Elle a fait de son métier une vocation ou inversement. Stéphanie Pérez est un visage bien connu des téléspectateurs de France Télévision où elle est reporter. Elle sillonne le monde pour raconter l’actualité. L’Iran, la Turquie, la Syrie et aujourd’hui l’Ukraine, elle est là où la planète est en ébullition et ne se lasse pas de cette effervescence.La voici aujourd’hui en librairie avec un livre passionnant, « Le gardien de Téhéran » aux éditions Plon, livre né de ses nombreux reportages sur place. Elle aurait...
Le gardien de Téhéran de Stéphanie Pérez - Présentation - Suite
Philippe ChauveauBonjour Stéphanie Perez, vous êtes dans l'actualité avec ce qui est votre premier livre. C'est aux éditions Plon. Ça s'appelle Le gardien de Téhéran. Vous êtes un visage bien connu des téléspectateurs puisque vous êtes journaliste, journaliste reporter. Vous êtes souvent sur tous les fronts, là où ça bouge, là où le monde est en ébullition.Qu'est ce qui vous a donné envie de transmettre l'information et d'aller à l'autre bout du monde ?
Stéphanie PérezJe crois que, fondamentalement, j'ai envie...
Le gardien de Téhéran de Stéphanie Pérez - Portrait - Suite
Philippe ChauveauC'est votre premier livre, Stéphanie Perez. Effectivement, dans votre activité de journaliste, jusqu'à présent, vous n'aviez pas pris la plume, que ce soit pour un roman ou pour un essai ou un récit. Premier livre donc, aux éditions Plon. Et cette couverture qui est parlante Le gardien de Téhéran. Vous nous emmenez en Iran, un pays que vous connaissez bien puisque vous y avez souvent été en reportage, mais vous nous emmenez il y a 45 ans.Nous sommes en 1977. C'est la grandeur du royaume des Pahlavi. Le Shah...
Le gardien de Téhéran de Stéphanie Pérez - Livre - Suite
Stéphanie Pérez
Le gardien de Téhéran
Présentation 00'03'34"Elle a fait de son métier une vocation ou inversement. Stéphanie Pérez est un visage bien connu des téléspectateurs de France Télévision où elle est reporter. Elle sillonne le monde pour raconter l’actualité. L’Iran, la Turquie, la Syrie et aujourd’hui l’Ukraine, elle est là où la planète est en ébullition et ne se lasse pas de cette effervescence.
La voici aujourd’hui en librairie avec un livre passionnant, « Le gardien de Téhéran » aux éditions Plon, livre né de ses nombreux reportages sur place. Elle aurait pu choisir le récit ou le témoignage, Stéphanie Pérez a opté pour la plume romanesque. Et elle a eu raison.
Nous sommes en Iran, en 1977, plus précisément au cœur de la capitale iranienne qui n’a sans doute rien à voir avec le reste du pays. Les Pahlavi règnent sans partage. L’empereur, le Chah Mohamed Reza Pahlavi a à cœur de moderniser son pays, de l’ouvrir à l’Occident. Mais les méthodes employées ne sont peut-être pas les bonnes. Car cela se fait à marche forcée, en laissant de côté une partie de la société iranienne, toujours plus pauvre. Sans oublier la police secrète, la terrible Savak. Dans l’ombre, les mollahs veillent, l’ayatollah Khomeiny, exilé à l’étranger, tire les ficelles et la révolte gronde.
En cette année 1977, l’Iran danse sur un volcan.
Le roman s’ouvre sur le jeune Cyrus, issu d’un milieu modeste de la banlieue de Téhéran. Un peu par hasard, il est embauché pour convoyer les œuvres venues du monde entier et qui doivent devenir les joyaux du futur musée d’art moderne de la capitale iranienne voulue par l’impératrice Farah Diba. Lettrée, au regard artistique acéré, la chahbanou veut aussi que ses concitoyens s’élèvent par l’art. Mais là encore, la méthode employée est-elle la bonne ?
Quelques mois après l’inauguration en grandes pompes du musée d’art moderne de Téhéran, le régime s’effondre, les Pahlavi fuient l’Iran pour un exil interminable.
