C’est avant tout en tant que chef d’entreprise que Philippe Hayat s’est fait connaitre. Issu lui-même d’une famille d’entrepreneurs, il est à la tête de plusieurs entreprises et a créé un fonds d’investissement. Polytechnicien, formé à l’ESSEC, Philippe Hayat n’a jamais oublié combien la transmission, le passage de relais était importants. C’est ainsi qu’il choisit lui-même de consacrer des heures à l’enseignement en école de commerce, d’apporter ses compétences en tant que consultant ou plus...
La loi du désordre de Philippe Hayat - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Philippe.
Philippe Hayat
Bonjour.
Philippe Chauveau
Votre actualité chez Calmann-Lévy, La loi du désordre. J'ai l'impression de recevoir deux hommes en un parce qu'on va parler de l'auteur, de l'écrivain, du romancier. Mais on rappelle aussi que Philippe Hayat, vous êtes connu en tant qu'entrepreneur. Vous êtes vous même à la tête de plusieurs entreprises, d'un fonds d'investissement et d'une association autour de l'entrepreneuriat. Quelle est la définition de votre parcours ? Qui êtes vous ? Philip...
La loi du désordre de Philippe Hayat - Portrait - Suite
Philippe ChauveauDans ce qui est donc votre troisième roman, Philip Hayat La loi du désordre. Vous nous emmenez au tout début de la Première Guerre mondiale. Les tout premiers jours, vraiment, entre fin, entre juillet et septembre 1914. Et puis on va même remonter le temps, puisqu'on va repartir dans l'enfance de Charles et de Jeanne, qui sont les deux héros que nous allons suivre.Pourquoi avoir eu envie d'écrire sur le premier conflit mondial et pourquoi vous êtes vous attardé sur cette période très précise des premiers jours...
La loi du désordre de Philippe Hayat - Livre - Suite
Philippe Hayat
La loi du désordre
Présentation 00'03'14"C’est avant tout en tant que chef d’entreprise que Philippe Hayat s’est fait connaitre. Issu lui-même d’une famille d’entrepreneurs, il est à la tête de plusieurs entreprises et a créé un fonds d’investissement. Polytechnicien, formé à l’ESSEC, Philippe Hayat n’a jamais oublié combien la transmission, le passage de relais était importants. C’est ainsi qu’il choisit lui-même de consacrer des heures à l’enseignement en école de commerce, d’apporter ses compétences en tant que consultant ou plus récemment, en fondant l’association 100 000 entrepreneurs qui, dans les établissements scolaires, va parler du monde l’entreprise et de l’importance de la confiance en soi. Sur ce sujet, on lui doit plusieurs titres dont « L’entreprise, un acteur clé de la société », « Entreprenez ! à l’indignation, préférez l’action » ou « L’avenir à portée de main ».
Mais aussi curieux que cela puisse paraitre, c’est bien le romancier que nous recevons aujourd’hui. C’est l’autre casquette de cet homme d’action qui vit plusieurs existences en une.
En 2014, avec « Momo des halles », Philippe Hayat faisait une entrée remarquée en librairie. Avec ce joli roman doux amer racontant un enfant livré à lui-même dans le Paris populaire des années 40, alors que ses parents ont été raflés, on découvrait donc un auteur à la plume sensible et affutée, sachant raconter la violence du monde avec les yeux de l’enfance.
Puis, dans « Là où bat le cœur du monde », c’était Darius, un jeune homme frappé de mutisme qui s’inventait une nouvelle vie par la musique malgré les reproches familiaux, un roman solaire qui nous emmenait de la Tunisie des années 40 à l’Amérique ségrégationnistes des années 50 sur fond de jazz.
Le cadre historique est donc une constante dans l’œuvre romanesque de Philippe Hayat puisqu’avec ce nouveau titre, « La loi du désordre », nous sommes propulsés aux premiers jours du premier conflit mondial. Charles et Jeanne sont issus de la bonne bourgeoisie. Leur père règne en maitre sur son usine d’équipements automobiles, près de Chartres, une usine qu’il souhaite léguer à son fils. Mais Charles et Jeanne ont d’autres envies, d’autres rêves, d’autres ambitions, très éloignés des codes familiaux. Pour les deux jeunes gens, dans ces premières années du XXème siècle, entre le renouveau artistique et l’avancée scientifique, tout semble possible. C’est sûr, un nouveau monde de justice et de paix est en train de naitre. Mais avec l’attentat de Sarajevo, tout s’écroule et le monde idéal de Charles et Jeanne vole en éclats.
