Jérôme Loubry

Jérôme Loubry

Les refuges

Livre 00'07'19"

Philippe Chauveau :

"Nous fuyons tous quelque chose ou quelqu'un...". C'est ce qu'indique le bandeau sur la couverture de votre troisième roman Jérôme Loubry, « Les refuges ». Le titre est énigmatique. C'est votre troisième roman chez Calmann-Lévy. Vous faites partie des petits nouveaux dans le domaine du thriller et vous réussissez brillamment à nous faire peur. Je le précise, ce sont les toutes premières pages mais elles sont importantes. Nous sommes en 2019, dans une fac, à la faculté de Tours précisément, avec un professeur qui parle à ses élèves d'une affaire remontant à 1986. Et puis on va aller encore plus loin parce qu'à un moment, dans votre roman, on va remonter jusqu'en 1949. Et pendant tout le roman, vous allez juxtaposer ces différentes périodes en nous faisant découvrir différents personnages. Difficile de parler de votre roman sans en dire trop ! il y a Suzanne mais il y a surtout sa petite fille, Sandrine, qui est jeune journaliste en province. Elle vient de prendre un nouveau poste dans une petite ville de Normandie. Qui est-elle Sandrine ?

Jérôme Loubry :

C'est une jeune femme qui vient de Paris et qui travaille dans la petite rédaction d’un journal régional. C'est quelqu'un qui a des doutes sur elle-même, qui n'est pas sûre d'elle. Sandrine apprend par un notaire que sa grand-mère, qu'elle n'a jamais connue, vient de décéder. Sa propre mère lui disait que c'était une vieille folle qui vivait sur une île recluse et qui n'envoyait jamais une lettre ou un coup de téléphone pour les anniversaires ou autres. Donc, elle avait vraiment une image très négative de cette femme. Elle va donc, par curiosité notamment, se rendre sur cette île pour aller chercher les dernières affaires de la défunte mais dès qu'elle va mettre un pied sur cette île, elle va se rendre compte que l'atmosphère est étrange. Elle va rencontrer les derniers habitants de cette île qui ont connu sa grand-mère et eux vont lui dépeindre une femme complètement différente de ce qu'elle pensait.

Philippe Chauveau :

Beaucoup moins fantasque que ce qu'on lui avait dit finalement.

Jérôme Loubry :

Exactement, beaucoup plus joviale, agréable que ce que sa mère lui avait dit, quelqu'un sur qui on pouvait compter. Donc, Sandrine va être titillée par la curiosité de connaître un peu plus l'histoire de cette grand-mère.

Philippe Chauveau :

Dans les premières pages, dans les premiers chapitres, tout semble très clair, très cartésien. Il y a donc cette jeune femme avec son parcours professionnel et qui va partir sur les traces de sa grand-mère. Mais, très vite, il y a des éléments qui se révèlent assez surprenantes, assez surréalistes. Par exemple, la rencontre avec le notaire se passe bizarrement, lorsqu'elle prend le bateau pour aller sur cette île ce qu'on lui dit semble aussi assez étonnant. Parlons de cette île ? Comment l’avez-vous imaginée ? Sur cette île où vous allez entraîner Sandrine, vous avez choisi d'y implanter, dans les années 1950 un camp de vacances. Elle sort de votre imagination cette île ?

Jérôme Loubry :

Oui tout à fait. Je ne voulais pas me servir d'une île qui existe. Je voulais vraiment inventer cet endroit pour pouvoir y disposer ce camp de vacances construit à la sortie de la guerre et pour donner une teinte légèrement onirique ou fantastique. Je ne voulais pas que les lecteurs découvrent cette île en pensant à une île existante.

Philippe Chauveau :

Forcément, il va y avoir des situations surprenantes dans lesquelles Sandrine va se retrouver perdue. Mais, au-delà du côté thriller et roman noir que vous avez su écrire, vous abordez de nombreuses thématiques. Il y a les relations familiales, il y a la folie qui semblent planer sur certains personnages de ce roman. Et ainsi, le lecteur est interpellé. Il y a le plaisir de lecture bien sûr mais le lecteur est interpellé par les nombreuses thématiques que vous développez. C'était d'ailleurs déjà le cas dans « Le douzième chapitre ».

