Il est incontestablement le plus russe des français et le plus français des russes. Depuis 1991, Vladimir Fedorovski est une présence régulière en librairie. Son premier livre « Histoire secrète d’un coup d’état » racontait sa propre expérience, lui qui fut aux côtés de Michael Gorbatchev lors de la chute de l’URSS. Mais le parcours diplomatique de Vladimir Fedorovski avait commencé bien plus tôt quand Leonid Brejnev le prenait sous son aile et l’envoyait en France, à l’ambassade soviétique, en tant qu’attaché culturel.

Dans ce qui est son 55ème titre, « Amour et inspiration », celui que ses proches appellent Vlad retrace une partie de cette histoire personnelle, point de départ de ses rencontres avec les grands noms du milieu artistique et culturel russe. Car finalement, au-delà d’une belle carte de visite dans le monde de la diplomatie internationale, c’est bien l’art qui a toujours fait vibrer Vladimir Fedorovski, souvenir du gamin qui préférait aller visiter en cachette les musées de Moscou plutôt que de rejoindre les bancs de l’école.

Dans ce nouveau livre, il nous raconte donc les belles rencontres qui ont marqué sa vie et il revient sur ce lien culturel et artistique qui a toujours uni la Russie à la France et qui, il l’espère, saura toujours venir à bout des divergences qui peuvent exister entre nos deux pays. Se basant sur l’exposition Morozov qui se tient jusqu’en février 2022 à la Fondation Louis Vuitton, Vladimir Fedorovski nous offre une ode à l’art et à l’amour, aux artistes et à leurs inspiratrices et à ces collectionneurs qui sacrifient leur fortune pour partager leur passion. Au fil des pages, Picasso, Matisse, Diaghilev, Chagall, Modigliani, Margot Fonteyn ou Rudolf Noureev vous apparaitront sous un jour nouveau à travers des anecdotes et des secrets révélés.

En ces temps de morosité, Vladimir Fédorovski nous rappelle que l’art reste un enchantement. Ne boudons pas notre plaisir…

« Amour et inspiration » de Vladimir Fédorovski est publié aux éditions Balland.

Philippe Chauveau
Bonjour Vladimir Fédorovski,

Vladimir Fédorovski
Bonjour !

Philippe Chauveau
Quel plaisir de vous retrouver pour ce nouveau titre aux éditions Balland, "Amour et inspiration, Muses, artistes, collectionneurs" dont nous allons parler dans un instant. On va revenir sur votre parcours. J'ai l'impression que vous faites un peu partie de la famille. 55e titre, ce qui veut dire qu'il y a forcément un livre de Vladimir Fédorovski dans toutes les bibliothèques de France et de Navarre. Quand vous vous replongez un peu en arrière, quelles sont les images qui reviennent sur tous ces livres que vous avez commis ?

Vladimir Fédorovski
C'est lié avec les visages, les visages des gens que j'ai connu, qui sont en fait dans les livres, les grands artistes. J'ai eu la chance de connaître très bien Dali, Aragon, les muses, Chagall dans ce livre aussi, les gens comme ça. Et puis, évidemment, j'ai connu un grand changement. La fureur de l'histoire aussi. Ça a changé ma vie.

Philippe Chauveau
J'ai l'impression qu'il y a peut être deux Vladimir Fédorovski. C'est que d'un côté, vous parlez de toutes ces grandes personnalités que vous avez côtoyées, personnalités du monde des arts, personnalités du monde de la politique. On rappelle que vous avez été attaché d'ambassade pour l'U.R.S.S. Et puis après, il y a tous ces autres personnages, les anonymes que vous côtoyez lorsque vous allez sur les salons, lorsque vous allez en librairie. Et c'est aussi un peu pour eux, j'imagine, que vous écrivez. C'est parce que vous avez envie de transmettre, de partager, eux aussi, il comptent dans votre vie.

Vladimir Fédorovski
Vous savez, je suis très francophile et je fais consciemment, c'est un grand risque par les temps qui courent, les gens aiment les livres tristes, suicidaires et moi j'ai constaté dans ce contexte que les gens demandent aussi un peu de lumière et avec mes livres, notamment avec ce dernier, j'ai essayé d'apporter le livre qui nous porte vers la lumière, amour, mystère, évasion.

Philippe Chauveau
Je vais néanmoins vous interroger un peu sur la politique. On va revenir dans ce cadre là. Et puis après, on reparlera d'amour et d'inspiration. Les relations franco-russes ne sont pas forcément au meilleur de leur forme. Vous qui avez connu la guerre froide, vous observez aussi le monde d'aujourd'hui. Que vous inspire-t-il, ce monde ?