Et le jeune Cyrus se retrouve seul dans l’immensité de ce musée déserté avec une question : Que vont faire les ultras religieux désormais au pouvoir de ces œuvres d’art qui pour eux représentent tout ce qu’ils exècrent de l’occident. Une nouvelle vie s’ouvre pour le jeune homme qui, au fil des années, va tout faire pour sauver ce trésor de l’ignorance et de la violence des mollahs.
Avec une écriture vive et rythmée, Stéphanie Pérez nous raconte un monde qui s’écroule et la montée d’un totalitarisme religieux qui, en quelques mois, va faucher une société séculaire. S’il s’agit bien d’un roman, tout est ici vérité et les évènements racontés viennent se télescoper avec ceux que vit l’Iran aujourd’hui.
A la chute du Shah, les jeunes iraniennes revendiquaient le tchador pour montrer leur hostilité au régime. Désormais, celles qui sont leurs petites-filles cherchent à retirer ce voile pour abattre quatre décennies d’obscurantisme.
Revenant sur une histoire à la fois lointaine et tellement proche, le roman de Stéphanie Pérez est une vraie réussite.
« Le gardien de Téhéran » de Stéphanie Pérez est publié aux éditions Plon.
Stéphanie Pérez
Le gardien de Téhéran
Portrait 00'08'05"Philippe Chauveau
Bonjour Stéphanie Perez, vous êtes dans l'actualité avec ce qui est votre premier livre. C'est aux éditions Plon. Ça s'appelle Le gardien de Téhéran. Vous êtes un visage bien connu des téléspectateurs puisque vous êtes journaliste, journaliste reporter. Vous êtes souvent sur tous les fronts, là où ça bouge, là où le monde est en ébullition.
Qu'est ce qui vous a donné envie de transmettre l'information et d'aller à l'autre bout du monde ?
Stéphanie Pérez
Je crois que, fondamentalement, j'ai envie d'être témoin de l'histoire et de partager justement, de faire comprendre l'histoire en marche. En fait, j'ai envie d'être là où ça se passe depuis toute petite. Une vocation, c'est une vocation depuis que j'écoutais la radio. J'étais fascinée d'entendre les journalistes à l'autre bout du monde et de savoir que on pouvait travailler., on pouvait voyager pour travailler, se lever le matin et ne pas savoir où on allait dormir le soir pour suivre le cours du monde.
Je trouvais ça fascinant et je suis toujours fascinée par ce métier qui me passionne toujours autant.
Philippe Chauveau
Vous auriez pu choisir la presse écrite, mais non, vous faites le choix de l'audiovisuel et de l'image précisément. Pourquoi ?
Stéphanie Pérez
Alors, il y a plusieurs choses. Déjà, il y a le côté instantané qui m'a toujours séduite dans la télévision. Parce que c'est vrai que quand on tourne, on envoie immédiatement alors que la presse écrite, il y a ce délai du bouclage. Il faut envoyer pour le soir l'article publié le lendemain. A l'époque où j'ai commencé, parce que maintenant c'est vrai que ça peut changer avec le web et donc la télévision, il y a aussi l'image.
Et moi, j'aime bien m'appuyer sur l'image pour raconter l'histoire. Et puis aussi, c'est un travail d'équipe. Et moi, j'aime bien travailler en équipe. Je n'aime pas travailler trop tout seule et j'aime bien justement pouvoir travailler à plusieurs pour échanger nos points de vue, pour avancer ensemble. C'est ce qui fait une meilleure histoire.
Philippe Chauveau
Même si c'est la romancière que nous accueillons aujourd'hui. C'est vrai que ce métier de journaliste fascine et interpelle. À France Télévisions, ça se passe comment lorsque l'on vous envoie sur une zone de guerre, par exemple ? Est ce vous qui demandez à partir ? Est ce votre rédacteur en chef qui vous impose ? À combien partez vous ? Ce sont des missions, de combien de jours ça s'organise comment tout cela ?
Stéphanie Pérez
Alors l'Ukraine, par exemple ? Parce que c'est le dernier conflit que je couvre. Je suis volontaire depuis le départ. Et à France Télévisions, on n'est pas obligé de partir sur un conflit, il faut déjà être volontaire. Et après ? La rédaction en chef estime si oui ou non on a les les compétences pour pouvoir y aller et l'expérience pour y aller.
