Voilà le premier livre de Gregor Péan. Et pourtant cet auteur a déjà une dizaine de titres à son actif. Comment donc ? Jusqu’à présent, c’est effectivement sous le nom de Jean Gregor que Gregor Péan était connu en librairie. Au décès de son père, le journaliste et enquêteur Pierre Péan, et ayant écrit lui-même un roman intitulé « Le dernier livre de Jean Gregor », ce dernier a estimé qu’il était temps de reprendre sa véritable identité.Parmi ses précédents titres, « Transports en commun », « L’ami de...
La seconde vie d'Eva Braun de Gregor Péan - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Grégor.
Grégor Péan
Bonjour.
Philippe Chauveau
La seconde vie d'Eva Braun, c'est votre actualité. C'est chez Robert Laffont. On vous connaît déjà en librairie avec une production déjà assez conséquente. On vous connaît, mais en même temps, vous allez brouiller les pistes parce qu'on vous connaît avant tout sous le nom de Jean Grégor. Et puis là, pour la première fois, vous publiez sous votre vrai nom Grégor Péan. Alors, avant toute chose, peut-être une explication. Pourquoi ce besoin...
La seconde vie d'Eva Braun de Gregor Péan - Portrait - Suite
Philippe Chauveau
Une couverture qui ne passe pas inaperçue avec cette photo colorisée d'Adolf Hitler et de sa maîtresse, qui fut sa femme dans les derniers jours, Eva. Eva Braun, La seconde vie d'Eva Braun. Vous avez eu envie de nous raconter le destin de cette jeune femme que l'Histoire nous a toujours montré comme une ravissante idiote, et qui se serait suicidée le 19 avril 45 dans le bunker avec Hitler son compagnon. Et puis finalement, vous nous dites « Non, non, ce n'était pas ça. Il s'est passé autre chose. » Drôle...
La seconde vie d'Eva Braun de Gregor Péan - Livre - Suite
Gregor Péan
La seconde vie d'Eva Braun
Présentation 00'02'21"Voilà le premier livre de Gregor Péan. Et pourtant cet auteur a déjà une dizaine de titres à son actif. Comment donc ? Jusqu’à présent, c’est effectivement sous le nom de Jean Gregor que Gregor Péan était connu en librairie. Au décès de son père, le journaliste et enquêteur Pierre Péan, et ayant écrit lui-même un roman intitulé « Le dernier livre de Jean Gregor », ce dernier a estimé qu’il était temps de reprendre sa véritable identité.
Parmi ses précédents titres, « Transports en commun », « L’ami de Bono », « Femme seule devant sa glace » ou « L’ombre en soi », Gregor Péan témoigne d’un fort talent littéraire. Dans ses histoires, les personnages simples viennent se cogner aux mutations de la société, les silences font parfois plus de bruit que les longs discours, l’écriture audacieuse et franche ne laisse pas indifférent.
Avec son nouveau roman « La seconde vie d’Eva Braun », Gregor Pean confirme cette aisance à aborder des thématiques inattendues avec un style qui lui est propre. Comme une uchronie, l’auteur invente donc un autre destin à la maîtresse d’Hitler.
Et si celle-ci n’était pas morte dans le bunker du Führer en avril 1945, et si elle avait été exfiltrée et emprisonnée en Union soviétique, où une interprète la questionnait selon les bons vouloirs de Staline. Que serait-elle devenue ? Aurait-elle pris conscience du monstre qu’était celui dont elle partagea la vie ?
Sur cette question, Gregor Péan construit un roman fascinant et dérangeant, à l’image de cette photo colorisée qui habille la couverture du livre. Eva Braun n’était-elle qu’une gentille idiote, telle que la Grande histoire l’a toujours présentée ? Ouvrant son récit comme une farce et imposant une gravité au fil des chapitres, Gregor Péan interpelle le lecteur, au propre comme au figuré, nous invitant à réfléchir sur les notions d’humanité et de culpabilité. Dans cette seconde vie, face aux outrages que subit Eva Braun dans sa geôle stalinienne, la rendant fragile, il nous pousse à nous attacher à elle. Mais peut-on et doit-on avoir de la compassion pour la femme du monstre ?
Ce roman est fort, violent, déroutant, formidablement écrit. C’est un coup de cœur.
« La seconde vie d’Eva Braun » est publié chez Robert Laffont.
Gregor Péan
La seconde vie d'Eva Braun
Portrait 00'05'56"Philippe Chauveau
Bonjour Grégor.
Grégor Péan
Bonjour.
