Pas facile d’être la fille de…. Cécile Pivot le reconnait volontiers, si elle a aimé grandir au milieu des livres, si son père lui a ouvert les portes de la littérature, il a fallu du temps à la fille du journaliste Bernard Pivot, personnage iconique du milieu littéraire, pour oser prendre la plume.
Journaliste dans le cinéma puis pour des magazines de déco, elle choisit d’écrire d’abord un récit, « Comme d’habitude » paru en 2017, dans lequel elle évoque sa relation avec son fils autiste Antoine. L’année...
Mon acrobate de Cécile Pivot - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Cécile Pivot. Merci d'avoir accepté cette invitation. Les lettres d'Esther, c'est votre actualité chez Calmann-Lévy. Pivot ? Voilà un nom qui me dit quelque chose. C'est une question que je pose de façon récurrente lorsque je reçois les auteurs. Pourquoi le goût de la lecture, de l'écriture ? Ça peut être une bibliothèque, la rencontre avec un libraire ou un enseignant. Dans votre cas, est-ce l'atavisme familial qui fait que les livres font partie de votre univers ?
Cécile Pivot :
L’atavisme...
Mon acrobate de Cécile Pivot - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Esther, c'est cette jeune femme qui vit dans le nord de la France, est libraire, et a une relation fusionnelle avec son père. Ils s'écrivaient beaucoup. Et puis elle va avoir envie de créer un atelier d'écriture. Elle va proposer de partager son amour des mots avec différentes personnes. C'est le point de départ du roman. Dès le début, Esther nous explique qu’elle a été sa démarche. Elle nous parle directement. Vous pouvez nous présenter comment était née dans votre imagination cette jeune...
Mon acrobate de Cécile Pivot - Livre - Suite
Cécile Pivot
Les lettres d'Esther
Présentation 00'02'21"Pas facile d’être la fille de…. Cécile Pivot le reconnait volontiers, si elle a aimé grandir au milieu des livres, si son père lui a ouvert les portes de la littérature, il a fallu du temps à la fille du journaliste Bernard Pivot, personnage iconique du milieu littéraire, pour oser prendre la plume.
Journaliste dans le cinéma puis pour des magazines de déco, elle choisit d’écrire d’abord un récit, « Comme d’habitude » paru en 2017, dans lequel elle évoque sa relation avec son fils autiste Antoine. L’année suivante, partageant son amour de la littérature avec son père, ils cosignent l’instructif et jubilatoire, « Lire ! » dans lequel chacun évoque sa relation à l’écriture.
Dès lors, prenant son envol, Cécile Pivot poursuit sur sa lancée et publie son premier roman « Battements de cœur » en 2019, l’histoire douce et mélancolique de la fin d’un amour.
Voici le nouveau titre de Céline Pivot est un roman épistolaire, « Les lettres d’Esther » et c’est un formidable moment de lecture.
Esther est libraire à Lille. Avec son père, ils se sont beaucoup écrit, pour se dire des choses que l’oral ne permet pas. A la mort de celui-ci, comme un hommage, Esther choisit d’ouvrir un atelier d’écriture sur le thème de la correspondance. Cinq personnes répondent à sa proposition. Tel est le point de départ de ce joli livre plein de tendresse, d’humanité et de poésie.
Regroupant les correspondances des participants à cet atelier, Esther nous dévoile les parcours de ces cinq personnages en quête d’amour, de reconnaissance ou de résilience. Les cœurs vont s’ouvrir, les solitudes s’estomper, les existences s’éclaircir, les chagrins s’effacer.
Habilement construit, avec une écriture fluide et diversifiée en fonction des protagonistes, ce roman épistolaire est une parenthèse enchantée dans nos vies vécues dans l’urgence.
Ces correspondances croisées nous racontent des destins individuels, les nôtres sans doute, mais nous invitent surtout à prendre le temps, à écouter ceux qui nous entourent et pourquoi pas, prendre la plume pour leur dire combien ils comptent pour nous.
« Les lettres d’Esther » de Cécile Pivot est publié chez Calmann-Lévy.
Cécile Pivot
Les lettres d'Esther
Portrait 00'07'26"Philippe Chauveau :
Bonjour Cécile Pivot. Merci d'avoir accepté cette invitation. Les lettres d'Esther, c'est votre actualité chez Calmann-Lévy. Pivot ? Voilà un nom qui me dit quelque chose. C'est une question que je pose de façon récurrente lorsque je reçois les auteurs. Pourquoi le goût de la lecture, de l'écriture ? Ça peut être une bibliothèque, la rencontre avec un libraire ou un enseignant. Dans votre cas, est-ce l'atavisme familial qui fait que les livres font partie de votre univers ?
