Si sa vie est à Paris, Anne Icart n’oublie rien de l’Ariège, berceau de sa famille. Rédactrice juridique, son quotidien professionnel est très éloigné de la littérature. Pourtant, au fil du temps, elle y trouve sa place.Nous l’avions découverte en 2009, avec « Les lits en diagonale », récit à la fois pudique et bouleversant dans lequel l’auteur évoquait son frère handicapé, héros de son enfance.Puis, il y eut en 2013 ce roman choral, « Ce que je peux te dire d’elles ». Des années 60 à nos jours, trois...
Lettres de Washington Square d'Anne Icart - Présentation - Suite
Philippe ChauveauBonjour Anne Icart.
Anne IcartBonjour Philippe.
Philippe ChauveauMerci d'être avec nous. Votre actualité chez Robert Laffont, ce qui est votre cinquième livre : "Les lettres de Washington Square". Votre cinquième livre, mais votre quatrième roman puisque, rappelons le, en 2009, "Les lits en diagonale", qui avait été primé par le prix Prince Pierre de Monaco, c'était un récit qui vous touchait de près. C'était l'histoire de votre frère handicapé. Et puis après, très vite, vous nous avez entraînés dans une...
Lettres de Washington Square d'Anne Icart - Portrait - Suite
Philippe ChauveauNous allons faire connaissance avec finalement toute une famille, mais surtout, nous allons nous projeter en 1989 avec Zélie. Zélie est une jeune femme qui partage son temps entre Paris et ce petit village d'Ercé dans l'Ariège, où elle a sa grand-tante, qui est un peu sa grand-mère aussi. Zélie y vient très régulièrement passer ses vacances. C'est une jeune fille bien dans ses baskets. Elle aimerait que son père Michel s'occupe un peu plus souvent d'elle. Mais c'est un professeur, un chirurgien très réputé,...
Lettres de Washington Square d'Anne Icart - Livre - Suite
Anne Icart
Lettres de Washington Square
Présentation 00'02'29"Si sa vie est à Paris, Anne Icart n’oublie rien de l’Ariège, berceau de sa famille. Rédactrice juridique, son quotidien professionnel est très éloigné de la littérature. Pourtant, au fil du temps, elle y trouve sa place.
Nous l’avions découverte en 2009, avec « Les lits en diagonale », récit à la fois pudique et bouleversant dans lequel l’auteur évoquait son frère handicapé, héros de son enfance.
Puis, il y eut en 2013 ce roman choral, « Ce que je peux te dire d’elles ». Des années 60 à nos jours, trois destins de femmes entre rires et larmes dans la couleur et la chaleur de Toulouse. S’étant attachée à ses personnages, et ayant séduit un large public, Anne Icart poursuivit alors avec deux autres titres « Si j’ai bonne mémoire » et « Le temps des lilas » formant ainsi la saga Balaguère, du nom de famille de ses héros, désormais disponible en édition poche.
Ayant mis un point final à cette trilogie, Anne Icart revient avec un nouveau roman dans lequel on retrouve sa jolie plume, pudique et vive à la fois.
Nous sommes à l’été 1989, en Ariège, quand la jeune Zélie, dans le village de son enfance, doit vider la maison de sa grand-tante. Au fond du grenier, sous la poussière, elle trouve des cartons remplis de lettres non décachetées, postées aux Etats-Unis. Ne résistant pas à la curiosité, elle découvre ainsi celui qui fut son grand-père, Baptiste, et qu’un secret familial avait laissé dans l’oubli pendant des décennies. L’auteur nous emmène alors à New-York là où Baptiste était parti tenter sa chance dans les années 1930.
Alternant les époques, passant du récit au roman épistolaire, Anne Icart nous raconte ce rendez-vous manqué entre un père et son fils.
De ce village d’Ariège qui se meurt au fil des ans à la ville de New-York qui ne cesse de briller, l’auteur a su faire un décor qui permet à ses personnages de se découvrir, de se révéler et, peut-être, de se pardonner.
Teinté d’une douce mélancolie, le nouveau roman d’Anne Icart, est un vrai plaisir de lecture que je recommande vivement.
« Lettres de Washington Square » d’Anne Icart, est publié aux éditions Robert Laffont.
