Il aurait pu rester professeur d’économie. Mais bien vite, Daniel Picouly a compris que son plaisir passait par l’écriture, ou plutôt par le fait de raconter des histoires, comme il le faisait avec ses petites sœurs, lui, le 11ème d’une famille de treize enfants. Le succès arrive en 1996 avec « Le champ de personnes », qui raconte de façon romancée, la vie de ses parents. Dans la même veine, et toujours inspirés par son parcours familial, suivront, Paulette et Roger, Fort de l’Eau et Le cœur à la craie. En 2000,...
Le livre, cadeau idéal ? de Daniel Picouly - Présentation - Suite
Philippe Chauveau : Bonjour Daniel Picouly
Daniel Picouly : Bonjour
Philippe Chauveau : Votre actualité, « Quatre-vingt-dix secondes », vous êtes publié chez Albin Michel. Un beau parcours déjà conséquent et puis d'autres activités notamment en tant que médiateur et journaliste littéraire sur France O. Pourquoi l'écriture ? Pourquoi cette envie ? Pourquoi ce besoin d'écrire et de partager ?
Daniel Picouly : C'est un peu anecdotique mais vrai : j'ai commencé à écrire pour me débarrasser de mes sœurs. Je suis...
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Philippe Chauveau : Cette couverture de votre nouveau roman « Quatre-vingt-dix secondes » est très parlante puisque nous allons parler d'un volcan, pas n'importe lequel, la montagne Pelée à La Martinique, à Saint-Pierre, le 8 mai 1902. Ce volcan va détruire cette ville et sa population. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de cette histoire ? De cette date bien particulière ? Pourquoi vous colle-t-elle à la peau ?
Daniel Picouly : Elle me colle à la peau au sens propre du terme, puisque ce 8 mai 1902, j'aurais pu...
Le livre, cadeau idéal ? de Daniel Picouly - Livre - Suite
Daniel Picouly
Quatre-vingt-dix secondes
Présentation 2'20"Il aurait pu rester professeur d’économie. Mais bien vite, Daniel Picouly a compris que son plaisir passait par l’écriture, ou plutôt par le fait de raconter des histoires, comme il le faisait avec ses petites sœurs, lui, le 11ème d’une famille de treize enfants. Le succès arrive en 1996 avec « Le champ de personnes », qui raconte de façon romancée, la vie de ses parents. Dans la même veine, et toujours inspirés par son parcours familial, suivront, Paulette et Roger, Fort de l’Eau et Le cœur à la craie. En 2000, après avoir reçu le Prix Renaudot pour L’enfant Léopard, il renonce à l’enseignement pour se consacrer entièrement à l’écriture. Alternant romans plus ou moins autobiographiques, littérature jeunesse et romans d’aventures mêlant l’Histoire et la fiction, tel Alexandre Dumas, pour lequel il voue une réelle admiration, Daniel Picouly s’intéresse aussi à toutes les cultures, en particulier celles liées au métissage. Il ne déroge pas à la règle avec ce couple mixte, Othello et Louise, héros de son nouveau roman, « Quatre-vingt-dix secondes ». Plus exactement, Othello et Louise sont les personnages principaux car le héros du roman est bien ce volcan, cette montagne Pelée, qui, le 8 mai 1902, le jour de l’Ascension, se réveille et crache sa lave mortelle sur la ville de Saint Pierre, port marchand de Martinique, appelée à l’époque « le petit Paris » des Antilles. Cette tragédie qui fera 30 000 victimes reste dans la mémoire collective mais pour Daniel Picouly, elle est surtout liée à une légende familiale. De cette histoire, il tire un roman passionnant, rythmé, haletant, foisonnant où la montagne Pelée elle-même prend la parole pour se raconter et justifier son acte effroyable. Qui survivra ? Qui mourra ? Et pourquoi ? Et surtout, face à ce cataclysme naturel, qu’ont fait les hommes pour se prémunir, ont-ils écouté les signes que leur envoyait le volcan, englués qu’ils étaient dans leur vanité et leur suffisance. De cette tragédie de 1902, Daniel Picouly tire un roman d’une grande force qui résonne dans notre époque contemporaine qui se croit toujours maître du temps et de la nature. « Quatre-vingt-dix secondes » de Daniel Picouly est publié chez Albin Michel et c’est l’un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire.
Daniel Picouly
Quatre-vingt-dix secondes
Portrait 5'52"Philippe Chauveau : Bonjour Daniel Picouly
Daniel Picouly : Bonjour
Philippe Chauveau : Votre actualité, « Quatre-vingt-dix secondes », vous êtes publié chez Albin Michel. Un beau parcours déjà conséquent et puis d'autres activités notamment en tant que médiateur et journaliste littéraire sur France O. Pourquoi l'écriture ? Pourquoi cette envie ? Pourquoi ce besoin d'écrire et de partager ?
