Simone Bertière fait partie de ces historiens qui ont su se faire apprécier du grand public, sachant à la fois présenter un travail de recherches fourni, méticuleux, novateur tout en proposant une écriture vivante et dynamique. Professeur de lettres, c’est au début des années 1990 que Simone Bertière entre dans le cercle restreint de l’édition historique, en reprenant le travail entrepris par son époux défunt, sur le cardinal de Retz. Fort du succès de ce premier livre récompensé par plusieurs prix, encouragée par son...
Louis XIII et Richelieu, la malentente de Simone Bertière - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Simone Bertière.
Simone Bertière
Bonjour Philippe Chauveau.
Philippe Chauveau
Merci de nous accueillir. Votre actualité aux éditions de Fallois, Louis XIII et Richelieu. On va parler bien sûr de ces deux grands personnages mais on va parler de vous aussi parce que je suis sûre que vous avez un parcours très intéressant. Vous faites partie de ces historiens, de ces auteurs comme Alain Decaux, comme Evelyne Lever, comme Jean Tulard, qui avez su ouvrir l'Histoire au plus grand nombre par vos ouvrages,...
Louis XIII et Richelieu, la malentente de Simone Bertière - Portrait - Suite
Philippe Chauveau
Parlons de votre actualité Simone Bertière puisque vous publiez au éditions de Fallois ce nouveau titre, Louis XIII et Richelieu avec un sous-titre qui est vraiment très explicite : la Malentente. Si je résume, voilà deux personnages que tout opposait, deux personnages qui ne s'entendaient pas du tout mais qui pour la grandeur de la France, ont décidé de travailler ensemble. C'est ça finalement que vous avez eu envie de raconter.
Simone Bertière
Oui, ils n'ont pas vraiment décidé de travailler ensemble....
Louis XIII et Richelieu, la malentente de Simone Bertière - Le livre - Suite
Simone Bertière
Louis XIII et Richelieu, la malentente
Présentation 2'Simone Bertière fait partie de ces historiens qui ont su se faire apprécier du grand public, sachant à la fois présenter un travail de recherches fourni, méticuleux, novateur tout en proposant une écriture vivante et dynamique. Professeur de lettres, c’est au début des années 1990 que Simone Bertière entre dans le cercle restreint de l’édition historique, en reprenant le travail entrepris par son époux défunt, sur le cardinal de Retz. Fort du succès de ce premier livre récompensé par plusieurs prix, encouragée par son éditeur Bernard de Fallois, Simone Bertière se lance dans une grande série sur les reines de France. Son titre « Marie-Antoinette, l’insoumise », est aujourd’hui une référence et a même été traduit en anglais à la demande des anglo-saxons, inconditionnels de l’épouse de Louis XVI.
Loin des biographies classiques, Simone Bertière cherche toujours à contextualiser son propos et comme une enquêtrice, parvient à identifier à travers les documentations existantes, tel un fil d’Ariane, le détail oublié qui fait la différence et justifie la prise de position de tel ou tel personnage historique. Quant à l’écriture de Simone Bertière, elle est toute en finesse, en légèreté, en humilité aussi, loin du style ampoulé proposé par certains historiens universitaires. Dans son nouveau titre, Simone Bertière s’intéresse à un duo, un binôme, de notre histoire nationale, Louis XIII et Richelieu, deux fortes personnalités, deux tempéraments bien trempés. Loin de ce que l’histoire officielle nous a appris, Simone Bertière raconte ici comment ces deux frères ennemis, liés par une sournoise « malentente », ont su faire fi de leurs divergences, sacrifiant leurs ambitions personnelles, pour le grand dessein de la France.
Un livre passionnant que je vous recommande particulièrement. « Louis XIII et Richelieu, la malentente » de Simone Bertière est publié aux éditions de Fallois
Simone Bertière
Louis XIII et Richelieu, la malentente
Portrait 6'52Philippe Chauveau
Bonjour Simone Bertière.
Simone Bertière
Bonjour Philippe Chauveau.
Philippe Chauveau
Merci de nous accueillir. Votre actualité aux éditions de Fallois, Louis XIII et Richelieu. On va parler bien sûr de ces deux grands personnages mais on va parler de vous aussi parce que je suis sûre que vous avez un parcours très intéressant. Vous faites partie de ces historiens, de ces auteurs comme Alain Decaux, comme Evelyne Lever, comme Jean Tulard, qui avez su ouvrir l'Histoire au plus grand nombre par vos ouvrages, en tous cas moi c'est comme ça que j'ai envie de vous présenter. Comment l'histoire devient-elle chez vous une passion ? Est-ce que déjà petite fille vous aimiez aller lire les livres d'Histoire ? Est-ce que les images d'Epinal vous ont fait grandir ? Pourquoi ce goût pour l'Histoire ?
