Il est l’un des grands noms du journalisme français. Formé notamment par Jean-François Kahn et Philippe Tesson, Jérôme Garcin est aujourd’hui responsable du service culturel du Nouvel Observateur et membre du Comité de lecture de la Comédie française. Enfin, depuis 1989, il anime sur France Inter l’incontournable émission « Le masque et la plume ». Mais c’est bien l’écrivain qui nous intéresse ici. En 1994, son premier ouvrage consacré au romancier et résistant Jean Prévost lui offre le Prix Medicis. Dès lors,...
Le dernier hiver du Cid de Jérôme Garcin - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Jérôme Garcin.
Jérôme Garcin
Bonjour.
Philippe Chauveau
Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau titre chez Gallimard, Le dernier hiver du Cid. On connaît Jérôme Garcin, le journaliste, l'homme de radio, l'homme de presse écrite. Et puis Jérôme Garcin aussi, l'écrivain, le romancier. Avez-vous l'impression d'avoir justement deux visages ? Ou finalement, est-ce le même Jérôme Garcin qui s'adresse aux auditeurs, aux lecteurs, et qui s'adresse aussi aux lecteurs par ses livres ?
Jérôme...
Le dernier hiver du Cid de Jérôme Garcin - Portrait - Suite
Philippe Chauveau
Nous sommes à l'été 1959, nous sommes dans le sud de la France, il fait beau, c'est à Ramatuelle. Gérard Philippe est en vacances en famille. C'est le début de votre livre et vous allez nous raconter les derniers mois, les dernières semaines de Gérard Philippe. Précisons le tout de suite, Gérard Philippe est un personnage que vous côtoyez d'une façon ou d'une autre depuis longtemps, puisque vous êtes vous-même l'époux de la fille de Gérard Philippe. A quel moment avez-vous eu envie d'écrire sur ce...
Le dernier hiver du Cid de Jérôme Garcin - Livre - Suite
Jérôme Garcin
Le dernier hiver du Cid
Présentation 00'03'16"Il est l’un des grands noms du journalisme français. Formé notamment par Jean-François Kahn et Philippe Tesson, Jérôme Garcin est aujourd’hui responsable du service culturel du Nouvel Observateur et membre du Comité de lecture de la Comédie française. Enfin, depuis 1989, il anime sur France Inter l’incontournable émission « Le masque et la plume ».
Mais c’est bien l’écrivain qui nous intéresse ici.
En 1994, son premier ouvrage consacré au romancier et résistant Jean Prévost lui offre le Prix Medicis. Dès lors, parallèlement à son parcours de journaliste, Jérôme Garcin n’a cessé de publier. Des romans comme « Les sœurs de Prague » sur les méandres de l’univers littéraire mais aussi des récits sur ses proches disparus comme « Olivier », paru en 2011, livre sur le décès accidentel de son frère à l’âge de 6 ans, « La chute de cheval » en 1998 où il met en parallèle sa passion pour l’équitation et la mort de son père, tombé de cheval. On citera également « Le syndrome Garcin » dans lequel il évoque ses deux grands-pères, éminents spécialistes, se posant la question de la transmission avortée.
Jérôme Garcin se plait aussi aux récits romancés. Hérault de Séchelles, Jacques Lusseyran, François-Régis Bastide… autant de grands noms, de destins brisés, qui sont tombés dans l’oubli. Et si finalement, telle était la mission de Jérôme Garcin : faire renaitre par la plume ceux que l’histoire a effacé ?
C’est peut-être aussi la genèse de ce nouveau titre, « Le dernier hiver du Cid » que l’auteur consacre à Gérard Philipe. Car si ce nom reste célèbre, ceux qui l’on vu sur scène sont de moins en moins nombreux et il n’en reste que de rares images. Quant à ses films, ils ne sont plus que rarement diffusés.
Ayant lui-même épousé Anne-Marie, la fille du comédien, Jérôme Garcin se sent en empathie avec lui, avec ce beau-père qu’il n’a jamais croisé. En nous racontant les derniers mois de Gérard Philipe, il retrace le parcours de cet homme incroyable, artiste reconnu dans le monde entier, militant et engagé politiquement, et surtout mari et père de famille attentif et aimant.