Philippe Chauveau
La seconde vie d'Eva Braun, c'est votre actualité. C'est chez Robert Laffont. On vous connaît déjà en librairie avec une production déjà assez conséquente. On vous connaît, mais en même temps, vous allez brouiller les pistes parce qu'on vous connaît avant tout sous le nom de Jean Grégor. Et puis là, pour la première fois, vous publiez sous votre vrai nom Grégor Péan. Alors, avant toute chose, peut-être une explication. Pourquoi ce besoin de reprendre votre nom pour ce nouveau livre ?
Grégor Péan
Alors besoin, ce n'est peut-être pas le mot. C'est peut-être une suite logique, on va dire une suite logique parce que je me suis appelé Jean Grégor, qui sont d'ailleurs mes deux premiers prénoms parce que mon père, Pierre Péan, était un journaliste écrivain qui faisait du bruit, on va dire. J'ai eu, depuis 1996, mon premier livre publié, le besoin d'exister dans mon propre domaine. Et ça a duré 20 ans avec Jean Grégor, mon père étant décédé. Paix à son âme. Et Dieu sait si on s'entendait merveilleusement. Peut-être que je me suis laissé aller à l'idée que reprendre mon nom était une évidence. Et d'autant plus que j'ai le sentiment qu'avec le dernier livre que j'ai écrit, qui s'appelle Comme ils vivaient et que j'ai écrit avec Pierre Péan, justement, j'ai eu un sentiment de bienveillance et de passage de relais. C'est comme s’il m'avait dit OK, fiston, vas-y, continue sous le nom de Péan.
Philippe Chauveau
Ce qui veut dire que l'aventure littéraire se poursuit, mais sous votre vrai nom, Grégor Péan. Vous l'avez rappelé, 96, c'est la sortie de votre premier titre, Turbulences, ensuite, il y a eu Transports en commun, Femme nue devant sa glace, entre autres. Votre goût pour l'écriture, votre amour pour les livres, là aussi, c'est de la transmission familiale. C'est votre père qui vous met le pied à l'étrier ?
Grégor Péan
Ça, c'est la vraie question. Il y a un mélange. Toute ma jeunesse, j'ai vu mon père ramener des livres, les livres qui sortaient, et on l’affichait dans la bibliothèque. Il y avait une espèce d'excitation autour de la sortie du livre, donc l'objet livre, je pense qu'il est quelque chose de sacré dans la famille. Et en revanche, moi je revendique une part de génération spontanée, ce désir de raconter des histoires de A à Z, prendre le lecteur, avancer des pions et finir par le saisir, e à la fin, qu’ils se disent « J'ai passé un bon moment ». C'est vraiment ce qui me plaît le plus, c'est raconter des histoires, tout simplement.
Philippe Chauveau
96, c'est la sortie de Turbulences. Et il y a ce détail qui est intéressant de votre vie, c'est que vous travaillez vous-même dans l'aéronautique. C'est votre métier. Pourquoi est-ce qu'il y avait un lien justement que votre premier roman se passe dans les airs ?
Grégor Péan
Une évidence puisque je suis tellement fou d'avion et d'ailleurs fou de machines en règle générale, j'adore les motos, j'adore les voitures. C'est presque une obsession. J'étais tellement fou d'avion que je me rappelle. Quand j'avais 20 ans, je prenais mes jumelles et je me mettais au bout de l'aéroport et j'arrivais d'ailleurs, j’étais comme ce qu’on appelle les traisnspotter ou les planespotter, j'arrivais à reconnaître tel et tel avion. Et aujourd'hui, ça fait partie de mes qualités, si on peut parler de qualité, je reconnais tous les avions et en plus je travaille dans l'aviation.
Philippe Chauveau
Vous faites un lien entre ces deux passions que sont l'aviation et l'écriture. Êtes-vous le même homme lorsque vous êtes à votre table de travail que lorsque vous êtes sur les pistes ?
Grégor Péan
Je ne sais pas quel est le lien. Peut-être que la fascination d'une machine, peut-être que si on considère un livre comme une machine qui fonctionne plus ou moins bien, peut-être qu'on peut faire le parallèle. Mais encore une fois, l'écriture de mes livres, c'est vraiment une façon de vivre des vies différentes. Et après, je suis allé dans d'autres domaines. Là, l'aviation, c'est vraiment mon métier. En dehors de l'écriture, puisque l'écriture quelque part… J'écris le soir, j'écris le week-end. Je vis complètement cette passion et je pense que finalement, c'est devenu de deux choses différentes. Et l'un nourrit l'autre. L'un compense l'autre. Je suis très content quand j'en ai marre, sur la piste, il y a trop d'avions, de retrouver mon écriture et je suis très content quand j'ai des frustrations dans l'écriture, d'avoir mon métier où la richesse humaine me nourrit aussi bien sûr. Parce qu'un métier, c'est aussi beaucoup de rencontres et une richesse, une pâte humaine, un matériau humain très fort.