Anne Icart
Lettres de Washington Square
Portrait 00'05'56"Philippe Chauveau
Bonjour Anne Icart.
Anne Icart
Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau
Merci d'être avec nous. Votre actualité chez Robert Laffont, ce qui est votre cinquième livre : "Les lettres de Washington Square". Votre cinquième livre, mais votre quatrième roman puisque, rappelons le, en 2009, "Les lits en diagonale", qui avait été primé par le prix Prince Pierre de Monaco, c'était un récit qui vous touchait de près. C'était l'histoire de votre frère handicapé. Et puis après, très vite, vous nous avez entraînés dans une histoire de famille. C'est ce qu'on a appelé la saga Balaguère, puisqu'il y a eu trois 3 tomes. Et puis aujourd'hui, voici donc ce nouvel opus. Cette envie de nous raconter des histoires de famille, c'est une façon pour vous de vous oxygéner, vous qui avez un métier dans une maison d'édition, mais dans le côté juridique ? Est-ce que pour vous, le fait de prendre la plume, c'est une façon d'ouvrir un sas, de respirer ?
Anne Icart
Oui, clairement. C'est vrai que ça me change de la rédaction de commentaires, d'arrêts, de jurisprudence et de lois ou de décrets. Après, c'est une envie que j'ai depuis depuis très, très longtemps.
Philippe Chauveau
Il y a le fait de raconter des histoires. Et puis il y a le fait de les écrire. Etiez-vous une enfant, une adolescente qui tenait un journal, qui avait besoin de s'inventer un univers en écrivant justement des histoires ? Est-ce qu'il y a aussi un petit peu de ça ?
Anne Icart
Oui, il y a de ça. J'étais effectivement une petite fille et une adolescente qui écrivait, qui avait besoin surtout de s'inventer un monde, mais déjà un monde meilleur, une espèce de bulle où les choses se passaient peut-être mieux. C'est probablement lié à ma relation avec mon frère handicapé. Non pas que je regrette quoi que ce soit de cette enfance-là avec lui, mais probablement qu'à un moment donné, le fait de réaliser et de comprendre qui était véritablement mon frère par rapport à ce que j'avais pu imaginer de lui quand j'étais plus petite, j'ai probablement voulu prolonger ça, c'est-à-dire continuer à le voir comme un héros et donc peut être aussi à m'inventer d'autres héros, d'autres héroïnes.
Philippe Chauveau
Et vous aviez envie d'inventer, d'imaginer ?
Anne Icart
Oui, j'avais envie d'inventer et d'améliorer peut-être aussi.
Philippe Chauveau
Je laisse de côté ce premier livre, "Les lits diagonale", qui était donc un récit personnel. Je reviens sur ce que l'on a appelé la "saga Balaguère", à savoir les trois titres que vous nous avez offerts entre 2013 et 2018, quelque chose comme ça. Il y a eu, si j'ai bonne mémoire, "Le temps des Lilas", et puis le premier tome, eCe que je peux te dire d'ellee, où il y avait déjà l'idée de la transmission, des relations mère-fille, grand-mère, petite-fille, etc... sur plusieurs décennies, avec peut-être une certaine teinte de nostalgie ou de douce mélancolie. Pourquoi avoir ce besoin de vous réfugier dans les décennies, dans les temps passés ?
Anne Icart
C'est vrai que j'ai peut-être un tempérament un peu nostalgique. Je suis très attachée à mes racines, en fait. Ca me fascine, c'est-à-dire d'imaginer qui ont été mes ancêtres, mais pas simplement à deux, trois ou quatre générations, c'est-à-dire bien bien avant, ce qu'elles ont vécu, comment elles ont vécu, qui elles étaient elles-mêmes, et ce que j'ai, moi, dans mes cellules de leur mémoire et de ce qu'elles m'ont donné.
Philippe Chauveau
Si je vous pose la question, c'est parce qu'on a parlé de ces trois tomes qui composent la "saga Balaguère". Mais aujourd'hui encore, vous revenez avec un roman où la famille et la transmission sont le maître mot du récit. A chaque fois, vous partez d'un petit bout de l'histoire de votre famille pour ensuite imaginer d'autres histoires, d'autres aventures. Ce qui est important de préciser, c'est que chaque lecteur peut aussi s'approprier vos histoires. C'est ça, l'intérêt, c'est que vous nous entraînez dans un univers qui vous est propre et où, finalement, chacun peut se retrouver ? C'est ça votre envie.