Simone Bertière
J'ai toujours aimé l'Histoire. Au lycée, j'ai eu d'excellents professeurs d'Histoire, et effectivement, en ce temps là, on avait des cahiers d'Histoire et on les illustrait. Alors on découpait de vieux livres. Et je me souviens de gravures de qualité lamentable mais qui quand même ont imprimé dans nos esprits les grands Hommes de ce que l'on appelle aujourd'hui le roman national. Donc j'ai toujours aimé l'Histoire, mais finalement ma carrière, c'est une carrière de littéraire. Je suis entrée à Sèvres et après la licence, j'ai préparé une maîtrise, et l'agrégation de lettres classiques. Donc j'étais vouée finalement à enseigner les lettres et c'est ce que j'ai fait pendant une douzaine d'années comme professeur de classe préparatoire au lycée de jeune fille de Bordeaux. Mais mon mari, lui, avait décidé de travailler sur le cardinal de Retz, mémorialiste. Comme je lui servais de secrétaire au sens le plus trivial du terme c'est-à-dire que je tapais sur une Olivetti mécanique, je suis devenue dix-septièmiste par osmose, si vous voulez.
Philippe Chauveau
Justement, lorsque vous n'étiez pas en cours, lorsque vous n'étiez pas avec les étudiants ou lorsque votre mari ne vous obligeait pas à être derrière votre machine Olivetti, vous même, vous aviez goût pour la lecture de biographies historiques, vous vous intéressiez déjà à des époques précises de l'Histoire ?
Simone Bertière
Ecoutez, non. Je m'intéressais à l'Histoire dans la mesure où elle était essentielle pour l'étude des textes littéraires. Parce qu'on ne peut pas commenter un texte littéraire non contemporain si on ne le replace pas dans son milieu d'origine. Alors j'ai fait beaucoup d'Histoire autour des textes. Alors je me suis instruite énormément.
Philippe Chauveau
Alors ce qui vous amuse aussi, c'est que l'on dit Simone Bertière historienne, et en fait, vous n'avez pas fait d'études d'Histoire, et ça, ça vous amuse parce que finalement, vous êtes la preuve qu'on peut être une spécialiste d'Histoire sans forcément avoir suivi le cursus. Simone Bertière Ecoutez là, vous me faites grand crédit. Les historiens considèrent toujours que je ne suis pas l'une des leurs. Philippe Chauveau Il y a toujours ces clivages, ces petites gué-guerres.
Simone Bertière
Oui. Il n'y a pas très longtemps, on m'a demandé de quel historien j'étais la disciple. Alors j'ai ri, j'ai éclaté de rire parce que tout mon effort a été justement de me séparer de la façon de raconter des historiens. Alors il faut dire que je suis historienne mais je m'en tiens à ce qui relève de mes propres capacités, mes propres curiosités intellectuelles, autrement dit, je ne fais pas d'Histoire globale, de l'Histoire des institutions. Ce qui m'intéresse, ce sont les moeurs et les mentalités. Alors là, je suis à cheval sur la littérature et sur l'Histoire parce que rien ne trahit mieux les mentalités que les oeuvres de fiction.
Philippe Chauveau
Finalement, le point de départ, c'est la disparition de votre époux puisque vous avez repris ses recherches. Il avait fait donc une thèse sur le cardinal de Retz. Vous vous emparez de ses recherches, et vous publiez en 1990 un premier livre.
Simone Bertière
C'est-à-dire que malheureusement, il est mort au moment de mettre le point final à sa thèse, alors on m'a permis, et j'en suis très reconnaissante à l'Université, de soutenir cette thèse à titre posthume et de la publier. Alors ensuite, moi j'avais déposé une thèse, je pensais travailler sur les conteurs français et italiens de la Renaissance. Mais une dans la famille, je trouvais que ça suffisait. J'ai tout abandonné et je me suis consacrée uniquement à l'enseignement. Là mon poste était à Bordeaux, j'habitais ici. Il y a eu un moment où j'en ai eu assez, donc j'ai pris ma retraite à 60 ans mais avec l'idée de faire des édition de textes. Alors j'ai édité les Mémoires du cardinal de Retz. On m'avait demandé de faire cette édition. Et ensuite, je me suis dit après ce travail, que j'avais de quoi faire une biographie. Toutes les biographies actuelles sont dépassées. Donc j'ai fait une biographie du cardinal de Retz.