Philippe Chauveau
En conclusion, que vous apporte l'écriture dans votre vie, que ne vous apporte peut-être pas votre profession ? C'est une protection, c'est l'occasion d'aborder d'autres mondes. C'est une rencontre avec vous-même ?
Grégor Péan
Ce que ça m'apporte le plus, c'est de ne pas être qu'un. Je suis plusieurs du coup, je ne me sens pas bloqué, je ne me sens pas piégé. Je crois que si j'étais salarié et que je n'avais pas d'autres espaces d'expression, de liberté, ça me gênerait plus. Donc je ne suis pas qu'un. Et en plus, j'ai envie de dire que c'est mon loisir numéro un. Je ne regarde pas la télé, le soir, quand je rentre chez moi, une fois sur deux, j'écris mon livre. Je tisse mon livre. Donc c'est un loisir et à la fois une manière de ne pas être uniquement dans un seul domaine.
Philippe Chauveau
Vous tissez votre livre. L'expression est belle, votre actualité, Grégor Péan, chez Robert Laffont, ça s'appelle de La seconde vie d'Eva Braun.
Gregor Péan
La seconde vie d'Eva Braun
Livre 00'07'17"Philippe Chauveau
Une couverture qui ne passe pas inaperçue avec cette photo colorisée d'Adolf Hitler et de sa maîtresse, qui fut sa femme dans les derniers jours, Eva. Eva Braun, La seconde vie d'Eva Braun. Vous avez eu envie de nous raconter le destin de cette jeune femme que l'Histoire nous a toujours montré comme une ravissante idiote, et qui se serait suicidée le 19 avril 45 dans le bunker avec Hitler son compagnon. Et puis finalement, vous nous dites « Non, non, ce n'était pas ça. Il s'est passé autre chose. » Drôle d'histoire. Pourquoi avoir eu envie de vous emparer du destin de cette jeune Allemande fascinée par le Führer ?
Grégor Péan
J'avais accumulé beaucoup de matériaux et j'avais donc la possibilité d'écrire autre chose qu'un documentaire, autre chose qu'un essai. Ça, ça s'est cumulé avec l'idée que les gens qui n'avaient pas eu le courage de dire, d'assumer ce qu'ils avaient fait, je pense par exemple à Goering qui s'est suicidé en prison, Hitler qui s'est suicidé, et Himmler qui a mangé sa petite capsule de cyanure, etc. Je trouvais que c'était trop facile. Donc j'avais envie par le biais du roman, c'est ça que le roman nous permet, de prendre Eva Braun, de la sortir de sa situation un peu facile de suicide et de la questionner d'une certaine manière. Et je l'ai mise surtout entre les griffes des soldats russes et ça m'a permis, pour le coup, d'explorer la guerre, l'après-guerre, et en fait les résultats dramatiques du côté russe.
Philippe Chauveau
Justement, sans trahir l'intrigue, mais on aura compris que Eva Braun est exfiltrée du bout du bunker et qu'en fait, il y aura une pâle copie qui va la remplacer, et puis surtout, on va retrouver Eva Braun effectivement dans une cave, dans une prison soviétique, où elle sera interrogée par une traductrice, Natacha Petrovna. C'était l'occasion aussi de confronter deux femmes, deux femmes qui sont sensées être ennemies par leur nationalité mais qui, peut-être, peuvent se comprendre ou pas. C'est toute la difficulté. C'était important cette confrontation des deux femmes. Parce que le personnage de Natacha est aussi un élément capital de votre roman.
Grégor Péan
Oui, alors justement, quand je vous disais que j'avais un besoin de d'exprimer, de raconter la guerre du point de vue russe, le personnage de Natacha Petrovna, donc la traductrice militaire qui avance avec l'armée de Joukov, jusqu'à Berlin et qui va devenir la traductrice et l’un des personnages principaux du livre, qui va devenir le seul trait d'union entre Eva Braun et le monde. Cette femme, elle était importante, d'abord par son point de vue et ensuite parce que caricaturalement, elle est j'ai envie de dire, le pendant d’Eva Braun, l'aspect illuminé et l’aspect lumière alors qu’Eva Braun est l'aspect sombre quelque part. Il fallait qu'on mette en perspective si vous voulez. Si j'avais eu que Eva Braun, ça aurait été plus compliqué de faire le portrait d'Eva Braun.