Vladimir Fédorovski
Vous êtes très pertinent parce qu'une des raisons de l'existence de ce livre, c'est mon grand, ma grande inquiétude. Je pense qu'on vit un des moments les plus dangereux de l'histoire de l'humanité. Et aussi, on assiste à une sorte de rupture entre la Russie, la civilisation russe, pas Poutine, pas Macron, la civilisation russe et la civilisation française, c'est quelque chose de très grave. Moi, je suis francophile. Je pense qu'il faut renouer le dialogue et la meilleure manière de dialoguer c'est par l'art, par les artistes ou il y a l'affinité civilisationnelle.

Philippe Chauveau
Ça veut dire que la culture sauve de tout, selon vous ?

Vladimir Fédorovski
Evidemment, évidemment, c'est absolument incontestable. C'est mon grand réconfort et ça me donne la chance de rencontrer, on se connaît depuis longtemps, les grands intervieweurs que vous êtes, les gens qui sont passionnés de l'art. Vous savez, ce n'est pas pour vendre, c'est pour nous réconforter qu'on écrit les livres.

Philippe Chauveau
Justement, Vladimir, lorsque vous même n'êtes pas en train d'écrire, que vous prenez les livres de vos de vos petits camarades, quel lecteur êtes vous ? Qu'aimez vous prendre comme littérature ?

Vladimir Fédorovski
Vous savez, j'adore les français et j'adore les Russes. Et évidemment, ces derniers temps, je suis très porté sur la poésie. Les Russes, ils vivent dans la poésie, entre Pouchkine, Bounine, le premier prix Nobel, Trotski, vous avez un grand choix.

Philippe Chauveau
Mais aujourd'hui, d'ailleurs, existe-t-il une vie littéraire russe?

Vladimir Fédorovski
Bien sûr.

Philippe Chauveau
Que vous suivez ?

Vladimir Fédorovski
Mais vous savez, je vais vous dire il y a un autre danger parce que cet esprit de médiocrité et souvent ce côté inculte des médias et aussi du monde politique, nous pousse vers une sorte d'arrogance envers les autres. Et ça, c'est une très mauvaise chose. Quand vous lisez mon livre ou quand vous voyez cette exposition aujourd'hui, à Louis Vuitton, Morozov. Vous entrez et vous vous posez une question simple : vous voulez vous priver de Tolstoï de ces grands artistes, de Diaghilev ? Pourquoi cette rupture ? Et réciproquement, les Russes sont très portés vers la France. Heureusement, peut-être que ça peut sauver l'Europe. Parce que, les Russes ne désirent pas du tout aujourd'hui ni l'Europe, ni l'Occident, ils pensent que il est en train de s'islamiser, qu'il a trahi ses valeurs judéo-chrétiennes. Et évidemment, dans ce contexte, le seul salut, ce que vous avez bien senti, c'est le dialogue avec la culture.

Philippe Chauveau
Si vous deviez peut-être d'un mot définir ce qui vous motive à prendre la plume, c'est votre cinquième 55ème titre, et j'ai l'impression qu'il y a quand même toujours un fil rouge, un dénominateur commun, que diriez vous de votre travail d'auteur ?

Vladimir Fédorovski
L'amour, l'amour de la France, l'amour de la culture russe, cela va sans dire. Et aussi, cette chance que j'ai, je suis évidemment amoureux de ces gens là que j'ai connus. Les conversations avec Dali, Chagall... Tout ça, c'est tellement extraordinaire. Alors quand j'ai dit amour et inspiration, j'ai parlé évidemment de moi même aussi.

Philippe Chauveau
C'est ce formidable livre dans lequel nous allons plonger, Vladimir Fédorovski, "Amour et inspiration, Muses, artistes, collectionneurs". Votre actualité chez Balland.

Philippe Chauveau
Ce livre, Vladimir Fédorovski, vous l'avez construit en trois parties, en trois parties bien distinctes et la première partie vous concerne plus précisément. C'est la première partie dans laquelle j'ai l'impression que vous levez un peu le voile parce que, souvent, vous avez raconté votre vie et votre parcours, vos relations diplomatiques dans des interviews dans la presse. Mais c'est peut être la première fois que vous parlez avec autant de sincérité de vous dans un livre. Pourquoi cette première partie de cet opus était elle aussi importante ?

Vladimir Fédorovski
Je vais vous dire, je voulais construire ce livre à partir de mes impressions et je dois expliquer pourquoi j'ai connu Chagall, pourquoi j'ai connu Dali, pourquoi j'ai connu ces grands artistes du 20ème siècle. Alors au début, j'étais attaché culturel. À 27 ans, vous ne pouvez pas vraiment imaginer ce que c'est d'être attaché culturel russe à l'époque, à Paris, quand les Russes ont été Bolchoï, les grands artistes ont été là. J'étais tellement passionné. Vous comprenez, c'est une sorte d'hommage aussi à la France que j'aime. Pour moi, c'était important d'expliquer pourquoi, comment j'ai fait tout ça. Ça donne des clés pour déchiffrer tout mon parcours.