Donc moi, dès le déclenchement de la guerre et même avant, quand on commençait à sentir vraiment les frémissements, j'ai tout de suite signalé que j'étais partante parce que c'est un conflit qui est à nos portes, un conflit qui a des conséquences, qui aura des conséquences sur notre vie quotidienne, sur toute notre géopolitique, sur toute l'Union européenne.
Et j'avais envie d'être témoin de ça, de le raconter, de le décrypter, de l'analyser pour aussi moi même le comprendre directement.
Philippe Chauveau
Et vous partez à combien dans ces cas là ?
Stéphanie Pérez
En équipe ? Alors nous, on part à trois, moi rédactrice, on appelle ça le rédacteur dans notre jargon, le journaliste reporteur d'images, JRI, caméraman. Le monteur est sur place. On va travailler avec ce que nous, on appelle un fixeur, c'est à dire un journaliste local ou plus, en tous les cas un guide local et un chauffeur qui qui va nos transporter.
Philippe Chauveau
Vous avez été primée déjà à plusieurs reprises pour la qualité de votre travail. Vous avez notamment reçu le prix Patrick Bourrat et on se souvient que Patrick Bourrat est décédé en faisant son métier. Ce qui amène à cette question dans quel état d'esprit êtes vous lorsque vous êtes sur une zone de conflit ? Stéphanie Perez, La femme. Quelle est sa position à ce moment là ?
Votre vie personnelle ? Votre vie privée, qu'en faites vous ? Comment travaillez vous dans ces cas là ?
Stéphanie Pérez
Forcément, c'est difficile parce que moi, je suis passionnée par ce que je fais. Donc je suis satisfaite, satisfaite d'être sur ce terrain là. Je sais qu'il y a des risques, mais on va les mesurer, alors Il n'y a pas de risque zéro, même si on le fait, même si on a l'expérience, même si on fait le plus attention possible, on n'est pas à l'abri d’un missile, on n'est pas à l'abri du pire, mais quelque part, on a.
Moi, j'ai apprivoisé la peur, elle est constante, mais on la prévoit. Ce qui est le plus dur, c'est quelque part d'imposer ça aux proches. Moi, je sais que mes parents le vivent très mal. Mon fils n'est pas tranquille. Quand on part comme ça trois semaines, ça, peut être parfois difficile, difficile à gérer parce que c'est un peu égoïste quelque part.
Moi, je vais aller décrypter le monde en marche et c'est ma passion. Mais cette passion là, elle n'est pas forcément partagée par les gens qui sont autour de moi.
Philippe Chauveau
Alors j'entends les mots passion, vocation, mission. Peut être aussi. Et en même temps, on sait que le journalisme est un métier qui est aujourd'hui souvent décrié. Comment vivez vous cette évolution du journalisme et comprenez vous que parfois le grand public nous pointe du doigt, nous les journalistes ?
Stéphanie Pérez
Oui, je peux comprendre parce qu'il y a beaucoup d'informations. Il y a beaucoup plus maintenant avec les réseaux sociaux, tout le monde peut devenir un peu journaliste à sa façon, donc ça peut être assez compliqué. C'est pour ça que nous et surtout nous. Pour le coup, à France Télévisions, on essaye vraiment de se démarquer et d'être le plus rigoureux possible.
Et notamment surtout, pour reprendre l'exemple de ce conflit en Ukraine depuis le début du conflit. Et nous, on y est en permanence, c'est à dire qu'il y a toujours une équipe sur place qui va toujours vérifier, qui est sur place, qui va témoigner et le principe ? Et moi, c'est vraiment comme ça que je conçois ma mission, c'est de témoigner.
Je parle de ce que je sais, de ce que je vois, de ce que j'essaie de comprendre. Je ne pars pas dans des conjonctures, des conjectures, des voilà. J'essaye vraiment de rester fidèle aux faits et ce qui peut effectivement être un travers de notre profession. Sur sur certains canaux, c'est sur ces analyses un peu à l'emporte pièce, les sachants qui savent tout sur tout, qui sont un jour spécialistes du COVID et le lendemain un spécialiste des retraites.
