Être au cœur de l’actualité, rendre compte, vivre dans l’urgence du direct. Adrien Borne a trouvé dans le journalisme une adrénaline qui l’a mené des studios de RTL aux plateaux de chaines d’info comme LCI. Aujourd’hui, il fait le choix de se mettre en retrait de l’agitation médiatique pour entamer une nouvelle page de son travail journalistique autour du langage et de l’écriture.
L’écriture qui est devenue la nouvelle passion d’Adrien Borne puisque son nom résonne désormais aussi en librairie.
Son premier...
La vie qui commence d'Adrien Borne - Présentation - Suite
Philippe Chauveau
Bonjour Adrien Borne.
Adrien Borne
Bonjour.
Philippe Chauveau
Votre actualité chez Jean-Claude Lattès, La vie qui commence, c'est votre nouveau titre, votre deuxième roman, puisqu'il y avait eu Mémoire de soie précédemment. Et on vous connaît aussi en tant que journaliste, vous avez sévi pendant plusieurs années sur des chaînes d'info notamment, notamment LCi. Aujourd'hui, d'ailleurs, vous vous définissez comme un journaliste ou comme un romancier ?
Adrien Borne
Les deux, mon capitaine. J'aime bien...
La vie qui commence d'Adrien Borne - Portrait - Suite
Philippe Chauveau
La vie qui commence. Votre actualité, Adrien Borne, chez Jean-Claude Lattès, avec ce bandeau que l'éditeur a choisi de mettre sur la couverture, ce plongeon vers l'inconnu, vers une autre vie. C'est Gabriel, Gabriel qui est un jeune adolescent. On va suivre son parcours. J'aimerais qu'on revienne quand même sur ce que vous aviez publié en 2016. Vous êtes journaliste, on le rappelle, journaliste en télévision, entre autres, à cette époque-là. Et vous publiez un court message pour parler de la pédophilie et...
La vie qui commence d'Adrien Borne - Livre - Suite
Adrien Borne
La vie qui commence
Présentation 00'03'23"Être au cœur de l’actualité, rendre compte, vivre dans l’urgence du direct. Adrien Borne a trouvé dans le journalisme une adrénaline qui l’a mené des studios de RTL aux plateaux de chaines d’info comme LCI. Aujourd’hui, il fait le choix de se mettre en retrait de l’agitation médiatique pour entamer une nouvelle page de son travail journalistique autour du langage et de l’écriture. L’écriture qui est devenue la nouvelle passion d’Adrien Borne puisque son nom résonne désormais aussi en librairie. Son premier roman « Mémoires de soie » paru en 2020 a connu un beau succès auprès des critiques comme des lecteurs et a été plusieurs fois primé. Racontant ses origines familiales dans la Drôme de la première moitié du XXème siècle, ce roman à la fois beau et triste, parlait des silences, des non-dits, de ses interstices sur lesquelles chacun doit construire sa vie, d’une génération à l’autre. Outre le sujet était alors saluée l’écriture d’Adrien Borne à la fois subtile, âpre, violente et poétique, une écriture dans laquelle les lieux et les ambiances avaient toute leur place. Certains la comparaient alors, avec raison, à celle de Jean Giono. Avec ce nouveau titre, « La vie qui commence », Adrien Borne confirme les espoirs placés en lui. Nous sommes au milieu des années 90, Gabriel a 12 ans, il est seul chez lu, c’est l’été, il est en vacances et regarde le Tour de France à la télé. Il se sent protégé dans son univers familial. On sonne à la porte. Et voici Gabriel face à celui qui fut son moniteur quelques temps plus tôt, en colonie de vacances. Là où se sont passées des choses qui n’auraient pas dû se passer. Puis les années vont s’écouler et, construisant sa vie, Gabriel va inconsciemment enfouir ses souvenirs. Mais lors d’un séjour chez son grand-père, à Tonnerre, dans l’Yonne, et cela a son importance, Gabriel va voir ressurgir les démons du passé. Dans ce qui est bien un roman, Adrien Borne ne cache pas que son jeune héros, Gabriel, est son frère siamois, il le dit lui-même. Et, évoquant avec pudeur et délicatesse, le douloureux sujet de la pédophilie, il poursuit le travail entamé il y a quelques années, quand, abordant ce thème en tant que journaliste, il avait publié un message sur les réseaux sociaux, expliquant avoir lui-même été victime d’un prédateur sexuel dans son enfance. A l’époque, Adrien Borne ne se sentait pas légitime à aller plus loin dans sa démarche. Aujourd’hui, ayant gagné en assurance dans sa vie personnelle et dans son écriture, il choisit la plume romanesque pour raconter, à la première personne, ce qui passe dans la tête d’un enfant devenu adulte, victime de ce genre d’agression. L’auteur le fait avec l’élégance de son écriture, toute en finesse, en nuance, en poésie, jouant là encore sur les sensations et les émotions. Loin d’être un roman sombre, violent ou revendicatif, Adrien Borne signe ici un livre d’une grande générosité porteur d’espoir et de résilience, comme une vie qui commence ou qui recommence. C’est un coup de cœur ! Le livre d’Adrien Borne, « La vie qui commence » est publié aux éditions Lattès.