Philippe Chauveau
Justement, il y a cette première partie que nous venons d'évoquer, Le roman de ma jeunesse. C'est ainsi que vous l'avez titré. Et puis ensuite, vous allez nous parler du roman de l'inspiration et de l'inspiration des collectionneurs. Ce qui va nous permettre de retracer à la fois une grande partie de la Russie et de l'URSS à travers ces grands artistes et ceux qui les ont inspirés. Alors, comment avez-vous travaillé pour sélectionner les personnages que vous allez faire entrer en scène ?

Vladimir Fédorovski
C'était d'une simplicité proverbiale. J'ai choisi les gens que j'ai mieux connus. Vous savez, ce livre vous apporte la lumière et le réconfort mais ces gens ont apporté l'amour et le réconfort. Et après, je me suis dit : qui m'a influencé le plus ? Il y a une image qui entre dans le livre. Vous connaissez ce visage par cœur. Elle est présente dans tous les musées du monde. Elle s'appelait Lydia. C'était une inspiratrice de Matisse pendant 30 ans. Matisse lui a donné pour chaque anniversaire un tableau, un dessin. Vous savez combien ça coûte ? Elle aurait dû être milliardaire et elle n'a laissé rien pour elle. Elle a donné ça aux musées du monde entier, essentiellement au musée Pouchkine. Et vous entrez dans les musées, entrez dans le Centre Pompidou. Vous vous souvenez, cette dame, avec les chemisiers brodés avec les yeux bleus sans fond ? Extraordinaire, Lydia. Tout le monde connaît, peu de gens connaissent son vrai parcours. Vous savez, derrière le tableau, il y a chaque fois pourquoi j'ai joué ça. L'exposition de la Fondation Vuitton, Morozov. Derrière chaque tableau, il y a une histoire.

Philippe Chauveau
J'aimerais que vous nous rappeliez justement Vladimir, que ce livre, il est à mettre en parallèle de cette exposition que vous évoquez à la Fondation Vuitton. Pourquoi cette exposition est elle en parallèle de ce livre ?

Vladimir Fédorovski
Je vais vous dire l'exposition, c'est l'exposition du siècle. Ça s'appelle Les icônes de l'art moderne. Il y a quatre ans, il y avait Chtchoukine. Il y avait deux collectionneurs qui ont fait le meilleur Matisse, meilleur Picasso, meilleur Cézanne, etc. Il y en avait deux. Ils sont des rivaux. C'est absolument les mêmes niveaux. Il y a quatre ans, c'était Chtchoukine, aujourd'hui, c'est Morozov. Il y avait deux frères qui avaient un flair, ils achetaient avant tout le monde. Mais simplement, sachez que c'est l'exposition du siècle. J'espère bien que troisième exposition il y aura autour des Ballets russes, puisqu'ils ont été tous là, Picasso, Dali en plus, comme d'habitude, comme dans cette affaire, c'était l'art total. Parce qu'il n'y avait pas de séparation entre le génie pictural, la littérature, la poésie, mais aussi il y a beaucoup de choses qui se sont passées dans les coulisses, comme une histoire d'amour avec la première femme de Picasso, Olga Picasso.

Philippe Chauveau
On ne va pas tout dévoiler. En tout cas, il y a cette exposition qui est intéressante à voir jusqu'à la fin de l'année 2021.

Vladimir Fédorovski
Vous savez, si vous me permettez, je suis d'accord avec vous. Le mot intéressant, ce n'est pas le mot. C'est une exposition sublime.

Philippe Chauveau
Donc, il y a cette exposition sublime à aller découvrir jusqu'à la fin de l'année. Et puis le livre, qui est bien plus aussi, puisque il dévoile quelques secrets de ses relations entre les artistes. Leurs inspirations, leurs muses. Et puis, ces fameux collectionneurs, et je le disais en préambule, l'avantage, c'est que vous abordez plusieurs courants artistiques, vous nous présenter plusieurs artistes et vous retracez plusieurs décennies aussi de la vie culturelle et artistique russe à travers ce livre. Avez-vous eu des fois l'envie, Vladimir, d'être vous aussi un artiste ? De prendre le pinceau, par exemple ?

Vladimir Fédorovski
Vous savez, quand on fait pour vous dire la vérité, vous connaissez mes livres. Mes livres c'est non seulement cinématographique, mais c'est très pictural. Vous comprenez, quand je fais ça, je peins. Vous vous souvenez ma collection "Le roman de ..." Pourquoi le roman ? Parce que j'écris la réalité comme un roman, c'est très pictural.

Philippe Chauveau
Vous peignez avec les mots ?

Vladimir Fédorovski
C'est vrai.

Philippe Chauveau
Une bonne définition de l'écriture de Vladimir Fédorovski. C'est votre actualité, c'est aux éditions Balland. On va parler de Picasso, de Matisse, de Lydia, de Chagall et de cette collection Morozov. "Amour et inspiration, muses, artistes et collectionneurs". C'est l'actualité de Vladimir Fédorovski. Merci beaucoup.