Voilà un livre à contre-courant, un livre qui n'est pas forcément dans l'air du temps, un livre qui n'est peut-être pas politiquement correct. Et pourtant…Jean-René Van der Plaetsen est journaliste, directeur délégué à la rédaction du Figaro Magazine. Avec cet essai « La nostalgie de l'honneur », il publie ici son premier livre. Il nous raconte son grand-père maternel, Jean Crépin, qui fut compagnon de la Libération, général d'armée, héros de Bir Hakeim, proche de De Gaulle et du maréchal Leclerc notamment.Mais ce...
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Philippe Chauveau :Bonjour Jean-René Van der Plaetsen Jean-René Van der Plaetsen :Bonjour Philippe, Philippe Chauveau :Merci d'être avec nous. Vous êtes dans l'actualité littéraire, « La nostalgie de l'honneur » ; c'est votre premier titre publié et vous venez d'obtenir le prix Interallié. On va parler de cet ouvrage mais faisons auparavant un peu connaissance. Vous êtes directeur délégué à la direction du Figaro Magazine. Pourquoi le journalisme dans votre vie ? Vous avez fait pas mal de choses, des études...
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Philippe Chauveau :
Avec ce qui est votre premier titre, Jean-René Van der Plaetsen, ce n'est pas un roman même si on sent un peu de volonté romanesque dans la construction. Vous nous racontez votre grand-père maternel, Jean Crépin, qui fut un compagnon de la Libération, qui fut général d'armée, un homme pour lequel vous aviez une grande admiration et un grand attachement, c'est ce que l'on ressent au fil des pages. Quelle image gardez-vous de votre grand-père ? Est-ce que, lorsque vous pensez à lui, c'est tout de suite le...
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Jean-René Van der Plaetsen
La nostalgie de l'honneur
Présentation 2'09Voilà un livre à contre-courant, un livre qui n'est pas forcément dans l'air du temps, un livre qui n'est peut-être pas politiquement correct. Et pourtant…
Jean-René Van der Plaetsen est journaliste, directeur délégué à la rédaction du Figaro Magazine. Avec cet essai « La nostalgie de l'honneur », il publie ici son premier livre. Il nous raconte son grand-père maternel, Jean Crépin, qui fut compagnon de la Libération, général d'armée, héros de Bir Hakeim, proche de De Gaulle et du maréchal Leclerc notamment.
Mais ce livre n'est pas une biographie, ni un recueil de souvenirs personnels. C'est bel et bien un essai sur une époque où les idéaux, le courage, la fidélité étaient de mise. Une époque où l'on pouvait faire le choix d'endosser un uniforme non par esprit belliqueux mais bien pas esprit de grandeur, de défense et de respect à sa patrie.
En rendant hommage à son grand-père, Jean-René Van der Plaetsen nous fait revivre ces guerres, celle de 40, celle d'Indochine, celle d'Algérie, dans lesquelles des hommes étaient engagés et se battaient au nom d'une nation, la France. Des hommes qui parfois furent tiraillés, déchirés, contraints de se renier, au gré d'événements qui les dépassaient. Des hommes qui parfois surent aussi aller au-delà des ordres pour respecter ce que leur esprit leur guidait, ce que leurs valeurs leur inspiraient. C'est ce que l'on appelle l'honneur.
Il est ici beaucoup question de panache, de grandeur, d'abnégation. Tels des chevaliers des temps modernes, Jean Crépin et ses compagnons d'armes ont choisi de défendre leur pays pour des idées que notre temps semble avoir oubliées : l'intérêt général, le souci d'autrui, le respect du passé et de la grandeur
Dans ce texte, porté par une belle écriture, racontant la grande Histoire à travers celle de son grand-père, à la fois avec rigueur, objectivité et pudeur, Jean-René Van der Plaetsen nous parle d'une France qui n'est plus, mais qui, peut-être ne demande qu'à renaître.
« La nostalgie de l'honneur » de Jean-René Van der Plaetsen a reçu le Prix Interallié et le prix Jean Giono. Le livre est publié chez Grasset.
Jean-René Van der Plaetsen
La nostalgie de l'honneur
Portrait 6'36Philippe Chauveau :
Bonjour Jean-René Van der Plaetsen
Jean-René Van der Plaetsen :
Bonjour Philippe,
Philippe Chauveau :
Merci d'être avec nous. Vous êtes dans l'actualité littéraire, « La nostalgie de l'honneur » ; c'est votre premier titre publié et vous venez d'obtenir le prix Interallié. On va parler de cet ouvrage mais faisons auparavant un peu connaissance. Vous êtes directeur délégué à la direction du Figaro Magazine. Pourquoi le journalisme dans votre vie ? Vous avez fait pas mal de choses, des études politiques, des études de droit et puis le journalisme, pourquoi ?