Ça forcément, on s'y perd un peu. Je comprends que le spectateur puisse s'y perdre, mais moi, j'appartiens à la catégorie des gens qui vont sur le terrain, pas de ceux qui commentent, pas de ceux qui ont des avis. Je vais voir et je rapporte ce que je vois.
Philippe Chauveau
Et donc votre enthousiasme n'est pas entamé. Il y a aussi dans votre travail parfois des petites bulles et c'est ce qui se passera au mois de mai puisque vous allez être missionné pour partir en Grande-Bretagne sur le couronnement du roi Charles III. Ça, ça fait partie des charmes du métier. C'est qu’un jour vous racontez les soubresauts du monde.
Et puis le lendemain, vous racontez des choses plus légères.
Stéphanie Pérez
C'est ça qui est passionnant dans notre métier, c'est qu'effectivement, on peut parler à la fois de la guerre à la fois se retrouver sur le couronnement d'un roi. Dans ma carrière, j'ai couvert des attentats, des moments très graves, mais j'ai couvert aussi la victoire, l'équipe de France de football. Donc, à chaque fois, on fait le grand écart.
Et quelque part, moi, j'ai besoin de ça aussi. Parce que si vous ne faites que des reportages qui sont durs, si vous n'êtes pas au contact de la souffrance humaine, moralement c'est très. C'est très dur parce que tout ça, on le reçoit et on a forcément beaucoup d'empathie. Moi, quand je vais en Ukraine, que je rencontre des familles qui sont brisées par la guerre, je me mets à leur place, forcément.
Donc, moralement, c'est parce que ce n'est pas toujours facile. Heureusement d'ailleurs qu'on est plusieurs pour justement se soutenir. Et c'est pour ça que de temps en temps, effectivement, s'échapper et aller voir le couronnement d'un roi ou le jubilé d'une reine, voilà quelque chose de plus léger avec un peuple qui est heureux pour quelques heures, qui va oublier ses soucis pour quelques heures.
Ça nous fait du bien à nous aussi, ça nous donne la pêche aussi et du coup on peut repartir après d'aplomb pour se replonger dans des actualités plus dramatiques.
Philippe Chauveau
Et c'est aussi l'actualité. Stéphanie Perez, témoin d'un monde en marche, c'est votre actualité : Le gardien de Téhéran, c'est ce premier livre que vous publiez aux éditions Plon.
Stéphanie Pérez
Le gardien de Téhéran
Livre 00'08'38"Philippe Chauveau
C'est votre premier livre, Stéphanie Perez. Effectivement, dans votre activité de journaliste, jusqu'à présent, vous n'aviez pas pris la plume, que ce soit pour un roman ou pour un essai ou un récit. Premier livre donc, aux éditions Plon. Et cette couverture qui est parlante Le gardien de Téhéran. Vous nous emmenez en Iran, un pays que vous connaissez bien puisque vous y avez souvent été en reportage, mais vous nous emmenez il y a 45 ans.
Nous sommes en 1977. C'est la grandeur du royaume des Pahlavi. Le Shah règne en maître tout puissant avec son épouse la Shabanie. Une ouverture vers l'Occident, des constructions partout, des stations balnéaires qui poussent sur les rives des mers iraniennes. Un musée d'art contemporain qui va voir le jour, les fêtes de Persépolis. Mais on sent bien que derrière tout cela, le royaume se fissure.
C'est ce que vous nous racontez. Pourquoi avoir choisi, en tant que journaliste, la plume romanesque pour ce premier livre ?
Stéphanie Perez
En fait, cette histoire, c'est d'abord celle d'une rencontre. Parce que ce livre, il est issu d'un reportage et d'une belle rencontre de reportage, comme on en a pas tout le temps. Et donc j'ai rencontré le gardien de ce musée qui est l'objet du livre. Au départ, je voulais me lancer dans un récit plus classique de journaliste, un document.
