Après un premier titre en 2010, François Roux a connu le succès en librairie en 2014 en publiant chez Albin Michel « Le bonheur national brut », roman choral dans lequel il suivait plusieurs personnages dans la France de 1981 à nos jours. Avec « Tout ce dont on rêvait », c’est le couple face au chômage et au temps qui passe que François Roux mettait en scène. Dans chacun de ses romans, à travers des personnages de notre quotidien, des personnages qui nous ressemblent, l’auteur nous parle de notre société, de ses...
Fracking de François Roux - Présentation - Suite
Philippe Chauveau : Bonjour François Roux.
François Roux : Bonjour.
Philippe Chauveau : Vous êtes dans l'actualité littéraire avec votre nouveau roman, votre 4ème titre, « Fracking ». On va faire un petit peu plus connaissance. Il y a eu l'image pendant longtemps dans votre vie, aujourd'hui il y a l'écriture. Qui êtes-vous ? Quelle a été votre formation et pourquoi l'écriture fait-elle son apparition dans votre vie ?
François Roux : C'est un peu compliqué. J'ai eu une formation de scientifique, j'étais destiné...
Fracking de François Roux - Portrait - Suite
Philippe Chauveau : Il y avait eu précédemment chez Albin Michel deux autres romans qui nous racontaient la société française. Cette fois, François Roux, vous nous emmenez aux Etats-Unis avec « Fracking ». Nous sommes à quelques mois de l'élection américaine qui va amener au pouvoir Donald Trump. Nous sommes dans le Dakota, une région bien spécifique des Etats-Unis. C'est quoi le fracking ? On va commencer par le titre parce que tout le monde ne sait peut-être en quoi cela consiste.
François Roux : Le fracking est une...
Fracking de François Roux - Livre - Suite
François Roux
Fracking
Présentation 1'49"Après un premier titre en 2010, François Roux a connu le succès en librairie en 2014 en publiant chez Albin Michel « Le bonheur national brut », roman choral dans lequel il suivait plusieurs personnages dans la France de 1981 à nos jours. Avec « Tout ce dont on rêvait », c’est le couple face au chômage et au temps qui passe que François Roux mettait en scène. Dans chacun de ses romans, à travers des personnages de notre quotidien, des personnages qui nous ressemblent, l’auteur nous parle de notre société, de ses travers, de ses pièges. Amoureux de l’Amérique et fin connaisseur de la politique des Etats-Unis, c’est là-bas que François Roux plante le décor de son nouveau roman, « Fracking ». Nous sommes en 2016, à quelques mois de l’élection à la présidence de Donald Trump. Dans une petite ville du Dakota du nord, le percement du sol pour l’exploitation intensive du gaz de schiste, le fracking, bouleverse le mode de vie des populations. Cette fracture du sol est aussi celle de trois familles, dont les membres vont se déchirer, entre ceux qui se résignent et se laissent acheter, ceux qui se battent pour préserver leurs champs et leur eau et ceux qui louvoient dans des perspectives électoralistes. Si le roman se situe aux Etats-Unis, l’histoire n’interdit en rien de l’imaginer ailleurs, là où il faut se battre pour lutter contre l’industrie galopante et le cynisme des grands groupes face à la destruction de l’environnement naturel et des cultures populaires. A la fois roman social et politique, agrémenté d’un vrai souffle romanesque, histoire sombre transcendée par des passages d’une grande poésie, ce nouveau roman de François Roux est un vrai coup de cœur. « Fracking » est publié chez Albin Michel.
François Roux
Fracking
Portrait 6'49"Philippe Chauveau : Bonjour François Roux.
François Roux : Bonjour.
Philippe Chauveau : Vous êtes dans l'actualité littéraire avec votre nouveau roman, votre 4ème titre, « Fracking ». On va faire un petit peu plus connaissance. Il y a eu l'image pendant longtemps dans votre vie, aujourd'hui il y a l'écriture. Qui êtes-vous ? Quelle a été votre formation et pourquoi l'écriture fait-elle son apparition dans votre vie ?
François Roux : C'est un peu compliqué. J'ai eu une formation de scientifique, j'étais destiné à devenir mathématicien ou ingénieur ; j'ai fait Math sup Math spé, etc… Très vite, je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi. J'étais obsédé par le cinéma et je suis parti aux Etats-Unis. C'était l'époque où on commençait à travailler sur les images de synthèse. Puis je suis revenu en France, j'ai trouvé un travail chez des gens qui s'occupaient de l'image, c'était le début du multimédia. Je les ai quittés puis j'ai continué à faire des films plus documentaires, avec des architectes, des films commerciaux aussi, j'ai travaillé dans le luxe, pour les parfums etc... Parallèlement à cela je voulais faire la vraie belle image, l'image de cinéma. J'ai monté une boîte de court métrage, j'ai produit, écrit et réalisé trois court-métrages. J'ai également écrit pour le théâtre, j'ai mis en scène du théâtre et un jour je me suis dit : « Je vais écrire quelque chose qui n'ait pas à être traduit par autre chose que l'écriture elle-même ».