Anne Icart
J'espère. J'espère que les lecteurs se retrouvent dans mes histoires, qu'elles leur parlent, qu'elles leur rappellent peut-être des choses de leur propre vie, de leur propre passé, de leur propre histoire. C'est vrai que je vais puiser dans l'histoire de ma famille parce que je trouve aussi que la famille, c'est une source inépuisable d'inspiration. Donc, c'est vrai que je n'ai pas forcément besoin d'aller très, très loin pour en tous cas trouver la base des histoires qui vont être après, effectivement, des romans, des purs romans.
Philippe Chauveau
Vous me disiez de ne pas avoir tenu de journal intime lorsque vous étiez enfant ou adolescente, mais finalement, en écrivant ces histoires de famille, est-ce une façon pour vous de laisser une trace, parce que dans vos romans, il est souvent question de lettres cachées, de documents que l'on retrouve au fond d'un tiroir. Est-ce que vous auriez envie que dans 50 ans, dans cent ans, dans cent-cinquante ans, vos livres, vos romans soient aussi une façon peut-être, pour ceux qui viendront après vous, de découvrir celle que vous étiez ?
Anne Icart
Peut être, probablement. C'est effectivement quelque chose à laquelle j'ai réfléchi. Je n'ai pas d'enfant et du coup, je me suis demandée si ces livres que j'écris depuis quelques années, c'étaient mes enfants à moi.
Philippe Chauveau
Alors si ces livres sont sans vos enfants, continuez à agrandir la famille.
Anne Icart
C'est gentil.
Philippe Chauveau
Votre actualité, Anne Icart, "Lettres de Washington Square", c'est aux éditions Robert Laffont.
Anne Icart
Lettres de Washington Square
Livre 00'06'52"Philippe Chauveau
Nous allons faire connaissance avec finalement toute une famille, mais surtout, nous allons nous projeter en 1989 avec Zélie. Zélie est une jeune femme qui partage son temps entre Paris et ce petit village d'Ercé dans l'Ariège, où elle a sa grand-tante, qui est un peu sa grand-mère aussi. Zélie y vient très régulièrement passer ses vacances. C'est une jeune fille bien dans ses baskets. Elle aimerait que son père Michel s'occupe un peu plus souvent d'elle. Mais c'est un professeur, un chirurgien très réputé, et il est très pris à Paris. Et elle vient souvent se ressourcer ici, dans ce village familial où il y a Tine, qu'elle considère comme sa grand-mère, qui ne va pas bien et qui va décéder dans les premières pages. Ce sera l'occasion, peut-être, de fouiller un peu la maison et de découvrir des secrets de famille. Voilà le point de départ. Mais on est en 1990. Ce qui veut dire qu'on n'a pas les réseaux sociaux, qu'on n'a pas Internet. On n'a pas les mêmes moyens de recherche qu'aujourd'hui.
Anne Icart
C'est ça.
Philippe Chauveau
Et c'est important dans l'histoire, parce que Zélie va découvrir tout un pan de sa famille qu'elle ne connaissait pas. La famille, la transmission, les relations intergénérationnelles. Vous nous en aviez déjà parlé dans la "saga Balaguère". Cette fois-ci, c'est plus entre un père et son fils que vous allez poser la relation familiale. Qui est-il Michel ? Et qui est-il Baptiste ? Qui sont-ils finalement ces deux personnages que l'on va suivre entre les années 25 et 1989 ?
Anne Icart
Donc, ce sont deux hommes séparés, père et fils, séparés un peu tragiquement. Michel va perdre sa mère à sa naissance. Sa mère va mourir en couches. Et son père va se laisser convaincre de laisser cet enfant nouveau né à la sœur de sa femme qu'il vient de perdre pour que lui ait le temps de trouver du travail, de s'installer, de construire une vie où il pourra accueillir cet enfant.