Daniel Picouly : C'est un peu anecdotique mais vrai : j'ai commencé à écrire pour me débarrasser de mes sœurs. Je suis 11ème d'une famille de 13 et il y a derrière moi deux petites sœur qu'on doit emmener à l'école... Heureusement j'ai découvert très tôt quelque chose d'assez extraordinaire, c’est que les filles aiment les histoires ! Mes petites sœurs aimaient les histoires et moi j'aimais en raconter, j'ai utilisé l'histoire comme chantage, je leur ai dit : « chaque matin je vous raconte une histoire mais dès qu'on a tourné le coin de la rue, vous me fichez la paix et vous allez à l'école toutes seules ».
Philippe Chauveau : Mais qui prenait le plus de plaisir ? Vos petites sœurs ou vous qui inventiez les histoires ?
Daniel Picouly : Je pense qu'écrire est un plaisir partagé, si vous ne procurez pas de plaisir je ne crois pas que vous puissiez en ressentir.
Philippe Chauveau : Vous disiez que les filles aiment les histoires, vous avez l'impression que vous avez écrit aussi pour séduire, pour plaire ?
Daniel Picouly : Je ne connais pas beaucoup d'auteurs qui n'aiment pas séduire. Mais séduire me paraît consubstantiel du fait d'écrire, complètement.
Philippe Chauveau : Vous nous expliquez que vous aimiez raconter des histoires mais j'imagine qu'il y a aussi le plaisir d'en entendre, que ce soit oralement ou par la lecture, quelles sont les histoires qui vous ont marqué ?
Daniel Picouly : Enfant, venant d'une famille de treize, ma maman n'a pas eu beaucoup de temps pour me lire des histoires, les histoires que je connaissais étaient celles que je lisais à l'école. Mon premier émerveillement, et qui a eu beaucoup de conséquences dans mon écriture, c'est « Le Roman de Renart ». Découvrir que les animaux parlent et que ça n'étonne personne.
Philippe Chauveau : Quel est le fil rouge, quel est le lien entre toutes vos histoires ?
Daniel Picouly : Le lien commence très tôt, enfant. Ce lien, c'est raconter des histoires que les autres ne croient pas, ça paraît étrange. Je n'ai pas de théorie du roman et de l'écriture, j'ai seulement des souvenirs qui ont fait sens pour toujours.
Philippe Chauveau : Vous êtes auteur, vous êtes romancier, vous avez aussi un regard aiguisé sur le monde de la littérature, vous recevez vos confrères et vos consoeurs à la télévision, vous êtes membre de plusieurs jurys littéraires, comment voyez-vous l'univers littéraire français aujourd'hui ?
Daniel Picouly : J'ai toujours été fasciné par les premiers ou les deuxièmes romans, il n'y a pas de joie plus profonde que de découvrir un auteur qui va s'avérer mettre sur pied une œuvre. C'est magique. Il faut le temps pour voir ce qu'ils sont devenus. Ce que je constate, c'est une richesse insensée, il y a une diversité de mondes, d'écritures, de sensibilités, de regards sur le monde qui est vertigineux.
Philippe Chauveau : Votre livre fait partie des romans très attendus de cette rentrée, dans quel état d'esprit êtes-vous ? Ce n'est pas votre premier roman, vous n'avez plus grand chose à prouver, il y a toujours cette petite appréhension ? Daniel Picouly : Non ce n'est pas une appréhension, c'est une excitation. C'est une excitation réelle parce que l'appréhension, c'est quand on a conscience du danger, on a compris qu'il y avait un environnement dangereux et qu'on localise le danger. Si quelqu'un est capable de me dire où se trouve le danger dans une rentrée littéraire, je veux bien mais j'en doute. C'est tellement incertain que c'est inutile d'avoir une crainte, c'est même inutile d'avoir des espoirs insensés, il faut profiter de ce moment d'exposition qui va faire que vous serez lu. D'abord par la profession, les gens de l'édition, les critiques et ce retour est très important. Ce que j'attends c'est ce type de retour, par bonheur je sais déjà qu'il est très bien reçu, ça fait du bien, c'est agréable mais ça ne préjuge rien de la destinée du roman, ça aide beaucoup et j'ai confiance mais j'attends avec une certaine excitation ce qui va être dit et comment il va être reçu et surtout les premiers retours de lecteurs non professionnels.