Pourquoi est-ce important pour vous, en tant qu'auteur, que ce ne soit pas une simple lecture, une lecture gratuite ?

Jérôme Loubry :

Quand j'écris un livre, je veux plonger le lecteur dans une atmosphère dérangeante. Je ne veux pas que ce soit une lecture facile, une lecture où on lit sans se poser de questions. Je veux un livre qui touche le lecteur, que ce soit par le sujet ou par les personnages. Ainsi, que ce soit le deuil, les relations familiales, Alzheimer par exemple comme dans « Le douzième chapitre », ce sont des sujets d'actualité, des sujets qui touchent tout le monde et j'aime travailler comme ça parce que cela positionne le lecteur dans une situation inconfortable.

Philippe Chauveau :

L'enfance est un fil rouge dans votre écriture. Pourquoi ? La fragilité de l'enfance, la violence de l'enfance, ce sont des thèmes que l'on retrouve dans vos romans.

Jérôme Loubry :

Pour moi, c'est important, et c'est le sujet de tous mes livres pour l'instant, c'est l'équilibre fragile, instable, de l'enfance. L’enfance peut être heureuse, fixe, définie mais elle peut parfois basculer, par des gestes extérieurs ou des rapports compliqués. Ce ne sont pas de mauvais souvenirs forcément mais des petites cicatrices qui, plus tard, s'ouvriront de toute manière. Donc, pour moi, c'est important de dire au lecteur, à ma façon, attention aux enfants. Une parole de trop ou un geste de trop peut laisser des cicatrices.

Philippe Chauveau :

Vous savez habilement brouiller les pistes, ce qui veut dire que le lecteur s'attache à des personnages qui ne sont pas forcément les plus sympathiques à la fin de l'histoire. Et puis, vous savez aussi nous nous mettre dans des situations qui parfois sont déroutantes. Et, au-delà du plaisir de lecture, il y a certains passages qui sont assez dérangeants. Etes-vous dans le même état d'esprit lorsque vous vous écrivez ?

Jérôme Loubry :

Pire ! Parce que, quand on écrit, quand on se plonge dans le personnage pour le décrire de la manière la plus juste, on partage ce que ce personnage vit, on partage ses souffrances ou ses joies. Notamment dans « Les refuges », j'étais content d'avoir terminé de l'écrire. Cela a été une écriture intense et, comme pour le lecteur que cela interpelle, parfois, ça fait un peu mal, il y a des situations qui peuvent être douloureuses à écrire. Donc, oui, vraiment, j'étais content d’avoir terminé ce roman et de sortir de ce personnage de Sandrine et de tout ce qui l'entoure. Il faut faire le deuil, se dire que lorsque le livre est terminé, il ne m'appartient plus. Il faut dire au revoir à Sandrine et aux autres personnages pour pouvoir avancer et recommencer.

Philippe Chauveau :

Voilà un livre qui se dévore de la première à la dernière page et vous n'êtes pas au bout de vos surprises, c'est une vraie réussite. Jérôme Loubry, « Les refuges » votre roman est publié chez Calmann-Lévy. Merci beaucoup.

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  • Quand il évoque son parcours d’auteur, Jérôme Loubry n’hésite pas à parler d’un conte de fées. Dès l’adolescence, dans sa ville natale de Saint Amand Montrond, il dévore les livres qu’un ami de la famille lui ramène de l’imprimerie locale, là où nombre de maisons d’éditions font publier leurs ouvrages. Mary Higgins Clark, James Elroy, Stephen King deviennent ainsi des familiers de Jérôme Loubry et auront une influence sur sa vie à venir. Nul doute que son envie d’écrire lui vient de là ! Après avoir...Les refuges de Jérôme Loubry - Présentation - Suite
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