Son premier roman « La vrai vie » en 2018 avait fait l’effet d’une petite bombe par l’engouement médiatique qui avait suivi la sortie du livre. Avec cette histoire, racontée par une enfant, d’une famille ordinaire dans un quartier pavillonnaire face à un drame et un secret sordide, Adeline Dieudonné avait tout de suite marqué les esprits par l’originalité du propos et la pertinence du ton, usant d’un style à la fois cru et littéraire, poétique et cauchemardesque, pour aborder des thématiques contemporaines....
Reste d'Adeline Dieudonné - Présentation - Suite
Philippe
Bonjour Adeline Dieudonné.
Adeline Dieudonné
Bonjour.
Philippe
J'ai grand plaisir à vous accueillir. Je rappelle que vous êtes Belge, vous vivez à Bruxelles, mais actuellement vous êtes en promotion pour votre nouveau livre. Ce qui veut dire que vous sillonnez un peu la France, tantôt là, tantôt ailleurs. Et vous avez accepté d'avoir ce petit moment avec nous. Donc je vous en remercie infiniment. "Reste", c'est votre actualité aux éditions de L'iconoclaste. Il y a eu "Kérozène", il y a eu "La vraie vie". Et puis il...
Reste d'Adeline Dieudonné - Portrait - Suite
Philippe
Dans ce nouveau titre, Aline Dieudonné, c'est votre troisième roman : "Reste". La couverture est belle. Nous allons faire la connaissance d'un couple. C'est un couple, ce qu'on appelle communément un couple illégitime. Ils sont partis pour quelques jours dans un chalet au bord d'un lac. Un chalet qui a été prêté par un ami. Oui, mais ça ne va pas se passer comme prévu puisque l'homme va mourir accidentellement. Et puis cette jeune femme va rester à veiller son corps et c'est elle qui va parler à la première personne....
Reste d'Adeline Dieudonné - Livre - Suite
Adeline Dieudonné
Reste
Présentation 00'03'17"Son premier roman « La vrai vie » en 2018 avait fait l’effet d’une petite bombe par l’engouement médiatique qui avait suivi la sortie du livre. Avec cette histoire, racontée par une enfant, d’une famille ordinaire dans un quartier pavillonnaire face à un drame et un secret sordide, Adeline Dieudonné avait tout de suite marqué les esprits par l’originalité du propos et la pertinence du ton, usant d’un style à la fois cru et littéraire, poétique et cauchemardesque, pour aborder des thématiques contemporaines. Succès critique et public, le livre avait notamment reçu le prix Renaudot des Lycéens.
En 2021, confirmant tout le bien que l’on pensait d’elle, Adeline Dieudonné publiait « Kérozène », le destin d’une dizaine de personnes autour d’une station-service sur une petite route des Ardennes un soir d’été, un roman surnaturel à la fois drôle et cynique sur l’absurdité de notre monde.
Voici le nouveau roman d’Adeline Dieudonné, sobrement titré « Reste ».
Reste, c’est sans doute l’injonction ou la supplication à laquelle la narratrice souhaiterait que réponde son amant, appelé M.. Mais celui-ci est mort, subitement, dans ce chalet isolé près d’un lac, là où ce couple illégitime avait choisi de passer quelques jours.
Face à ce décès subit, près de ce corps qu’elle a tant aimé, la narratrice se raconte et pendant plusieurs jours va cacher cette disparition pour rester quelques heures de plus auprès de cet homme qui n’est pas le sien. Car M. avait une autre vie, une vie officielle avec femme et enfants. Et la narratrice de partir dans un projet épistolaire à destination de l’épouse pour raconter leur histoire, avec pudeur et sans amertume.
Une fois encore, Adeline Dieudonné fait mouche. Dans ce chalet, dans cette nature apaisante, on fait corps avec la narratrice aux prises avec ses doutes, ses angoisses, son chagrin, son avenir avorté. Qui est-on réellement quand on vit un amour caché ? Quelle plate tient-on réellement ? Et quand vient la mort,ne doit-on rester qu’une ombre ? L’écriture est belle, saisissante, sans doute moins cynique que les précédents titres de l’auteure, une écriture fortement marquée par l’environnement naturel dans laquelle l’intrigue se noue.
A travers le portrait de femme à l’entrée de la quarantaine, qui a vécu l’amour sous toutes ses formes et tous ses drames, Adeline Dieudonné évoque aussi des thèmes d’actualité qui font écho à ceux qu’elle a pu déjà abordé dans ses précédents titres. Et si l’auteure se défend de toutes prises de position, de tout militantisme, reste néanmoins que ces histoires interpellent et incitant à la réflexion.