Jean-René Van der Plaetsen :
Je pense que j'ai retrouvé dans le journalisme, il y a 30 ans de cela, à peu près la même atmosphère que celle que j'avais dans mon pensionnat chez les jésuites ou à l'armée. Une atmosphère de camaraderie, d'enthousiasme et de travail en commun.
Philippe Chauveau :
Vous aimez être un observateur de votre époque aussi ? C'est ça la définition du journalisme pour vous ?
Jean-René Van der Plaetsen :
C'est aussi l'ivresse de travailler en commun, c'est ce qui me plaît davantage. Evidemment l'observation de mon époque m'intéresse tout autant. Mais l'atmosphère de ce métier et l'amitié dans le journalisme ont été un critère décisif de mon choix.??Philippe Chauveau :
Le Figaro est un journal qui a une histoire. Lorsqu'on entre à la rédaction du Figaro, pense-t-on à cette grande histoire ?
Jean-René Van der Plaetsen : ?Certainement ! Les réflexes sont certainement un peu induits. C'est le journal que lit mon père, que lisait mon grand-père... Donc il est évident qu'il est plus facile pour moi d'aller au Figaro que dans un autre journal. Jean-Marie Rouart m'avait proposé de venir travailler avec lui, nous avions une telle passion de la littérature qu'il m'avait proposé il y a 30 ans de rejoindre le Figaro Littéraire, ce que j'ai fait. ??Philippe Chauveau :
Avant d'être journaliste, il y a eu aussi un passage dans l'armée, vous avez fait le choix d'être soldat ?
Jean-René Van der Plaetsen :
J'ai eu un grand-père maternel qui était un héros, et ses amis étaient des héros. Je les voyais régulièrement à dîner chez mes grands-parents, ils étaient des hommes si spectaculaires, flamboyants et magnifiques que c'est évident que cela vous marque pour toujours de voir des hommes comme ça. Et il y a eu un moment où j'ai compris que si je ne passais pas par l'expérience militaire, je ne pourrais jamais communiquer totalement avec mon grand-père. J'aimais sincèrement mon grand-père et je me suis dit « il faut que je passe par là ». Je me suis engagé comme simple chasseur alpin, 2nde classe. C'était la même ivresse que celle que j'ai connue dans les dortoirs de mon pensionnat jésuite ou dans les salles de rédaction du Figaro il y a 30 ans.??Philippe Chauveau :
Le plaisir d'être en équipe donc...
Jean-René Van der Plaetsen :
Le plaisir de travailler en équipe, le plaisir de connaître la poésie des caractères, la diversité des personnages et des tempéraments. La vie est un champ merveilleux et les rencontres sont toujours merveilleuses. ??Philippe Chauveau :
Mais alors la passion de la littérature ? L'écriture est un acte plutôt solitaire… Vous nous l'avez dit, vous côtoyiez Jean-Marie Rouart qui vous a poussé dans le journalisme par une passion commune qu'est la littérature. Que vous apporte le livre dans votre vie ?
Jean-René Van der Plaetsen :
Quand je suis parti au Liban je suis parti avec quatre livres qui étaient « La Bible », « La Bhagavad Gita », « Les anti-mémoires » de Malraux et « Ainsi parlait Zarathoustra » de Nietzsche. La littérature c'est la source de la vie, ce n'est pas seulement la vie rêvée, c'est la vie recréée, rendue idéale, ou c'est la vie telle qu'elle est avec sa souffrance, et cela ne me paraît absolument pas indissociable du travail en équipe ou de la joie de vivre dans une collectivité.??Philippe Chauveau :
Quel regard portez-vous sur la littérature contemporaine, française notamment ?
Jean-René Van der Plaetsen :
Je crois qu'elle est excellente, je crois que nous avons au moins un génie qui est Michel Houellebecq, et de très grands écrivains comme Patrick Modiano, Jean-Marie Rouart, Jean d'Ormesson qui vient de mourir, Michel Déon qui est mort il y a peu de temps... Il y a beaucoup de grands écrivains, et on s'en rendra compte un jour, je suis certain de cela. Dans votre question il y a une subtilité. Est-ce qu'on parle de littérature ou de roman ? Or, le roman est un genre particulier qui a mon avis est encore supérieur à celui de la littérature, peut-être pas supérieur à celui de la poésie mais qu'il faut distinguer de la littérature. Le livre que j'ai écrit n'est pas un roman, même s'il est traité comme un roman... Je mets au-dessus de tout le roman et nous avons d'excellents romanciers, Michel Houellebecq par exemple, qui est aussi un très grand poète.??Philippe Chauveau :
Et aujourd'hui votre nom apparaît dans les vitrines des librairies avec les autres noms que vous venez de citer, c'est une nouveauté pour vous. Comment vivez-vous ce moment ?