Adrien Borne
La vie qui commence
Portrait 00'06'50"Philippe Chauveau
Bonjour Adrien Borne.
Adrien Borne
Bonjour.
Philippe Chauveau
Votre actualité chez Jean-Claude Lattès, La vie qui commence, c'est votre nouveau titre, votre deuxième roman, puisqu'il y avait eu Mémoire de soie précédemment. Et on vous connaît aussi en tant que journaliste, vous avez sévi pendant plusieurs années sur des chaînes d'info notamment, notamment LCi. Aujourd'hui, d'ailleurs, vous vous définissez comme un journaliste ou comme un romancier ?
Adrien Borne
Les deux, mon capitaine. J'aime bien d'abord ne pas être résumé à quelques mots. Donc déjà, ça m'arrange qu'il y en ait deux, parce que ça ouvre d'autres horizons et différents horizons. Et en l'espèce, le journalisme et l'écriture m'offrent des champs respectifs de recherches qui sont très complémentaires au fond.
Philippe Chauveau
Pourquoi le journalisme dans votre carrière ?
Adrien Borne
Un peu par hasard. Et puis parce que je suis tombé amoureux de la radio, vraiment complètement amoureux de la radio à l'école de journalisme de Lille où j'ai appris ce métier, et où j'ai appris la radio et je me suis rendu compte, c'était déjà une intuition en tant qu'auditeur, je me suis rendu compte déjà, et c'est pour ça vous voyez qu'il y a un lien entre le journalisme et l'écriture, du pouvoir et de la puissance des mots et du plaisir qu'on pouvait avoir à raconter des histoires, certes vraies, derrière un micro, bien à l'abri derrière son micro et avec le soin accordé aux mots, parce qu'il y a un enjeu de temps, un enjeu de rythme. Il faut tenir compte de ces paramètres-là. Je me mettais dans la peau en tant que journaliste de celui qui rapporte, de celui qui transmet, de celui qui raconte.
Philippe Chauveau
C'est être au coeur de l'actualité ?
Adrien Borne
Oui, absolument, c'est être au cœur. Et puis vous maniez l'humain sous toutes ses formes, les formes les plus belles, les plus excitantes. Ses parts beaucoup plus sombres également. Et puis vous ajoutez à cela et ça, c'est quelque chose que j'aime beaucoup, c'est l'enjeu du direct, évidemment. Ce fil sur lequel vous marchez avec l'exigence de ne pas pouvoir vous tromper, vous n'avez pas le droit de vous tromper. Alors si vous le faites, vous vous excusez si vous avez le temps. C'est ce petit pincement, l'adrénaline, peut-être cette part d'acteur, diront certains , peut-être que c'est comme quand on se présente et qu'on est quelques instants avant de rentrer sur scène. Mais il y a un peu de ça quand même, j'en suis parfaitement conscient. C'est pour ça d'ailleurs que je n'ai jamais fait de presse écrite. Peut-être que je n'aurais pas trouvé cette adrénaline-là.
Philippe Chauveau
Alors vous commencez par la radio, RTL notamment, après il y a la télévision, on l'a dit avec iTélé ou LCI. Vous parlez de l'urgence, de l'actualité, du fait d'être en adéquation avec ce qui se passe dans le monde. Et puis après, il y a l'écriture et notamment en mémoire de soie, qui est votre premier titre ? Ça a été une sorte de refuge parce que là, vous étiez tout seul avec vous-même. Vous aviez le temps de l'écriture. Ça a été une sorte de soupape par rapport à la frénésie du métier de journaliste en télévision et en radio ?