Magnifique roman historique aux résonnances contemporaines, violent et sensible à la fois, « La loi du désordre » est fait de flash-back, nous menant de l’insouciance de la Belle époque à l’enfer des tranchées. Mais c’est surtout le portrait d’une femme engagée, rebelle, volontaire, engagée qui retient l’attention du lecteur, ce personnage de Jeanne qui, contre vents et marées, par affection pour son frère, va se confronter à la violence et la bêtise humaine.
« La loi du désordre » de Philippe Hayat, avec la première guerre mondiale en toile de fond est publié chez Calmann-Lévy.
Philippe Hayat
La loi du désordre
Portrait 00'08'34"Philippe Chauveau
Bonjour Philippe.
Philippe Hayat
Bonjour.
Philippe Chauveau
Votre actualité chez Calmann-Lévy, La loi du désordre. J'ai l'impression de recevoir deux hommes en un parce qu'on va parler de l'auteur, de l'écrivain, du romancier. Mais on rappelle aussi que Philippe Hayat, vous êtes connu en tant qu'entrepreneur. Vous êtes vous même à la tête de plusieurs entreprises, d'un fonds d'investissement et d'une association autour de l'entrepreneuriat. Quelle est la définition de votre parcours ? Qui êtes vous ? Philip Hayat.
Philippe Hayat
Je crois que je suis un entrepreneur qui aime transmettre. Il y a plusieurs façons de transmettre. Je transmets auprès des salariés de mes entreprises, je transmets auprès des jeunes, à travers mon association, 100 000 entrepreneurs puisque c'est une association qui fait témoigner des entrepreneurs dans les classes, collèges, lycées pour encourager justement les jeunes à porter un projet qui leur ressemble.
Et puis je transmets par l'écriture. Donc on pourrait dire entrepreneur et qui aime transmettre.
Philippe Chauveau
Un passeur, un passeur, finalement aussi. Le goût de l'entreprenariat pour reprendre ce terme là. D'ou vient il ? Il y a eu aussi l'Essec dans votre parcours. Et puis cette association dont vous parlez 100 000 entrepreneurs. Ce goût, justement, de la transmission. Et puis de l'entreprise. Pourquoi ?
Philippe Hayat
Le goût de l'entrepreneuriat vient, je crois, tout d'abord de racines familiales, puisque on est entrepreneur de père en fils dans la famille. Donc j'ai toujours été éduqué avec cette façon de concevoir la vie qui est de la prendre en main puisque personne ne le fera pour moi. J'ai commencé à donner des cours de création d'entreprise dans des grandes écoles comme l'Essec ou Sciences Po.
Et puis très vite, je me suis dit que c'était bien d'inoculer cette envie d'entreprendre chez les plus jeunes, notamment à partir du collège. D'ou cette association 100 000 entrepreneurs pour aller voir ces jeunes dans leurs classes là ou ils se trouvent. Et par la force du témoignage, par la force de l'exemple, leur dire vous aussi vous pouvez choisir votre vie professionnelle et donner un sens à votre vie tout court en cultivant votre envie, en en faisant un projet, en le portant.
Philippe Chauveau
Vous expliquez que vous. Finalement, le passage de relais s'est fait un peu de façon familiale, mais vous avez eu d'autres, d'autres personnes qui peut être vous ont poussé, vous ont encouragé pour qu'aujourd'hui vous ayez envie à votre tour de transmettre ce que vous avez reçu.
Philippe Hayat
Oui, j'ai rencontré beaucoup d'entrepreneurs. Quand j'ai commencé moi même, jeune entrepreneur, à faire mes premiers pas, j'ai rencontré beaucoup d'entrepreneurs qui m'ont tendu la main, qui m'ont passé les premières commandes, qui m'ont raconté leur expérience et qui m'ont appris surtout que ce n'est pas du tout linéaire. Un parcours d'entrepreneur il faut. Il faut passer par plusieurs échecs avant de réussir, il faut pouvoir accepter l'échec, ce qui n'est pas du tout dans la culture française ni dans la culture scolaire.