Mais assez vite, je me suis heurtée à la difficulté d'enquêter en Iran parce que c'est un pays complexe. C'est une partie de l'histoire de l'Iran qu'il est difficile d'aborder aujourd'hui. Ce n'est pas la vie, on n'aime pas trop en parler, on n'aime pas trop dire qu'on les a côtoyés et du coup, je me suis dit Voilà un roman, ça sera plus plus facile pour moi, ça va me donner plus de liberté et ça va me permettre aussi d'aborder plus de thèmes.
Parce que l'histoire de ce musée épouse celle de l'Iran, l'Iran d'avant la révolution islamique pendant la révolution islamique. Après, ça me permettait de couvrir plus librement une très vaste période.
Philippe Chauveau
Mais ce qui est passionnant, c'est qu'on va suivre ce jeune garçon, Cyrus, qui est embauché un peu par hasard au Musée d'art contemporain de Téhéran, qui doit ouvrir. Nous sommes à l'automne 77 et on a besoin de quelqu'un d'un jeune garçon pour convoyer les œuvres d'art qui arrivent d'un peu partout dans le monde, les convoyer de l'aéroport aux musées.
Ça va tomber sur Cyrus qui va vraiment s'enthousiasmer pour ce métier auquel il ne s'attendait pas et qui va surtout être amené à côtoyer des gens proches du pouvoir jusqu'à la soirée d'inauguration de ce musée, la création d'un musée d'art contemporain à Téhéran. Aujourd'hui, ça nous semble surréaliste parce que, à cette époque là, nous sommes dans les derniers mois du règne des Pahlavi.
Vous dépeignez parfaitement la situation de Téhéran et puis de l'Iran à ce moment là. Et puis on sent qu'on est en train de danser sur un volcan.
Stéphanie Perez
Oui, parce que, à l'époque, le Shah d'Iran a donc lancé une modernisation à marche forcée du pays. L'Iran veut se tourner vers l'Occident, sauf que le pays entier n'est pas complètement prêt. Et puis surtout, il y a un fossé énorme entre les fastes de la cour et puis la réalité quotidienne de nombreux Iraniens. Il y a une population qui n'a pas beaucoup d'argent, une population qui a peur de la police secrète du Shah et de ses pratiques de torture, qui terrorise la population et en fait tout ça.
Tout ça ne peut plus durer. Et effectivement, le musée s'ouvre. On est à la fin de cet âge d'or de la dynastie des Pahlavi.
Philippe Chauveau
Ce qui est intéressant dans le roman, puisque, je le rappelle, c'est un roman et on tourne les pages frénétiquement parce qu'on se dit mais non, il y a un moment où ils vont ouvrir les yeux et non le régime impérial semble ne rien voir et court à sa perte. Le personnage de Cyrus est intéressant parce que je le disais, il arrive dans ce musée un peu par hasard.
Mais lui, il vient de là, de la petite société iranienne et il a autour de lui des gens qui sont contre ce régime, qui n'en peuvent plus. Ce personnage de Cyrus, donc il est inspiré d'un vrai, du vrai gardien du musée que vous avez pu côtoyer. Comment avez vous essayé de le construire ? Et il représente une partie de la société de Téhéran, de l'Iran en tous les cas dans ces années 70 ?
Stéphanie Perez
En tous les cas, il est au milieu. Il est un peu coincé quelque part entre chaque camp, entre cette famille impériale qu'il côtoie. Parce que le travail dans le musée, directement au contact du cousin de l'impératrice qui est directeur du musée, on voit l'impératrice qui vient visiter, qui vient voir les œuvres. Donc il est à leur contact et en même temps lui, son quotidien.
C'est tout autour de lui des gens qui souffrent de ce régime. Et lui, quelque part, il est prisonnier au milieu parce qu'il se dit Mais tout n'est pas à jeter dans cette dynastie, dans ce régime. Parce que quelque part, pourquoi lutter contre la modernisation de notre pays alors ?
Philippe Chauveau
C'est vrai que le régime des Pahlavi vit ses dernières heures et les grandes fêtes de Persépolis dont on a beaucoup parlé. Et puis, il y a donc l'inauguration de ce musée d'art contemporain avec un bâtiment futuriste. Quelques unes des œuvres qui avaient été acquises pour ce musée. Vous les expliquez dans le livre.