Adrien Borne
Oui, je pense que c'est le mot, même si j'ai mis du temps à le réaliser. Véronique Cardi, qui est à la tête de Lattès, m'a contacté. Notre première rencontre remonte à plus de douze ans et déjà elle m'avait dit « Tu devrais écrire et tu vas y arriver ». J'ai mis dix ans pour parvenir à Mémoires de soie et par réaliser vraiment qu'il fallait que je trouve un autre point d'appui, le calme, le choix de la temporalité. Parce que le journalisme, surtout dans des chaînes d'info, est une exigence extrême en termes de rythme, de séquençage, de moments de vitalité et à travers l'écriture, j'ai trouvé soudainement l'espace, soudainement d'ouverture. Effectivement, et c'est ce qui était très important pour moi, c'était de choisir, choisir ma temporalité, soudainement, mes personnages, mon époque également et d'une certaine manière, c'était reposant que d'écrire.
Philippe Chauveau
Vous faites le choix, dans votre premier roman, de puiser dans vos racines familiales avec Mémoires de soie. Ça a été une évidence que votre premier roman serait une sorte d'hommage à votre famille ? Pourquoi ce choix ?
Adrien Borne
Ça n'a pas du tout été évident. Si j'ai mis si longtemps à écrire, c'est que j'ai réalisé très tardivement que je ne devais pas partir d'un personnage ou d'une époque, mais d'un lieu. Et j'ai réalisé que j'étais un déraciné, comme tout bon Parisien bien souvent, que je n'étais que du pollen finalement, et qu'il était temps que je me rappelle d’où je venais. Et la Drôme, effectivement, ce lien-là, ces racines-là. Et quand je me suis plongé et planté dans cette terre, au moment d'écrire ,cette Drôme que je connais si bien et où toute ma famille a vécu et une partie d'entre elle vit encore, là soudainement, j'ai été un peu plus alimenté et ça a pu me servir de support.
Philippe Chauveau
Comme vous le dites, vous n'avez commis que 2 livres, mais bien sûr, il y en aura d'autres. Néanmoins, on décèle très vite chez vous l'importance de la langue, le travail sur la syntaxe, la musicalité de votre écriture. Ça, c'est quelque chose... C'est un peu votre marque de fabrique, c'est que vous aimez les mots ?
Adrien Borne
J'adore les mots. Je trouve que la langue française, qui est la seule que je maîtrise un peu parce que sinon, je n'ose pas me lancer dans une langue étrangère, parce que j'ai peur de manquer de vocabulaire.
Philippe Chauveau
Dans cette époque où tout est dans l'urgence, où tout se passe entre texto et message très court sur Insta, est-ce que vous n'avez pas l'impression d'être un peu décalé, justement en revendiquant la richesse du mot, de la langue française dans toute sa complexité ?
Adrien Borne
Je ne suis pas décalé, je suis convaincu, et je vous raconte une toute petite anecdote et vous allez comprendre très vite. J'étais dans un lycée et je montrais un smiley, vous savez, ce visage jaune qui fait un bisou avec un cœur, vous voyez ? Et je disais à un élève « Mais ça, toi, tu l'utilises ? » à un jeune homme et il me dit « Ouais, je l'utilise même pour parler à mon meilleur ami. Je lui envoie ça » et je lui dis « Mais si ça tu devais le traduire à ton meilleur ami en mots, tu lui dirais quoi en mots ? » Et là, il a un temps d'arrêt et il me répond. « Je lui dirais que je tiens à lui ». Ils se sont mis tous les deux à rougir. Mais vous voyez, là, je me suis dis voilà exactement ce que nous offre la langue, cet espace de nuances, de profondeur, de sincérité que jamais on retrouvera dans un petit visage jaune avec un cœur, et ce qui apparaît comme un je ne sais quoi.
Philippe Chauveau
Donc on va suivre votre parcours. Ça s'appelle La vie qui commence, c'est votre actualité,
Adrien BOrne, vous êtes publié aux éditions Lattès.