Philippe Chauveau
Le virus était pris finalement, parce qu'après vous avez enchainé les titres.
Simone Bertière
J'ai enchainé et je suis toujours restée fidèle à Bernard de Fallois qui est un éditeur remarquable.
Philippe Chauveau
Et aujourd'hui, vous faites toujours partie de la maison de Fallois.
Simone Bertière
Je continue de publier chez de Fallois.
Philippe Chauveau
Là où vous êtes aussi maintenant très très réputées Simone Bertière, c'est pour les ouvrages que vous avez consacrés aux différentes Reines de France et à travers ces personnages, c'est aussi une certaine condition de la femme que vous nous présentez au fil des siècles. Pour quoi ce choix ?
Simone Bertière
Les reines, elles apparaissaient dans l'Histoire uniquement dans ce qu'en disaient les hommes, c'est-à-dire quand elle avaient joué un rôle dans la politique. Mais moi j'ai dit : en quoi consiste la vie d'une reine ? Qu'est-ce qui attend une femme quand elle devient Reine de France ? Et bien pas grand chose de bon. Donc je suis partie d'Anne de Bretagne parce qu'avant, on n'a pas de documents suffisants sur leur mode de vie, et je les ai toutes suivies les unes après les autres avec toujours cette question clef : comment ont-elles vécu leur condition ? Comment ont-elles fait face à leur métier etc...
Philippe Chauveau
Simone Bertière, ce que l'on apprécie aussi dans vos ouvrages, c'est que la recherche est là, il y a les éléments, l'Histoire est bien présente. Et puis aussi votre écriture. Votre style qui est intéressant.
Simone Bertière
Justement, j'allais vous dire. Ce qui me différencie fondamentalement de la plupart des historiens, c'est que je choisis mon public. Et ça, ça me parait le B.A-BA pour tout écrivain. Alors quand j'écris, j'écris pour un interlocuteur imaginaire. Donc il y a du parler dans mon style, il faut que ça coule.
Philippe Chauveau
Il y a du parler, et il y a souvent aussi un peu de taquinerie, un peu de sourire.
Simone Bertière
Mais oui, mais bien entendu parce que je m'imagine mon lecteur et je me dis : est-ce qu'il va comprendre ? Si je pense que non, et bien je donne l'explication. Et s'il y a quelque chose qui me fait sourire, et bien j'aimerais bien qu'il souri avec moi.
Simone Bertière
Louis XIII et Richelieu, la malentente
Le livre 6'51Philippe Chauveau
Parlons de votre actualité Simone Bertière puisque vous publiez au éditions de Fallois ce nouveau titre, Louis XIII et Richelieu avec un sous-titre qui est vraiment très explicite : la Malentente. Si je résume, voilà deux personnages que tout opposait, deux personnages qui ne s'entendaient pas du tout mais qui pour la grandeur de la France, ont décidé de travailler ensemble. C'est ça finalement que vous avez eu envie de raconter.
Simone Bertière
Oui, ils n'ont pas vraiment décidé de travailler ensemble. C'est finalement Richelieu qui ambitionnait le pouvoir. Il a cru d'abord s'approcher du pouvoir par Marie de Médicis. Et bien manque de chance, il a misé sur le mauvais cheval. Louis XIII qui était encore adolescent vivait très mal l'autoritarisme de sa mère et surtout du ministre de sa mère qui s'appelait Concini et que donc, il a fait assassiner. Il a exilé sa mère à Blois. Alors pour Richelieu, c'est la catastrophe parce que Richelieu, évidemment sombrait avec sa protectrice. Et il est reparti à la conquête de Louis XIII par Marie de Médicis en essayant de les réconcilier. Ca a marché un certain temps, et puis il était tellement brillant politiquement et ses suggestions étaient tellement remarquables que Louis XIII s'est rendu compte que personne ne pourrait l'aider à gouverner aussi bien que Richelieu. Louis XIII le prend comme ministre mais avec toujours un peu de défiance. C'est quelqu'un qui n'est pas sûr. Il se dit : il a trahi ma mère, il pourrait me trahir aussi.
Philippe Chauveau
Donc il faut le tenir. Il y a l'image que l'on a de Louis XIII aujourd'hui ,et il y a le personnage qui était réellement Louis XIII. Qui était-il ce monarque ?
Simone Bertière
Ecoutez, on ne sait pas ce qu'il était parce que Louis XIII était extraordinairement secret et taciturne, et il ne parlait pas pour une excellente raison d'ailleurs, c'est qu'il était bègue et qu'il avait la plus grande difficulté à parler. Alors reconstituer son caractère, c'est difficile et on n'y va à petit pas.