Voilà une histoire d’amour hors norme, les derniers jours d’une passion cachée, entre folie et lucidité, une histoire d’amour dans laquelle on se laisse entrainer sans jugement ni moral. Il n’y a là que le lecteur face à une femme qui vient de perdre l’homme qu’elle aime et cherche à partager son chagrin.
C’est un coup de cœur
« Reste » d’Adeline Dieudonné est publié aux éditions de l’Iconoclaste.
Adeline Dieudonné
Reste
Portrait 00'08'00"Philippe Bonjour Adeline Dieudonné.
Adeline Dieudonné Bonjour.
Philippe J'ai grand plaisir à vous accueillir. Je rappelle que vous êtes Belge, vous vivez à Bruxelles, mais actuellement vous êtes en promotion pour votre nouveau livre. Ce qui veut dire que vous sillonnez un peu la France, tantôt là, tantôt ailleurs. Et vous avez accepté d'avoir ce petit moment avec nous. Donc je vous en remercie infiniment. "Reste", c'est votre actualité aux éditions de L'iconoclaste. Il y a eu "Kérozène", il y a eu "La vraie vie". Et puis il y a aussi un autre parcours. Puisque vous montez sur les planches, on va avoir l'occasion d'en reparler. On vous a découverte en 2018 avec "La vraie vie", qui a été un formidable succès. Quel souvenir gardez-vous de ces moments, de ce qui est considéré comme votre premier roman ?
Adeline Dieudonné Un grand bouleversement. Ç'a été une période complètement folle parce que pour moi, c'était déjà fou d'écrire un roman. Il y avait quelque chose de très transgressif pour moi dans la démarche même d'écrire un roman. Parce que pour moi, les romans étaient écrit par des hommes morts, pour la plupart. Ou quand c'étaient des femmes qui écrivaient dans ma tête, c'étaient des femmes qui étaient très lettrées, qui avaient fait des grandes études et ce qui n'était pas mon cas. Donc voilà, déjà l'idée d'écrire un roman, c'était transgressif. Qu'il soit publié, c'était déjà une nouvelle extraordinaire. Qu'il est le succès qu'il a eu, je n'en revenais pas. J'ai vraiment passé six mois d'hébétude complète, de grand ravissement. Et puis aussi beaucoup d'angoisse et de sentiment d'illégitimité de ne pas me sentir à ma place.
Philippe Justement, ce qu'on appelle communément le syndrome de l'imposteur, vous l'avez ressenti ? Ça, c'est quelque chose qui vous colle encore à la peau ou maintenant vous avez réussi à laisser tomber ?
Adeline Dieudonné Non, je pense que là, j'ai réussi à passer outre. Même si ça reste angoissant de publier un livre parce qu'on sait qu'on nefera pas l'unanimité. Mais le sentiment d'imposture, oui, ça, je pense que j'ai réussi à le dépasser parce que j'ai aussi réalisé à quel point le monde de l'édition est vaste et qu'en faite, il y a de la place pour tout le monde.
Philippe Avant la vraie vie, il y avait des nouvelles, il y avait des publications dans des recueils de nouvelles. Et puis il y avait aussi un seul en scène "Bonobo Moussaka". Ça, c'était en 2017. Ce qui veut dire que vous vous épanouissez aussi dans la dramaturgie et sur les planches. C'est une autre Adeline Dieudonné, dans ces cas là, qui est face au public ? Que celle qui écrit seul en attendant son lecteur ?
Adeline Dieudonné Non, non, c'est la même, mais c'est vraiment deux aspects du travail qui ne sont pas forcément complémentaires. Mais en l'occurrence, pour "La vraie vie", ça l'a été, c'est-à-dire que c'était un prolongement. En fait, j'avais raconté ce que j'avais à raconter par rapport à cette petite fille. Je lui avais prêté ma voix du mieux que je pouvais à travers le roman. Et puis on m'a proposé de monter sur scène pour jouer dans l'adaptation théâtrale. Et ç'a été extraordinaire pour moi parce que, en fait, j'ai l'impression de ne toujours pas avoir réglé mes comptes avec cette petite fille. J'ai l'impression qu'elle reste très vivante en moi et qu'elle a encore besoin de s'exprimer. Et donc le fait de pouvoir être sur scène et de lui prêter mon corps, ma voix, c'était extraordinaire. Et puis aussi de pouvoir... Bah c'est vrai que le travail d'écrivain est très solitaire et que on n'est pas là au moment où les lecteurs et lectrices reçoivent le texte. Et là, je trouve que de pouvoir leur livrer le texte moi-même et de pouvoir ressentir et d'avoir cet échange d'émotion avec avec le public, c'est extraordinaire.