Jean-René Van der Plaetsen :
Il y a eu,il y a un an et quelques mois, l'assassinat du Père Hamel qui m'a bouleversé. Le lendemain de ce meurtre barbare, j'ai commencé à écrire ce livre, qui était fini six mois plus tard. J'ai beaucoup réléchi à ça, moi qui n'arrivais pas à écrire plus de 20 pages. Pourquoi, soudain, me suis-je retrouvé avec 150 pages en deux mois. Je pense que c'est ce qu'a très bien décrit Marcel Proust avec le phénomène de mémoire involontaire. Je me suis retrouvé soudain avec ce meurtre dans mon enfance et mon adolescence quand mon grand-père maternel me racontait pourquoi lui, qui se préparait à devenir architecte, était finalement devenu soldat. C'était à cause de la guerre qui arrivait. Et le jour de l'assassinat du père Hamel, je me suis senti plongé dans mon enfance lorsque l'on me racontait la montée de la guerre, je me suis senti en période d'avant-guerre et même de guerre. Toute mon enfance m'est revenue, avec ces hommes extraordinaires que j'ai eu la chance de connaître... Donc il faut croire que je portais cela en moi depuis longtemps.
Philippe Chauveau :
Et ce premier livre c'est « La nostalgie de l'honneur », vous êtes publié par Grasset.
Jean-René Van der Plaetsen
La nostalgie de l'honneur
Livre 7'25Philippe Chauveau :
Avec ce qui est votre premier titre, Jean-René Van der Plaetsen, ce n'est pas un roman même si on sent un peu de volonté romanesque dans la construction. Vous nous racontez votre grand-père maternel, Jean Crépin, qui fut un compagnon de la Libération, qui fut général d'armée, un homme pour lequel vous aviez une grande admiration et un grand attachement, c'est ce que l'on ressent au fil des pages. Quelle image gardez-vous de votre grand-père ? Est-ce que, lorsque vous pensez à lui, c'est tout de suite le militaire qui vient ou bien est-ce un moment plus intime ?
Jean-René Van der Plaetsen :
Il y a les deux. J'ai le souvenir de mon grand-père qui était en soldat, en uniforme avec tant de médailles que cela faisait un cliquetis très particulier. A l'époque, lorsqu'il donnait un ordre, des centaines de milliers de personnes l'exécutaient. Il était commandant en chef des forces de l'OTAN. Donc, j'ai le souvenir de puissance qu'un enfant ressent instinctivement, j'ai ce souvenir là et aussi des souvenirs plus personnels...
Philippe Chauveau :
Votre livre est touchant car il y a la grande Histoire et des souvenirs très personnels. Il y a beaucoup de choses d'ailleurs dans la photo que vous avez choisi sur la couverture ou il y a votre grand-père qui vous embrasse. Tout est dit dans ce cliché. Au-delà de votre grand père, Jean Crépin, vous nous racontez aussi d'autres grands hommes qui ont fait la France des années 40-50-60... C'est De Gaulle, le maréchal Leclerc, De Lattre.... C'est aussi une vision de la France que vous avez envie de nous transmettre à travers cet écrit.
Jean-René Van der Plaetsen :
Tout à fait. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le personnage principal est mon grand-père, mais je raconte aussi les hommes autour, que j'ai connus, qui étaient des grands héros et qui étaient comme lui tout aussi humbles et modestes, raison pour laquelle l'Histoire a perdu leur trace.
Philippe Chauveau :
Vous nous racontez ces hommes d'honneur, ces militaires qui ont fait le choix des armes pour la défense de leur pays, qui parfois vont être tiraillés, vont parfois être obligés de se renier pour répondre à des ordres.
Jean-René Van der Plaetsen :
Evidemment, je pense qu'entre 1940 et 1965, c'est une période terrible pour l'armée française, où les hommes d'honneur ont été obligés de faire appel à leur conscience en permanence. Je pense que l'honneur n'est pas dans un seul camp.