Philippe Chauveau
Alors forcément, vous parlez indirectement d'Hitler puisqu'il se suicide dès le début du roman.
Mais il y a Staline qui est bel et bien présent dans le roman. Vous écrivez un moment. « Joseph Staline a suivi avec une attention particulière la mort de son ennemi Adolf Hitler. La nouvelle de sa mort l'a secoué, comme on peut le deviner. Certes, il a haï Hitler comme nul autre, mais ce n'est pas si simple. Entre eux, il ne s'agit pas d'une petite baston à la sortie d'un bar. C'est la plus grande bataille de tous les temps. Derrière chaque protagoniste, des millions d'hommes et de femmes. Le jeu des puissances, des toutes-puissances était aussi un jeu de miroir. C'est un peu de lui-même que Staline a trouvé chez le dictateur allemand ». C'est-à-dire que finalement, Staline-Hitler, Hitler-Staline, même combat ?
Grégor Péan
Oh oui, oui, oui. C'est-à-dire qu'à ce niveau de puissance… En fait, quand on lit sur Hitler, sur Staline, on réalise qu'il y a déjà énormément de similitudes, il y a ce goût insensé du pouvoir. Et Hitler et Staline, ils vivent les mêmes choses d'une certaine manière, mais chacun d'un côté. Et à la fois, oui, presque, une sorte d'amour haine entre l'un et l'autre.
Philippe Chauveau
La question qui est le fil rouge du roman, c'est Eva Braun, finalement, était-elle au courant de tout ce qui se passait ? Savait-elle qui était réellement Adolf Hitler ?
Grégor Péan
Alors après elle, elle n'a pas une implication dans le nazisme Eva Braun, elle est cette petite idiote, elle est amoureuse, et elle ne se rend pas compte. Elle ferme les yeux. On lui dit de pas parler politique, elle donne la papatte et elle caresse son Führer dans le sens du poil.
Philippe Chauveau
Vous écrivez « Regardez Eva à mené inévitablement à s'interroger sur l'humanité, enfin, sur ce qu'est une vie d'être humain ». Est-ce que finalement, en ne faisant pas mourir Eva Braun dans le bunker d'Hitler, ce n'est pas mettre le peuple allemand de 1945 derrière le personnage d'Eva Braun et de lui faire poser cette question. Comment redémarrer quand on a accompagné un dictateur ?
Grégor Péan
Evidemment, c'est aussi une des questions même si c'est un sujet tellement compliqué, la dénazification est d'ailleurs beaucoup d'historiens vont vous dire qu'elle n'a jamais eu lieu et que tous les grands appareils d'Etat étaient truffés d'anciens, si ce n'est nazis, en tout cas personnages qui avaient appartenu aux postes clés du troisième Reich, etc etc. Donc ça c'est un sujet très compliqué, mais en effet ça dépasse Eva Braun. C'est une interrogation sur l'être humain. Qu'est-ce qu'il est capable de faire ? Est-ce qu'on peut se remettre en question à partir de 40 ans dans la mesure où on perd tout ? Est-ce qu'on est, tous les êtres qui nous entourent, est-ce qu'on n'est qu'un être social ? Bon, je dois avouer que ce livre commence comme une farce. Et je pense qu'il se transforme de plus en plus en tragédie. Et c'était un peu mon objectif.
Philippe Chauveau
Et pour parler de ce sujet complexe et de ce personnage bien méconnu de la grande Histoire, vous faites le choix d'une écriture très contemporaine, parfois même vous interpellez le lecteur. Vous employez des mots du vocabulaire parlé. Vous faites aussi une économie de dialogues, donc une véritable œuvre littéraire. Quelle a été l'envie de l'écriture de ce roman ?
Comment avez-vous travaillé l'écriture ?
Grégor Péan
Alors j'aimais bien l'idée de l'écriture décomplexée. Pourtant, sur un livre qui flirte avec l'historique.
Philippe Chauveau
C’est pour dédramatiser le sujet ?
Grégor Péan
C'est pour amener plus de proximité entre le lecteur et la situation. Donc j'avais envie d’y cool et de pas... Je ne suis pas un historien, je ne fais pas un livre d'histoire, je raconte une histoire qui se passe dans l'Histoire.
Philippe Chauveau
Voilà en tout cas un livre, un roman qui ne laisse pas indifférent. Assez glaçant aussi par certains moments, mais portée par une très belle écriture. C'est un véritable coup de cœur. Ça s'appelle La Seconde vie d'Eva Braun et vous êtes publié aux éditions Robert Laffont. Merci beaucoup.
Grégor Péan
C'est moi qui vous remercie.