Au jour le jour, en quelques mois, de l’été 1959 à ce funeste 25 novembre, Jérôme Garcin nous raconte Gérard Philipe avec force détails et anecdotes, usant d’une écriture précise qui relate les faits mais n’empêche pas l’émotion. Sur ces dernières semaines, alors que la maladie le ronge, Gérard Philippe semble encore prêt à tous les projets, à endosser tous les costumes, à être dans la lumière jusqu’à l’ultime tirade. Jamais il n’a été aussi grand dans sa fragilité. Alors que la souffrance l’assaille chaque jour un peu plus, tous ses personnages semblent venir le saluer une dernière fois.
Ce livre est un bel hommage à un acteur incandescent, à un comédien talentueux, qui mourut à 36 ans en ayant vécu mille vies.
« Le dernier hiver du Cid » de Jérôme Garcin est publié chez Gallimard.
Jérôme Garcin
Le dernier hiver du Cid
Portrait 00'06'29"Philippe Chauveau Bonjour Jérôme Garcin.
Jérôme Garcin Bonjour.
Philippe Chauveau Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau titre chez Gallimard, Le dernier hiver du Cid. On connaît Jérôme Garcin, le journaliste, l'homme de radio, l'homme de presse écrite. Et puis Jérôme Garcin aussi, l'écrivain, le romancier. Avez-vous l'impression d'avoir justement deux visages ? Ou finalement, est-ce le même Jérôme Garcin qui s'adresse aux auditeurs, aux lecteurs, et qui s'adresse aussi aux lecteurs par ses livres ?
Jérôme Garcin Deux de visages, je ne sais pas, mais en tout cas, deux vies, c'est évident. Les livres que j'écris sont tellement liés à ma vie personnelle, à mon histoire, à mes souvenirs, peut-être la part la plus, la plus secrète et paradoxalement, la plus sauvage de moi, que je n'arrive pas à imaginer que ça corresponde à la vie de l'animateur du Masque et la plume, le journaliste des pages Culture de L'Obs. C'est-à-dire que pour moi, ça va même jusqu'à la frontière de la schizophrénie. D'abord, je ne peux écrire mes livres que si je suis éloigné de la ville de Paris. Donc, en fait de là où je travaille. En revanche, je n'ai jamais écrit un seul article à la campagne, là où j'écris mes livres, où je monte, où je vis une vie qui est à l'opposé de celle de Paris. Si depuis si longtemps, je mène ces deux vies parallèles, c'est aussi peut-être par panique, par panique que les deux écritures s'interpénètrent. J'ai toujours pensé qu'écrire pour soi, écrire un livre ou écrire pour soi, demandait une manière d'être totalement différente de celle qu'on est quand, comme vous, comme moi, on parle devant un micro, ou qu'on écrit un article qui doit faire 2500 signes et pas de 2600 signes. Ce sont deux modes d'expression tellement opposés pour moi que j'aime bien l'idée que je me suis construit de manière quasiment médicale, deux structures étrangères l'une à l'autre.
Philippe Chauveau Si je reprends le journaliste qui anime Le masque et la plume, là encore, est-ce que ce sont ces deux facettes que l'on retrouve ? Est-ce que le romancier, l'écrivain Jérôme Garcin reste à la porte du studio pour ne laisser que le Jérôme Garcin journaliste animer son émission ? Est-ce compliqué parfois ?
Jérôme Garcin Totalement et heureusement. C'est pas compliqué parce que j'ai mis en place ce mode survie. Le masque et la plume, ce n'est pas simplement une émission, c'est un spectacle. Ça se fait en public, devant des centaines de spectateurs. C'est un spectacle où les critiques jouent plus que le rôle de critique. Ils sont des jeux de rôles. Ils sont des personnages sympathiques ou antipathiques. Ils profèrent des avis définitifs, parfois très violents, très cruels. Je dirais qu'il y a malgré tout un petit point commun, c'est que j'ai toujours travaillé à tenter, en tous cas, ou à espérer amener le plus grand nombre aux plus belles choses.
Philippe Chauveau Alors, je laisse le journaliste de côté pour m'intéresser plus à l'auteur que vous êtes, Jérôme Garcin. Près d'une trentaine d'ouvrages à votre actif. Il y a eu des ouvrages très personnels, Le syndrome Garcin, Olivier, Chute de cheval, entre autres. Vous parliez de vos proches. Et puis, il y a eu d'autres personnages que vous avez peut-être eu envie de sortir de l'ombre. Des personnages authentiques qui ont eu leur heure de gloire, qui ont été des grands noms à leur époque.Et puis qu'on a pour certains un peu oublié. Ça a commencé en 94 avec, pour Jean Prévost, pour lequel vous avez eu le prix Médicis essai, et puis d'autres noms que vous avez eu envie de remettre en lumière. Pourquoi cette appétence pour ces destins parfois oubliés ?