Adrien Borne
La vie qui commence
Livre 00'07'40"Philippe Chauveau
La vie qui commence. Votre actualité, Adrien Borne, chez Jean-Claude Lattès, avec ce bandeau que l'éditeur a choisi de mettre sur la couverture, ce plongeon vers l'inconnu, vers une autre vie. C'est Gabriel, Gabriel qui est un jeune adolescent. On va suivre son parcours. J'aimerais qu'on revienne quand même sur ce que vous aviez publié en 2016. Vous êtes journaliste, on le rappelle, journaliste en télévision, entre autres, à cette époque-là. Et vous publiez un court message pour parler de la pédophilie et pour expliquer que vous avez-vous-même été victime de cela. Pourquoi est-ce important, à ce moment-là, de témoigner ?
Adrien Borne
En tant que journaliste, je suis amené à traiter des cas de pédophilie, de pédo criminalité dans l'église lyonnaise. Le père Preynat qui est impliqué, Monseigneur Barbarin également. Et je suis amené à interviewer ces hommes qui dénoncent les faits et qui ont été victimes eux-mêmes et qui m'impressionnent par leur courage parce qu'ils parlent de ce qu'ils ont vécu enfant. Et en plus, ils parlent en s'attaquant à l'institution que représente l'Église catholique. Ils me donnent soudainement, sans le savoir, cette petite autorisation. Peut-être être que moi aussi je pourrais parler et je crois que tout commence un peu à ce moment-là et ce livre sans doute commence un peu à ce moment-là.
Philippe Chauveau
Et ce message a eu quand même un retentissement du fait de votre notoriété en tant que journaliste à la télévision Et puis, peut-être parce que vous avez été le porte-parole d'autres personnes qui n'avaient pas les mots ?
Adrien Borne
Peut-être que ça aussi je l'ai mesuré à l'époque, sans m'en douter vraiment. Et à l'époque, je reçois déjà beaucoup de messages de gens qui me racontent leur histoire. J'essaye de répondre au début. Et puis je n'y parviens plus parce que je ne suis pas apte. Je n'ai pas les moyens de leur répondre. C'est une chose que je me suis toujours reproché. A l'époque, on me demande également de faire, de faire un récit, de raconter. Plusieurs éditeurs me contactent pour me dire « Faisons un livre de cette histoire, de ça ». Et je m'y refuse parce que je ne me sens pas prêt. Et parce que je crois qu'à l'époque, déjà, j'ai conscience que si je sors un livre un jour, ce ne sera pas celui-là le premier et qu'ensuite, si un jour je parle de ça dans un livre, ce ne sera pas à la manière du récit.
Philippe Chauveau
Ce sera avec la forme romanesque ?
Adrien Borne
Absolument.
Philippe Chauveau
Donc, on peut dire que La vie qui commence découle de ce texte publié il y a quelques années en tant que journaliste.
Adrien Borne
Absolument.
Philippe Chauveau
C’est Gabriel. Alors, Gabriel, on va comprendre. Vous le dites d'ailleurs. C'est en partie vous même si tout cela reste un roman. Gabriel, il est parti en colo il y a quelque temps. Et puis là, on va le retrouver en plein été. Il est chez lui, tranquille, il fait chaud, il mange de la glace. Et puis il regarde le Tour de France. Il se sent très protégé chez lui. Et puis on sonne à la porte et il va se retrouver face à un moniteur, le moniteur qui a abusé de lui quelque temps auparavant. Qui est-il Gabriel ?
Adrien Borne
Gabriel, c'est ce petit garçon, ce jeune garçon. Je ne sais pas comment on dit. Il a douze ans.
C'est un garçon que je qualifie d'assez pétillant. Curieux.
Philippe Chauveau
C'est un ado bien dans sa peau.
Adrien Borne
Complètement bien dans sa peau. Et un petit garçon bien intégré. Et il adore aller en colonie de vacances. Dans les premières pages du livre, c'est la vie qui commence, c'est ce sont toutes ces découvertes possibles à ces âges-là, qui sont absolument formidables quand on est un garçon de douze ans.
Philippe Chauveau
Gabriel, il va donc partir en colo. Il va y avoir ce moniteur, il va se passer des choses qui ne devraient pas se passer. Il s'en rend bien compte, mais il ne sait pas comment les exprimer.
