Didier Decoin

Didier Decoin

Le bureau des jardins et des étangs

Portrait 7'20

Portrait

Bonjour Didier Decoin

Bonjour Philippe.

Merci d’être avec nous. « Le bureau des jardins et des étangs », votre actualité chez Stock. C’est un roman, on le sait, qui vous tenait à coeur depuis déjà pas mal de temps. Mais j’ai pourtant l’impression qu’à chaque fois que vous écrivez un livre, vous êtes présent à 100 %. Lorsque vous commencez l’écriture d’un nouveau livre, quelle est votre motivation, dans quel état êtes-vous ?

Un état d’égoïsme forcené. J’ai envie de me faire plaisir. En fait, j’écris le livre que j’ai envie de lire. Alors, comme il n’existe pas, forcément, donc je l’écris. Mais c’est vraiment, un acte très personnel. Je dis « je » à moi quand je commence un livre. Sinon, je ne pourrais pas. Je m’ennuierais. Il faut que je sois content de le faire.

Ressentiez-vous le même enthousiasme lorsque vous étiez journaliste, lorsque vous écriviez pour France Soir, le Figaro ou VSD ou lorsque vous avez collaboré à d’autres médias. Il y avait cette même envie, ce même enthousiasme ?

Oui, à partager, avec en plus l’idée de me dire « je suis en train de vivre un événement que d’autres gens ne vivent pas, sinon, on ne m’aurait pas envoyé sur les lieux comme journaliste, il faut que je le partage avec eux. » Le livre, quelque part, c’est quelque chose, d’assez égoïste comme travail. D’abord, parce que ça prend un temps fou. Un titre de journal en principe, ça va très vite. Celui-là, j’ai mis 12 ans à l’écrire. Vous pensez… Ca prend du temps. Et c’est véritablement parce qu’on a envie d’entrer dans un monde, de vivre dans une histoire avec des personnages. C’est comme de partir en vacances dans un lieu qu’on s’est choisi avec des copains qu’on aime bien.

Alors je veux bien entendre que l’égoïsme est le point de départ, mais après l’envie de partager avec le lecteur arrive très vite.

Tout de suite, dès la première page. On se dit, moi je ne vais pas garder ça pour moi. Mais c’est vrai que le point de départ, c’est quand même une envie de vivre… En fait, je crois que je suis pas très satisfait de ce XXIème siècle. Je ne l’étais pas beaucoup plus du XXème et donc, je vais chercher d’autres siècles, d’autres lieux que ceux où j’évolue. C’est le côté « changement d’herbage réjouit les veaux ». Je reprends pied avec la réalité dès que je sors de mon bureau.

Lorsque vous avez démarré dans le journalisme, vous saviez que vous alliez avoir cette envie d’écriture ?

Non, parce que le premier roman, c’était un roman qui n’était pas prévu au programme. C’est un roman que j’ai écrit pour me sauver d’un chagrin d’amour. Ce n’est pas un roman d’ailleurs. Enfin, on l’a considéré comme un roman mais c’est une lettre.

Mais on revient à la même chose, c’est à dire que vous écrivez votre premier roman pour vous isoler d’une réalité.

Pour me sauver. Et surtout pour dire à une jeune fille… On avait 18 ans tous les deux. Les 18 ans d’un garçon, c’est 16. Et les 18 ans d’une fille c’est 20 ans. Il y a 4 ans.. Donc elle m’avait dit : c’est fini entre nous, on ne se voit plus, on ne se téléphone plus etc… Moi je pensais qu’elle faisait une erreur, je l’aimais, je crois que je l’ai vraiment aimée d’ailleurs. Et donc, j’ai eu envie de lui dire, de faire le bilan de ce qu’on avait vécu, et de faire une prospective, voir ce que l’on pourrait encore vivre. Donc je lui ai écrit une lettre. Et je lui ai écrit tous les jours… J’avais des choses à lui dire. Au bout d’un certain nombre de jours et de nuits, ça a fait 200 pages.

Ca a été une façon de panser une blessure, ce premier roman. Et puis très très vite, il y a eu d’autres titres. 77, c’est le prix Goncourt.

John l’Enfer.

Vous gardez quel souvenir de ce moment là ?

Ecoutez formidable, parce que je venais de me marier. C’était en novembre, je me mariais en septembre. Le mariage n’était pas vieux. Et je ne croyais pas que je l’aurais. Parce que c’est comme quand vous jouez au loto… On se dit qu’il n’y a pas de raison. J’étais chez Jean-Marc Roberts qui était mon éditeur, le matin du prix, assis sur son lit, et puis on regardait la télévision pour avoir les résultats, et c’est Armand Manou qui était secrétaire général à l’époque qui sort devant chez Drouant : « Le prix Goncourt 1977 est attribué au roman John… » J’ai fait un bond de kangourou. Je suis retombé sur le lit de Jean-Marc. Ca a fait crac. Le lit était brisé. Je lui ai dit : je te dois un lit. Il me dit : tu me dois beaucoup plus. C’était vrai d’ailleurs. Je ne lui ai jamais acheté de lit de rechange. Mais ça a été une journée absolument extraordinaire.