Cécile Pivot :
L’atavisme familial ? Oui, absolument. C'est-à-dire que les livres ont toujours fait partie de mon univers. Mon père étant Bernard Pivot, c'est vrai que j'ai grandi au milieu des piles de livres qui envahissaient tout notre appartement parisien. Mon père recevait en effet entre 30 et 50 livres par jour, sauf le dimanche. Je piochais comme je voulais dans ces piles de livres et j'ai aimé lire tout de suite.
Philippe Chauveau :
La biographie que donne votre éditeur précise que vous êtes avant tout journaliste même si vous avez aujourd'hui quatre livres à votre actif. Il y a ce parcours de journaliste. Pourquoi avoir choisi cette plume là ? Cette écriture, de journaliste, au préalable ?
Cécile Pivot :
Parce que j'aimais beaucoup la correction. J'ai commencé en étant journaliste dans le secrétariat d'édition. Puis, j'ai été dans la presse parce que j'étais passionnée de cinéma. J'ai travaillé longtemps à Studio Magazine, où je corrigeais les textes. J'étais ce qu'on appelle secrétaire de rédaction. C'est un métier qui porte mal son nom, mais c'est comme ça. Ça s'appelle secrétaire de rédaction. Et après, j'ai bifurqué vers l'écriture journalistique dans un journal qui s'appelait Maison française, où je suis restée à nouveau très longtemps, je suis devenue rédactrice en chef.
Philippe Chauveau :
On vous découvre en librairie avec un premier livre, un récit qui s'appelle, « Comme d'habitude », la vous faites le choix de nous parler d'une partie de votre vie, la relation que vous avez avec votre enfant, votre fils. Pourquoi ce livre était-il important ? Pourquoi avoir eu besoin de confier cette histoire familiale ?
Cécile Pivot :
En 2015, j'ai arrêté de travailler. Ça faisait 29 ans que j'allais au bureau tous les matins. Donc, c'est vrai que je me suis retrouvée avec le vide. J'avais décidé de partir, sauf que je n'avais pas de projet. Ça faisait plusieurs années que je voulais partir. Je me suis vraiment retrouvé chez moi. J'ai eu un an en mode panique. Je me suis mise à écrire comme ça petit à petit. J'ai repris mes notes sur mon fils Antoine, qui est autiste, et j'ai écrit. Et j'ai réussi à écrire ce livre sur lui, sur l'autisme et la maternité. Je n'aurais pas pu écrire directement un roman. Il fallait d'abord que j'écrive ce livre pour passer à autre chose. Ce livre m'a donné confiance en moi et dans l'écriture.
Philippe Chauveau :
Vous êtes vous découverte différemment en écrivant quelque chose d'aussi personnel et surtout en utilisant une écriture complètement différente de celle que vous aviez en presse Magazine. Etait-ce une autre Cécile Pivot ?
Cécile Pivot :
Oui. Moi, je pense que quand on commence à écrire, on découvre des choses sur soi incroyable. C'est à dire que je me suis aperçue alors, je ne dirai pas ça sur l'écriture, mais je me suis dit que j'étais persévérante. Oui, vraiment, ce que je ne savais pas, que j'aimais travailler le matin, que j'aimais travailler tard la nuit, que j'écrivais mal l'après midi. Donc oui, j'ai découvert que j'aimais écrire. J'ai surtout découvert que j'avais envie d'écrire. Jusque là, je m'interdisait d'écrire. Alors j'écrivais des articles, mais ce n'est pas la même chose. Écrire un livre, quelque part je me l'interdisait.
Philippe Chauveau :
Pourquoi vous l'interdisiez-vous ?
Cécile Pivot :
Parce que j'ai grandi dans le sacre de l'écrivain. Donc pour moi, c'était très compliqué et à la fois dans le sacre de l'écrivain et à la fois dans les coulisses de tous ces gens qui écrivent des livres. Il y avait ça en même temps. Comment écrire des bons livres parmi tous ces gens là ? Et puis, être écrivain, pour moi, c'était le plus beau métier du monde. C'était inaccessible. Donc oui, je me l'interdisait.
Philippe Chauveau :
C'était à la fois le poids de votre nom de famille, et puis toutes ces piles de livres qui n'avaient peut être jamais ouvert dans les couloirs de la maison familiale.
Cécile Pivot :
Si je peux vous dire que tous les livres ont été ouverts, au moins feuilleter ça c'est sûr. Mais oui il y avait ce côté : est-ce que j'ai le droit ? C'est compliqué quand vous avez un père qui s'appelle Bernard Pivot, vous dire qu'un jour vous allez écrire des livres. Ça reste de toutes façons compliqué pour moi. J'adore mon père, je l'admire, mais c'est compliqué. C'est compliqué de se démarquer. C'est compliqué de vivre avec ça, bien sûr.