Philippe Chauveau :
Vous écrivez : « Le sens de l'honneur ne se théorise pas : certains êtres l'éprouvent en eux et agissent en conséquence, et c'est aussi simple que cela; d'autres ne le ressentent pas en eux, et ne peuvent donc en tenir compte, et c'est tout aussi simple. »
Jean-René Van der Plaetsen :
Oui je pense qu'il y a beaucoup d'intuition. Quand mon grand-père fait le choix de sortir de la légalité, c'est quand même un choix très important, à l'époque ça voulait dire la condamnation à mort. Lorsqu'il décide de poursuivre le combat contre les allemands en août 1940, c'est une réaction encore plus intuitive que raisonnée parce que partir avec 200 hommes contre toutes les forces de l'Axe, c'est totalement absurde comme raisonnement ou alors il fallait une profondeur de vue qui, quelle que soit son intelligence, je doute qu'il ait eue. En tout cas, c'était une réaction d'instinct, d'intuition. Et je pense que le général Leclerc et le général De Gaulle ont eu ce genre de réactions.
Philippe Chauveau :
Ce qui est passionnant dans votre livre c'est que la grande Histoire et la petite histoire cohabitent et vous écrivez : « Dans ces moments là, il me semble que la vérité de l'instant s'accroît de la force de la réalité pour atteindre à la vérité romanesque qui, elle, est universelle. » Votre grand père est-il un personnage de roman ? Lorsque vous racontez votre grand-père il y a le militaire, et puis il y a l'homme qui a une vie parfois difficile, parfois douloureuse, une vie personnelle qui n'est pas simple avec notamment la disparition de son épouse sur une mine, Y aurait-il des personnages de romans qui pourraient rappeler votre grand père ? A la fois le panache et la désespérance.
Jean-René Van der Plaetsen :
Je pense que certains personnages sont aussi romanesques que peuvent l'être les héros de Stendhal ou Balzac. Ces hommes là, pas seulement mon grand-père, il était un maillon parmi les autres, ces hommes là étaient des mélanges de non pas de d'Artagnan, qui est un peu la tarte à la crème de la bravoure et du panache, mais plutôt Athos, il y a une métaphysique chez Athos, il y a une souffrance de la condition humaine que l'on ne ressent pas chez d'Artagnan. Ces hommes là avaient ce côté métaphysique, avaient cette dimension profonde. C'étaient des grands soldats et des hommes de paix. Je pense que si ce livre a également eu le prix Jean Giono, qui était un grand écrivain pacifiste, c'est parce que Sylvie Giono, la fille de Jean Giono, ainsi que les membres du jury, constitué d'écrivains pacifistes, ont reconnu dans ce livre, dans lequel il n'est question que de fracas, ont reconnu la dimension pacifique des personnages qui sont dans ce livre.
Philippe Chauveau :
En choisissant ce titre, la nostalgie de l'honneur, y-a-t-il une résonnance d'amertume peut être ?
Jean-René Van der Plaetsen :
Dans la conception que je me fais de l'honneur et de la manière dont il nous est demandé de vivre, j'y vois aussi l'humilité, et on en vient à l'un des autres thèmes fondamentaux de ce livre. Pourquoi les hommes dont je parle dans ce livre n'ont ils pas été connus ? Parce qu'ils étaient des hommes humbles, faisant acte d'humilité, et qu'ils ont souhaité rester humbles et modestes. En gros, c'est le contraire de notre époque où tout le monde cherche à passer à la télé. Je pense que c'est quand l'humilité rencontre l'honneur que la France devient la France, et je pense que la France est grande lorsqu'elle marche sur les deux jambes que sont l'honneur et l'humilité.
Philippe Chauveau :
Justement, lorsque vous nous parlez de ces hommes pleins de panache, qui savaient à la fois avoir l'honneur et l'humilité, vous écrivez : « Il y a des hommes dont la voix manque à notre époque. Aujourd'hui, c'est au fond des bibliothèques, dans le silence et la pénombre des salles de lecture désertées que nous pouvons parfois entendre ces hommes nous murmurer ce que fut leur vie. C'est par les bibliothèques que nous trouverons le salut. » Là, c'est le passionné de littérature qui se dit que le livre peut encore être l'outil d'une civilisation ?
Jean-René Van der Plaetsen :
Bien sûr ! Je pense qu'il vaut mieux aller dans les bibliothèques et essayer d'écouter Dante, Goethe, Shakespeare, Balzac, Stendhal et autres nous raconter ce que fut leurs vies. Au pire, ça nous laisse un vague substrat et au mieux ça nous élève.
Philippe Chauveau :
Votre actualité Jean-René Van der Plaetsen, « La nostalgie de l'honneur », aux éditions Grasset. Avec ce titre vous avez eu le prix Jean Giono et le prix Interallié. Merci beaucoup
Jean-René Van der Plaetsen :
Merci beaucoup.