Philippe Chauveau
A tout petit pas. Ce dont on s'aperçoit, Simone Bertière, dans votre livre c'est que c'est un binôme. On a l'impression qu'il n'y aurait pas eu Richelieu s'il n'y avait pas eu Louis XIII et inversement, que Louis XIII n'aurait pas eu un règne intéressant si Richelieu n'avait pas été à ses côtés.
Simone Bertière
Excellente question. Oui, sans Louis XIII, il n'y aurait pas eu de Richelieu. Même s'il y avait eu Louis XIV il n'y a aurait pas eu de Richelieu car Louis XIV n'aurait pas laissé Richelieu prendre une telle influence. Alors Louis XIII finalement ne peut pas se passer de Richelieu. Ca vient petit à petit, mais ce qui vaut pour Louis XIII, c'est la qualité de ses conseils. Les conseils en politique extérieure, des conseils militaires, et en particulier pendant le siège de la Rochelle. C'est quand même Richelieu qui mène le siège. Donc Richelieu, c'est celui qui fait gagner Louis XIII. Et Richelieu s'est rendu indispensable pour une raison assez simple, c'est que Louis XIIII a une volonté extrêmement forte. Louis XIII a toujours été très coléreux, très soucieux de son autorité et il veut absolument être obéi. Seulement il dit : je veux, mais ensuite il ne sait pas comment faire pour être obéi. Donc Richelieu a pour tâche de mettre en musique si j'ose dire les désirs, les volontés exprimés par Louis XIII.
Philippe Chauveau
C'est passionnant quand on lit le livre, parce qu'on découvre deux personnalités diamétralement opposées. C'est ce que vous nous expliquez. Pourquoi ces personnages vous ont-ils fascinée ? Qu'est-ce que qui vous a donné envie de travailler sur eux ? A l'écriture du livre, vous ont-ils surpris ? Avez-vous découvert des choses que vous ne soupçonniez pas de leur personnalité ?
Simone Bertière
Là il y a plusieurs questions. Bien entendu, je découvre beaucoup de choses en travaillant. Dès l'instant où l'on se met à faire de la psychologie sur deux personnages de cet ordre, on est sur un terrain mouvant. Donc j'ai pris des risques et j'essaie de séparer les hypothèses et les certitudes. Louis XIII, on ne sait pas du tout ce qu'il pense, ce qu'il éprouve vraiment. Et Richelieu, lui de son côté, a passé des années à polir son image pour la postérité, pour le public de son temps et pour les historiens à venir. Richelieu est très difficile à saisir dans la mesure où on cherche quelle est sa véritable personnalité derrière l'image qu'il a voulu donner de lui. Il a cherché à montrer que toute son action a suivi une ligne directrice dès l'origine. Si on l'en croit, il est arrivé avec dans sa poche un grand dessein à battre l'appareil militaire des protestants, réduire tout le pays à l'obéissance et en partie les grands seigneurs, et réduire l'influence des Habsbourg dans l'Europe au profit de la France. Mais pas du tout. Il a navigué à la godille pendant toute sa carrière et le grand dessein, c'est le résultat rétrospectif quand il examine sa carrière. C'est la ligne qu'il prétend avoir suivie dès l'origine. Donc j'ai changé le mode de narration habituel, c'est-à-dire, j'ai pris mes personnages au début. Et j'ai essayé de les suivre à travers les documents et de raconter leur vie telle qu'il la vivait quand ils ne savaient pas ce que serait le lendemain. Ca change beaucoup de chose.
Philippe Chauveau
Il me semble aussi utile de préciser pour le choix du sous-titre de votre ouvrage. Pourquoi avez-vous choisi "La Malentente"?
Simone Bertière
Parce qu'aucun mot ne parvenait aussi bien convenir à cet état. Ils ne se sont jamais disputés officiellement sauf tout à fait à la fin, dans les derniers mois qui ont précédé leur mort. Mais il n'y avait pas de mésentente, parce que la mésentente suppose qu'ils aient des accrochages violents occasionnels. Mais simplement, ils ne s'entendaient pas. Ils n'étaient pas sur la même longueur d'onde. Ils étaient toujours si vous voulez en porte-à-faux. Et ça vient de ce qu'aucun des deux ne supportaient d'être vraiment subordonné à l'autre.
Philippe Chauveau
Merci beaucoup Simone Bertière de nous avoir accueillis, de nous avoir fait partager votre enthousiasme pour ces deux personnages, Louis XIII et Richelieu. Avec ce sous-titre donc qui a tout son importante : La Malentente. Vous êtes publiée aux éditions de Fallois. Merci beaucoup.