On n'est pas formaté non plus pour travailler sur ses forces. On nous reproche nos faiblesses et on n'a de cesse que de nous faire les améliorer à l'école. Mais. Mais l'entrepreneuriat, c'est. Je vais m'appuyer sur mes forces et je vais créer une équipe, composer une équipe qui va pallier mes faiblesses. Et l'entrepreneuriat, c'est ça ? Et finalement, c'est du long terme.
C'est de la réalisation patiente et résiliente.
Philippe Chauveau
Ce que vous nous racontez aujourd'hui brièvement, c'est ce que vous expliquez lors de conférences. Est-ce ce que vous avez appliqué dans votre vie professionnelle et aujourd'hui aussi dans l'association 100 000 entrepreneurs ? Et c'est ce que vous évoquez aussi dans certains de vos ouvrages que vous avez publiés précédemment. Il y a Philippe Hayat, l'entrepreneur.
Mais intéressons nous maintenant à Philippe Hayat, le romancier, parce que ça, c'est un peu inédit. Trois romans déjà à votre actif, Un moment idéal, Le cœur du monde, qui est plus récent, et puis aujourd'hui, La loi du désordre. A quel moment Philippe Hayat, l'entrepreneur, devient t il Philippe Hayat, le romancier ?
Philippe Hayat
Je crois que c'est d'abord à peu près tout le temps écrit, mais je le faisais vraiment comme un hobby ou en parallèle, en marge de ma vie professionnelle, j'ai commencé à écrire des poèmes. Et puis, et puis, quand j'ai monté 100 000 entrepreneurs, je me suis mis à écrire des courts essais à destination des jeunes pour leur donner envie d'entreprendre.
Et donc, en écrivant je me suis mis à écrire tous les jours et les chaque essai l'un après l'autre. Et donc il a fallu que j'apprenne à écrire en parallèle dans mon activité d'entrepreneur, ce qui est très compliqué. Finalement, j'ai trouvé une organisation qui me convient, c'est que j'écris 3 h tôt le matin, tous les matins. Voilà donc en général de 7 h à 10 h.
Et puis je commence ma vie d'entrepreneur après.
Philippe Chauveau
Alors les romans que vous avez évoqué, notamment mon modèle, ce sont des histoires qui sont souvent dures, qui sont souvent dans des périodes du temps, du temps passé, des périodes historiques. Néanmoins, est ce que cette écriture romanesque vous apporte une sorte de respiration ? Est ce que c'est un sas par rapport à votre vie professionnelle ? Est ce que ça vous permet peut être de vous donner un temps à vous ?
Philippe Hayat
Oui, c'est ça à la fois. Ça me donne un temps à moi ou je m'évader. Je tisse mes histoires, mes personnages, mes situations. Mais en même temps, c'est du labeur, c'est beaucoup de labeur, c'est 3 h de travail intense et tous les jours. Et donc c'est finalement de l'évasion, certes, mais dans un cadre de travail très contraignant. Mais ce qui est assez grisant, c'est que finalement, ce sont des cycles très différents.
L'entrepreneuriat, c'est des cycles à court terme, il y a un problème, on propose une solution, on la met en place et on en lit le résultat le lendemain quasiment. Alors que l'écriture, dans ce roman, il y a pas de problème, il n'y a pas de solution, il n'y a pas de problème. Et puis c'est un temps long. Et puis on s'engage dans une voie.
On ne sait pas vraiment ce que ça va donner. Puis au bout d'un moment, on laisse, on laisse la main aux personnages qui vivent leur propre histoire et qui nous emmène quelque part.
Philippe Chauveau
Et une question qui concerne vos vos trois, vos trois romans en l'occurrence, qui sont maintenant en librairie. Je le disais, ce sont souvent des périodes historiques, des périodes de temps passé. Vous n'avez que vous n'avez pas encore écrit de roman contemporain. Pourquoi est ce un goût pour l'histoire ? Pourquoi ce choix.