Et puis c'est bizarre parce que ça ne se fait pas de façon violente. Il ne sait pas comment il doit réagir. Et puis il va enfouir ça dans sa mémoire. Il va avancer dans la vie. Et puis, devenu adulte, il va se retrouver avec son grand-père, qu'il doit aider à déménager la maison. Parce que les années sont passées et qu'il faut faire des choix. Et à l'occasion de ce déménagement, tous les vannes vont s'ouvrir. Vous aviez besoin d'écrire un roman, un récit en deux temps, en deux époques ? L’ado et l’adulte.
Adrien Borne
Oui, pour une raison simple, c'est que Gabriel comme moi, vous l'avez dit, Gabriel est mon frère siamois, à n'en pas douter…. Et c'est aussi le ressort romanesque qui me plaît, il est absent à lui-même, d'une certaine manière, pendant 20 ans, c'est à dire qu'il l'oublie, il enfoui. Et donc, il y a ce laps de temps d'une vingtaine d'années où il est étranger à lui-même. Et donc, pour moi, il fallait enjamber cette période-là et le retrouver à l'heure où la parole rejaillit, remonte à la surface. A ce titre, je parlais des lieux tout à l'heure et de l'importance pour moi. Sa vie avec ce grand-père s’enrobe autour de la fosse de Tonnerre qui symbolisait assez bien pour moi ce grand espace rond, le plus grand lavoir d'Europe, l'idée de l'enfouissement, ce lieu qui change de couleur plusieurs fois par jour, parce que pour moi, c'est vraiment ça. Cette mémoire qui, à un moment, remonte à la surface.
Philippe Chauveau
Ce gamin, et puis ensuite ce jeune adulte, il a réussi finalement quand même à avancer dans la vie, même s'il a enfoui ce souvenir. Et dans votre écriture, il n'y a pas de militantisme, il n'y a pas d'agressivité dans ce que vous dénoncez. Vous n'êtes pas un porte étendard, vous ne prenez pas les armes contre la pédophilie, vous expliquez ce qu'a vécu Gabriel, simplement et en disant « Voilà, est-ce que mon témoignage peut être utile ? »
Adrien Borne
Chacun fait comme il peut. Ça, c'est ma conviction. Il faut essayer à un moment. Evidemment, je ferai tout et toute ma vie, le nécessaire pour qu'il n'y ait pas d'autre Gabriel. Ma manière à moi, c'est de le raconter du point de vue d'abord de l'enfant et ensuite de l'adulte à demi. Il y a ces hommes et ces femmes d'ailleurs, bien sûr, à demi pour toujours, qu'on le veuille ou non. On se reconstruit, mais on boite toujours un petit peu.
Philippe Chauveau
On boite. Et c'est ce que dit Gabriel, votre frère siamois. C'est qu'il y a aussi cette part de culpabilité parce que, en enfouissant le souvenir, vous ne le dénoncez pas et donc, en ne dénonçant pas, vous faites des victimes potentielles supplémentaires ?
Adrien Borne
Oui, vous vous rendez compte, la malice de ces actes-là. C'est-à-dire que non seulement vous avez été blessé, malmené, violenté dans l'intime, et en plus vous allez porter de la culpabilité, de l'angoisse. Qu'est-ce que j'aurais dû dire ? Qu'est-ce que je n'aurais pas dû dire ? À quel moment ? Etc. En fait, c'est une accumulation de questions qui commencent à l'instant où ces agressions commencent.
Philippe Chauveau
Lorsque vous avez mis le point final à ce qui est donc un roman, même si on le comprend, c'est donc très proche de votre propre vie. Vous vous êtes senti soulagé ? Vous aviez rempli la mission ?
Adrien Borne
C'est une bonne question. Je ne sais pas. J'aimerais que quelqu'un me dise que j'avais rempli la mission. J'aimerais qu'une personne me dise, ça m'a aidé. Là, j'aurai rempli ma mission. Ça, ça, ça compterait.
Philippe Chauveau
Votre actualité, Adrien Borne. Voilà un livre qui marque, un livre à mettre entre toutes les mains me semble-t-il. En tout cas, une belle écriture surtout, c'est important de souligner. C'est votre actualité, La vie qui commence, aux éditions Jean-Claude Lattès. Merci beaucoup.
Adrien Borne
Merci à vous.