François d’Epenoux vient du monde de la publicité. En 1995, il publie son premier roman « Gégé ». Depuis, on le retrouve régulièrement en librairie. Et cela lui réussit plutôt bien. A travers une écriture contemporaine mais recherchée à la fois, des thématiques qui parlent à chacun d’entre nous, une sensibilité qui ne verse jamais dans la sensiblerie, François d’Epenoux a su se démarquer et construire son propre univers. Parmi ses précédents titres, rappelons que certains ont été adaptés au cinéma comme...
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Philippe Chauveau : Bonjour François d'Epenoux.
François d'Epenoux : Bonjour.
Philippe Chauveau : « Le presque » c'est votre actualité aux éditions Anne Carrière, c'est déjà votre 11e titre. Vous évoluez dans le domaine de la publicité, est-ce qu'il y a une passerelle entre la publicité et l'écriture romanesque?
François d'Epenoux : Oui, les deux s'enrichissent mutuellement, la publicité nous apprend le rythme et la concision et c'est quelque chose que l'on retrouve parfois dans les dialogues de mes romans. Il y a un...
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Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman « Le presque » nous faisons connaissance avec Marc. On pourrait croire qu'il a plutôt réussi sa vie, il a 54 ans, il a une jolie femme, Chloé, deux enfants, il travaille dans l'immobilier, il a un bel appartement, mais il n'est pas heureux. Qui est-il?
François d'Epenoux : C'est un homme ordinaire qui cache pas mal de cases. Il ne ferait pleurer personne, ça va plutôt pour lui, mais il est sincèrement malheureux et toute la question est de savoir s’il a le droit d'être malheureux...
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François d'Epenoux
Le presque
Présentation 2'05"François d’Epenoux vient du monde de la publicité. En 1995, il publie son premier roman « Gégé ». Depuis, on le retrouve régulièrement en librairie. Et cela lui réussit plutôt bien. A travers une écriture contemporaine mais recherchée à la fois, des thématiques qui parlent à chacun d’entre nous, une sensibilité qui ne verse jamais dans la sensiblerie, François d’Epenoux a su se démarquer et construire son propre univers. Parmi ses précédents titres, rappelons que certains ont été adaptés au cinéma comme « Les papas du dimanche » ou « Deux jours à tuer » avec Albert Dupontel. L’une des spécificités de François d’Epenoux est de mettre l’homme au cœur de ses romans. L’homme, celui que l’on croit insubmersible, le mari, le père de famille, le travailleur, celui qui dans la littérature contemporaine a souvent le mauvais rôle, étant souvent soit un salaud, soit un insignifiant. François d’Epenoux, lui, aime à rappeler la fragilité de l’homme. Il aborde à nouveau ce thème avec le personnage de Marc. Bel homme, une femme adorable Chloé, deux enfants, un appartement confortable à Paris et une belle situation. Mais à 54 ans, Mars n’en peut plus de jouer un rôle qui n’est plus sien. Il a presque réussi sa vie. Mais ce presque cache un gouffre dans lequel Marc est à deux doigts de tomber. Face à cette situation, et pour tenter de le faire réagir, sa femme lui propose un peu de liberté. Un deal que Marc accepte au grand dam de ses proches. Seul dans une chambre de bonne, face à ses démons, entre le temps déjà écoulé et celui qui lui reste, Marc trouverat-il le bon chemin ? Un anti-héros de notre temps, une écriture délicate, des sentiments qui affleurent sans tomber dans le mélo, François d’Epenoux signe encore une fois un roman d’une grande sensibilité. « Le presque » de François d’Epenoux, est publié aux éditions Anne Carrière.
François d'Epenoux
Le presque
Portrait 7'19"Philippe Chauveau : Bonjour François d'Epenoux.
François d'Epenoux : Bonjour.
Philippe Chauveau : « Le presque » c'est votre actualité aux éditions Anne Carrière, c'est déjà votre 11e titre. Vous évoluez dans le domaine de la publicité, est-ce qu'il y a une passerelle entre la publicité et l'écriture romanesque?
François d'Epenoux : Oui, les deux s'enrichissent mutuellement, la publicité nous apprend le rythme et la concision et c'est quelque chose que l'on retrouve parfois dans les dialogues de mes romans. Il y a un peu de presse et de scénario, toutes ces facettes de l'écriture s'enrichissent les unes les autres.
Philippe Chauveau : On a l'habitude de voir la publicité dans un monde d’effervescence où l’on est à plusieurs pour cogiter alors que l'écriture nécessite plus de solitude, de temps, de réflexion. L’écriture est-elle pour vous une parenthèse ?