Philippe Chauveau :
D'où l'importance de ce livre à quatre mains Lire ! Avec un point d'exclamation que vous avez co-écrit avec lui.
Cécile Pivot :
Oui, ce n'est pas un livre à quatre mains parce qu'on l'a beaucoup précisé. C'est vraiment un livre. En fait, quand je me suis retrouvée sans travail, mon père m'a proposé d'écrire ce livre parce que lui a un point de vue professionnel. Il avait aussi envie qu'il ait un point de vue d’un lecteur dont ce n'est pas le métier. À l'époque, je n'écrivez pas. Donc on a choisi vingt thématiques autour de la littérature, de la lecture et on écrit chacun de notre côté comment on voyait les choses. Des fois, on est d'accord, des fois, on n'est pas d'accord. On l'a écrit chacun séparément.
Philippe Chauveau :
Alors si je continue la chronologie, après Lire !, il y a ce premier roman où l’on vous découvre en tant que romancière et battements de cœur. Vous vous faites montre d'une grande mélancolie dans cette histoire d'un couple qui voit sa fin approcher inéluctablement. Là encore, une nouvelle page qui se tourne dans votre vie personnelle. Pourquoi raconter une histoire comme celle-ci ?
Cécile Pivot :
Je ne l'ai pas vécu. J'avais envie de raconter une séparation. C'est ça qui m'intéressait. C'était pas l'histoires d'amour, mais c'était d'en venir à la séparation. Voilà, c'est ça qui m'intéressait et c'était de raconter l'histoire d'une femme qui s'effondre.
Philippe Chauveau :
Tout à l'heure, on parlait de ce gouffre devant lequel vous avez eu l'impression de vous retrouver lorsque s'est arrêté votre parcours professionnel. Aujourd'hui, le gouffre est franchi. Vous avez l'impression que l'écriture vous a mis du baume au cœur?
Cécile Pivot :
Oui. Je me dis pourquoi je ne l'ai pas fait avant. Je pense que je n'ai pas toujours été à ma place dans la vie. Je suis bien chez moi, seule à travailler. J'aime ça. J'aime pas les réunions, j'allais dire je n'aime pas les gens, c'est pas ça, mais je suis bien toute seule. J'adore les gens, mais mes pas comme ça.
Philippe Chauveau :
Et l'écriture vous apporte ce confort ?
Cécile Pivot :
Ah oui, tous les jours, c'est ce que je dis. Tous les jours, je me dis mais pourquoi je ne l'ai pas fait avant ?
Philippe Chauveau :
Maintenant, vous êtes bel et bien présente en librairie. Et votre actualité, Cécile Pivot, c'est ce nouveau livre chez Calmann-Lévy, Les lettres d'Esther.
Cécile Pivot
Les lettres d'Esther
Livre 00'06'10"Philippe Chauveau :
Esther, c'est cette jeune femme qui vit dans le nord de la France, est libraire, et a une relation fusionnelle avec son père. Ils s'écrivaient beaucoup. Et puis elle va avoir envie de créer un atelier d'écriture. Elle va proposer de partager son amour des mots avec différentes personnes. C'est le point de départ du roman. Dès le début, Esther nous explique qu’elle a été sa démarche. Elle nous parle directement. Vous pouvez nous présenter comment était née dans votre imagination cette jeune femme.
Cécile Pivot :
Alors, Esther c'est d'abord un prénom. Moi, je crois que je fonctionne beaucoup comme ça. Il y a un prénom que j'aime et avec lui va se dessiner une silhouette, un visage, des yeux, des cheveux. Je crois que je passe d'abord par le physique. Elle est à la fois douce. C'est pour moi Esther, c'est un prénom qui aussi un peu dur. Ce prénom qui se finit par R c'est pas doux et en même temps, je trouve que c'est très féminin. Je la voyais, elle est rousse avec des cheveux longs. Elle est plutôt grande et mince. Je la voyais comme ça.
Philippe Chauveau :
Est-elle bien dans sa peau et dans sa vie, Esther ?
Cécile Pivot :
Je trouve. Elle est comme beaucoup de femmes qui ont 40 ans, qui sont célibataires. Elle a une fille d'un premier mariage. Elle rentre un soir sur deux et se dit qu'est ce que je suis bien chez moi toute seule. Et puis, un soir sur deux, elle se dit quand même j'aimerais bien voir un mec dans ma vie. Mais elle est plutôt bien dans sa vie. Elle forme un duo avec sa fille qui fonctionne très bien, même si sa fille commence à être un peu pénible car elle rentre dans l'adolescence. Elle est libraire, elle adore son métier. Elle aime sa ville, Lille. Moi, je trouve qu'elle est plutôt bien dans sa peau. Elle est heureuse. Mais son père a disparu, et pour elle, c'est un deuil qui ne se fait pas.