Il y a un point commun entre mes proches que vous évoquiez, mon frère jumeau renversé par une voiture, mon père, mort d'une chute de cheval et les essais, récits ou biographies ou romans biographiques que j'ai consacrés effectivement, le premier à Jean Prévost, mais aussi, à l'aveugle, le résistant Jacques Lusseyran, dans Le voyant, à ce poète que j'aime beaucoup, qui est La Ville de Mirmont, ce poète bordelais, mort dans une tranchée au début de la Grande Guerre. Il y a un point commun, c'est que ce sont toujours des vies brèves. Quand j'ai commencé à écrire sur le premier d'entre eux qui était Jean Prévost, écrivain de la NRF de l'entre-deux guerres, grand stendhalien et qui est mort les armes à la main au pied du Vercors, il avait rejoint le maquis du Vercors. Il était devenu Jean Prévost, le capitaine Goderville, qui a été tué en 44. Quand j'ai écrit ce livre là, c'était par colère. C'était surtout parce que je ne supportais pas que, au mitan des années 90, il n'y avait que des écrivains de la collaboration et on considérait que le génie littéraire était l'apanage seulement de ceux qui avaient fait le mauvais choix. Céline, bien sûr, en tête. Et donc, c'est vrai que ma réhabilitation était assez polémique. Mais, ce que je ne savais pas en l'écrivant, c'est que je faisais le début d'une galerie de vie brèves. Il est mort à 40 ans, encore une fois, les armes à la main, au pied du Vercors, tué par les Allemands, et en fait à travers lui, je faisais, à l'époque sans le savoir, le portrait romancé de mon propre père, stendhalien, farouche stendhalien, éditeur, critique littéraire aussi dans les revues comme la NRF et que, d'une certaine manière, je me disais, avec Jean Prévost comme avec mon père, on a des destins fauchés très tôt. Mais j'ai toujours voulu prouver qu'une vie brève pouvait être totalement pleine et que même les morts accidentelles cachaient de très beaux destins.
Philippe Chauveau Finalement, est-ce que, selon vous, ce serait la définition de l'auteur, de l'écrivain, quel que soit son travail ? C'est la transmission, c'est le passage de relais ?
Jérôme Garcin Moi, je ne me flatte pas d'avoir écrit des livres. En revanche, je suis prêt à me flatter d'avoir été utile aux autres. Je suis très marqué par l'engagement de Gérard Philipe qui, toute star absolue qu'il était en son temps, a toujours eu moins le souci de lui-même que des autres. C'est pour ça qu'il a créé le syndicat des acteurs. C'est pour ça qu'il est entré au TNP avec le même cachet que les autres comédiens. On peut dire tout ce qu'on veut, y compris qu'on n'aime pas le comédien Gérard Philipe, mais on ne peut pas dire qu'il n'a pas été utile aux autres et qu'il n'a pas d'abord travaillé au statut, à la dignité et au bonheur des autres. Et moi, c'est ma seule ambition. Si on regarde tous mes livres, je suis prêt à ce qu'on oublie complètement, pourvu qu'on n'oublie ni Jacques Lusseyran, ni Jean Prévost, ni Gérard Philippe d'ailleurs, ni Jean de La Ville de Mirmont, ni Philippe Garcin, ni même un enfant de six ans prénommé Olivier, que je suis le seul à pouvoir évoquer encore aujourd'hui puisque c'était mon jumeau. Souvent, j'ai l'impression que ma propre double vie, c'est celle du jumeau qui me manque, mais avec qui je continue de vivre.
Philippe Chauveau Merci pour cette sincérité., Jérôme Garcin. Votre actualité chez Gallimard, Le dernier livre du Cid.
Jérôme Garcin
Le dernier hiver du Cid
Livre 00'08'43"Philippe Chauveau Nous sommes à l'été 1959, nous sommes dans le sud de la France, il fait beau, c'est à Ramatuelle. Gérard Philippe est en vacances en famille. C'est le début de votre livre et vous allez nous raconter les derniers mois, les dernières semaines de Gérard Philippe. Précisons le tout de suite, Gérard Philippe est un personnage que vous côtoyez d'une façon ou d'une autre depuis longtemps, puisque vous êtes vous-même l'époux de la fille de Gérard Philippe. A quel moment avez-vous eu envie d'écrire sur ce personnage qui fait partie de notre patrimoine national ?