Mais peut être que vous pouvez vous nous en rappeler quelques unes.
Stéphanie Perez
Alors il faut quand même se dire qu'il y au moins 300 œuvres de maîtres occidentaux qui ont été acquises et qui sont toujours actuellement à Téhéran. Il y a de nombreux Picasso, il y a de nombreux Warhol, moi, l'un de mes derniers reportages en Iran, j'ai eu l'occasion de voir des Warhol, notamment les fameuses canettes de soupe Campbell.
J'ai vu des tableaux qui n'ont jamais été exposés jusqu'alors parce qu'ils étaient enfermés dans les réserves du musée de Téhéran depuis leur acquisition. Il y a un Jackson Pollock qui est la plus belle pièce du musée, qui est estimée aujourd'hui à 250 millions de dollars. La collection entière est estimée à 3 milliards de dollars aujourd'hui, c'est à dire quelque chose d'extraordinaire.
Et du coup, aujourd'hui, ils sont toujours remisés dans la réserve du musée.
Philippe Chauveau
Justement, il y avait une volonté de l'impératrice, c'était de faire se côtoyer des artistes, des Iraniens et puis des artistes occidentaux. Et ce que raconte le roman, c'est que justement, en peu de temps après l'inauguration, c'est la révolution islamique et le départ du Shah, c'est l'arrivée de l'ayatollah Khomeiny. Et que vont devenir ces œuvres d'art Et quel va être le rôle de celui qui va devenir le gardien du musée ?
C'est ce que vous racontez au fil des pages. Vous le disiez, ce jeune Cyrus, qui vient d'un milieu simple, va s'épanouir grâce à l'art. Et c'était bien ça la mission que souhaitait sans doute l'impératrice, c'était grâce à l'art ouvrir les Iraniens à la beauté du monde, peut être, et à l'Occident.
Stéphanie Perez
Oui, il y avait vraiment clairement une volonté d'ouvrir le pays, d'échanger, de provoquer un échange culturel entre l'Occident et et l'Orient. C'était l'objectif de Farah Diba, qu'on surnommait l'impératrice des arts. Elle a fait des études d'architecture à Paris. Elle était très intéressée, très portée sur les questions artistiques, contrairement au Shah qui n'était pas passionné mais qui avait bien compris que ça pouvait être aussi ce qu'on appelle aujourd'hui le soft power.
Donc c'était sa volonté.
Philippe Chauveau
Et votre livre rappelle aussi combien l'art est souvent au cœur des situations conflictuelles, que ce soit les talibans aujourd'hui, que ce soit les œuvres d'art, lorsque les nazis ont occupé la France et qu'il a fallu déplacer les œuvres d'art des grands musées. C'est un peu ce même schéma, forcément. Votre roman fait écho à ce qui se passe aujourd'hui en Iran.
Là, vous nous parlez de l'Iran des années 75 qui ressemble furieusement à l'Occident, avec des femmes qui sont à la mode occidentale. Et puis à un moment, on veut se rebeller contre le Shah. Que font les femmes elles mêmes ? Elles mettent le tchador pour prouver leur hostilité au régime. 45 ans après, les jeunes femmes iraniennes font l'inverse.
Est ce que finalement, on ne retire jamais les leçons d'histoire ?
Stéphanie Perez
En tous les cas, c'est sûr que ce qui se passe actuellement doit être lu à travers le prisme de ce qui s'est passé en 1979. Parce que oui, onze ans, on se dit qu'effectivement, l'Iran est en train de réfléchir, de revenir sur 100 ans, sur son passé et d'essayer de comprendre ce qui a pu se passer, ce qui a pu provoquer ce retour en arrière.
Philippe Chauveau
Voilà un roman qui interpelle, qui fait réfléchir puisqu'il le raconte, le monde tel qu'il est aujourd'hui. Et puis, surtout, vous avez choisi la plume romanesque qui donne une intrigue que l'on suit fébrilement. C'est une vraie réussite. Ça s'appelle le gardien de Téhéran. C'est votre premier livre et donc votre premier roman, Stéphanie Perez. Vous êtes publiée aux éditions Plon. Merci beaucoup, Merci.