Philippe Chauveau : Vous êtes-vous découvert différent en devenant romancier ?
François Roux : Oui, je pense qu'on s'autorise plus de choses. Et puis j'arrivais à une époque de ma vie ou des questionnements se posaient sur le sens des choses en général donc c'était le moment. Il y a toujours des âges ou les choses se définissent par des questionnements plus ou moins philosophiques qui se traduisent dans les livres.
Philippe Chauveau : Y-a-t-il des écrivains, qu'ils soient classiques ou contemporains, dans lesquels vous avez envie de mettre vos pas ou qui vous ont influencé ?
François Roux : Il y a beaucoup d'auteurs que j'aime mais dont l'écriture reste un peu distante. J'adore les grands classiques. J'ai commencé à lire les très grands classiques comme Flaubert, Stendhal, Dostoïevski… Puis, j'ai eu une période Duras, j'ai beaucoup lu cette littérature des années 50-60. Mais, finalement, je me sens plus proche des auteurs américains Philippe Chauveau : Que vous connaissez bien…
François Roux : Que je connais bien, que je lis souvent. Je trouve qu'il y a une manière de mettre les personnages, les gens, au milieu d'un environnement économique et politique donné, ils arrivent à parler du monde en s'intéressant à des choses très intimes et locales. Ils arrivent à rendre immense dans la signification quelque chose de petit, avec une écriture relativement simple, relativement humble.
Philippe Chauveau : Lorsque je vous entends parler j'ai parfois l'impression que vous parlez de l'écriture de François Roux ! Si je prends vos deux précédents titres chez Albin Michel « Le bonheur national brut » et « Tout ce dont on rêvait », vous nous racontiez la société française. Avec « Fracking » vous nous racontez la société américaine et ses travers, notamment par rapport à l'environnement. J'ai l'impression que vous êtes une sorte de témoin, vous utilisez l'écriture romanesque pour montrer une situation et prendre le lecteur à témoin pour lui dire : « Voilà ce qu'il se passe, réagissez ». Est-ce votre volonté ?
François Roux : C'est comme ça que je perçois mon métier. Je ne peux pas parler de quelqu'un et ne pas décrire, ne pas savoir l'influence que le contexte a sur ce personnage. Je crois beaucoup au roman et au romanesque, je pense que il faut des choses fortes, il faut que les gens soient confrontés à des choses fortes pour qu'ils deviennent des personnages forts. Il faut qu'un personnage change entre le début et la fin du livre.
Philippe Chauveau : Vous avez quand même envie que le lecteur réagisse ? François Roux : Oui. Je pense que c'est aussi une responsabilité. Je fais partie d'un maillon qui fait qu'une conscience peut être prise mais je ne suis qu’un petit maillon. Je n'écris pas n'importe quoi, je me documente beaucoup.
Philippe Chauveau : Si vous deviez donner une définition du romancier que vous êtes, que diriez-vous ? J'employais le mot de témoin, diriez-vous autre chose ? François Roux : Oui je suis un témoin. J'aime confronter la réalité et le romanesque, la fiction et la réalité.
Philippe Chauveau : Votre actualité François Roux, « Fracking » aux éditions Albin Michel.
François Roux
Fracking
Livre 6'43"Philippe Chauveau : Il y avait eu précédemment chez Albin Michel deux autres romans qui nous racontaient la société française. Cette fois, François Roux, vous nous emmenez aux Etats-Unis avec « Fracking ». Nous sommes à quelques mois de l'élection américaine qui va amener au pouvoir Donald Trump. Nous sommes dans le Dakota, une région bien spécifique des Etats-Unis. C'est quoi le fracking ? On va commencer par le titre parce que tout le monde ne sait peut-être en quoi cela consiste.
François Roux : Le fracking est une méthode, qui existe depuis environ quinze ans, qui permet de fracturer la roche et de récupérer le pétrole ou le gaz qui sont emprisonnés dans les pores de la roche. On creuse sous terre jusqu'à 3/4 kilomètres de manière verticale puis horizontale, on fait exploser la roche avec de la dynamite et on envoie sous très haute pression une quantité phénoménale d'eau, de sable et de produits chimiques qui vont maintenir la roche en éveil et qui vont permettre que le fluide s'échappe.