Philippe Vous avez aujourd'hui trois romans à votre actif. Vous avez l'impression que c'est une sorte d'aboutissement ? Ou finalement, est ce que ce sont les hasards de la vie qui vous ont fait devenir autrice ?
Adeline Dieudonné Ce sont les hasards de la vie qui m'ont fait devenir actrice, ça, c'est certain. Je suis un peu arrivé là par accident. Maintenant, je suis très heureuse d'y être. Et oui, c'est vrai que trois romans, plus un texte de théâtre, ça commence à ressembler à une œuvre pour dire des grands mots, mais en tout cas à une trajectoire. Et c'est vrai que je commence à prendre un tout petit peu confiance et à savoir où je vais et à pouvoir décider peut-être maintenant où j'ai envie d'aller. Je ne suis pas obligée de publier pour me rassurer. Je pourrais maintenant consacrer un petit peu de temps à une œuvre peut-être un peu plus foisonnante. Voilà, c'est l'idée que j'ai en ce moment.
Philippe Il y a une démarche et une réflexion sur votre travail d'autrice. "La vraie vie", c'était cette histoire d'une famille qui a explosé en plein vol après un drame. "Kérozène", c'était cette station service avec ces personnages qui se retrouvaient à 23 h 12 sur une route improbable. "Reste", on va en reparler, mais c'est l'histoire de cette femme qui veille l'homme qu'elle aime et qui vient de mourir. Quel est le fil rouge dans votre écriture ? Parce que les histoires sont très différentes. La nature est très présente dans ces trois romans. S'il y avait un fil rouge, lequel serait-il ?
Adeline Dieudonné C'est vrai, c'est une question compliquée parce que j'ai l'impression que je pourrais y répondre de 1000 façons différentes. Mais je peux peut-être choisir la domination, qui reste un thème qui traverse - qui a évidemment était très évident dans la vraie vie - qui reste très présent dans "Kérozène" et que j'aborde de nouveau dans "Reste". Et c'est vrai que ça reste ce qui m'émeut, ce qui me mobilise, de parler de la domination. Mais sous toutes ses formes, que ce soit la domination sociale, la domination masculine, la domination sur le vivant, sur les animaux, sur les enfants. Oui, je crois que c'est peut-être, pour l'instant, le mot qui peut traverser les quatre. Parce que dans "Bonobo Moussaka", il en était aussi amplement question.
Philippe Si je poursuis dans ce que vous venez de nous dire, ça veut dire qu'il y a dans votre écriture, dans votre travail, peut-être pas une part de militantisme, mais en tout cas, vous rôle d'autrice, de romancière ? Il y a volonté de de bousculer les consciences, de faire réfléchir ?
Adeline Dieudonné Eh bien, c'est une grande question sur laquelle je passe pas mal de temps en ce moment. Parce que oui, bien sûr, je pense que la fiction conditionne nos sociétés, nous conditionne. Et donc c'est le soft power, c'est voilà. Maintenant, est-ce que j'ai vraiment envie de l'utiliser ? Ou est-ce que j'ai envie de l'utiliser de façon consciente ? Et voilà, je suis un tout petit peu sceptique sur la notion utilitariste de la fiction. Est-ce que ça doit devenir la tranche de jambon dans laquelle on met la pilule pour la faire passer ? Je suis très divisée sur cette question.
Philippe Mais ce qui veut dire que vous cheminez avec votre brique, avec votre plume, vous essayez de comprendre quel est votre responsabilité dans tout cela et quel est votre rôle ?
Adeline Dieudonné Oui. Et puis, de toute façon, je pense que toute fiction est politique. En fait, voilà, je crois que ne pas penser la dimension politique d'une œuvre, c'est déjà une démarche politique. Ça veut dire qu'on accepte l'ordre établi. Ça veut dire qu'on accepte que cette œuvre s'inscrive dans une forme... Alors le mot de "propagande" est peut-être un petit peu fort, mais en tout cas viennent confirmer l'ordre dans lequel on vit et l'ordre social dans lequel on vit. Donc en fait, toute fiction est politique. Et voilà. ce dont je suis en train de prendre conscience aujourd'hui, c'est qu'on n'y échappe pas. Voilà, ma réflexion, elle en est là pour l'instant.
Philippe Votre actualité Adeline Dieudonné, ça s'appelle "Reste". C'est aux éditions de L'iconoclaste.