Jérôme Garcin Vous savez, quand on entre dans une famille, surtout celle là, les Philippe, on se sent un peu obligé à la réserve, qu'exprimait admirablement Anne Philippe, qui était la femme la plus pudique, secrète et digne que j'ai connue dans ma vie. Mais donc voilà, je tournais autour, et puis les années ont passé. J'ai écrit d'autres livres et puis, c'était après le voyant, donc après ce livre sur Jacques Lusseyran. Je me suis dit peut-être le moment est venu de parler de mon beau père posthume, et j'en ai parlé à Anne-Marie, à ma femme donc, qui elle sortait de la lecture du Voyant et qui m'a dit, oui, vas-y maintenant, c'est le moment.
Philippe Chauveau Vous aviez besoin de cet aval ?
Jérôme Garcin C'est plus que ça, c'était un pacte entre elle et moi, et je lui ai dit, Bon maintenant, j'y vais, je vais écrire ce livre. Tu ne sauras rien de la forme que je vais lui donner, notamment ce calendrier fatal qui va de l'été, vous l'avez rappelé, 59 à sa mort le 25 novembre 59. Tu ne sauras rien de la manière dont je travaille ce texte et cette histoire. Mais en revanche, quand je l'aurai fini, tu le liras. Et là, c'est vraiment le fond du pacte. Si ce livre là te paraît pas juste ou indigne, ou ne pas correspondre à l'idée qu'elle se fait de son père, je ne le publierai pas.
Philippe Chauveau Alors, précisons le bien, il ne s'agit pas d'une biographie. C'est une écriture très personnelle que vous avez choisie et surtout, vous avez fait le choix de vous focaliser sur ces quatre derniers mois, quatre, cinq derniers mois de la vie de Gérard Philippe. Ce qui ne vous empêche pas de retracer son parcours, que ce soit personnel ou professionnel. Pourquoi cette envie d'être vraiment sur les derniers mois, sur les dernières semaines ?
Jérôme Garcin Ça tient à deux choses. D'abord, je crois qu'une biographie, j'aime beaucoup l'exercice biographique. Je pense qu'il est utile, mais je pense qu'il ne s'applique pas à des vies brèves. Deuxièmement, ma conviction absolue, c'est qu'en racontant ces trois derniers mois, jour après jour, dans les lieux où s'est déroulée la fin de cette jeune vie, j'allais peut-être le mieux saisir, non pas la mort de Gérard Philippe, mais au contraire, la vie. Jusqu'au bout, il a été, je vais dire une lapalissade, mais jusqu'au bout, il a été vivant. Deux jours avant, il continue, à annoter, ce qu'il lisait beaucoup en rentrant de la clinique et avant sa mort, c'était des tragédies grecques. Et au crayon, on a les livres à la maison, il y a, soulignés par lui, de très beaux passages de certaines pièces d'Euripide, mais il y a aussi en marge, pour moi dans vingt ans, pour moi dans quinze ans.
Philippe Chauveau La force de votre livre, c'est que vous avez choisi une écriture factuelle, certes, jour après jour, avec force détails, les noms des médecins, les livres qu'il a sur sa table de chevet, toutes les informations sont là, mais il y a quand même l'émotion qui est palpable à chacune des pages. Vous parlez aussi bien du comédien, de l'acteur. Vous parlez de l'homme militant, de l'homme engagé politiquement, de son action pendant pendant la guerre. Et puis, vous insistez également sur l'homme privé, le père de famille, l'époux. Vous montrez cette osmose qu'il y a dans cette famille. C'était important pour vous aussi de démystifier le Gérard Philippe du cinéma et du théâtre. ?
Jérôme Garcin Mais justement, mon livre, qui est un peu le préquelle de ce livre qui a fondé ma vie, qui est le livre d'Anne Philippe, Le temps d'un soupir, admirable adieu à un homme qu'on a aimé. J'ai voulu, comme Anne, montrer que c'était d'abord un homme, un homme et que cette star, puisqu'il faut employer ce mot, aujourd'hui si mal utilisé, était d'abord un homme qui avait horreur des mondanités. Je vous l'ai dit, il n'aimait qu'une chose, c'était faire oeuvre utile avec ses mains. Il voulait fonder une famille. Il n'a pas épousé une starlette de Cannes, ville dont il est originaire, mais une femme, Anne Philippe, qui était ethnologue. Donc oui, c'est vrai. D'abord, je n'ai pas voulu, dans ce livre, ajouter du lyrisme. C'est pourquoi j'ai fait un livre très, j'allais dire, presque chirurgical. En plus, il se trouve que le médecin qui est intervenu, le chirurgien qui est intervenu, je ne l'ai appris que de la bouche d'Anne Philippe, ma belle mère, bien longtemps après, était mon grand oncle. Donc, je ne crois pas au hasard. Je crois au destin. Donc oui, on peut être un astre et être un homme. Et c'est ce que j'ai aussi voulu montrer dans ce livre.