Vous avez l’impression qu’il y a eu un avant et un après Goncourt ?

Bien sûr.

Mais dans votre écriture aussi.

Oui, parce que l’avant Goncourt, c’était une écriture précipitée, une écriture impatiente. J’étais pressé de publier mes livres. Mes livres se vendotaient… Ce n’était pas des tirages importants. Et quand j’ai eu le Goncourt, il m’a semblé que j’avais atteint en tous cas, un relais de la vie littéraire, que je n’étais plus pressé. Et donc, au lieu de mettre un an pour écrire un livre, j’ai mis 3 ans, 4 ans, ce qui évidemment a changé l’écriture, le choix des sujets. C’est devenu plus ambitieux, plus fouillé, plus fouillu peut-être aussi. Mais en tous ças, c’est une écriture différente.

Vous avez évoqué le cinéma, vous avez dit que grâce au goncourt, vous avez pu concrétiser un rêve, faire votre film. Vous êtes également scénariste pour le cinéma et la télévision. Bien sûr, on ne peut pas parler de vous Didier Decoin, sans évoquer votre père, Henri Decoin, grand nom du cinéma. Pensez-vous toujours à lui lorsque vous commencez l’écriture d’un livre, ou lorsque vous mettez le point final peut-être. Vous dites-vous « Est-ce que papa serait fier de moi? Est-ce qu’il aurait envie de le mettre en image ? »

Pas qu’il me mette en images, mais la question est-ce qu’il serait content que j’écrive ce livre, est-ce qu’il aurait un plaisir à le lire, ça c’est une question que je me pose au début, au milieu et à la fin, et même après, quand le livre est rangé dans les rayons de ma bibliothèque. Mon père a été la personne la plus importante de ma jeunesse. Je dis toujours : c’est un ovni, objet viril non identifié. Parce que papa avait 60 ans quand il m’a fabriqué. Alors ce n’était pas un grand-père. Ce n’était pas un pote non plus. Il n’avait pas le même âge que les papas de mes copains. C’était mon père. En plus, il faisait un métier que je trouvais sublime, le cinéma. Et puis il en faisait plein des films, et puis il racontait des histoires, et puis il s’en foutait si c’était bon ou pas bon. Ce qu’il aimait, c’était tourner.

Vous avez l’impression que l’un comme l’autre, vous êtes des raconteurs d’histoires. Est-ce que c’est une bonne définition de votre travail, conteur ?

Raconter d’histoire, c’est une très belle définition. C’est-à-dire, c’est celui qui entre dans la maison, et qui s’assoit près de la cheminée, qui épluche une ou deux châtaignes, et qui commence à dire. « Ah, c’était un soir, la lune montait derrière une colline. Et des arbres squelettiques. C’était une lune qui était plus grosse que d’habitude… etc etc… C’est ça raconteur d’histoires.

Didier Decoin, raconteur d’histoire. C’est une bonne définition.

Oui, c’est pas mal comme épitaphe aussi. Avec un S à histoires.

Bien sûr. Votre actualité, Didier deCoin, chez Stock, vous publiez « Le bureau des jardins et des étangs ».






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  • LIVRE
  • On connaissait la passion de Didier Decoin pour les Etats-Unis, plusieurs de ses romans y trouvant leur décor, tel « John l'enfer » prix Goncourt 1977. Mais Didier Decoin a aussi une fascination pour le Japon comme le prouve son nouveau roman « Le bureau des jardins et des étangs ».Fils du cinéaste Henri Decoin, le jeune Didier connait bien les plateaux de cinéma et il voit défiler chez ses parents tous les grands du cinéma français des années 40 et 50.Mais c'est le journalisme qui attire le jeune Didier Decoin. On le retrouve...Le livre, cadeau idéal ? de Didier Decoin - Présentation - Suite
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    LivreAvec ce nouveau titre, Didier Decoin, « Le bureau des jardins et des étangs », vous allez nous emmener au Japon. On sait que vous adorez les Etats-Unis. On connaissait peut-être moins votre passion aussi du Japon. Et là, c’est le Japon du XIème, XIIème siècle que vous nous présentez, avec ce portrait de femme. C’est Miyuki qui est l’héroïne de votre roman. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’entraîner le lecteur dans ce Japon du XIème, XII ème siècle ? Un livre pour lequel vous avez mis plus de dix ans à...Le livre, cadeau idéal ? de Didier Decoin - Livre - Suite