Philippe Chauveau : Cette fracture que vous évoquez, c'est aussi la fracture d'une société et la fracture de trois familles. Nous sommes dans une petite ville du Dakota et tous ces gens vont voir leur quotidien bouleversé par ces nouvelles techniques. Il y a ceux qui vont s'enrichir, ceux qui vont avoir des difficultés à s'en sortir. Qui sont ces personnages et qu'avez-vous eu envie de nous raconter dans ce roman ?
François Roux : Dans « Fracking », il y a trois familles. Il y a une famille de ranchers, des gens qui élèvent du bétail et qui ne sont pas propriétaires de leur sous-sol. Donc, ils ont énormément de vaches, de bêtes à viande, et, parce que leurs voisins ont vendu à des autorités ou à des compagnies pétrolières l'exploitation de leurs sous-sols, là où ils ont leur ferme, ils se retrouvent envahis par des puits de pétrole et leurs animaux meurent à cause des mouvements de camions sur leurs terres. A côté d'eux, il y a les Cobay, les anciens amis des Wilson, qui ont vendu l'exploitation de ce sous-sol. Ils étaient voisins avant, mais personne ne savait qu'il y avait des milliards de dollars sous leurs pieds. Au moment où le fracking est arrivé, ils se sont rendus compte qu'ils pouvaient devenir millionnaires quitte à trahir leurs meilleurs amis, c'est ce qui est arrivé entre les Cobay et les Wilson. La troisième famille, ce sont les Jenson dont le fils Joe travaille dans le pétrole, il est chef de chantier. Le père de Joe veut se présenter aux élections municipales sous l'égide de Donald Trump, c'est un vrai républicain. Il a compris que quelque chose se passait avec cet homme. Au moment où se déroule l’intrigue, on ne sait pas s'il va être élu. Mon personnage sent qu'il y a un vent très conservateur qui va le porter pour les élections. Il y a donc trois familles : les Wilson, les Jenson et les Cobay. Ceux qui possèdent, ceux qui en souffrent et ceux qui finalement en profitent.
Philippe Chauveau : On a bien compris qu'il y a le côté romanesque avec ces trois familles qui vont se déchirer, se retrouver, se détester. Et il y a cette peinture de l'Amérique d'aujourd'hui, cette Amérique de Donald Trump, que vous dénoncez dans ces pages. Mais au final, c'est de toute la société occidentale dont vous parlez parce que ce gaz de schiste, les travers que l'on peut faire sur la nature, cela pourrait se passer aussi en France, peut être différemment mais il y a quand même une dénonciation dans votre roman. Est-ce un roman social ? Un roman politique ?
François Roux : Il y a forcément une dimension sociale parce que je parle des gens qui sont victimes d'un certain système ou qui profitent d'un certain système donc bien sûr, il y a une dimension politique aussi. La situation de la France est très différente, la France a interdit le fracking, la plupart des pays européens à part la Grande-Bretagne qui vient de l'autoriser ont un moratoire sur le fracking. En France, on a des réserves énormes de gaz et de pétrole de schiste. Il suffirait qu'il y ait quelqu'un d'assez cinglé pour décider que ce pétrole doit être utilisé parce que c'est beaucoup d'argent dans les poches de l'état. Tout ça, ce sont des problèmes essentiels. C'est vraiment l'industrie contre l'humain, la puissance des grosses compagnies contre l'individu. Tout le monde se pose la question de savoir si on peut encore sacrifier l'humain pour l'industrie.
Philippe Chauveau : Il y a des passages très sombres, très violents dans votre roman. Il y aussi des passages très beaux et d'une grande poésie. Même si l'histoire est douloureuse et est inquiétante, vous n'avez pas voulu faire un roman sombre, comme si vous vouliez passer le flambeau aux générations à venir.
François Roux : J'ai dédié ce livre à ma petite fille de 4 ans et demi, c'est un peu lâche de ma part, je lui dit : « C'est à toi et tes copains de faire en sorte que les choses changent ». Cela devient de plus en plus problématique, on voit bien que si les gouvernants ne font pas quelque chose, ça va empirer. Je ne veux pas être trop sombre non plus parce que je pense que dans le malheur le plus intense il y a toujours des belles choses à vivre. Les personnages qui sont confrontés au malheur et à la douleur ont aussi des moments de grâce. La vie, c'est une alternance de choses très légères et très lourdes, on n'est pas toujours affligé. Il y en a qui sont très jeunes, donc ils ont toujours cette capacité à rêver qui est fondamentale.
Philippe Chauveau : Un livre qui parle de nous, de nos sociétés, de nos difficultés, un roman coup de poing porté par un beau souffle romanesque, c'est l'une des pépites de cette rentrée littéraire. « Fracking », c'est votre actualité François Roux, vous êtes publié chez Albin Michel. Merci beaucoup.
François Roux : Merci.