Adeline Dieudonné
Reste
Livre 00'08'48"Philippe Dans ce nouveau titre, Aline Dieudonné, c'est votre troisième roman : "Reste". La couverture est belle. Nous allons faire la connaissance d'un couple. C'est un couple, ce qu'on appelle communément un couple illégitime. Ils sont partis pour quelques jours dans un chalet au bord d'un lac. Un chalet qui a été prêté par un ami. Oui, mais ça ne va pas se passer comme prévu puisque l'homme va mourir accidentellement. Et puis cette jeune femme va rester à veiller son corps et c'est elle qui va parler à la première personne. Elle va même parfois vouloir écrire à la veuve de cet homme, mais elle veut surtout retarder le moment d'annoncer ce décès. Comment naît une si drôle histoire ?
Adeline Dieudonné J'avais pensé pendant que le premier confinement, je m'étais demandée ce qui se passait pour les couples illégitimes, cette séparation forcée. Et puis, je me suis aussi posé la question : "qu'est ce qui se passe quand, dans un couple illégitime, il y en a un des deux qui meurt ? " Et ça a donné naissance à cette situation de départ. Et j'ai vu cette femme au bord d'un lac lors d'une semaine en amoureux, avec son amant qui se retrouve avec son corps mort. Et je me suis dit : "mais c'est vrai que dans une histoire illégitime, a priori, la maîtresse ou l'amant n'a pas droit, n'a aucun rôle social à jouer dans le deuil, n'a pas droit aux funérailles, n'a droit à rien. Et en fait, ça doit être absolument insupportable comme situation. Donc j'avais ce point de départ qui me paraissait une bonne situation romanesque, qui allait pouvoir m'amener relativement loin.
Philippe Pourquoi le choix de les placer dans un chalet en pleine nature ? Le cadre est plutôt bucolique. Il y a cela. Pourquoi ? Pourquoi ce choix justement ?
Adeline Dieudonné Bah parce que c'est mon goût à moi et que, à priori, je passe plusieurs mois à écrire un roman donc je vais passer plusieurs mois dans le décor de mon roman, pas physiquement, mais dans mon imaginaire. Et que c'est vrai que tant qu'à faire, je me sens mieux dans un décor de montagne avec des grands lacs que dans un décor urbain. C'est vraiment une histoire de goût personnel.
Philippe Parce que ce décor, il apporte aussi une sorte d'apaisement. Et ce qui est remarquable, c'est que cette femme, passé l'effroi des premiers instants lorsqu'elle découvre ce corps inerte, il n'y a pas vraiment de panique et, au contraire, elle va essayer de prolonger l'amour par des petits gestes, en le rhabillant, en le câlinant, en se couchant à côté de lui, en lui parlant. Elle essaye de retarder au maximum le moment de l'adieu. C'est une femme apaisée finalement, que vous nous présentez ?
Adeline Dieudonné Non, je ne dirais pas ça parce qu'elle est quand même dans une... questionnement. Oui.
Philippe Elle est plein de questionnement.
Adeline Dieudonné Oui.
Philippe Mais elle a envie que l'histoire se prolonge.
Adeline Dieudonné Oui, en tout cas, elle ne parvient pas à accepter. Alors, elle est bien consciente qu'il est mort. Elle n'est pas dans le déni par rapport à ça. Mais c'est vrai que c'est le corps qu'elle a aimé et que lui, il est toujours là. Physiquement, il est présent et elle est incapable de lui dire au revoir parce que l'homme qu'elle aime est toujours là d'une certaine façon. Et c'est quelques jours qu'il lui faut pour accepter la mort. Et ça passe par le corps et par ce corps qui commence à se décomposer, qui fait son travail de cadavre et qui lui permet d'accepter que vraiment il est parti. Mais ça a besoin de passer par le fait de le laver, de le toucher, de l'embrasser, de lui chanter des chansons, de lui parler. Et je pense que peut-être qu'on manque un petit peu de ça aujourd'hui. Ça ne se fait plus. Je pense que c'est quelque chose qui est important. En tout cas, elle, elle en a absolument besoin. Et elle a besoin de s'affranchir des codes, des codes normatifs. Elle veut inventer. C'est le moteur de ce personnage, c'est elle veut inventer autre chose. Elle veut inventer autre chose pour le couple, pour l'amour et pour le deuil.
