatchev, j’étais une sorte de star de la télévision. Si vous regardez aujourd'hui, j'ai passé le message mais je fais la même chose aujourd'hui. Mais détrompez-vous, aujourd'hui, il y a quand même des vestiges de cette période.
On vit aujourd'hui l’une des périodes les plus dangereuses de l'histoire de l'humanité. En réalité, c'est beaucoup plus grave que la Guerre froide parce que, pendant la Guerre froide, nous avions nos études professionnelles je les ai connus qui suggère musicaux. Aujourd'hui il y a souvent le triomphe de l'amateurisme.
On est dans l'imprévisibilité et revenir à l'essentiel. Montrer sa mine de rien.
Philippe Chauveau :
Quel regard portez-vous sur la Russie d'aujourd'hui ? Avez-vous l'impression que le regard des Français sur la Russie a changé ? Est-ce que finalement, aujourd'hui, nous, français, nous avons davantage peur de la Russie que lorsqu'elle était soviétique ? Quel regard portez-vous sur ce pays si lointain et si proche à la France ?
Vladimir Fedorovski :
Mais je vais vous le dire ! Par rapport à la Russie, il y a de deux aspects qu'il faut comprendre. Aujourd'hui, on assiste à une sorte de rupture historique entre la Russie et l'Occident. Les russes ne veulent plus de l'Europe. Ils pensent qu’avec l’islamisation, l’Europe a trahi ses valeurs. Donc, les russes se tournent vers la Chine. Pour les Français, ou pour l'Occident, il y a une double rupture. La première rupture est celle entre les élites, et une partie de la presse, et la Russie. Ils ont inventé des mensonges auxquels ils croient maintenant.
Pendant la Guerre froide, les russes ont menti mais ils n'ont jamais cru à leurs mensonges. Il y avait une distinction entre la politique et la propagande. Aujourd'hui, les européens croient aux mensonges qu’ils ont inventés et c'est l’une des raisons pour laquelle je continue à écrire sur des choses plus pointues comme la géopolitique.
C'est un très grand danger parce qu’ainsi, les européens ont construit un monde imaginaire et les russes réciproquement. Eux sont désormais persuadés que tout leurs problèmes sont liés à un complot occidental contre la Russie Vous comprenez, cette rupture est vraiment dangereuse.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, Vladimir Fedorovski, « Sur tes cils fond la neige » publié aux éditions Stock.
Vladimir Fedorovski
Sur tes cils fond la neige
Livre 00'06'52"Philippe Chauveau : Avec ce nouveau, titre Vladimir Fedorovski, nous allons parler du « Docteur Jivago » et c'est vrai que lorsque l'on cite ce titre, apparaissent forcément les images d’Omar Sharif, de Julie Christie, d’Alec Guiness ou de Géraldine Chaplin.
Vladimir Fedorovski : Tout le monde a vu ce film et tout le monde a envie de le revoir !
Philippe Chauveau : Mais n'oublions pas qu'avant le film, il y eut le livre de Boris Pasternak publié en 1957 et qui reçût le Prix Nobel de littérature l’année suivante. Mais le livre ne sera publié que bien plus tard en Russie, en 1985. C'est ce que vous nous racontez dans cet ouvrage. Vous revenez sur le film et sur le livre mais surtout vous allez nous raconter Boris Pasternak. Boris Pasternak et Vladimir Fedorov, c'est une sorte d'amitié au-delà du temps parce que « Le Dr Jivago » vous a construit complètement.
Vladimir Fedorovski : La projet de ce livre a 40 ans ! J'ai toujours pensé qu'il fallait écrire ça parce que c'est une façon de raconter le siècle. J’ai écrit tout d'abord par plaisir. C'est un amour extraordinaire. Il y a deux femmes qui sont derrière Lara. Vous comprenez, tout ça, c'est la Russie éternelle, la neige, les troïkas, les balalaïka, la vodka ! Mais le deuxième niveau est un peu plus caché. C'est une façon de raconter le siècle. A travers Pasternak, les histoires d'amour et tout ça, je raconte le siècle ! La prétention de Pasternak, à travers son livre, était de raconter le siècle rouge de la Révolution russe. Pour moi, c’est pareil… Je tiens à vous raconter un petit souvenir. Vous ne le savez peut-être pas mais Jacques Chirac était un grand connaisseur de la littérature et de la poésie russe. Il a traduit « Eugene Onéguine » de Pouchkine et le poète Lermontov. Je l’ai amené sur le tombeau de Pasternak et il m’a dit de lui que c'était un Shakespeare des temps modernes. Il m'a dit aussi : « Vladimir, tout a commencé par le docteur Jivago ». Et il a prononcé les trois mots qui sont la devise de mon livre, à savoir mystère, amour et évasion totale.
Philippe Chauveau : Vous souvenez-vous de votre première lecture de Pasternak ?