Philippe Hayat
Alors... Disons que c'est d'abord le personnage et l'histoire que j'ai envie de vivre qui me qui m'oriente vers une période moment idéal. C'est un jeune garçon dont les parents se sont arrêtés par les Allemands pendant la guerre à Paris, qui se réfugie dans le quartier des Halles, qui apprend à se débrouiller tout seul. Et qui a de onze ans et qui, la nuit, descend dans les Halles de Paris. Dans les années 40, il fait tous les métiers pour pouvoir se nourrir, nourrir sa petite sœur, lui faire l'école. Là, le thème, c'était comment un jeune garçon de quatorze ans trouve la force en lui de s'en sortir alors que tout s'effondre autour de lui dans le corps du monde.
Le thème, c'était Comment un jeune homme qui a un talent s'efforce de l'exprimer alors que tout s'oppose à ce qu'il exprime, et notamment sa maman qui lui dit que la musique, ce n'est pas un métier alors que lui n'a qu'une envie, c'est d'être un joueur de jazz. Et il est à Tunis, il a, il a perdu son père dans des conditions difficiles, il en a perdu la voix et il pense que la clarinette lui redonne une certaine forme de voix.
Et puis les Américains débarquent à Tunis pour libérer la Tunisie pendant la guerre. Là encore, parmi eux, des joueurs de jazz qui remarquent ce talent incroyable et qui l'emmènent avec eux à New York. Et il devient l'un des plus grands artistes de jazz de sa génération.
Philippe Chauveau
Puis là, c'est dans ce nouveau titre On est sur la Première Guerre mondiale, mais alors justement, la Première Guerre mondiale. Pour ce nouveau titre, moment idéal pour les années 30 et les années 40, les djihadistes américains en Tunisie, la fin de la guerre ? A contrario, lorsqu'on est chef d'entreprise, on est dans le quotidien, dans le présent et puis même on se projette dans l'avenir.
En tant que romancier, c'est plus sur le passé que vous écrivez ?
Philippe Hayat
J'écris sur le passé parce que pour moi, c'est des décors, c'est des contextes. Mais les questions que ça pose sont très actuelles.
Philippe Chauveau
Donc finalement, ce serait ça le fil rouge de vos de vos trois romans. En l'occurrence, c'est utilisons. Souvenons nous de notre passé pour construire notre présent, notre avenir.
Philippe Hayat
Absolument, et pour nous poser des questions qui nous tiraillent encore. Comment ? Comme comment s'exprimer ? Comment exprimer une confiance en l'avenir ? Comment garder sa foi ? Comment retrouver des lueurs dans un avenir qui pourrait paraître très sombre puisque, comme une certaine fatalité, la loi du désordre se rappelle à nous tout le temps.
Philippe Chauveau
Votre actualité ? Philippe Hayat, chez Calmann-Lévy. La loi du désordre.
Philippe Hayat
La loi du désordre
Livre 00'08'46"Philippe Chauveau
Dans ce qui est donc votre troisième roman, Philip Hayat La loi du désordre. Vous nous emmenez au tout début de la Première Guerre mondiale. Les tout premiers jours, vraiment, entre fin, entre juillet et septembre 1914. Et puis on va même remonter le temps, puisqu'on va repartir dans l'enfance de Charles et de Jeanne, qui sont les deux héros que nous allons suivre.
Pourquoi avoir eu envie d'écrire sur le premier conflit mondial et pourquoi vous êtes vous attardé sur cette période très précise des premiers jours de la guerre ?
Philippe Hayat
Oui, en fait, j'ai ce qui m'a d'abord intéressé, c'est les quelques semaines. Juste avant le conflit, puisque ces quelques semaines de sidération ou personne ne pense que la guerre va avoir lieu. On n'y croit pas. Certes, un archiduc a bien été assassiné le 28 juin, mais c'est tellement loin que personne ne s'en soucie vraiment. Et à tel point que, à un moment, je j'installe mon héroïne, Jeanne, qui est une jeune idéaliste de 25 ans qui est pigiste à l'Humanité et qui va couvrir une séance au
Et elle est ébahie lorsqu'elle entend les sénateurs découvrir l'état de l'armée et l'État de l'armée française, qui est restée quasiment une armée napoléonienne alors que l'armée allemande avait déjà inventé l'armée du XXᵉ siècle.