François d'Epenoux : Oui, ce sont deux natures de prestations totalement différentes mais qui se complètent bien, moi, cela me convient. Ma véritable vocation, c'est l'écriture romanesque mais la pub je la prends comme un jeu nécessaire parce qu'il est alimentaire et c'est un travail d'équipe qui fait du bien par rapport au travail solitaire du romancier. Cela dit, mes conditions de travail pour mes romans sont dans un open space, dans une agence de communication où tout le monde parle, il y a de la musique... Cela désamorce l'angoisse de la page blanche et inscrit l'écriture romanesque dans un contexte très quotidien qui me va bien.
Philippe Chauveau : Vous avez fait votre apparition en 1995 avec « Gégé ». Pourquoi ce besoin d'écrire, d'être publié? Sont-ce les hasards de la vie qui vous ont amené à l'écriture? Comment analysez-vous votre parcours?
François d'Epenoux : Cela a été un concours de facteurs différents qui se sont conjugués. Il y a eu une espèce de volonté d'écrire à partir du moment où j'ai découvert les textes, au lycée, en seconde littéraire. J'ai commencé avec des petites nouvelles, des poèmes et c'est aussi une vocation par défaut parce que dans ma famille, nous sommes tous nuls en sciences et mon père était journaliste. Cela a vraiment été une nécessité, j'ai besoin de l'écriture comme de l'oxygène, la vie ne me suffit pas, je la trouve parfois trop attendue, trop prévisible, trop organisée. J'ai l'impression d'être sur une autoroute et j'ai besoin de ces petits chemins que l’on voit partir dans la campagne ; l'écriture représente ces petits chemins.
Philippe Chauveau : En 2001 vous avez publié « Deux jours à tuer » qui a été adapté au cinéma, puis « Les papas du dimanche » qui a aussi été adapté. Le fait qu'il y ait eu des adaptations cinématographiques de vos romans a-t-il changé votre façon d'écrire, votre façon de percevoir le romanesque?
François d'Epenoux : Je pense que j'ai d'avantage recours au dialogue aujourd'hui. On pourrait se dire que j'écris pour les adaptations, mais non, le fait d'avoir écrit pour des scénarios de films m'a appris l'efficacité du dialogue. Dans mes premiers livres, il y avait beaucoup de narrations, je me faisais la plume à travers des descriptions très longues parfois trop longues peut-être. Mon éditeur me disait : « Attention de ne pas te regarder écrire. » J'apprenais le métier. Aujourd'hui je me rends compte de l'efficacité redoutable du dialogue. Il dit beaucoup de choses et il désamorce le coté trop pontifiant de la narration, ou trop littéraire, il donne de l'humour, il inscrit dans la vie, et il est peut-être moins solennel que certaines descriptions. J'y ai recours plus facilement aujourd'hui depuis que j'ai travaillé sur des scénarios à plusieurs reprises.
Philippe Chauveau : C'est souvent un homme qui tient le premier rôle dans vos romans, souvent des hommes en fragilité, en désespérance. Pourquoi ce besoin d'écrire sur la fragilité masculine?
François d'Epenoux : Sans doute parce qu'il y a une part de moi-même très forte et que je me révèle à travers ça. J'ai le sentiment que mes romans me rattrapent et que c'est inconscient chez beaucoup d'auteurs. Chaque roman est une pièce du puzzle. Dans ma vie, je n'ai pas toujours l'occasion de révéler mes fragilités parce qu'il faut que j'avance, que je m'organise, que je gagne ma vie etc... Pour moi le roman est essentiel, c'est sans doute le moment où je me révèle. J'ai eu une éducation où l’on n'avait pas le droit de se plaindre, on gardait tout pour soi. Heureusement que j'ai ces livres pour m'exprimer parce qu'autrement je serais devenu complètement fou, ou complètement névrosé ou encore plus névrosé que je ne le suis ! Comme je suis un homme, ce sont souvent des personnages masculins parce que je me retrouve en eux et j'ai besoin de croire en leurs histoires. Je crois d'avantage en des histoires d'hommes, parce que je fais d'avantage corps avec des hommes qu'avec des femmes. Cela dit, pour mon deuxième roman, je m'étais glissé dans la peau d'une femme, c'était d'ailleurs très amusant comme exercice.
Philippe Chauveau : En tout cas votre actualité met encore en scène un homme, c'est Marc. « Le presque », c'est votre nouveau roman publié aux éditions Anne Carrière.
François d'Epenoux
Le presque
Livre 6'12"Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman « Le presque » nous faisons connaissance avec Marc. On pourrait croire qu'il a plutôt réussi sa vie, il a 54 ans, il a une jolie femme, Chloé, deux enfants, il travaille dans l'immobilier, il a un bel appartement, mais il n'est pas heureux. Qui est-il?
François d'Epenoux : C'est un homme ordinaire qui cache pas mal de cases. Il ne ferait pleurer personne, ça va plutôt pour lui, mais il est sincèrement malheureux et toute la question est de savoir s’il a le droit d'être malheureux compte tenu des conditions de sa vie.