Philippe Chauveau
Ce qui veut dire que Baptiste va confier son nourrisson à sa belle-mère et à sa belle-sœur, avec le projet de partir aux Etats-Unis, mais avec le projet de revenir chercher son fils une fois qu'il aura assuré son train de vie. Mais on se doute évidemment que ça ne va pas forcément se passer comme il l'espérait. C'est le point de départ de votre histoire. Les décors sont très importants dans ce récit. Parce qu'avec Zélie, en 1989, nous sommes dans ce petit village de l'Ariège qui se dépeuple avec les maisons qui se vident. Même si Zélie aime cet environnement, vous le dépeignez très bien, il y a cette campagne qui se meurt. Et puis, en parallèle, par un roman épistolaire, puisqu'il y a de nombreuses lettres qui sont retracées dans cet ouvrage, nous sommes dans le New York de 1925, de 1930, de 1950. On voit cette ville qui grossit, qui devient la mégalopole que l'on sait. C'était important que ces deux lieux soient aussi des personnages à part entière ?
Anne Icart
Oui, c'était important, parce que c'est là qu'intervient ma propre histoire, ma propre histoire familiale. Mon grand-père paternel a quitté cette vallée de l'Ariège. Il est parti à 17 ans à New-York, en 1904, donc. Et moi, ça m'a toujours paru absolument incroyable. D'abord, je trouve ça extrêmement courageux à 17 ans, de quitter un petit village perdu au fin fond des Pyrénées pour aller à New-York. Je me suis souvent demandé ce qu'avait éprouvé mon grand-père, ce contraste entre ces deux vies dans deux décors tellement différents. C'était important pour moi de parler de ça aussi, de ce contraste, de cette différence de vie et de décor.
Philippe Chauveau
Le titre "Lettre de Washington Square" nous laisse comprendre qu'il y aura des lettres dans ce roman. Et c'est vrai que vous faites le choix d'un roman épistolaire. Alors, roman épistolaire, oui et non, parce qu'il n'y a pas les réponses.
Anne Icart
Oui et il y a des pas que des lettres.
Philippe Chauveau
Il n'y a pas que des lettres, mais ce qui veut dire que lorsque l'on travaille à l'écriture de son roman, si l'on choisit de retranscrire des lettres, c'est une autre façon d'écrire le roman. Comment avez-vous conçu ce récit ?
Anne Icart
C'est vrai qu'au début, je pensais n'écrire que des lettres. Et puis, vous l'avez très bien dit. C'est vrai qu'il n'y a pas les réponses. C'est compliqué de n'écrire que des lettres sans réponse, c'est un peu triste. Et puis, je me suis dit qu'il serait intéressant d'avoir le point de vue des trois personnages principaux de cette histoire, c'est-à-dire de vivre cette levée du secret, finalement, puisque c'est de ça dont on parle à travers ces lettres, mais aussi vue par chacun des trois personnages principaux, Zélie, qui va les découvrir, Baptiste, qui les a écrites, et Michel, qui est un peu entre les deux, qui va les découvrir, mais après sa fille et qui n'a jamais répondu parce que ces lettres, il ne les a jamais lues.
Philippe Chauveau
Dans vos trois précédents romans qui forment la "saga Balaguère", nous étions dans des relations mère-fille. Cette fois-ci, c'est une relation père-fils et père-fille sur les différentes générations. Etait-ce un challenge supplémentaire pour vous ? Un défi supplémentaire de vous mettre dans la peau de deux hommes ?
Anne Icart
Oui. Et puis un challenge par rapport à moi-même et puis par rapport à certaines personnes qui me disaient que je ne savais écrire que sur les femmes. Donc, je me suis donné ce défi presque d'écrire sur les hommes et de montrer qu'une femme pouvait écrire sur les hommes. Et j'ai eu des retours plutôt sympas, plutôt positifs, me disant "oui, c'est vrai, je me suis bien reconnu", le côté, on parle pas trop, on ne se raconte pas forcément nos vies. Des relations plus pudiques, voilà que celles peut-être de deux femmes ou de deux amies ou de deux soeurs. Voilà.
Philippe Chauveau
Une belle histoire de famille, écrite avec beaucoup de sensibilité et qui nous emmène donc de l'Ariège à New York, et de 1925 à 1989. C'est une belle réussite. Anne Icart, c'est votre actualité "Lettre de Washington Square", c'est aux éditions Robert Laffont.