Philippe Chauveau
Et c'est ce que vous rappelez aussi dans votre livre, c'est qu'effectivement les Français ne croient pas à cette guerre parce que l'Allemagne a souvent un peu montré les dents, mais sans que ça aille jusqu'au bout.
Philippe Hayat
Des crises survenaient régulièrement, mais sans plus. Et donc finalement, personne n'y croyait. Et lorsque les sénateurs comprennent que l'armée française est très en retard par rapport à l'armée allemande, leur réaction est de dire on verra tout ça après les vacances, on se retrouve en octobre pour en reparler.
Philippe Chauveau
Parce qu'on est dans un bel été qui commence.
Philippe Hayat
Voilà, on est en juillet 1914 et ils veulent partir en vacances. Et c'est dire que même au plus haut niveau des décideurs politiques, on ne croit pas à l'imminence de cette guerre. Et et Jeanne, qui est une jeune idéaliste de 25 ans, est une femme émancipée qui milite auprès de Jaurès, qui qui croit en l'avenir de l'humanité, qui est l'ami des peintres et qui qui voit comment l'art est en train de réinventer nos vies, de réinventer des raisons d'espérer finalement, et qui dit cette guerre ne peut pas avoir lieu ? Et c'est cette sidération que j'ai voulu capter.
Philippe Chauveau
Jeanne est un personnage passionnant, un beau personnage féminin. C'est aussi une rebelle. Parce que si l'on replace le contexte, Charles et Jeanne sont issus d'une bonne famille, une bonne famille de la bourgeoisie industrielle. Charles avait des envies aussi de liberté, d'écriture, mais son père l'obligea à reprendre l'entreprise familiale. On est un peu en conflit entre le père et le fils.
En revanche, Jeanne est plutôt en bons termes avec son père. Elle comprend ses emportements et il l'aura même emmené à L'exposition universelle quelques années plus tôt. Ce qui est l'occasion pour vous d'ailleurs de mettre en parallèle les débuts de la guerre de 14 Ans en l'occurrence. Et puis aussi toutes ces années qui ont précédé ou on croyait aux progrès de la science en se disant que plus rien ne peut se passer exactement.
Philippe Hayat
Cette histoire, c'est avant tout l'histoire d'une famille, donc le père industriel qui a réussi, qui est parti de rien, qui est devenu le plus grand, l'un des plus grands équipementiers automobiles de sa région. Il habite à Senonches, près de Chartres. Très autoritaire, qui a des idées précises sur ce que doit être une fille, ce que doit être un garçon.
Donc le garçon doit prendre la relève et doit devenir à son tour chef d'entreprise dans la famille. La fille doit rester à sa place, surtout ne pas faire d'études. Se marier jeune, faire un bon mariage. Jeanne ne l'entend pas de cette oreille. Elle a envie de faire des études. Elle va se battre contre sa famille pour aller faire des études.
Elle va devenir l'une des premières étudiantes admises à l'École normale supérieure à Paris. Et elle adore son frère Charles. Et ensemble, quand il était enfant, Jeanne et Charles échafauder des rêves pour l'avenir, au fond, au fond du parc de la maison familiale. Charles voulait être un grand explorateur, un écrivain, journaliste. Et ensemble, ils ont décidé de fuir sur Paris pour faire leurs études et échapper à la tension familiale.
Malheureusement, Charles est beaucoup plus faible que Jeanne et se fera rattraper par l'histoire familiale et son père l'obligera à travailler à l'usine et Charles va s'étioler alors que Jeanne, beaucoup plus rebelle, beaucoup plus forte de caractère, va rompre avec la famille pour aller à Paris et pour vivre la vie qu'elle a envie de vivre. Elle va militer avec Jaurès, elle va devenir féministe et socialiste.
Mais quelque part, elle aura toujours cette culpabilité d'avoir laissé Charles à la maison et d'avoir vécu le rêve, elle, toute seule et pas lui. Et donc, elle pense tout au long de ce livre, avoir vécu un peu à la place de Charles, ce que lui même aurait dû vivre.