Philippe Elle replonge aussi dans ses souvenirs. Et puisque le roman est à la première personne, elle raconte leur rencontre. Elle raconte les moments qu'ils ont vécu. Et puis elle se dévoile, elle aussi, un petit peu. Et puis il y a aussi ces lettres, ces lettres qu'elle souhaite envoyer à la veuve, à l'épouse de cet homme. C'était important cette rencontre épistolaire entre deux femmes ? Alors on ne va pas savoir quelle a été la réaction de cette femme. Ce n'était pas le propos du roman, mais ça veut dire qu'il y a quand même cette rencontre épistolaire. Pourquoi ?
Adeline Dieudonné En fait, quand j'ai eu l'idée du roman, très rapidement, je me suis dit qu'il devrait y avoir une lettre à un moment. Et puis, rapidement, le roman il est là, et ça va être un roman épistolaire. Et donc ce sont deux longues lettres : la première qu'elle écrit à l'épouse pour lui annoncer la situation : "il est mort, je ne vous le rendrai pas et je suis sa maîtresse et j'existe" ; et la deuxième, qui est donc écrit, à postériori, après son retour où elle lit : "je me rends bien compte que je vous dois la vérité, je dois rééquilibrer quelque chose". Et où là, elle commence à se livrer et elle fait une espèce de bilan de sa vie amoureuse. Bilan d'une femme de 40 ans qui se penche sur son passé amoureux.
Philippe Au-delà de cette histoire d'amour cachée qui se termine mal, vous l'avez dit, notre narratrice se plonge elle même dans ses souvenirs et on va voir quelques bribes de ce qu'elle a vécu avant sa rencontre avec M. Et on va surtout découvrir que c'est une femme qui a souffert. C'est une femme qui a été confrontée à des moments difficiles. Et là aussi, on retrouve un peu des sujets qui vous sont chers, des sujets abordés dans vos précédents romans : la place de la femme dans la société, la difficulté à être une femme dans la société. C'est aussi le cas de votre de votre narratrice. C'est important de repositionner encore cette thématique ?
Adeline Dieudonné Ça m'intéressait en tout cas de oui, d'avoir une femme de 40 ans d'aujourd'hui qui se retourne sur son passé amoureux et qui l'observe à l'aune de son âge, du recul qu'elle peut avoir et du regard qu'elle peut poser sur la jeune femme qu'elle était à 20 ans, à 25 ans, à 30 ans. Et je trouvais ça vraiment intéressant de se dire : "ah oui", de donner ce regard là et où finalement, elle est en colère contre personne. Et les violences qu'elle a subies sont finalement des violences très quotidiennes. Elle n'a jamais été tabassée par un mec. C'est des violences - je pense - qu'on a toutes subi, à des degrés divers; Mais je trouvais ça super intéressant, sans colère, de pouvoir dire : "ah ok, ça s'est passé comme ça, comme ça, comme ça'. D'observer, de disséquer ça et de se demander aussi comment ça conditionne sa vie amoureuse aujourd'hui et comment ça l'empêche de vivre avec un homme. Ce qui explique pourquoi elle se retrouve dans cette situation là. Parce que une relation normée où on s'installe ensemble, on fait des enfants. Enfin voilà, la relation hétérosexuelle normée, elle réalise que ce n'est plus possible parce qu'on vit dans un contexte patriarcal, mais aussi parce que ce contexte patriarcal induit chez elle des comportements de subordination auxquels, pour l'instant, elle se sent incapable d'échapper. Elle peut les observer, elle peut en prendre conscience, mais elle sait très bien que dans un quotidien avec un homme, elle sera incapable d'y échapper.
Philippe Dans quel état d'esprit étiez-vous lorsque vous avez mis le point final à ce roman, à cette histoire bouleversante ?
Adeline Dieudonné Je n'étais pas sûre d'y mettre le point final parce que c'est un roman sur lequel j'aurais pu passer encore pas mal de temps. Je n'étais pas certaine d'avoir tout dit. Et puis, à un moment, il faut accepter que le roman se termine. Donc assez éprouvée aussi parce que ç'a été une écriture très très éprouvante. Donc une certaine forme de soulagement. Et puis d'apaisement aussi d'avoir compris un certain nombre de choses, d'avoir eu le sentiment d'avoir défait quelques noeuds.
Philippe Voilà, en tout cas, un livre dont les lecteurs s'emparent avec enthousiasme. C'est votre actualité, Adeline Dieudonné. C'est un roman très réussi, une écriture très juste et puis cette histoire qui reste très longtemps en mémoire et qui interpelle, qui pose beaucoup de questions. C'est un coup de cœur, ça s'appelle "Reste". L'actualité d'Aline Dieudonné, c'est aux éditions de L'iconoclaste. Merci beaucoup.
Adeline Dieudonné Merci à vous.