Vladimir Fedorovski : C'était la poésie. C'est très difficile de transmettre ça en français mais je publie quand même quelques poèmes de Pasternak dans cet ouvrage. C'est l’une des plus grandes poésies du monde. En la découvrant, j’avais été frappé. Philippe Chauveau : Et votre première lecture du livre du « Dr Jivago » ?
Vladimir Fedorovski : C'était bien plus tard, dans les années 60, parce que ça circulait clandestinement. C'était interdit ! Je le raconte puisqu’il y a plusieurs facettes dans le livre ; il y a ces choses essentielles mais aussi, il y a une sorte de roman noir policier. Comment le manuscrit a été sorti d’URSS, comment la CIA a affronté le KGB, comment la CIA a obtenu le Prix Nobel pour Pasternak grâce au soutien d'Albert Camus. Mais comme c'était interdit mais ça circulait quand même parce que c'est une autre opération glaciaire qui a submergé l'Union soviétique avec des petits livres de « Dr Jivago ». On donnait ça à tous les américains, à tous les touristes, et ça circulait assez largement. Je me souviens qu'à l'âge de 15 ans, j'ai lu « Le docteur Jivago » et j'ai été subjugué. C'était une grande ambition pour Pasternak. Avec sa prose, il se prenait pour un nouveau Tolstoï. Mais vous savez dans le roman, il y a des poésies soi-disant écrites par Youri Jivago mais qui sont évidemment de la plume de Pasternak. Ce sont vraiment des sommités ! D’ailleurs, le « Dr Jivago » est un peu autobiographique pour Pasternak. Et pour moi aussi puisque je raconte Pasternak mais je me raconte aussi moi-même.
Philippe Chauveau : Toute la force de ce livre, c'est qu'il y a effectivement plusieurs lectures. On revit l'histoire du « Docteur Jivago ». On redécouvre aussi comment ce roman a été un outil dans la Guerre froide avec la CIA avec le KGB. Et puis, on découvre aussi le parcours atypique et très contrarié de Pasternak, son parcours vis à vis des autorités et son parcours personnel aussi. Un grand amoureux des femmes mais qui a toujours eu des failles et des fêlures dans sa vie.
Vladimir Fedorovski : On ne peut pas dire grand amateur de femmes et je vais vous expliquer. Parce que ce fut l'amour absolu à chaque fois. Le paradoxe, ce sont les deux femmes qui sont derrière Jivago, je raconte cela vraiment un détail dans le livre. Mais c’est aussi la grande histoire. Il ne pouvait pas vivre ni sans l'une, ni sans l'autre mais il y a aussi les tragédies en toile de fond. Il y a une sorte de prémonition. J’ai été frappé et ça a été une autre raison de faire ça. Il était prémonitoire par rapport à ce qui va se passer après et c'est Pasternak qui a eu raison. Qui, à l'époque, à part Pasternak, a senti cela ? Et ses rapports avec Staline sont énigmatiques, bizarres. Staline lui téléphonait. Chaque fois qu'on proposait à Staline de fusiller Pasternak, il refusait et rayait le nom en disant : « Laissez tranquille cet habitant du ciel »…
Philippe Chauveau : Au-delà de la qualité littéraire du « Docteur Jivago », vous rappelez dans ce livre comment l'œuvre a été instrumentalisée dans le cadre de la Guerre froide. Vous expliquez aussi comment la CIA a oeuvré pour que Pasternak reçoive le prix Nobel à la barbe des russes. Pasternak a t-il été, en quelque sorte, vampirisé par le personnage qu'on a créé autour de lui ?
Vladimir Fedorovski : Bien sûr et c'était vraiment diabolique. On est tous des jouets, nous sommes tous manipulés. Mais lui était manipulé d'une manière éhontée il s'en foutait et ça c'est terrible. Les agents des deux côtés, tout le temps toujours être sur écoute. Pasternak le connaissait très bien ce jeu diabolique. Ce rôle des services secrets ajoute une autre dimension au destin de Pasternak. Cette dimension doit nous faire réfléchir aux manipulations, celles d’hier comme celles d'aujourd'hui car nous sommes les jouets des forces obscures.
Philippe Chauveau : Votre livre est passionnant, Vladimir Fedorovski, parce qu'on y retrouve toute l'âme du roman de Pasternak. Mais on découvre aussi la vie de cet auteur incroyable. Puis, vous le disiez vous-même, c'est une peinture de l'histoire du vingtième siècle, cette Guerre froide entre l'Occident et la Russie.
Vladimir Fedorovski : Et la Russie éternelle, et les neiges, et l’amour…
Philippe Chauveau : Tout y est ! Et la musique de Maurice Jarre plane tout au long de ce livre. C’est votre actualité, Vladimir Fedorovski, « Sur tes cils fond la neige » aux éditions Stock. Merci beaucoup.