Philippe Chauveau
Mais ce qui est passionnant dans votre roman, Philippe Hayat, c'est que finalement, il y a deux histoires en une. Parce qu'il y a cette relation entre le frère et la sœur que l'on suit sur les années qui précèdent la guerre, avec leurs rêves, avec leurs illusions. Et puis après ? Il y a effectivement cette autre partie ou on est vraiment au cœur des premiers jours du conflit.
Et très vite tout va dégénérer. Et quelque part, Jeanne va chercher peut être à se racheter auprès de auprès de son frère.
Philippe Hayat
Jeanne va toujours avoir une sorte de dette vis à vis de son frère. Elle le sait faible. Elle sait qu'il ne tiendra pas le front et les tranchées. Et donc, quand la guerre éclate, elle fait tout pour le faire démobiliser et donc elle n'y arrive pas. Son frère part sur le front et Jeanne a un compagnon qui s'appelle Marius qui lui fait des études dans l'école d'en face à Polytechnique, et Marius est lieutenant de réserve en tant qu'élève officier.
Donc lui aussi, il va être sur le point d'être mobilisé, mais lui sait ce qui va se passer et Marius décide de déserter et donc il va. Il va emmener Jeanne pour déserter. Et Jeanne va être tiraillée entre le fait de suivre Marius, de suivre son grand amour et de placer leur liberté avant tout. Et puis de vivre une vie en Amérique du Sud ou elle voit son frère partir.
Elle peut aussi choisir de s'engager comme infirmière pour aller le chercher et le sauver sur le front et.
Philippe Chauveau
C'est ce qu'on va suivre sur cette période. Et ce qui est intéressant, et effectivement, c'est qu'en suivant Charles, Charles et Jeanne, il y a toutes les dix premières années du XXᵉ siècle qui sont, qui sont grandioses. C'est la belle époque, ce sont les projets, c'est toute la vie culturelle et artistique de Paris qui qui est en pleine en pleine renaissance.
Et puis après, il y a ces premiers jours de la guerre qui sont très vite terrifiants. Et là, il y a des scènes qui sont très sombres, très douloureuses, très très violentes. Vous mettez en parallèle ces deux mondes qui n'ont pas su aller ensemble finalement ?
Philippe Hayat
Oui, exactement. Et donc toute la construction du roman tient dans ce que vous exprimez. C'est à dire que le roman est tendu sur quelques semaines, les quelques semaines d'avant le déclenchement de la guerre et la semaine d'après sur le front de la Marne. Et là, on suit Jeanne et on suit cette sidération de Jeanne dans ces quelques semaines de grande tension et de basculement.
Mais en même temps, pour pour comprendre pourquoi ce sont des semaines sidérantes, il faut comprendre ce que Jeanne a vécu dans son enfance. Quand elle va à l'exposition universelle avec son père et qu'elle est éblouie par le progrès de ce siècle qui s'annonce. Et elle dit Ce siècle sera éblouissant. Donc, il a fallu coudre, à l'intérieur de ces quelques semaines de tension, des flashbacks sur l'enfance de Jeanne et dans toute toute la construction technique de ce livre.
Ça a été comment je garde la tension un peu haletant du récit entre, juste avant la guerre et juste après la guerre, le déclenchement de la guerre. En entrecoupant ces ces quelques semaines par des flashbacks qui tombent à des moments différents. Et ça a été le gros effort technique, si je puis dire, de la construction de ce récit.
Philippe Chauveau
On l'aura compris, au delà du plaisir de lecture de cette grande fresque historique, de ces personnages que l'on suit effectivement, c'est un livre qui pose des questions sur notre époque contemporaine. Et puis il y a ce très beau personnage de Jeanne, avec là aussi des interrogations sur la place de la femme dans la vie, dans la société. Et ça aussi, ça fait résonance avec ce que nous vivons aujourd'hui.
La loi du désordre, c'est votre actualité, Philippe, vous êtes publié chez Calmann-Lévy. Merci beaucoup.
Philippe Hayat
Merci.