Philippe Chauveau :
Mais après, il y avait des complexités dans son personnage qu'on va découvrir au fil des pages. Et puis, il y a ce matin de janvier 2019, tout proche de nous, vous avez fait le choix de dater le roman, où elle fait paraître une petite annonce dans La Voix du Nord, et dans plusieurs titres de la presse quotidienne régionale du nord de la France. Elle propose cet atelier d'écriture. Un atelier un peu particulier auquel vont répondre cinq personnes. En quoi consiste-t-il l'atelier que propose Esther ?
Cécile Pivot :
Alors, Esther propose un atelier d'écriture autour de la lettre, de s'écrire des lettres. Pourquoi ? Parce qu'elle a écrit pendant vingt ans. Elle a eu un mode de communication assez particulier avec son père, qui lui même vivait à Lille et qui est mort un an auparavant. Ils s'écrivaient des lettres. Ils se voyaient pour des repas familiaux, pour boire des cafés ensemble. Ils s'entendaient très bien. Mais à partir du moment où Esther a quitté l'appartement familial à 20 ans, ils ont commencé à s'écrire, parfois de manière très régulière, parfois de manière irrégulière. Ils ne se disaient pas du tout les mêmes choses dans leurs lettres que quand ils se voyaient. Écrire des lettres lui manque et donc elle décide d'être à l'initiative d'un atelier d'écriture épistolaire. Elle passe une petite annonce.
Philippe Chauveau :
Elle va avoir plusieurs retours. Il y aura notamment Jeanne, cette femme âgée qui estime qu'elle est bien dans sa vie, qui rencontre pas mal de monde autour d'elle. Il y a ce couple, Juliette et Nicolas, où là il y a une difficulté. Ils viennent d'avoir un enfant. Mais ce n'est pas simple, notamment pour Juliette, d'avoir ce petit être dont elle a l'impression de ne pas savoir bien s'occuper. Il y a Samuel, qui est ce jeune homme un peu paumé. Puis Jean est aussi un businessman qui ne sait pas trop où il en est de sa vie. Esther va avoir tout ce petit monde autour d'elle, et va les inviter à s'inscrire les uns les autres. Elle va donner des consignes bien précises. Finalement, qu'aviez vous envie de nous raconter à travers tous ces personnages ?
Cécile Pivot :
J'ai eu envie d'écrire des lettres. Ma première envie, elle était là. J'avais envie d'un roman autour de la lettre, mais on ne s'écrit plus de lettres. Comment je peux faire? Et c'est là que j'ai eu l'idée de l'atelier d'écriture. Mais après, je pense que dans la lettre, on dit beaucoup de choses qu'on ne dit pas à l'oral ou par mail. On s'écrit différemment dans une lettre et tous ces participants vont s'apercevoir de ça. C'est à dire qu'ils se confient très facilement, très vite, à travers la lettre.
Philippe Chauveau :
Lorsqu'on est le lecteur, on a l'impression d'être devant une boîte à chaussures et de prendre ses lettres les unes après les autres. Il y a une certaine nostalgie en ce qui vous concerne de ce temps où l'on prenait le temps de s'écrire.
Cécile Pivot :
Oui, parce que je pense que vraiment écrire des lettres, c'est un éloge de la lenteur. Il faut faire preuve de patience quand on écrit à toutes les étapes. Aujourd'hui, je pense qu'on a beaucoup de mal avec ça.
Philippe Chauveau :
A travers ce livre qui est un roman, c'est bien précisé sur la couverture. Vous nous rappeler aussi que les mots sont salvateurs, qu'on peut mettre des mots sur les maux. C'est peut être aussi un message que vous envoyez aux lecteurs, reprendre le temps de s'écrire pour parler de soi et peut-être aller mieux.
Cécile Pivot :
Oui, je pense que oui. Tous le monde devrait essayer de s'écrire des lettres, absolument. Entretenir une correspondance avec quelqu'un.
Philippe Chauveau :
Maintenant que le livre est publié, auriez-vous encore envie de recevoir des lettres de Samuel, de Jeanne, de Nicolas et Juliette. Ils sont toujours là ?
Cécile Pivot :
Oui, tout à fait. Ils sont encore là, puisque j'en parle beaucoup encore.
Philippe Chauveau :
En tout cas, voilà un très joli livre, d'une douce mélancolie, mais aussi plein de poésie, de lumière. Un livre qui donne envie de reprendre la plume et d'écrire à ceux qu'on aime. Cécile Pivot, c'est votre actualité, c'est chez Calmann-Lévy, ça s'appelle Les lettres d'Esther. Merci, à vous.