Philippe Chauveau Sur ces quatre derniers mois de la vie de Gérard Philipe au fil des pages, vous faites intervenir aussi tous les grands rôles du répertoire, tous les grands noms qu'il a interprétés, comme si tous ces personnages de fiction, que ce soit des personnages qu'il interprétait au cinéma ou au théâtre, comme si tous ces personnages de fiction venaient lui rendre un dernier hommage, venaient le saluer au terme de sa représentation à lui. J'imagine qu'il y a aussi l'amateur de cinéma et de théâtre que vous êtes, Jérôme Garcin, qui a eu envie, peut-être par la même occasion, de rendre lui même hommage au grand répertoire.
Jérôme Garcin D'abord, il est enterré dans le costume du Cid. Mon titre n'est pas usurpé. C'est vraiment le choix. Un matin, le matin du 25 novembre, la petite habilleuse du TNP est venue revêtir le corps de Gérard de cet habit dans lequel il avait triomphé, l'habit du Cid. Mais on en revient à la loi incroyable du théâtre. C'est-à- dire qu'il est mort à 36 ans. Mais combien de fois il n'est pas mort sur scène avant, dans tous les rôles qu'il a interprétés ? Il s'est habitué à mourir, si j'ose dire, comme tous les grands comédiens. Et puis, enfin, c'était une manière, pour répondre plus directement à votre question, c'était une manière de bien montrer que, effectivement, ces quatre mois sont les quatre mois de ce qu'on peut appeler une tragédie grecque.
Philippe Chauveau Votre livre prend place dans une bibliographie déjà conséquente que nous avons évoquée, bibliographie dans laquelle vous nous l'avez confié, il y a beaucoup d'ouvrages consacrés à des destins brisés, à des vies brèves. Une vie brève, ce fut le cas de Gérard Philippe. Vos précédents titres nous parlaient aussi de personnages que l'histoire avait peut-être plus ou moins oubliés. Avez-vous peur parfois qu'un personnage aussi emblématique que Gérard Philippe puisse lui aussi un jour être oublié ? Parce qu'effectivement, vous le confiez à la fin du livre, ses films ne sont plus très souvent diffusés. Il y a très peu d'enregistrements de lui sur scène. Ce livre est-il peut être aussi une façon de mettre une pierre à la mémoire de Gérard Philippe ?
Jérôme Garcin Ce livre est sorti en octobre. En octobre, c'est-à-dire un mois avant le 60ème anniversaire de la disparition de Gérard Philippe. Personne n'aurait pu imaginer que cet anniversaire se produirait dans un silence tombal. Et quand le livre est sorti, et que j'ai commencé à recevoir, mais jour après jour, encore aujourd'hui où je vous parle, 10/15 lettres par jour de gens qui sont des témoins, il y en a encore beaucoup,du Festival d'Avignon ou de Chaillot. Des enfants de témoins ou des gens pour qui l'image de cet acteur engagé, de cette star syndiquée a encore un sens. Je n'en reviens pas des réactions que ce livre a suscitées. Donc, moi, je suis très heureux que ce livre ait rassemblé tous ces gens là, mais je reste scandalisé qu'on croit pouvoir se débarrasser comme ça de l'histoire, du destin, de la mémoire d'un homme aussi exemplaire que Gérard Philippe.
Philippe Chauveau Gérard Philippe qui fait pourtant bel et bien partie de notre patrimoine culturel commun. Voilà un très bel hommage que vous rendez à Gérard Philippe, tout ça porté par une écriture pleine de sensibilité et d'émotion. Le dernier hiver du Cid, c'est votre actualité Jérôme Garcin. Après, on a envie de revoir les films. On a envie d'aller écouter effectivement, Gérard Philippe racontant Le petit Prince. C'est votre actualité. Vous êtes publié chez Gallimard. Merci beaucoup.
Jérôme Garcin Merci à vous.