Philippe Chauveau : Il est pourtant bien entouré : Chloé son épouse cherche à le comprendre, cherche à le faire parler, essaye de le protéger, trop peut-être. Il y a aussi Yann et Paula qui sont les amis de toujours qui essaient de le remuer un peu. C'est quoi finalement? Un coup de déprime? La cinquantaine qui ne passe pas bien?
François d'Epenoux : Oui, je pense que c'est la cinquantaine qui ne passe pas bien et qui est la quarantaine d'y a quelques années. Je pense que les hommes vivent leurs 40ans à 50ans, cette crise de milieu de vie. Son meilleur ami Yann qui vit sa vie à fond lui dit que ce n'est rien, simplement une crise, « tu nous fais un caprice d'enfant gâté ». Mais ils se rendent compte que ce n'est pas une posture, que ce n'est pas une façon d'attirer l'attention. Selon des critères objectifs, on peut le trouver grotesque mais lui ne se sent vraiment pas bien, triste, malheureux, déprimé comme s’il avait raté quelque chose et qu'il fallait qu'il se dépêche pour le rattraper.
Philippe Chauveau : Parmi les projets qu'il n'a pas réussi à accomplir il y a l'écriture d'un grand roman. C'est un peu l'écrivain maudit et ses proches ont du mal à le comprendre.
François d'Epenoux : Exactement, c'est un homme qui a des prédispositions à l’écriture. Il s'était rêvé une vie d'aventure, de panache et au final, il a une vie heureuse mais un peu banale. Il se rend compte qu'il a été embarqué dans une espèce de train de la vie : mariage, enfants, métier, crédits, appartement, location... Tout ce qui nous emporte parfois sans qu'on s’en rende compte. Cela a été mon cas, je me retrouve dans ce personnage, je l'assume, une espèce de crise de conscience. Est-il légitime d'espérer mieux de la vie ou est-ce juste une sorte de chimère d'enfant gâté qui ne mesure pas la chance qu'il a déjà.
Philippe Chauveau : Voilà ce que Marc pense de sa vie à un moment du roman : « Et merde. Tout est imbriqué, bien rangé, bien emboîté, pas une pièce du puzzle qui soit de traviole, qui ait un peu de jeu, pas une pièce qui manque ! A chaque année son puzzle de 365 pièces, avec une jolie photo de famille sur la boîte ! Toujours les mêmes tronches... les mêmes paysages, les mêmes monuments... les mêmes nuits, les mêmes jours... Patience, encore quelques boites de puzzle et ce sera l'heure de la dernière boîte. La grande, celle qu'on met en terre. Après, ce sera trop tard pour chialer. » C'est un anti-héros Marc. Parfois, on a envie qu'il se secoue, on a pas forcément envie de le prendre en sympathie.
François d'Epenoux : Je reconnais qu'il est un peu agaçant, des lecteurs me disent qu'ils ont un peu envie de le secouer, mais c'est toute la question. Le regard des autres qui se posent sur lui, selon des critères légitimes, on se dit que ce type fait une crise, mais lui, il est absolument sincère dans sa dépression. D'ailleurs il y a des gens très beaux, très riches qui font des dépressions terribles et on ne comprend pas. Ses copains lui disent « bois un coup et ça ira mieux » mais ils se rendent compte assez vite que ça va vraiment mal.
Philippe Chauveau : Il est important de parler de Chloé qui est l'épouse de Marc. Elle propose un deal à son mari en lui offrant un peu de liberté pour qu'il se reconstruise et voilà comment Marc se retrouve tout seul dans une petite chambre de bonne. Comment avez-vous construit le personnage de cette épouse?
François d'Epenoux : J'ai puisé dans des modèles que je connais bien. Là aussi, j'ai façonné un personnage à partir de plusieurs amies, y compris ma propre épouse par moments. J'en ai fait un personnage courageux, « jusqu'au boutiste » qui ne supporte pas ces situations un peu bancales, il faut trancher, il faut faire des choix. Sans révéler l'intrigue, à un moment, elle le met au pied du mur, elle lui fait ce cadeau empoisonné, elle lui donne trop de liberté ce qui lui créé un vertige, un vide.
Philippe Chauveau : Vous auriez aimé avoir Marc comme ami?
François d'Epenoux : Oui j'aurais aimé avoir le rôle de Yann, j'aurais aimé être avec lui pour mieux me débarrasser de mes propres angoisses parce que dans le service que l'on rend aux autres, il y a sans doute une façon de se libérer soi-même.
Philippe Chauveau : Un roman qui parle de nous, qui parle de nos sociétés occidentales contemporaines, beaucoup de sensibilité et une belle écriture, merci
François d'Epenoux. « Le presque » c'est votre nouveau titre et vous êtes publié chez Anne Carrière, merci. François d'Epenoux : Merci.