Philippe Chauveau : Votre actualité Daniel Picouly « Quatre-vingt-dix secondes » vous êtes publié chez Albin Michel.
Daniel Picouly
Quatre-vingt-dix secondes
Livre 6'02"Philippe Chauveau : Cette couverture de votre nouveau roman « Quatre-vingt-dix secondes » est très parlante puisque nous allons parler d'un volcan, pas n'importe lequel, la montagne Pelée à La Martinique, à Saint-Pierre, le 8 mai 1902. Ce volcan va détruire cette ville et sa population. Pourquoi avoir eu envie de nous parler de cette histoire ? De cette date bien particulière ? Pourquoi vous colle-t-elle à la peau ?
Daniel Picouly : Elle me colle à la peau au sens propre du terme, puisque ce 8 mai 1902, j'aurais pu mourir. C'est une façon étrange de concilier les temps, je suis né bien plus tard mais mon grand-père, lui, avait 9 ans. Mon grand-père est né à la Martinique, c'est un enfant de 9 ans qui ne rêve que d'une chose, c'est de voir le plus beau voilier du monde. Le plus beau voilier du monde, c'est le Belem, et il va accoster à Saint-Pierre pour le jeudi de l'ascension. Ce gosse veut vraiment y aller, il harcèle sa famille pour y aller et sa famille accepte et se rend vers l'embarcadère qui mène à une petite navette qui fait Fort de France / Saint-Pierre. Au dernier moment, ce gosse fait une espèce de crise comme des enfants peuvent faire, un de ces enfants qui est tétanisé par quelque chose que vous attribuez à une intuition, une intuition du malheur que peuvent avoir les enfants. Sa mère le croit et renonce à prendre cette petite navette, uniquement sur la base de ce chagrin d'enfant. Ce livre est né d'un chagrin d'enfant. Ils ne prendront pas cette dernière navette qui fera 300 morts de plus. Je n'ai jamais remis en question cette histoire parce que je la trouve fondatrice, formatrice et parce qu'elle est belle. Un rêve d'enfant qui vous met en mouvement et un chagrin qui vous arrête. C'est une belle histoire.
Philippe Chauveau : Vous racontez cette journée du 8 mai 1902, on sait que le drame va arriver de façon brutale. Il y a pléthore de personnages, il y a cette urgence dans l'écriture et il y a la force de la montagne qui est la narratrice, c'est elle qui prend la parole et c'est elle qui explique pourquoi elle se met en ébullition, pourquoi elle veut engloutir Saint-Pierre ? Pourquoi avoir fait le choix de faire de la montagne Pelée un personnage à part entière ?
Daniel Picouly : Je ne voyais qui pouvait avoir la prétention de raconter cette histoire à sa place. La seule qui sait ce qu'il s'est passé dans ses entrailles, c'est elle, et elle est encore là, c'est la survivante. Philippe Chauveau : C'est aussi un roman sur la vanité des hommes parce que cette montagne va engloutir 30 000 personnes, des riches, des pauvres, des gens bien, des gens moins bien, il y a une intrigue politique et il y a cette volonté de raconter ce qu'était Saint-Pierre en 1902 ?
Daniel Picouly : Oui parce qu'il était important que l'on comprenne bien que ce qui avait disparu était une merveille, Saint-Pierre était une merveille indécente, obscène. C'est le lieu de la partition raciale et c'est cela qu'il faut éclairer. Dans les explications a posteriori on a fait de Saint-Pierre une Sodome.
Philippe Chauveau : En vous emparant de ce fait historique, sans chercher à démêler le vrai du faux, il y a des personnages authentiques et il y a ceux que vous avez inventés. J'aimerais que l'on parle d'Othello, qui est-il ?
Daniel Picouly : Othello et Louise figurent ce qui traverse toute mon œuvre : le métissage. Je suis un produit metis, d'un père martiniquais et d'une maman toute blanche. Pour moi Othello et Louise incarnent cela, sans discours, ils ont cette force de l'évidence. Quand on est amoureux, même de couleurs différentes, il y a une évidence : on est amoureux. J'aime qu'ils se promènent avec cette évidence qui crée quelques turbulences pour ceux pour qui ce n'est pas si évident.
Philippe Chauveau : Othello et Louise qui font partie de cette galerie de personnages que vous nous présentez, vont-ils survivre à la montagne Pelée, que va-t-il se passer ? On retrouve toute la flamboyance de votre écriture, c'est passionnant, c'est l'un de mes gros coups de cœurs de cette rentrée 2018. « Quatre-vingt-dix secondes » de Daniel Picouly est aux éditions Albin Michel. Merci beaucoup.
Daniel Picouly : Merci.